Château inc. (Le) c. Niro
no. de référence : 500-09-018412-080
Château inc. (Le) c. Niro 2009 QCCA 2314COUR D’APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE
MONTRÉAL
N° : 500-09-018412-080
(500-17-038847-078)
DATE : Le 30 novembre 2009
CORAM : LES HONORABLES PAUL-ARTHUR GENDREAU, J.C.A.
JACQUES DUFRESNE, J.C.A.
LISE CÔTÉ, J.C.A.
LE CHÂTEAU INC.
APPELANTE - Défenderesse
c.
FRANCO NIRO
INTIMÉ - Demandeur
ARRÊT
[1] LA COUR; - Statuant sur l’appel d’un jugement rendu le 10 janvier 2008 par la Cour supérieure, district de Montréal (l'honorable Derek A. Guthrie) qui a fait droit à la requête pour jugement déclaratoire de l'intimé et conclu que l'appelante est tenue de permettre à l'intimé, à la seule discrétion de ce dernier, d'exercer ses options d'achat d'actions durant la période du délai de congé;
[2] Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré ;
[3] Pour les motifs du juge Dufresne, auxquels souscrivent les juges Gendreau et Côté;
[4] ACCUEILLE l'appel, avec dépens;
[5] INFIRME le jugement dont appel; et
[6] REJETTE la requête pour jugement déclaratoire de l'intimé, avec dépens.
PAUL-ARTHUR GENDREAU, J.C.A.
JACQUES DUFRESNE, J.C.A.
LISE CÔTÉ, J.C.A.
Me Alexandre W. Buswell et
Me Robert Bonhomme
Heenan Blaikie
Avocats de l'appelante
Me David Assor
Merchant Law Group LLP et
Me L. Michael Blumenstein, Conseil
Spiegel, Sohmer Inc.
Avocats de l'intimé
Date d’audience : Le 3 novembre 2009
MOTIFS DU JUGE DUFRESNE
[7] L'appelante se pourvoit contre un jugement déclaratoire de la Cour supérieure qui détermine comme date de terminaison de l'emploi de l'intimé la fin du préavis de terminaison du contrat de travail (délai de congé) et conclut, en conséquence, que l'appelante est tenue de permettre à l'intimé, à la seule discrétion de ce dernier, d'exercer ses options d'achat d'actions durant la période du délai de congé.
[8] La difficulté d’interprétation soulevée par l’intimé pour justifier sa requête en jugement déclaratoire a essentiellement trait à la détermination de la date de terminaison de son emploi, l’appelante soutenant que cette date est celle où l’intimé a cessé de fournir sa prestation de travail, soit le 9 juillet 2007, et l’intimé étant d’avis que cette date correspond plutôt à la fin du délai de congé, soit le 29 juin 2008, ce qui emporterait son droit d'exercer les options venues à échéance durant la période du délai de congé. Voilà la question soumise au juge de première instance, comme en font foi les extraits suivants de la requête introductive d’instance de l’intimé :
[35] It is clear that Plaintiff and Defendant do not agree regarding the interpretation to be given to the Employment Agreement, concerning the date of termination of Plaintiff's employment and his right to exercise his Options during the twelve (12) month notice period commencing June 29, 2007 and ending June 29, 2008;
[36] Accordingly, Plaintiff has an interest to have determined, for the resolution of a genuine problem, his rights pursuant to the Employment Agreement, and particularly he is well and truly entitled to ask that this Honourable Court declare that in accordance with the Employment Agreement dated November 30, 2005, Exhibit P 3, the date of termination of Plaintiff's employment is June 29, 2008, so that Defendant is obliged to respect and do all things necessary to permit Plaintiff in his sole discretion to exercise his stock Options and to purchase :
a) 40,000 Class A Subordinate Voting Shares of Defendant, on or after December 9, 2007, at the price of $11.75 per share; and
b) 40,000 Class A Subordinate Voting Shares of Defendant, on or after May 9, 2008, at the price of $7.62 per share;
[9] Le juge de première instance recherche, dans l'intention des parties au moment de la formation du contrat d'emploi et dans l'interprétation que les parties lui auraient donnée après l'envoi du préavis, la réponse à la question qui lui est posée. Il en vient à la conclusion que la date de terminaison du contrat est celle de la fin de la période du délai de congé prévue par le contrat, et ce, sans égard au fait que l'intimé a cessé de travailler le 9 juillet 2007 selon la volonté de l'employeur. Ceci permettrait à l'intimé, selon lui, d'exercer ses droits d'options. L'analyse du juge est largement influencée par la prémisse suivante :
[33] Whether or not Plaintiff actually performs work for Defendant during the twelve-month notice period is not, in itself, determinative of whether or not Plaintiff's employment has been terminated. As Justice Pigeon states in the Guardian case, the terms of a contract must be "ascertained from all the relevant facts" not just the language of the Employment Agreement.
(Je souligne)
[10] Avec égards, cette prémisse, dans le contexte de la présente affaire, est erronée. Il est nécessaire à une bonne compréhension du pourvoi de bien situer la relation des parties.
[11] Les parties ont conclu un contrat de travail le 30 novembre 2005, par lequel les services de l'intimé étaient retenus à titre de vice président principal du secteur de la chaussure à partir du 1er janvier 2006 pour une durée indéterminée. Les termes du contrat de travail ont fait l'objet d'une négociation entre l'appelante et l'intimé, ce dernier ayant pu bénéficier des conseils d'un avocat avant d'y apposer sa signature.
[12] En contrepartie de sa prestation de travail, l'intimé recevait un salaire (275 000 $ par année) et divers bénéfices mentionnés au paragraphe 4 du contrat de travail, dont un programme d'assurances médicale et dentaire, une prime de performance (bonus), des vacances, le remboursement de certaines dépenses, incluant une allocation mensuelle pour l'utilisation d'une automobile, ainsi qu'un programme de levée d'options pour l'achat d'actions de la compagnie. Une convention distincte, en date du 9 décembre 2005, prévoit les termes et conditions de ce programme d'options d'achat d'actions (ci-après, la «Convention»).
[13] Le 29 juin 2007, l'appelante donne à l'intimé un préavis de terminaison d'emploi de 12 mois. Elle choisit de ne pas faire travailler l'intimé durant la période du préavis, sauf pour une courte période de transition devant prendre fin le 12 juillet 2007. Par ailleurs, il est acquis aux procédures qu'il s'agit d'un congédiement sans cause.
[14] Constatant que l'intimé était d'avis que la date de terminaison d'emploi coïncidait plutôt avec la fin de la période de 12 mois du préavis, soit le 29 juin 2008, l'appelante demande alors à celui ci de quitter les lieux de l'entreprise dès le matin du lundi 9 juillet 2007. À compter de cette date, l'intimé n'a plus fourni de prestation de travail.
[15] L'appel consiste à déterminer si, durant la période du préavis, l'intimé avait droit, comme le juge de première instance l'a déclaré dans les conclusions du jugement dont appel, d'exercer les options consenties en vertu de la Convention. La date de la terminaison d'emploi de l'intimé constitue l’élément central du pourvoi, puisque cette question est l’assise même de sa procédure déclaratoire.
[16] Plutôt que d’intenter un recours en dommages contre son employeur en alléguant le caractère déraisonnable du délai de congé ou l’insuffisance de l'indemnité en tenant lieu, l’intimé a recherché un jugement déclaratoire pour faire reconnaître son droit d’exercer les options venues à échéance durant la période du délai de congé. L’essentiel de son recours déclaratoire est fonction de la détermination de la date de terminaison de son emploi. En somme, la proposition de l'intimé est la suivante : comme son emploi s’est terminé à la fin du délai de congé, il a droit à un jugement déclaratoire confirmant son droit d’exercer les options prévues à la Convention durant l’année du préavis, et ce, même si cette période est révolue au moment du prononcé du jugement.
[17] Le paragraphe 5 (c) du contrat de travail liant les parties consacre le droit de l'employeur de rompre sans cause le lien d'emploi moyennant un préavis de 12 mois, tout en laissant à la discrétion de l'employeur le droit de décider s'il demande à l'intimé de demeurer au travail et d'exécuter ses tâches durant le délai de congé. Cette clause de préavis ou d'indemnité en tenant lieu est ainsi rédigée :
5. Conditions
(c) Subject to paragraph (e) below, If your employment is terminated by the Company other than for Cause (as defined below), the Company will provide you with prior written notice of 12 months. Whether or not you work during such notice period will be at the sole discretion of the Company. If you do not work during such notice period, you will be entitled to receive an amount equal to your salary for such notice period payable in accordance with the practice of the Company with respect to the payment of salaries in effect at such time. Any such amount to be received by you during such notice period shall be reduced by any salary, remuneration or compensation of any type and in any capacity received directly or indirectly by you from a third party for services rendered during such notice period. Notwithstanding the foregoing, in the case of your death, your employment shall terminate automatically without any severance, damages or indemnity payable. In the event that you become ill or substantially incapacitated so as to prevent you from properly and continuously performing your full duties to the Company for any uninterrupted period in excess of 60 days, the Company may elect to terminate your employment without any severance, damages or indemnity payable.
[18] Par ailleurs, le paragraphe 7.2 de la Convention de l'appelante précise en ces termes les modalités d'exercice des options en cas de terminaison d'emploi :
7.2 In the event that the employment of the Optionee or provision of services is terminated otherwise than by reason of death or for cause or in the event that the optionee ceases to be a director otherwise than by reason of death, removal or disqualification by law, the option or the unexercised portion thereof may be exercised by the Optionee for that number of shares only which the Optionee was entitled to acquire under the option pursuant to paragraph 6.1 at the time of such termination or cessation. Such option shall only be exercisable within 90 days after such termination or cessation or prior to the Expiry Date, whichever occurs earlier.
[19] La terminaison d'emploi de l'intimé est donc tributaire, en vertu de son contrat de travail, de la décision unilatérale de l'appelante. Le contrat de travail comme la Convention ne permettent pas d'exercer par anticipation, à la date de terminaison de l'emploi à la suite d’un congédiement sans cause, les options qui lui ont été octroyées, mais qui ne sont pas encore venues à échéance. C'est ce qui se dégage tant du paragraphe 7.2 ci-dessus que de la lettre de l'appelante du 6 mai 2005 confirmant l'embauche de l'intimé. L'extrait suivant de cette lettre en témoigne d'ailleurs :
Stock options: […] The options will be subject to the terms of the Stock Option Plan as it is to be amended at the annual meeting of Le Château's shareholders, including only unvested options becoming null and void in the event of the termination of your services as a consultant or of your employment as set forth in the Plan and vested options having to be exercised within specified periods from termination.
[20] Le régime de terminaison d'emploi prévu au paragraphe 5 (c) du contrat de travail s’harmonise avec les dispositions pertinentes du Code civil du Québec.
[21] En droit civil, les parties à un contrat de travail à durée indéterminée peuvent y mettre fin unilatéralement. Les articles 2091 et 2092 du Code civil du Québec énoncent les règles applicables en pareil cas :
Art. 2091. Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l'autre un délai de congé.
Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l'emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s'exerce et de la durée de la prestation de travail.
Art. 2092. Le salarié ne peut renoncer au droit qu'il a d'obtenir une indemnité en réparation du préjudice qu'il subit, lorsque le délai de congé est insuffisant ou que la résiliation est faite de manière abusive.
[22] L'article 2091 C.c.Q. consacre le droit de mettre fin sans motif à un contrat de travail à durée indéterminée, en donnant un préavis ou délai de congé raisonnable.
[23] Le fait de prévoir dans un contrat de travail les modalités du délai de congé, comme c'est le cas du paragraphe 5 (c), n'est pas contraire à l'ordre public. Cependant, la renonciation à recevoir un délai de congé raisonnable l'est. En ce sens, l'article 2092 C.c.Q. est une disposition d'ordre public de protection, comme l'a d'ailleurs décidé la Cour suprême dans l'arrêt Isidore Garon Ltée . La nullité de contrat qu'emporte cette renonciation n'est toutefois que relative (art. 1419 C.c.Q.) et non absolue.
[24] Par ailleurs, le fait de prévoir dans un contrat de travail les modalités de l'indemnité tenant lieu de délai de congé dans le cas où l’employé n’est pas requis d’exécuter sa prestation de travail durant la période du délai de congé est conforme aux dispositions du Code civil, dans la mesure, toutefois, où le délai de congé est raisonnable. Cette indemnité est généralement fonction de la rémunération que le salarié aurait reçue s'il avait fourni sa prestation de travail durant la période du délai de congé, sujet à l'application du principe de la minimisation des dommages. D'avis que le délai de congé est déraisonnable ou que l'indemnité pour en tenir lieu est insuffisante, le salarié peut exercer un recours en dommages (art. 2092 C.c.Q.).
[25] Deux arrêts rendus par la Cour en 2004, dans Nurun c. Deschênes et dans Hemens c. Sigvaris Corp. , situent bien l'encadrement juridique qui prévaut en droit civil en matière de congédiement sans cause dans le cas d'un contrat à durée indéterminée. Il s'agit dans ces deux affaires de pourvois à l'encontre de jugements qui ont fait droit à des recours en dommages à la suite de congédiements sans cause.
[26] Dans l'arrêt Nurun, « [l]'appel se limite à l'évaluation de l'indemnité à laquelle l'intimé a droit, à la suite de son congédiement sans cause par l'appelante. » , et porte notamment sur le droit d'exercer des options venant ou venues à échéance durant le délai de congé. Dans l'arrêt Hemens, précité, l'appel principal de l'employé concernait un recours en dommages de nature extracontractuelle rejeté en première instance (appel rejeté), alors que l'appel incident de l'employeur consistait pour l'essentiel à « [...] décider si, dans les circonstances de l'espèce, le délai de congé contractuel négocié par l'appelante lui était opposable. » , les intimés ayant par ailleurs « […] concédé que le délai accordé par le juge de première instance pouvait être qualifié de raisonnable aux termes de l'article 2091 C.c.Q. » .
[27] Dans l'arrêt Nurun, précité, ma collègue la juge Thibault explique les principales caractéristiques des règles applicables en matière de cessation ou terminaison d'emploi :
[43] Premièrement, la cessation de l'emploi d'un salarié dépend de la décision unilatérale de son employeur, comme l'énonce l'auteur Robert P. Gagnon : « L'article 2094 C.c.Q. permet à une partie de résilier unilatéralement […] un contrat de travail […]. Sans égard à leur légalité, la décision du salarié de mettre fin unilatéralement au contrat de travail constitue une démission et celle de l'employeur un congédiement (ou licenciement) » [référence omise]. Seul un examen factuel permet de déterminer à quel moment la relation contractuelle a réellement pris fin, c'est-à-dire à quel moment la décision de l'employeur a pris effet. En conséquence, c'est à bon droit que la juge de première instance a examiné les circonstances entourant la décision de l'appelante pour décider que la date concrète du congédiement de l'intimé coïncidait avec le 7 avril 2000. La prestation de travail de l'intimé s'est terminée, ce jour-là, et l'appelante a cessé de lui verser sa rémunération, également ce jour-là.
[44] Deuxièmement, la fonction du « délai-congé » n'est pas nécessairement celle que lui prête l'appelante, c'est-à-dire de prolonger le contrat de travail. Des nuances doivent être apportées. Selon les règles usuelles applicables en cas de cessation d'emploi, un employeur ne peut mettre fin à une relation de travail à durée indéterminée sans donner au salarié un préavis raisonnable (art. 2094 C.c.Q.), c'est-à-dire en le prévenant suffisamment à l'avance pour lui permettre de trouver un travail adéquat. S'il fait défaut d'aviser son salarié en temps opportun, en prenant en compte la nature de l'emploi, les circonstances particulières dans lesquelles il s'exerce, la durée de travail etc. (art. 2091 C.c.Q.), l'employeur est passible de dommages-intérêts, en réparation du préjudice causé (art. 1607 C.c.Q.). Donc, ou bien l'employeur avise l'employé suffisamment à l'avance de la fin de son emploi et alors la relation contractuelle se poursuit jusqu'à cette date ou bien l'employeur met fin sans avis à la relation contractuelle et alors celle-ci est rompue en conférant au salarié le droit d'être indemnisé. En l'espèce, c'est cette dernière avenue qui a été privilégiée par l'appelante. Au lieu de respecter les obligations qu'elle avait contractées, elle a choisi de congédier l'intimé sans cause et sans préavis. Elle ne peut plus maintenant jouir des avantages qui auraient pu résulter de la situation où elle aurait respecté ses obligations et donné à l'intimé un préavis raisonnable.
[28] Le caractère raisonnable du délai de congé, maintes fois cause de litiges résolus dans le cadre d’actions en dommages, n’est toutefois pas l'objet de la procédure en jugement déclaratoire de l’intimé. La qualification du caractère raisonnable du délai de congé ou de la suffisance de l'indemnité qui en tient lieu est fonction de la preuve administrée dans le recours en dommages et relève ultimement de l'appréciation des tribunaux .
[29] L'intimé n'a pas intenté de recours en dommages pour délai de congé déraisonnable ou pour l'insuffisance de l'indemnité en tenant lieu. Sa procédure est plutôt centrée sur la date de terminaison de son emploi aux fins de faire déclarer par la Cour supérieure, si cette date correspond à la fin du délai de congé, qu'il a le droit d'exercer les options d'achat d'actions venues à échéance durant la période du délai de congé.
[30] Comme l'explique l'arrêt Nurun , précité, la date de terminaison de l'emploi coïncide généralement avec la fin de la période du préavis, à moins que le contrat de travail soit rompu plus tôt. Or, comme la prestation de travail est une caractéristique essentielle du lien d'emploi, la décision de l'employeur de ne plus requérir de prestation de travail de la part de son employé congédié ou licencié emporte la terminaison du contrat de travail, et ce, bien que l'employé puisse avoir droit au délai de congé mentionné au contrat lui même ou, en l'absence de modalités contractuelles, à celui que garantit la loi.
[31] Pour décider de la date de terminaison du contrat d'emploi de l'intimé aux fins de déterminer s'il jouissait du droit d'exercer les options d'achat d'actions venues à échéance durant la période du délai de congé, le juge de première instance a recherché l'intention des parties au moment de la signature du contrat de travail. Pourtant, le contrat liant les parties ne souffre d'aucune ambiguïté à cet égard.
[32] En effet, le préavis de terminaison d'emploi doit être, aux termes du paragraphe 5 (c), de 12 mois. Si l'appelante choisit de demander à l'intimé de ne pas se présenter au travail, le contrat prescrit qu'une indemnité équivalant au salaire (« an amount equal to your salary ») est payable pour toute la période du délai de congé, selon les modalités et pratiques en vigueur au moment de l'envoi du préavis.
[33] Bien que le paragraphe 4 du contrat de travail donne une définition des mots « Salary and Benefits » et énumère les bénéfices autres que le salaire conférés à l'intimé, dont un régime d'options d'achat d'actions, les parties conviennent au paragraphe 5 (c) que l'indemnité à laquelle aura droit l'intimé durant la période du délai de congé, s'il ne fournit pas de prestation de travail, est égale au « salary ». Les parties utilisent le mot salary au lieu du terme plus général de remuneration. Elles auraient pu tout autant utiliser l'expression « Salary and Benefits », mentionnée au paragraphe 4 du contrat, mais elles s'en sont tenues à « salary », lequel terme est défini au contrat et n'englobe pas les autres bénéfices auxquels l'intimé a droit en vertu du contrat de travail. Le salaire n'est sans doute qu'une composante de la rémunération de l'intimé lorsqu'il fournissait sa prestation de travail, mais le recours intenté par l'intimé n'en est pas un par lequel il recherche des dommages pour compenser l'insuffisance de l'indemnité tenant lieu de délai de congé.
[34] L'intimé admet que l'appelante ne voulait pas qu'il travaille et qu'elle lui a demandé de cesser de travailler à compter du 9 juillet 2007. D'ailleurs, le communiqué de presse de l'appelante, approuvé par l'intimé, est clair : l'intimé quitte son emploi à cette date. Comme il est mis fin à l'emploi de l'intimé avant la fin de la période du délai de congé de 12 mois, les stipulations du paragraphe 5 (c) du contrat de travail prescrivant les modalités, dont l'indemnité y mentionnée, au cas de rupture ou terminaison de contrat prenaient effet.
[35] La détermination de la date de terminaison d'emploi pouvait avoir une incidence sur l'exercice des options d'achat d'actions. Dans l'arrêt Nurun, précité, notre collègue la juge Thibault écrit que « [s]eul un examen factuel permet de déterminer à quel moment la relation contractuelle a réellement pris fin, c'est à dire à quel moment la décision de l'employeur a pris effet » . Il s'agit d'une question de fait ou, à la limite, d'une question mixte de droit et de fait, mais dans les deux cas, la norme d'intervention pour une cour d'appel est la même, soit celle de l'erreur manifeste et dominante .
[36] Le jugement dont appel comporte une erreur justifiant l'intervention de la Cour, puisque le juge conclut que la date de terminaison du contrat de travail est celle de la fin du délai de congé, et ce, même si l'intimé a cessé de travailler le 9 juillet 2007 à la demande de l'appelante. La date où s'est terminé son emploi chez l'appelante est donc le 9 juillet 2007. Vu sous cet angle, l'intimé n'avait pas droit d'exercer les options non encore à terme à cette date. Cette erreur aurait dû emporter le rejet des conclusions recherchées par l'intimé dans sa requête pour jugement déclaratoire.
[37] Le paiement volontaire effectué par l'appelante à l'intimé, durant quelque temps après la terminaison de son contrat de travail, de certains des bénéfices associés à sa rémunération, tels le paiement de la prime d'assurances et l'allocation de dépenses reliées à l'usage d'une automobile, n'est ni une reconnaissance que l'indemnité à laquelle il a droit pour compenser la perte du bénéfice du délai de congé comprend tous les bénéfices auxquels il avait droit lorsqu'il occupait son emploi ni ne crée d'obligations que le contrat ne prescrit pas par ailleurs. Il se peut, toutefois, que le délai de congé donné par l'appelante ou l'indemnité pour en tenir lieu ne soit pas raisonnable ou suffisant au sens de l'article 2091 C.c.Q., mais cela est une tout autre question, non abordée par l'intimé dans son recours déclaratoire.
[38] Bien que le caractère raisonnable du délai de congé ou la suffisance de l'indemnité en tenant lieu ne soit pas l’objet du recours déclaratoire exercé par l’intimé, il peut être utile de mentionner que l’aurait-il été, que cela aurait exigé une preuve non seulement de la faute contractuelle, mais aussi du préjudice, en établissant l’évaluation de la perte économique subie par l'intimé du fait d'avoir été privé, le cas échéant, de la possibilité d'exercer ses options. Cet exercice, si tant est qu’il pût être réalisé par la voie procédurale du jugement déclaratoire en vertu de l'article 453 C.p.c., ce qui n’est pas évident, requérait une preuve, qui n’a pas été administrée ici.
[39] En bref, une fois la date de terminaison établie à la fin de la prestation de travail de l'intimé, soit le 9 juillet 2007, et non à la fin de la période du préavis, la requête pour jugement déclaratoire de l’intimé devait être rejetée, d'autant que le contrat de travail ne comportait pas de clause permettant l'exercice par anticipation des options venant à échéance durant le délai de congé. Le pourvoi doit donc être accueillie et le jugement dont appel infirmé en conséquence.
JACQUES DUFRESNE, J.C.A.