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Éric Dion c. Municipalité de Piedmont

no. de référence : 2009 QCCRT 0208

COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)



Dossier :
107236

Cas :
CM-2008-4343



Référence :
2009 QCCRT 0208



Montréal, le
11 mai 2009

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DEVANT LA COMMISSAIRE :
Arlette Berger, juge administratif

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Éric Dion



Plaignant

c.



Municipalité de Piedmont



Intimée





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DÉCISION

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[1] Le 23 juillet 2008, monsieur Éric Dion, dépose une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q. c. N-1.1. Il soutient avoir été congédié sans cause juste et suffisante par son employeur, la Municipalité de Piedmont (la Municipalité), le 13 juin précédent. Il réclame le salaire perdu et sa réintégration.

[2] La Municipalité admet que le plaignant satisfait aux exigences du recours. Elle soutient toutefois avoir congédié le plaignant pour une cause juste et suffisante, à savoir son rendement insuffisant et son comportement fautif. Elle s’oppose à sa réintégration, si le congédiement est annulé.

[3] La Commission doit décider du bien-fondé de la plainte et, le cas échéant, de la sanction appropriée et de la réintégration du plaignant. Il est convenu que la Commission réserve sa compétence pour décider, si nécessaire, d’autres mesures de réparation et fixer le montant des indemnités.

les faits
les parties
[4] Piedmont est une municipalité rurale dont la population double au cours de l’été. Elle passe de 2 500 à 5 000 résidents. Elle compte une quinzaine de salariés, des cols blancs et cinq cols bleus réguliers, dont deux qui ont un horaire variable. Quelques employés temporaires sont embauchés lorsqu’il y a un surcroît de travail ou pour remplacer les employés réguliers absents.

[5] La convention collective régissant ses salariés (cols bleus et cols blancs) ne prévoit pas de cumul d’ancienneté, ni d’horaires de travail pour ses employés temporaires. La Municipalité détermine leurs horaires, selon ses besoins. La convention ne prévoit pas non plus de période d’essai pour ces employés. Selon le directeur général, ils sont toujours en période d’essai et la Municipalité met fin immédiatement à leur emploi lorsqu’il y a un problème majeur. Enfin, les employés temporaires ne peuvent contester par grief les horaires de travail et les mesures disciplinaires.

[6] La Municipalité prône le travail d’équipe et l’esprit d’entraide. Elle ne veut pas de conflits entre ses employés puisqu’ils travaillent souvent ensemble. Les préposés aux travaux publics, qui sont polyvalents, peuvent être appelés à exercer toutes les tâches relevant de cette catégorie d’emploi : déneigement, menuiserie, entretien des véhicules, entretien et réparation des bâtiments et des équipements, signalisation routière, etc.

[7] Règle générale, le climat de travail est bon. Les employés sont très respectueux les uns des autres et des membres de la direction. Selon le directeur général et le directeur des travaux publics (le directeur), le plaignant est le seul employé faisant exception à cette règle.

[8] Le plaignant, Éric Dion, est préposé temporaire aux travaux publics de la Municipalité. Il relève du directeur. Il est embauché principalement pour des travaux de déneigement pendant la saison hivernale, généralement de novembre à la fin avril ou début mai, et ce, depuis novembre 2003. Il travaille également pendant une saison estivale, soit du 11 juin au 15 octobre 2006. Lors de la dernière saison hivernale, il débute le 25 novembre 2007 et termine le 18 mai 2008.

[9] Monsieur Dion travaille également sur appel au Service des incendies de St-Sauveur – Piedmont, à titre de pompier – lieutenant. Il dirige les opérations de l’équipe de pompiers. Il est appelé à travailler lors d’incendies, de déversements d’huile ou de sauvetages nautiques. Il a un horaire de garde rémunérée pendant lequel il doit rester sur le territoire desservi. La Municipalité de St-Sauveur est son employeur pour ce travail.

le déneigement
[10] Une partie importante du budget de la Municipalité est consacrée au déneigement. À chaque année, le directeur rappelle aux préposés aux travaux publics que les tâches reliées au déneigement des routes, des bornes-fontaines et des accès aux stations de pompage et à l’épandage d’abrasifs sont prioritaires.

[11] Jusqu’à l’hiver 2005-2006, un adjoint au directeur est responsable du déneigement. Lorsque des précipitations importantes sont annoncées le soir ou la nuit, il appelle au travail les employés requis pour déneiger les rues. Lorsqu’il y a des précipitations non annoncées ou qui sont plus importantes que prévu, il en est avisé par le service de police intermunicipal qui dessert trois municipalités. Dans ce cas, il peut s’écouler une heure et demie avant qu’il ne contacte les salariés et que le déneigement commence.

[12] Pendant ces hivers, monsieur Dion effectue des travaux de déneigement. Bien qu’il travaille généralement de jour pendant la semaine, il peut être appelé à travailler le soir ou le week-end, selon les précipitations. Ainsi, pendant l’hiver 2005-2006, il travaille 32 fois en dehors de l’horaire de jour.

[13] Le Municipalité reçoit depuis plusieurs années des plaintes concernant le déneigement. À la fin de la l’hiver 2006, le comité des travaux publics, constitué du directeur général, du directeur, du maire et d’un conseiller municipal, juge insuffisante la qualité des services de déneigement. Ce comité exige que des actions soient prises afin de remédier à la situation. Aussi, il est décidé qu’il y aura toujours un salarié en fonction, le soir et la nuit, sept jours par semaine et qu’un coordonnateur à l’entretien hivernal sera nommé afin d’assurer la coordination et le suivi des opérations reliées au déneigement et à l’entretien des patinoires, en dehors de l’horaire de jour. Le plaignant reconnaît que cette façon de faire, qui existe dans d’autres municipalités au Québec, améliore la qualité du service.

[14] Selon le directeur général, la Municipalité et le syndicat représentant ses salariés n’ont jamais eu l’intention d’affecter les salariés réguliers à un horaire de soir ou de nuit. Le directeur décide, comme l’y autorise la convention collective, d’affecter prioritairement des salariés temporaires à ces horaires.

[15] Au début de l’hiver 2006-2007, avant la nomination du coordonnateur, le directeur établit temporairement des horaires de soir et de nuit. Il rencontre les deux employés temporaires, le plaignant et monsieur B., afin de les informer que d’ici la nomination d’un coordonnateur, ils travailleront durant ces périodes. Il assigne le plaignant, conformément au choix effectué par ce dernier, à l’horaire de soir, soit de 16 heures à minuit, du mercredi au dimanche, et monsieur B, à l’horaire de nuit, soit de minuit à 8 heures, du jeudi au lundi matin.

[16] Le 12 décembre 2006, le comité des travaux publics constate que ce nouvel horaire est très efficace et améliore la qualité du service. Il prend la décision de le maintenir pour l’hiver. Aussi, le 13 décembre 2006, le directeur rencontre les deux préposés pour les informer du maintien de cet horaire pour tout l’hiver. Le plaignant dira qu’il se rappelle de cette rencontre mais croyait que cet horaire ne s’appliquerait que jusqu’à l’embauche du coordonnateur.

Le rendement et le comportement du plaignant
L’hiver 2005-2006
[17] Le directeur rapporte, qu’à l’hiver 2005-2006, son adjoint se plaint du fait que lorsque le plaignant a complété son circuit, il quitte son travail plutôt que de vérifier si ses services sont requis pour d’autres circuits de déneigement. Pendant les tempêtes de neige, le territoire est divisé en trois ou quatre circuits, suivant la nature des précipitations. L’adjoint déplore cette situation qui dénote, selon lui, un manque d’esprit d’équipe.

[18] Le plaignant affirme n’avoir jamais reçu de reproches à cet effet et qu’il s’est toujours rapporté après avoir terminé son circuit de déneigement. Il reconnaît toutefois qu’il est probable, lorsqu’il effectue des heures supplémentaires, qu’il avise, lors de la pause, qu’il quittera après son circuit de déneigement.

[19] Toujours pendant cet hiver, le directeur a connaissance d’un conflit entre le plaignant et un employé régulier concernant l’état des véhicules. Ce dernier considère que le plaignant est très critique et pointilleux quant à l’état de la machinerie. Monsieur Dion affirme qu’il ne s’agit pas d’un conflit, mais plutôt d’une divergence d’opinions. Cette situation ne perdure pas.

[20] Aucune lettre de reproche n’est adressée au plaignant. Le directeur ainsi que le directeur général affirment avoir une approche paternaliste. Ils tentent de régler les problèmes directement avec les employés plutôt que de faire parvenir des écrits.

L’hiver 2006-2007
[21] Le plaignant travaille maintenant de soir. Environ les deux tiers de ses tâches sont reliées au déneigement. Lorsqu’il neige ou que des précipitations sont annoncées, d’autres employés réguliers, principalement ceux à horaire variable, travaillent avec lui. Lorsqu’il ne neige pas ou qu’il n’y a pas d’activités de déneigement, le plaignant est seul au travail. Il effectue des travaux manuels (lavage, peinture, lubrification de la machinerie lourde, etc.), étant entendu que la priorité doit être donnée au déneigement manuel des bornes-fontaines et des accès aux stations de pompage.

[22] Le directeur rapporte que le coordonnateur l’a informé que monsieur Dion ne collabore pas. Une fois son circuit complété, plutôt que d’appeler son coordonnateur pour vérifier si son aide est requise ailleurs sur le territoire de la municipalité, il quitte. De plus, au niveau des travaux manuels, le plaignant accomplit moins de travail que les deux autres employés temporaires. Le directeur affirme que le coordonnateur en a avisé verbalement le plaignant à la fin du mois de novembre, ce dont le plaignant ne se rappelle pas. Le plaignant est avisé qu’à l’avenir, il ne fera de la patrouille que sur demande afin de consacrer davantage de temps aux travaux manuels qui lui sont assignés.

[23] Le directeur affirme que le plaignant a des conflits avec plusieurs employés, ce qui n’est pas le cas des autres cols bleus. Appelé à commenter ses relations avec son coordonateur, le plaignant affirme que « ce dernier a un conflit avec lui », et ce, depuis 2003, soit avant qu’il ne soit nommé coordonnateur et qu’il ne sait pas pourquoi. Il ajoute que, quant à lui, il « n’a aucun conflit avec le coordonnateur ».

[24] Monsieur Dion est en profond désaccord avec son horaire et le répète à de nombreuses reprises pendant tout l’hiver à plusieurs personnes. Il doit abandonner ses activités de hockey et voir moins souvent sa conjointe et les enfants de cette dernière, âgés de 15 et 17 ans. Il considère qu’un employé régulier à horaire variable aurait dû être affecté à l’horaire de soir. Il considère encore aujourd’hui qu’il est toujours injuste que les employés temporaires aient à assumer les quarts de travail de soir et de nuit alors que, contrairement aux employés réguliers, ils ne bénéficient pas des nombreux avantages prévus à la convention collective.

[25] Il semble convaincu qu’il y a une conspiration pour favoriser les employés réguliers à horaire variable. Il écrira, dans sa lettre du 16 avril 2007 dont il sera question un peu plus loin : « À partir de ce moment, je sorts de mes gonds et commence à dire que le conseil n’est pas correct et je suis même aller jusqu’à dire qu’ils étaient une belle bande de malhonnête et que tout cela ne concorde pas avec le code d’éthique qu’ils ont mis en place et que les citoyens devraient être avertis. » (Reproduit tel quel). Le directeur l’avertit de ne pas faire cela parce qu’il risque de perdre son emploi.

[26] Le directeur informe le comité des travaux publics du désaccord du plaignant concernant son horaire. Les membres du comité concluent que l’assignation des horaires est effectuée conformément à la convention collective. Les employés temporaires, qui ne cumulent pas d’ancienneté en vertu de la convention, sont assignés aux horaires de soir et de nuit. Quant aux employés réguliers à horaire variable, qui ont plus d’années de service que les employés temporaires, ils travaillent principalement de jour, du lundi au vendredi. Ils peuvent cependant être appelés au travail le soir ou la nuit suivant la nature des précipitations, ainsi que les week-ends lorsqu’ils n’ont pas complété 40 heures de travail.

[27] Au cours de l’hiver, la Municipalité décide d’embaucher un employé temporaire de nuit pour travailler du lundi au jeudi, afin de compléter la semaine de travail pendant la nuit, monsieur B. travaillant déjà du jeudi au lundi. Après publication de nombreuses offres d’emploi, un seul candidat compétent soumet sa candidature. Ce dernier, qui a un enfant âgé d’un an, ne peut travailler quatre nuits consécutives. Aussi, la Municipalité n’a d’autre choix, dit-elle, que de lui donner un horaire de nuit deux jours, soit les lundis et mardis et un horaire de jour, les jeudis et vendredis. Cet employé n’est pas réembauché l’année suivante. Un autre employé temporaire le remplacera, avec le même horaire.

[28] Le 22 décembre 2006, lors du dîner de Noël, le directeur présente aux employés le nouveau coordonnateur nommé par le conseil municipal. Monsieur Dion, qui affirme croire qu’il reviendrait à un horaire de jour régulier de semaine, apprend qu’il ne changera pas d’horaire pour toute la période hivernale. Selon le directeur, il devient en colère. Il crie et l’invective. Il l’accuse de mauvaise gestion, de malhonnêteté, de gaspillage de fonds publics et l’avise qu’il ne peut laisser cela sous silence. Il quitte en claquant la porte. Il déclare lors de l’audience qu’il n’était pas agressif, mais seulement frustré. Par ailleurs, lors de la rencontre du 31 août suivant, il reconnaîtra avoir été en colère et avoir attaqué l’intégrité de ses collègues et de ses supérieurs.

[29] Au retour du congé des Fêtes, monsieur Dion rencontre son directeur et s’excuse de son comportement lors du dîner de Noël. Puis, il réclame l’horaire de l’employé temporaire récemment embauché qui travaille deux nuits et deux jours par semaine, afin de pouvoir bénéficier de ses week-ends. Le directeur lui répond que ce n’est pas possible, parce qu’il ne s’agit pas de l’horaire déjà convenu avec cet employé. Le plaignant réitère qu’il subit une grave injustice en étant affecté au quart de soir et qu’il continuera à dénoncer cette situation. Le directeur lui recommande d’arrêter de critiquer et de dénigrer la Municipalité et l’informe que s’il continue, il pourrait y avoir d’éventuelles mesures disciplinaires. Le plaignant lui répond qu’il ne peut faire autrement et que, s’il se trouve un autre emploi, il quittera. À la suite de cette rencontre, il raconte à qui veut bien l’entendre qu’il est victime d’une injustice incroyable.

[30] Au début de mois de février 2007, le directeur général affirme avoir salué le plaignant et que celui-ci ne lui a pas répondu. Il informe le directeur de la situation et lui demande s’il a des problèmes avec le plaignant. Ce dernier lui répond que non, du moins pas assez importants pour les rapporter au comité des ressources humaines.

[31] Au cours de ce mois, le directeur est informé de commentaires désobligeants du plaignant à l’encontre d’un collègue de travail. Il convoque le plaignant à une rencontre. Il lui reproche d’avoir ridiculisé cet employé et d’avoir manqué de respect envers le directeur général. Il est en colère et élève le ton parce que, dit-il, le plaignant entache les relations de travail dans son service. Puis il s’excuse auprès du plaignant de s’être emporté. Le plaignant nie les faits reprochés. Il réitère qu’il est victime d’une injustice. Le directeur lui demande à nouveau de ne pas critiquer l’employeur, d’avoir une attitude plus positive et de se concentrer sur son travail.

[32] Le plaignant affirme lors de son témoignage qu’il ne se rappelle pas avoir croisé le directeur général, ni que son supérieur lui ait reproché quoi que ce soit à ce sujet. Par ailleurs, il admettra avoir ridiculisé son collègue de travail lors de la rencontre du 31 août 2007, dont il sera question plus loin.

[33] Le plaignant réitère par la suite à de nombreuses reprises au directeur son insatisfaction concernant son horaire, et ce, jusqu’à la fin de l’hiver. Ce dernier lui demande à chaque fois de cesser de dénigrer son employeur.

[34] Le 28 mars, le directeur l’avise au moment où il lui remet sa lettre de mise à pied saisonnière que, compte tenu de son comportement, il ne sera pas rappelé au travail au cours de l’été, comme ce fut le cas l’été précédent. La Municipalité, qui a décidé de ne pas retenir les services du plaignant pendant la période estivale, embauche deux employés temporaires pour la saison.

[35] À la suite de la remise de sa lettre de mise à pied saisonnière, le plaignant décide d’écrire une lettre de six pages afin de manifester son désaccord avec l’organisation du travail de déneigement et son horaire. Il a perdu des avantages et trouve cela injuste. Il ne veut plus travailler les week-ends et souhaite que tout le monde soit au courant de sa situation. Il désire par cette lettre « trouver quelqu’un supérieur à son boss qui se rendrait compte que ça avait pas d’allure » et « atteindre quelqu’un qui trouverait cela aussi injuste ». Dans cette lettre du 16 avril adressée « à qui de droit », il décrit sa situation et y ajoute certains commentaires :

... Ma blonde me dit sa sent l’arnaque et que je devrais faire attention,……Pendant ce temps chaque fois que je rencontre quelqu’un dans un endroit public ou ailleurs, et qu’on me demande comment sa va à Piedmont, je leur réponds toujours la même chose ; je suis victime d’une injustice incroyable …

… Il (son supérieur) me répète que je ne peux critiquer sans arrêt les décisions du conseil, je lui réplique que mon problème n’est pas les décisions que le conseil prend, mais bien mon horaire, car tout ce que je demande c’est de régulariser l’injustice dont je suis présentement victime, il me réplique à son tour; « tu ne va pas changer ton histoire, c’est les décisions du conseil qui fait en sorte que tu ais l’horaire que tu as et c’était ça ton problème! » C’est à ce moment que j’ai réalisé ce qui se passait, je l’ai regardé droit dans les yeux et j’ai dit « oui Robert maintenant je comprends » je venais de comprendre qu’il c’est assurer tout l’hiver de salir mon nom et de semé une telle controverse en me faisant dire des choses dans son bureau pour ensuite aller les répéter à l’hôtel de ville. …

J’espère que cette lettre aura pus vous éclairer sur la situation que j’ai vécu cet hiver, j’espère et je souhaite énormément être de retour à l’été 2007, car je ne crois pas que l’on peut euthanasie un chien jusque parce qu’il a jappé tout l’hiver pour récupérer son os que quelqu’un lui avait enlevé pour le donner à un autre.



C/C; maire, conseillé, directeur général, directeur travaux publics, président syndicale, tous les employés.

(Extraits reproduits tels quels.)

[36] Il présente d’abord cette lettre au directeur général et à son supérieur lors d’une rencontre où il est accompagné d’un représentant syndical. Lors de cette rencontre, le directeur général, qui considère cette lettre comme une attaque injustifiée contre la Municipalité, lui demande de ne pas la remettre à d’autres personnes.

[37] Parce que le directeur général ne donne pas suite à sa lettre lors de cette rencontre, le plaignant décide de la faire circuler. Il poursuit la distribution de cette lettre aux dirigeants, aux employés et aux élus municipaux. Vu les versions des faits circulant parmi les cols blancs, il veut s’assurer que tous les employés aient sa version des faits, dit-il. Il en parle également aux pompiers et au directeur du Service des incendies de la Municipalité de St-Sauveur, et même à l’épicerie et au restaurant.

[38] Le 1er mai, après avoir reçu plusieurs appels, le directeur général lui fait parvenir une lettre l’enjoignant de cesser de distribuer cette lettre qui, selon lui, dénigre sans droit la Municipalité et lui nie son droit de direction concernant les horaires de travail des employés temporaires. Le plaignant dit cesser de faire circuler sa lettre dès la réception de cette demande, tout en déclarant l’avoir déjà remise à tout le monde, ou presque.

[39] Le directeur considère que la lettre du plaignant constitue une attaque personnelle ainsi qu’une attaque contre la Municipalité. Il est d’avis que cette lettre ne reflète pas les faits et met en cause sa crédibilité et sa compétence. Aussi, le 4 mai 2007, il fait parvenir une lettre au directeur général, sans en transmettre de copie au plaignant, dans laquelle il dit rétablir les faits. Il conclut cette lettre comme suit :

Finalement, compte tenu de l’attitude et des remarques faites par M. Dion, de mon insatisfaction concernant son rendement dans la réalisation des tâches manuelles, ainsi que de son influence négative auprès des employés du service des travaux publics, je réitère ma position à l’effet qu’il serait souhaitable que nous ne fassions plus appel aux services de M. Éric Dion. Mon but n’est pas de dénigrer l’individu qu’est M. Dion mais de vous faire mes recommandations en regard de mon évaluation de M. Dion à titre d’employé au service des travaux publics de la Municipalité de Piedmont.

(Extrait reproduit tel quel)

[40] Au mois d’août, le directeur général convoque le plaignant à une rencontre concernant sa lettre du 16 avril. Cette rencontre se tient le 31 août, en présence du directeur et du représentant syndical. Lors de cette rencontre, le plaignant affirme qu’il croit toujours avoir été victime d’une injustice l’hiver précédent mais se dit prêt, le cas échéant, à accepter la position de la Municipalité de l’affecter à un horaire de soir. Il reconnaît avoir eu un comportement irrespectueux envers des collègues et la direction. Si ses services sont retenus, il s’engage à échanger normalement avec tous les préposés aux travaux publics et à ne plus ridiculiser de collègues, à ne plus se mettre en colère, ni à dénigrer et à attaquer publiquement l’honnêteté et l’intégrité des décisions de la Municipalité et de ses représentants, mais de s’adresser directement à son supérieur. Lors de cette rencontre, le plaignant est avisé qu’un rappel au travail pour la saison 2007-2008 serait sa dernière chance.

[41] À la suite de cette rencontre, la Municipalité décide d’imposer au plaignant une suspension d’une semaine. Le 1er octobre 2007, elle lui fait parvenir la lettre suivante :

Nous avons maintenant complété notre enquête relative à votre façon d’agir la saison dernière et nous désirons, par la présente, vous transmettre le résultat de celle-ci.

Le 31 août dernier, nous vous avons rencontré en présence de …, représentante syndicale, …, directeur des travaux publics et moi-même. Lors de cette rencontre, nous vous avons posé plusieurs questions afin de clarifier la situation et vous avez très bien collaboré au déroulement de cette enquête. Vous trouverez ci-joint le résumé de cette rencontre.

Néanmoins, nous ne pouvons accepter, sous aucune considération, des comportements et attitudes tels que manifestés la saison dernière. En ce sens, nous nous devons de sévir, et en tenant compte des regrets dont vous nous avez fait part, ainsi que de l’attitude positive que vous avez démontrée lors de cette rencontre, nous considérons, malgré l’importance des événements survenus, qu’une suspension d’une semaine, soit du 5 au 9 décembre 2007, vous permettra de réfléchir afin que de tels comportements et attitudes ne se reproduisent plus dans le cadre de vos fonctions.

Il va s’en dire que votre excellente collaboration lors de cette rencontre et l’intérêt que vous avez démontrés, nous permettent de vous réintégrer à titre d’employé salarié temporaire pour la saison prochaine au sein de l’équipe de déneigement de notre municipalité.

En conséquence, nous vous confirmons que vous êtes attendu au service des travaux publics le 19 novembre prochain pour l’horaire de 15 h 00 à 23 h 30.

Nous vous prions de bien vouloir nous confirmer votre retour au travail à la date et à l’heure précitées.

Accepter, Monsieur Dion, l’expression de mes salutations distinguées.

(Reproduit tel quel, à l’exception de certains noms qui sont omis)

[42] À la suite de cette lettre, le comité des ressources humaines demande au directeur de l’aviser de l’attitude de monsieur Dion et de s’assurer que l’atmosphère de travail demeure sereine et agréable.

L’hiver 2007-2008
[43] Monsieur Dion revient au travail pour la saison hivernale 2007-2008, du mercredi au dimanche, en soirée. Il dit ne plus critiquer son horaire de travail, même s’il affirme trouver toujours cela injuste. Lorsqu’il ne neige pas, il travaille seul. En cas de problèmes ou si des précipitations non prévues débutent, il doit contacter le coordonnateur qui appelle au besoin d’autres employés au travail. Selon les chutes de neige, des employés réguliers ou un employé temporaire de nuit peuvent être appelés à déneiger les routes avec lui. Par ailleurs, les mercredis et jeudis, lorsqu’il arrive au travail, il peut rencontrer les employés de jour.

[44] Chaque employé, qui est seul dans son véhicule, déneige les routes faisant partie de son circuit. Dans l’exercice de leurs fonctions, les employés peuvent être appelés à se contacter par téléphone cellulaire. Le numéro de téléphone de chaque employé est préenregistré. Monsieur Dion contacte ou est contacté une vingtaine de fois par le coordonnateur ou d’autres employés au cours de la saison.

[45] Le 10 février, le directeur est informé par le coordonnateur d’un événement impliquant le plaignant et un jeune employé (monsieur X) qui se retrouvait à la cuisine des employés la veille, en soirée. Selon les informations transmises par le coordonnateur et vérifiées par le directeur auprès de cet employé, le plaignant a affirmé à monsieur X qu’il n’avait rien à faire et qu’il ne savait pas quoi faire parce qu’il avait complété l’ensemble des tâches qui lui étaient assignées.

[46] Le directeur constate que plusieurs bornes-fontaines et les accès aux stations de pompage ne sont pas encore déneigés, alors que les listes des tâches remises aux employés, incluant le plaignant, tant avant qu’après le 9 février 2008 indiquent que ces travaux doivent être complétés. De nombreux travaux de déneigement manuels sont à faire ou à refaire, compte tenu des nombreuses précipitations depuis le début du mois.

[47] Au retour des deux jours de congé du plaignant, le directeur le rencontre et vérifie s’il a bien tenu les propos rapportés par monsieur X. Selon le directeur, le plaignant nie la tenue de ces propos mais admettra les avoir tenus lors de la rencontre subséquente du 15 février. Quant à monsieur Dion, il reconnaît avoir tenu ces propos dès que le directeur lui en parle, lors de la première rencontre. Il déclare que, lorsque monsieur X lui a demandé comment il allait, il a pris la feuille comprenant plusieurs tâches à effectuer et lui a répondu de façon sarcastique qu’il n’avait pas grand-chose à faire, alors que c’était tout à fait le contraire et qu’il n’est jamais resté à rien faire.

[48] Le 14 février, le directeur est informé par le coordonnateur d’un second événement impliquant le plaignant et monsieur X. Il vérifie à nouveau auprès ce dernier les faits rapportés. La veille, le plaignant a crié et utilisé un ton brusque à l’égard de monsieur X en lui reprochant d’avoir colporté les propos tenus le jour précédent et a utilisé les termes « mangeux de marde » en parlant de ses supérieurs.

[49] Le 15 février, le directeur rencontre le plaignant afin d’obtenir sa version des faits. Ce dernier est incapable d’énumérer les tâches qu’il a effectuées pendant la soirée du 9 février. Il déclare à l’audience qu’il ne se rappelle pas des tâches effectuées parce que, pendant cette semaine, il travaillait le jour au service des incendies de St-Sauveur et qu’il ne dormait pas beaucoup, mais que de toute façon il n’est jamais resté à rien faire.

[50] Quant aux propos tenus à l’égard de monsieur X., le plaignant lui dit avoir décidé de répondre de façon sarcastique à toute personne qui laisse sous-entendre qu’il n’effectue pas beaucoup de tâches pendant son quart de travail. Par ailleurs, le plaignant lui dit que monsieur X n’a jamais émis de commentaires désobligeants à son égard. Le plaignant ajoute lors de l’audience qu’il a décidé de répondre de cette façon à tous les employés de jour parce que ceux-ci pensent que les employés de soir et de nuit ne font pas grand-chose. Il nie avoir crié ou injurié monsieur B, mais reconnaît lui avoir dit qu’il n’avancerait pas dans la vie en rapportant les propos des employés à ses supérieurs. Quant aux termes « mangeux de marde » utilisés en parlant des dirigeants de la Municipalité, il affirme avoir dit cela à titre d’exemple de propos à ne pas répéter à ses supérieurs.

[51] Le 20 février 2008, le directeur fait parvenir la lettre suivante au plaignant :

Objet : Avis disciplinaire

Monsieur,

Je vous ai convoqué à mon bureau le 13 février dernier afin de vous interroger concernant certains agissements ou affirmations allégués, ainsi que pour vous faire un rappel en regard de certaines directives qui avaient été données aux employés du service des travaux publics.

Lors de notre rencontre, je vous ai demandé s’il était possible que le ou vers le samedi 9 février dernier, ou à tout autre moment, vous auriez affirmé à un ou des collègues de travail que « vous n’aviez rien à faire » et que « vous ne saviez pas quoi faire » puisque l’ensemble des tâches auxquelles je vous avais assigné étaient complétées. Vous m’avez alors répondu avec conviction que jamais vous n’aviez tenu de tel propos et assuré que votre éthique de travail était irréprochable. À ce moment, vous avez demandé à ce que je vous divulgue le nom du collègue qui avait avancé de telles affirmations à votre égard et déclaré que certains de vos collègues émettaient des commentaires fallacieux à votre sujet afin de vous causer du tort.

Le 14 février en matinée, j’ai été informé que vous aviez été irrespectueux et colérique envers un de vos collègues de travail, soit M. …, dans la soirée du 13 février, et l’avez accusé à tort de m’avoir colporté vos propos allégués à l’effet que « vous n’aviez rien à faire » et « que vous ne saviez pas quoi faire ». Lors du déversement de votre fiel auprès de M. …, vous avez tenu l’affirmation suivante ; « ce n’est pas en informant tes supérieurs de ce que les autres font que tu vas aller loin dans la vie ».

Suivant une rencontre que nous avons eus le 15 février où je vous ai demandé votre version des faits, vous m’avez expliqué que vous aviez pris la décision de répondre de façon sarcastique à toute personne qui allait laisser sous-entendre que n’effectuiez pas beaucoup de tâches pendant votre quart de travail. Toutefois, lors de cette même discussion vous m’avez confirmé que M. … n’avait jamais remis en question vos habitudes de travail ou émis un quelconque commentaire désobligeant à votre égard; vous comprendrez que dans ce contexte je suis quelque peu perplexe concernant explications en regard des déclarations que vous avez faits à M. ….

Aussi, lorsque je vous ai demandé de m’énumérer les tâches que vous aviez accompli dans la soirée du 9 février, vous n’avez pas été en mesure de le faire. Après vérification, j’ai été en mesure de constater qu’au moment de vos affirmations, les opérations de déneigement des bornes d’incendies et des accès aux stations de pompage n’étaient pas complétées ou réalisées. Il m’apparaît inconcevable et incompréhensible qu’à votre 5e saison hivernale au sein du service des travaux des travaux publics de la Municipalité, vous omettiez de réaliser ces tâches alors qu’elles font parties de la procédure et de la routine usuelle des opérations de déneigement; procédure que je rappelle à l’ensemble des employés du service à chaque début de saison hivernale.

De plus, dans l’éventualité où l’ensemble de vos tâches seraient effectivement complétés, ce qui n’était pas le cas dans le cas présent, j’ai toujours affirmé et invité le personnel du service des travaux publics à communiquer avec moi à tout heure ou moment de la semaine s’ils avaient des interrogations ou un besoin d’information particulière. Dans une situation où vous auriez des interrogations quant aux tâches à effectuer ou à l’usage de votre temps, il m’apparaît que vous devriez être suffisamment responsable pour communiquer avec votre supérieur afin qu’il vous assigne des tâches.

Dans un autre ordre d’idée, j’ai été informé que lors de votre intervention auprès de M. …, vous avez par la même occasion méprisé vos supérieurs, nommément M. … et M. …, qui sont, selon vos dires : « des mangeux de mardes ». Encore une fois, vous m’avez confirmé, lors de notre rencontre du 15 février, avoir tenu de tel propos mais que ceux-ci étaient placés hors contexte. Vous m’avez expliqué que votre intention n’était que de faire comprendre à M. Bélisle qu’il y avait certaines choses qui ne devaient pas être répétées aux dirigeants ou supérieurs.

Vous comprendrez que nous ne pouvons, sous aucune considération, tolérer ou accepter ce genre de comportements et de telles affirmations. Considérant ce qui précède, et aussi en prenant en compte votre engagement à maintenir une attitude positive et à adopter une excellente éthique de travail suite à vos agissements antérieurs, je n’ai d’autre choix que de soumettre ce dossier au comité des ressources humaines. Celui-ci étudiera vos agissements et soumettra ses recommandations, ce qui pourrait donner lieu à une mesure disciplinaire.

Il est malheureux de constater que par vos agissements, le lien de confiance avec votre employeur ainsi que vos collègues de travail, est sérieusement compromis.

Espérant pouvoir compter sur vous afin que vous agissiez dorénavant de façon responsable en respectant l’ensemble de vos collègues de travail, vos supérieurs, ainsi que votre employeur.

(Reproduit tel quel, à l’exception de certains noms qui sont omis).

[52] Le directeur affirme que c’est par erreur qu’il a indiqué à titre d’objet sur cette lettre « avis disciplinaire » parce qu’il n’a aucun pouvoir disciplinaire, ce pouvoir appartenant au conseil municipal. Il n’a jamais informé le plaignant de cette erreur.

[53] Il déclare avoir fait parvenir cette lettre au plaignant afin de faire ressortir ses manquements et pour que le directeur général applique une mesure disciplinaire. Le comité des ressources humaines lui avait demandé de lui faire rapport si le comportement du plaignant devenait à nouveau inacceptable.

[54] Lorsqu’il reçoit copie de la lettre du 20 février 2008, le directeur général se dit déçu. Il dit ne pas avoir d’autre solution que de transmettre cette lettre au comité des ressources humaines constitué du maire, d’un conseiller municipal et de lui-même.

[55] Entre le 20 février et le 13 juin, le plaignant ne reçoit aucun reproche de son employeur, ni ne participe à aucune rencontre relative à l’imposition d’une mesure disciplinaire.

[56] Les membres du comité des ressources humaines ne peuvent se réunir avant le mois d’avril. Ils rencontrent le directeur qui recommande le congédiement parce qu’il ne fait plus confiance au plaignant. Ils en viennent à la conclusion que le plaignant ne peut plus fonctionner dans la Municipalité. Aussi, ils décident de ne plus recourir dorénavant à ses services. Le plaignant termine sa saison le 18 mai 2008.

[57] Dans les jours précédents, tous les cols bleus sont convoqués à l’Hôtel de Ville pour un dîner de remerciement. Le maire remercie les employés pour leur travail effectué au cours de cet hiver particulièrement rigoureux et remet à chaque employé, incluant le plaignant, un manteau avec le sigle de la Municipalité. Le directeur général précise que les précipitations avaient été très abondantes et que le plaignant, comme tous les employés, avait travaillé très fort durant cet hiver.

[58] Le 13 juin 2008, le directeur général avise par écrit monsieur Dion que la Municipalité met fin à son emploi :

La présente a pour objet de vous informer que la Municipalité a décidé de mettre fin à votre période d’essai comme personne salariée temporaire.

Vous occupez depuis plusieurs années déjà les fonctions intermittentes de personne salariée temporaire à l’essai pendant la saison d’hiver. Suite à la lettre que vous aviez écrite le 16 avril 2007, vous avez été l’objet d’une suspension disciplinaire d’une durée d’une (1) semaine. Compte tenu de votre statut d’employé temporaire à l’essai, la Municipalité aurait pu vous donner un avis de licenciement l’an dernier, mais nous avons décidé de vous donner une dernière chance en précisant dans la lettre du 25 septembre 2007 « … que si vous manquiez à nouveau à votre devoir de loyauté par des attaques ou propos méprisants ou comportements inacceptables à l’endroit des autres travailleurs, de votre directeur ou du conseil municipal, je n’aurais aucune hésitation à recommander que vous soyez congédié ».

Le comité des ressources humaines a procédé à un examen de votre attitude pendant la dernière saison. Étant donné qu’il y a eu récidive, comme rapporté par le directeur … dans son avis disciplinaire du 20 février 2008, le comité des ressources humaines a décidé de mettre fin à votre période d’essai comme employé temporaire en vous fournissant le présent avis de licenciement qui entre en vigueur ce jour même et, de ce fait, vous ne ferez pas partie de l’équipe de déneigement l’hiver prochain.

(Reproduit tel quel.)

[59] Le directeur général explique qu’il a référé par erreur au projet de lettre du 25 septembre. Ce projet a été modifié et remplacé par la lettre de suspension du 1er octobre 2007.

[60] Appelé à expliquer la décision de la Municipalité, il affirme que celle-ci n’a plus confiance au plaignant compte tenu de son attitude en 2007 et de ses conflits avec les employés au cours des années 2007 et 2008. Il reconnait que l’attitude du plaignant en 2006-2007 a donné lieu à une suspension, mais il affirme avoir examiné le dossier complet et avoir tenu compte de la sanction antérieure.

l’analyse et les motifs
[61] Il incombe à la Municipalité de démontrer par une preuve prépondérante l’existence d’une cause juste et suffisante de congédiement. La Commission doit décider si Éric Dion a commis une faute et, le cas échéant, si la sanction imposée est proportionnelle à cette faute. Dans la négative, la Commission évaluera s’il y a lieu de substituer une autre sanction au congédiement et de réintégrer le plaignant dans son emploi.

la faute
[62] Il importe de préciser que la Commission ne peut sanctionner à nouveau les comportements du plaignant au cours des saisons 2005-2006 et 2006-2007. Ceux-ci ont déjà fait l’objet de mesures disciplinaires : un non-rappel au travail lors de la saison estivale 2007 et une suspension d’une semaine en décembre 2007. Ces éléments constituent toutefois des antécédents disciplinaires qui pourront être pris en considération lors de l’analyse de la sanction. Reste les événements survenus en février 2008.

[63] La Commission ne peut retenir la prétention de la Municipalité voulant que le congédiement, qui visait un employé temporaire à l’essai, soit de nature administrative. L’expression « période d’essai » est plutôt étonnante, étant donné que le plaignant travaille plusieurs mois par année depuis novembre 2003. Quoi qu’il en soit, la protection prévue à l’article 124 de la Loi s’applique à tout employé qui justifie deux ans de service continu, qu’il soit temporaire ou permanent.

[64] La sanction imposée par l’employeur est essentiellement de nature disciplinaire puisqu’elle est la conséquence de manquements en lien avec le comportement du plaignant. Ces manquements sont-ils prouvés?

[65] La version du plaignant et celle des représentants de la Municipalité étant à plusieurs reprises contradictoires, la Commission doit apprécier leur crédibilité. Une appréciation globale des témoignages amène la Commission à retenir la version de la Municipalité qu’elle juge plus fiable, et ce, pour plusieurs raisons.

[66] D’abord, le plaignant a une mémoire sélective. Il oublie à plusieurs reprises les faits reprochés alors qu’il se rappelle très bien d’autres faits survenus à la même époque. Ainsi, il ne se rappelle pas des reproches de son coordonnateur en novembre 2006 concernant le fait qu’il n’accomplit pas assez de tâches manuelles. Il se rappelle cependant que ce dernier lui a demandé durant cette période de faire moins de patrouille. Le 13 février 2008, il ne se rappelle pas non plus des tâches effectuées le 9 précédent, alors qu’il se rappelle de sa conversation avec monsieur X à cette date.

[67] Le plaignant minimise également l’importance de certains faits. Il affirme qu’il n’a pas de conflit avec un collègue de travail, mais uniquement des divergences d’opinions. Il n’en a pas non plus avec son coordonnateur, c’est ce dernier qui en a avec lui.

[68] Puis, le plaignant se contredit. Lors d’une rencontre avec le directeur en février 2007, il nie avoir ridiculisé un collègue de travail alors qu’il reconnaîtra ce fait le 31 août suivant. Il affirme à l’audience qu’il n’est pas agressif envers le directeur, mais uniquement frustré, lors du dîner de Noël de décembre 2006. Toutefois, il s’excusera de son comportement auprès de ce dernier dès son retour du congé des Fêtes, et reconnaîtra, lors de la réunion du 31 août suivant, avoir été en colère et avoir attaqué son intégrité.

[69] Enfin, les témoignages du directeur et du directeur général sont clairs et précis. Le directeur n’hésite pas à déclarer des faits qui lui sont défavorables. Ainsi, il avoue d’emblée avoir été en colère et élevé le ton lors d’une rencontre avec le plaignant en février 2007.

[70] La Commission retient de la preuve les faits suivants. Le soir du 9 février 2008, le plaignant répond de façon sarcastique à un collègue de travail, qui n’a jamais émis de commentaires négatifs à son égard, qu’il n’a rien à faire alors que c’est faux. Il nie avoir tenu ces propos lors d’une rencontre avec son directeur le 13 février 2008.

[71] Le soir du 9 février 2008, le plaignant a une longue liste de travaux à effectuer, dont certains prioritaires, tel le déneigement des bornes-fontaines. Plusieurs d’entre elles ne sont pas encore déneigées et le plaignant est incapable d’énumérer quelques jours plus tard, à la demande de son supérieur, les travaux qu’il a effectués lors de cette soirée.

[72] Puis, le 13 février en soirée, il crie et utilise un ton brusque à l’égard de son collègue en lui reprochant d’avoir colporté ses propos à la direction et utilise les termes « mangeux de marde » en parlant de ses supérieurs, alors qu’il donne l’exemple de propos qui ne doivent pas être rapportés.

[73] Un tel comportement est irrespectueux tant envers le collègue de travail qu’envers les membres de la direction et constitue un manque de loyauté envers la Municipalité.

la sanction
[74] Bien que le plaignant soit fautif, la Commission ne croit pas que le congédiement soit la mesure appropriée, et ce, même si plaignant a déjà fait l’objet de sanctions disciplinaires.

[75] Une faute suffisamment grave pour entraîner un congédiement, la peine capitale, nécessite une intervention diligente de la part de l’employeur. Or, ce n’est que le 13 juin 2008, soit trois mois après la survenance des faits reprochés, que la Municipalité avise le plaignant qu’elle met fin à son emploi. L’inaction de la Municipalité lui est fatale. On ne peut laisser un employé continuer à exercer ses fonctions comme si rien ne s’était passé alors qu’on affirme que les fautes reprochées sont extrêmement graves.

[76] Par ailleurs, le plaignant a déjà été sanctionné à deux reprises pour son attitude irrespectueuse envers la direction et ses collègues de travail et son manque de loyauté. Il n’a pas été rappelé au travail pendant la saison estivale 2007 et a été suspendu une semaine en décembre 2007. De plus, il a été avisé le 31 août 2008 qu’un rappel au travail lors de la prochaine saison hivernale serait sa dernière chance.

[77] Or, les fautes reprochées en février 2008 sont toujours de même nature. En de telles circonstances, une sanction sévère s’impose. La Commission substitue donc au congédiement une suspension de deux semaines. Il ne s’agit pas d’une double sanction, comme le soutient le plaignant, puisque la lettre du directeur du 20 février 2008 ne constitue pas une mesure disciplinaire, malgré son titre. Le directeur, qui n’a pas de pouvoir disciplinaire, indique clairement au plaignant dans les derniers paragraphes de sa lettre qu’il n’a d’autre choix que de soumettre son dossier au comité des ressources humaines et que ce dernier étudiera ses agissements, « ce qui pourrait donner lieu à une mesure disciplinaire ».

la réintégration
[78] Bien que la réintégration soit le remède approprié lorsqu’une plainte de congédiement est accueillie, la Commission est d’avis qu’elle est illusoire et non souhaitable dans les circonstances, compte tenu des principes énoncés par la Cour d’appel dans l’arrêt Dodd c. 3M Canada Ltd., AZ-97011509 et repris ainsi par la Commission dans l’affaire Tecila c. Sistemalux inc., 2005 QCCRT 0203 :

Pour refuser d’ordonner la réintégration, remède privilégié dans le cadre du recours selon l’article 124, la Commission doit être convaincue que celle-ci est carrément impossible (en raison de la faillite de l’entreprise ou de l’incapacité physique permanente du salarié, par exemple), illusoire (vu la dégradation des relations interpersonnelles du plaignant avec la direction ou les autres employés), problématique (lorsque le plaignant a contribué à la faute justifiant sa fin d’emploi ou a démontré une attitude permettant de croire qu’il ne s’améliorera pas) ou inappropriée (lorsque la relation de confiance qui doit exister entre la direction et l’employé a disparu).

[79] Or, un climat de méfiance s’est installé à l’égard du plaignant. Son dossier disciplinaire est passablement lourd. Il a déjà discrédité sans discernement les dirigeants de la Municipalité non seulement à l’interne, mais également sur la place publique (à l’épicerie, au restaurant et au poste de pompiers de la Municipalité de St-Sauveur), alors que ceux-ci ne faisaient qu’exercer leurs droits de direction conformément à la convention collective, et ce, dans le seul but d’offrir un meilleur service à la population. Il a persisté à dénigrer ses supérieurs malgré plusieurs avis verbaux. Le directeur, qui avait déjà recommandé à la Municipalité le 4 mai 2007 de ne plus retenir les services du plaignant, a pour mandat de le surveiller et d’aviser le comité des ressources humaines de son comportement. Quant au plaignant, il se considère toujours, à tort, victime d’une grave injustice concernant son horaire de travail et est incapable d’accepter que la Municipalité n’exerce que son droit de direction lorsqu’elle l’assigne à un tel horaire.

[80] De plus, il y a dégradation des relations interpersonnelles du plaignant avec la direction et les membres de son équipe. La Municipalité est une entreprise qui ne compte qu’une quinzaine de salariés, dont une petite équipe de cinq préposés réguliers aux travaux publics et quelques temporaires. Les relations ne sont pas faciles entre le plaignant et ses supérieurs. Son directeur n’a plus confiance en lui et son coordonnateur « est en conflit avec lui ». Quant aux membres de son équipe, bien que le plaignant travaille souvent seul, il est appelé à les contacter, à les rencontrer et à travailler avec eux à l’occasion. Or, il a déjà eu des problèmes de relations interpersonnelles avec des collègues et il a décidé dorénavant de répondre de façon sarcastique aux employés de jour. Son attitude du mois de février 2008, et ce malgré les avis verbaux et mesures disciplinaires qu’il a reçus, permet de croire qu’il ne s’améliorera pas.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

ACCUEILLE la plainte;

DÉCLARE que le congédiement a été fait sans cause juste et suffisante;

SUBSTITUE au congédiement une suspension d’une durée de deux semaines;

DÉCIDE qu’il n’y a pas lieu de réintégrer Éric Dion dans son emploi;

RÉSERVE sa compétence pour décider des autres mesures de réparation appropriées.




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Arlette Berger



Me Edward Kravitz

Représentant du plaignant



Me Raynard Mercille

Représentant de l’intimée



Date de la dernière audience :
16 mars 2009