Consultation rapide avec un avocat

1-877-MES-DROITS
1-877-637-3764

Services juridiques au Québec

Visitez notre page Facebook pour être au courant de nos chroniques et capsules! Aussi, possibilité d'obtenir une consultation rapide par la messagerie Facebook (messenger).

Tousignant c. Poliquin

no. de référence : 500-09-018411-082

Tousignant c. Poliquin
2009 QCCA 1641

COUR D’APPEL



CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE


MONTRÉAL

N° :
500-09-018411-082

(500-05-044670-980)



DATE :
4 SEPTEMBRE 2009





CORAM :
LES HONORABLES
FRANCE THIBAULT, J.C.A.

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.





CLAUDE TOUSIGNANT

et

BERTRAND TÊTU

APPELANTS / Demandeurs

c.



GILLES POLIQUIN

et

LATOUR POLIQUIN

et

FONDS D’ASSURANCE RESPONSABILITÉ

PROFESSIONNELLE DU BARREAU DU QUÉBEC

INTIMÉS / Défendeurs





MOTIFS D'UN ARRÊT PRONONCÉ SÉANCE TENANTE,

LE 2 SEPTEMBRE 2009







[1] Le 2 septembre 2009, la Cour, statuant séance tenante, a rejeté avec dépens, motifs à suivre, l'appel du jugement par lequel, le 11 janvier 2008, la Cour supérieure, district de Montréal (l'honorable Sylvie Devito), a elle-même rejeté l'action des appelants contre les intimés.

[2] Voici les motifs de cet arrêt.

* *

[3] L'intimé Poliquin ne représentait en l'espèce que les intérêts de son propre client et non ceux des appelants, dont il n'était ni le conseiller juridique, ni le mandataire, ni le prestataire de service à quelque autre titre. Sa responsabilité contractuelle ne saurait donc être engagée à leur égard.

[4] Aurait-il cependant, dans le cadre ou à l'occasion de la formation ou de l'exécution de la transaction commerciale en plusieurs volets que les parties ont conclue, commis à l'endroit des appelants une faute de nature à engager sa responsabilité extracontractuelle envers eux? Une réponse négative s'impose.

[5] Tout d'abord, au contraire de ce qu'affirment les appelants, les contrats qu'ils ont conclus avec les sociétés du client de l'intimé Poliquin ne peuvent, dans les circonstances particulières que révèle la preuve, être qualifiés d'inéquitables ou d'abusifs. Il s'agit plutôt de contrats, négociés du reste de gré à gré, comportant pour chacun des cocontractants des risques importants et manifestes. Ces risques se sont d'ailleurs matérialisés, d'une part, par la déconfiture de l'acheteur et, d'autre part, par celle des appelants qui n'ont en conséquence reçu qu'une partie des sommes qui leur étaient dues aux termes des contrats. Les risques en question étaient cependant évidents, pour ne pas dire flagrants, à la lecture même des divers actes qui ont consacré l'entente des parties, et toute personne raisonnable pouvait en saisir le sens et la portée sans besoin d'une compétence particulière. On doit conclure que c'est en toute connaissance de cause que les appelants, comme leur vis-à-vis, les ont acceptés.

[6] Par ailleurs, les appelants n'avaient pas dans ce cadre la vulnérabilité qu'ils prétendent. Le jugement de première instance a conclu que les appelants n'étaient pas « des personnes démunies et vulnérables »[1] et l'erreur dont cette détermination serait entachée n'a pas été établie. Au contraire, la preuve démontre que les appelants ne sont nullement les profanes et les néophytes qu'ils décrivent : ainsi, ils ont une expérience d'affaires importante, ayant exploité leur propre entreprise pendant une dizaine d'années, et, dans leur ensemble, les divers éléments que l'on trouve au dossier d'appel montrent qu'il s'agissait de personnes avisées. On notera aussi qu'avant de conclure la transaction avec le client de l'intimé Poliquin, les appelants avaient par deux fois tenté de vendre leur entreprise. Dans le second cas, alors qu'ils étaient conseillés par un avocat, ils avaient même signé un contrat avec un acheteur du nom d'Alternative Claddings Inc., contrat qui a cependant avorté pour des raisons qu'il n'est pas utile d'expliquer ici. Les appelants étaient donc rompus aux négociations d'affaires et ne peuvent prétendre avoir été sans ressources.

[7] Les appelants ont également tenté de faire valoir que leur méconnaissance de l'anglais aurait augmenté leur vulnérabilité, argument que la juge de première instance n'a pas retenu, à bon droit. La preuve révèle en effet sans équivoque que l'appelant Tousignant maîtrise l'anglais. Ce n'est pas le cas, il est vrai, de l'appelant Têtu, qui s'en remettait toutefois entièrement à son collègue. Par ailleurs, les appelants peuvent difficilement faire valoir ce moyen de manière crédible alors que les échanges qui ont eu lieu avec de précédents acheteurs ou acheteurs potentiels se sont faits en anglais, y compris le contrat de vente avec Alternative Claddings Inc.

[8] Dans un autre ordre d'idées, le contrat de vente P-6 prévoyait que l'obligation de paiement de l'acheteur devait être garantie par une caution « issued by a Nassau based insurance company »[2]. À cet égard, les appelants reprochent plusieurs fautes à l'intimé Poliquin : d'une part, il n'aurait pas détecté l'erreur affligeant les actes de cautionnement au chapitre de la désignation du débiteur véritable de l'obligation de paiement, ce qui aurait dans tous les cas empêché les appelants d'obtenir jugement contre la caution; d'autre part, il aurait fait en sorte de fournir une caution invalide ne répondant pas aux exigences de l'article 2337 C.c.Q. ou, du moins, n'aurait pas prévenu les appelants du danger d'accepter une telle caution; enfin, il aurait, par ses faits et gestes, induit la caution à refuser d'indemniser les appelants lorsque ceux-ci se sont adressés à elle à la suite du défaut de paiement du débiteur.

[9] Ces reproches ne peuvent être retenus.

[10] En ce qui concerne l'erreur de désignation du débiteur, le texte des actes de cautionnement montre qu'il s'agit d'une erreur d'écriture sans conséquence. En ce qui touche l'article 2337 C.c.Q., il faut souligner que les appelants ont non seulement consenti à la clause contractuelle relative à la société des Bahamas, mais qu'ils ont de plus accepté la caution et les actes de cautionnement qui leur furent présentés ultérieurement, ne pouvant ignorer, là encore, les risques rattachés à un cautionnement fourni par une société étrangère. Finalement, la preuve n'étaie pas le troisième reproche.

[11] Finalement, et surtout, cette preuve n'établit pas que les fautes de l'intimé Poliquin au regard du cautionnement, même s'il en était, auraient été la cause du préjudice subi par les appelants : ceux-ci n'ont pas été payés pour les actions vendues au client de l'intimé, mais cela résulte directement de la déconfiture du débiteur, engendrée par divers problèmes de financement et d'exploitation de l'entreprise. Dans les circonstances de l'espèce, l'intimé ne peut être le garant des obligations de son client.

[12] Bref, on ne peut pas tenir ici l'intimé Poliquin, avocat de l'un des cocontractants, responsable du préjudice subi par l'autre du fait d'une transaction risquée dans laquelle les parties se sont sciemment et délibérément engagées. Les appelants ont accepté ce risque sans consulter d'avocat, estimant ne pas en avoir besoin et affirmant s'être fiés à l'intimé Poliquin. Or, ce dernier, par deux fois, a suggéré aux appelants de consulter leur propre conseiller juridique, invitation qu'ils ont déclinée. Les appelants, qui avaient déjà consulté un avocat aux fins du contrat de vente précédent avec Alternative Claddings Inc., n'étaient pas ignorants des avantages de recourir à un tel conseil. En outre, il ressort de la preuve que les appelants, et particulièrement M. Tousignant[3], étaient conscients de ce que l'intimé Poliquin ne les représentait pas. Dans les circonstances, on peut difficilement trouver dans le comportement de l'intimé la faute qui aurait généré le préjudice dont se plaignent les appelants. On doit plutôt conclure que ceux-ci sont, en définitive, les artisans de leur propre malheur.

[13] On ne peut exclure qu'en d'autres situations l'avocat représentant un contractant et faisant affaire avec un cocontractant qui, lui, n'est pas assisté d'un conseiller juridique puisse engager sa responsabilité envers ce cocontractant, notamment s'il participe ainsi à une action malhonnête ou abusive ou encore si le cocontractant est dans une situation de faiblesse nécessitant la prise de précautions. En l'espèce, toutefois, l'on ne se trouve ni dans l'un ni dans l'autre de ces cas. Quant à la question de l'incompétence, il n'y a pas lieu d'en traiter ici, mais, à supposer qu'elle puisse engendrer la responsabilité extracontractuelle d'un avocat, elle ne serait pas ici la cause du préjudice des appelants.

[14] Pour ces raisons, l'appel est REJETÉ, avec dépens.







FRANCE THIBAULT, J.C.A.








FRANÇOIS DOYON, J.C.A.








MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.



Me François Leduc

Leduc Lesco

Pour l'appelant



Me Sonia Paradis

Donati Maisonneuve

Pour les intimés



Date d’audience :
le 2 septembre 2009







--------------------------------------------------------------------------------

[1] Paragr. 118 du jugement de première instance.

[2] Clause 2.02a) du contrat P-6.

[3] Voir notamment l'interrogatoire préalable de l'appelant Tousignant, annexes du mémoire des appelants, p. 503.