9146-7308 Québec inc. c. Verville (vice caché)
no. de référence : 460-17-000524-058
9146-7308 Québec inc. c. Verville2007 QCCS 3608
JT 1250
COUR SUPÉRIEURE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
BEDFORD
N° :
460-17-000524-058
DATE :
Le 24 juillet 2007
______________________________________________________________________
SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L’HONORABLE
YVES TARDIF, J.C.S.
______________________________________________________________________
9146-7308 QUÉBEC INC., personne morale ayant son siège au 735, rue Louis-Hébert, ville de Longueuil, district de Longueuil
Demanderesse
c.
MARCEL VERVILLE, résidant et domicilié au [...], ville de Granby, district de Bedford
Défendeur et demandeur en garantie
et
GILLES BROOKS, résidant et domicilié au [...], ville de Longueuil, district de Longueuil
Défendeur en garantie
et
L'OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE LA CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE DE SHEFFORD, ayant son siège au 77, rue Principale, ville de Granby, district de Bedford
Mis en cause
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
[1] Le 30 septembre 2004, 9146-7308 Québec Inc. (Québec) achète de Marcel Verville (Verville) un "domaine privé de location de terrains pour maisons modulaires et mobiles" (le parc) situé à Granby[1]. Malgré l'acte de vente fait devant notaire, Me Anne Pomerleau, qui déclare que le prix de vente est de 1 505 000 $, les parties reconnaissent sans ambages à l'audience que le véritable prix de vente est de 1 700 000 $ puisque l'acheteur a versé une somme en argent comptant en sus du montant de 1 505 000 $.
[2] Plaidant l'existence de vices cachés relativement à l'approvisionnement en eau potable, Québec, par son action quanti minoris, demande à la Cour de condamner Verville à lui payer la somme de 1 240 607 $, plus les taxes, somme qui "représente la différence entre le solde de prix de vente et le coût de réfection des infrastructures" et 83 064,38 $ qui représente les dépenses encourues depuis la vente "pour maintenir et/ou sauvegarder l'immeuble".
[3] De son côté, Verville plaidant qu'un des deux administrateurs de Québec, Gilles Brooks (Brooks)[2], était agent immobilier et qu'il a contrevenu à l'article 22 de la Loi sur le courtage immobilier[3], demande d'annuler la vente du 30 septembre 2004 et de condamner Québec à lui payer la somme de 75 000 $ à titre d'honoraires extrajudiciaires.
LES FAITS
[4] À partir de 1974, Verville commence à exploiter le parc connu sous le nom de Domaine Fontainebleau. Il construit ce parc en trois étapes.
[5] La première étape s'étale de 1974 à environ 1978. La deuxième étape de construction commence vers 1980 et dure quatre à cinq ans. Quant à la troisième, elle débute vers 2000.
[6] Verville effectue lui-même ou fait effectuer les travaux suivants: creusage des puits, installation des conduites d'aqueduc et d'égout, construction des stations de pompage, des réservoirs d'eau, de la fosse septique, du champ d'épuration et d'une usine pour le traitement des eaux usées, aménagement des rues, préparation des terrains pour recevoir les maisons mobiles et les conduites d'aqueduc et d'égout.
[7] La preuve démontre que, au moins en ce qui a trait aux conduites d'aqueduc et d'égout, Verville n'a pas suivi de plan si ce n'est celui ou ceux qu'il avait dans sa tête[4].
[8] La preuve permet aussi de conclure que les conduites d'aqueduc et d'égout ont généralement été installées à une profondeur inférieure à 1,8 m. C'est à partir de cette profondeur, selon la preuve incontestée, que ces conduites peuvent résister au gel. La preuve permet également de conclure malgré les dires de Verville et grâce aux photos[5] et aux témoins, que le remblai de ces conduites a été fait avec la terre qui avait été excavée. De façon plus précise, aucun concassé n'a été installé autour des conduites et aucun isolant n'a été installé pour les protéger du gel.
[9] En juillet 2004, Blanchard et Brooks apprennent que Verville, à cause de son état de santé, a l'intention de vendre le parc. Les acheteurs éventuels font quelques visites sur les lieux[6], parfois en compagnie de Verville et de l'agent immobilier Jean Perron, et font une première offre le 17 août 2004 au montant de 1 700 000 $[7]. Cette offre est modifiée subséquemment dix jours plus tard pour refléter le fait que les acheteurs verseront à Verville une somme en argent comptant[8]. Le prix convenu est alors de 1 505 000 $.
[10] Tant dans leurs procédures que dans les interrogatoires avant procès et au procès, les acheteurs affirment catégoriquement que Verville leur a affirmé à plusieurs reprises, lors des visites et après, qu'il n'avait jamais rencontré de problème dans l'exploitation du parc[9]. Au procès, Verville réitère cette affirmation. Blanchard et Brooks affirment que, vu cette affirmation répétée, ils se sont fiés à la parole de Verville et n'ont pas poussé plus loin leurs inspections.
LES MOTIFS SUR LA RESPONSABILITÉ
a) Y avait-il des vices?
[11] Il est indéniable que l'installation de conduites d'aqueduc et d'égout à une profondeur qui donne prise au gel constitue un vice. Bien que, pour trancher le présent litige, il faille se reporter à l'époque où les travaux ont été faits, les experts reconnaissent que, même il y a 30 ans, tous savaient que, pour protéger une canalisation du gel dans le sud du Québec, il fallait l'installer à au moins une profondeur de 1,83 m.[10]
[12] Par ailleurs, le fait d'installer dans la même tranchée une conduite d'aqueduc et une conduite d'égout constitue également un vice à moins qu'il y ait une distance horizontale d'au moins 30 cm et une distance verticale d'au moins 30 cm entre les deux conduites[11].
[13] Il faut donc conclure à l'existence de vices.
b) Ces vices étaient-ils cachés?
[14] Techniquement, il aurait été possible de creuser pour vérifier la profondeur des conduites, mais cette solution était de facto impraticable. En effet, peut-on considérer un seul instant qu'un acheteur potentiel puisse envisager de creuser pour connaître la profondeur des conduites et la disposition l'une par rapport à l'autre. Pas plus qu'on exigerait de l'acheteur d'une maison de défoncer les murs pour vérifier l'état des tuyaux et l'isolant, pas plus n'était-il réaliste d'exiger des acheteurs qu'ils creusent pour faire les vérifications appropriées.
[15] Il faut donc conclure que la profondeur insuffisante des conduites et leur trop grande proximité constituaient des vices cachés.
c) Y a-t-il déficit d'usage?
[16] La réponse à cette question n'est pas aussi facile qu'on puisse le penser. S'il est vrai qu'il y a eu au fil des années de nombreuses interruptions de l'approvisionnement en eau[12] et qu'on puisse mettre le blâme sur le gel, il reste que la situation n'a pas toujours été uniformément la même. Certains secteurs, selon la preuve, semblent plus vulnérables que d'autres.
[17] En d'autres termes, la profondeur insuffisante des conduites n'a pas entraîné, partout et toujours, l'interruption de l'approvisionnement en eau. Selon des statistiques compilées par une résidante, l'interruption en eau jusqu'au 30 septembre 2004 se serait produite dans 3 % des jours[13]. Du 1er octobre 2004 au 28 février 2005, le pourcentage est passé à 4 %. Aussi bien dire que la situation est restée à peu près la même.
[18] En définitive, il y a déficit d'usage en ce que la faible profondeur des conduites d'aqueduc et d'égout explique, au moins en partie, le gel des conduites d'aqueduc et que la proximité des deux conduites est susceptible d'expliquer en partie la contamination de l'eau.
d) Le comportement du vendeur
[19] On peut croire que les acheteurs auraient dû poser des questions additionnelles et faire des vérifications plus approfondies compte tenu du montant qu'ils étaient prêts à débourser et de l'âge des installations.
[20] Il faut toutefois tenir compte du comportement de Verville. Celui-ci, à l'époque et encore aujourd'hui[14], prétend qu'il n'y a jamais eu de problème dans l'exploitation du parc et plus particulièrement en relation avec l'approvisionnement en eau. Pourtant, il avait reçu au cours des mois précédents des avis d'infractions du ministère de l'Environnement[15]. À l'audience, il explique qu'il avait oublié ces avis et qu'il n'en a pas parlé aux acheteurs qui, eux, affirment que Verville aurait déclaré que le problème était réglé. Ce sont eux qui, à la suite d'une demande d'information, ont appris, dix jours avant la vente, l'existence de ces avis d'infraction. Cet "oubli" ajoute un doute sur la crédibilité du témoignage et du comportement de Verville.
e) Puits insuffisants ou non?
[21] Une fois les procédures judiciaires entreprises, Québec a fait faire une étude par AGEOS[16]. Celle-ci conclut que, compte tenu du nombre de résidants, il faudrait que les puits fournissent 196 m3 d'eau par jour. Or, ils n'en fournissent que 125 m3, soit 63,5 % du débit de pointe journalière.
[22] S'agit-il vraiment là d'un vice caché? En réalité, AGEOS utilise un facteur de sécurité du simple au double pour tenir compte de certaines variables. En d'autres termes, ce qui est absolument requis, c'est 98 m3 d'eau par jour. Les quatre puits sur la propriété en donnent, comme on l'a vu, 125 m3 par jour.
[23] Avec ce facteur de sécurité du simple au double, on met les résidants à l'abri d'une pénurie lors des heures de pointe. Le fait que les puits ne peuvent respecter cette marge de sécurité constitue-t-il un vice caché?
[24] La Cour est d'avis qu'il faut répondre par la négative à cette question. En effet, bien que le facteur de sécurité constitue un élément dont il faut tenir compte, la Cour est plutôt d'avis que le fait de ne pas respecter ce facteur de sécurité ne constitue pas en lui-même un vice caché. Il faut rappeler en effet que 125 m3 d'eau par jour comparés à 196 m3 d'eau par jour représentent 63,5 % "du débit de pointe journalière devant desservir la population actuelle."[17]
[25] Même si le débit ne rencontre pas le facteur de sécurité suggéré par AGEOS aux heures de pointe, la Cour est plutôt d'avis qu'il s'agit d'un inconvénient plutôt que d'un vice caché.
[26] Ceci se vérifie d'ailleurs par la quantité d'eau livrée pour combler les besoins. Avec un déficit théorique d'environ 70 000 litres par jour, le déficit annuel serait d'environ 25 000 000 de litres. Or, les livraisons d'eau représentent environ 1 % de cette quantité. Ceci est confirmé par Daniel Deschamps, transporteur d'eau pour Trans Eau Inc., qui affirme que la situation actuelle est à peu près la même que celle qui existait du temps de Verville.
f) Québec subit-elle un préjudice?
[27] Même si la profondeur insuffisante donne prise au gel et que la proximité des deux conduites donne prise à la contamination du réseau d'aqueduc, il reste à savoir si ces vices cachés provoquent un préjudice à Québec. Cependant, une fois cette question posée et même si la Cour répondait par la négative, il reste que l'on ne connaît évidemment pas l'avenir et qu'un acheteur potentiel pourrait hésiter à acheter compte tenu de l'existence de cette situation.
[28] Cela signifie que Québec se trouve dans une situation vulnérable face à des acheteurs potentiels. En effet, la preuve permet évidemment de conclure que Québec ignorait la disposition des conduites d'aqueduc et d'égout. Elle a donc payé un prix d'achat qui supposait que l'emplacement des conduites ne pouvait donner prise à la contamination du réseau d'aqueduc.
[29] Toutefois, lorsque Québec voudra vendre le parc, elle sera pour ainsi dire forcée de dévoiler la situation à l'acheteur potentiel. Le prix payé par un acheteur potentiel tiendra nécessairement compte de ce vice.
[30] Il faut donc conclure que la faible profondeur et la proximité des conduites d'aqueduc et d'égout constituent des vices cachés qui provoquent un préjudice à Québec.
g) Contamination
[31] La même analyse doit être faite à l'égard de la contamination du réseau d'aqueduc par le réseau d'égout. Pour ce faire, il faut évidemment qu'il y ait fuite dans les deux conduites pour qu'on puisse conclure à une contamination de l'eau de l'aqueduc par l'eau provenant du tuyau d'égout. S'il n'y a pas de fuite dans un des deux tuyaux et qu'il y a contamination du réseau d'aqueduc, la cause doit être recherchée ailleurs.
[32] La preuve démontre que l'eau de l'aqueduc a été contaminée à quelques reprises après la vente du 30 septembre 2004. Elle démontre également qu'il y avait peu de contamination avant la vente.
[33] Il faut ici éviter de sauter aux conclusions. En effet, cette même preuve démontre que Verville, et plus particulièrement sa femme, ajoutait de l'eau de javel lors de la prise des échantillons et que Québec a mis fin à cette pratique quelques mois après la vente lorsque madame Verville a cessé de prendre des échantillons pour analyse.
[34] En d'autres termes, l'absence de contamination dans les échantillons analysés lorsque Verville exploitait le parc est-elle due au fait que sa femme ajoutait de l'eau de javel, ce qui aurait pu modifier les résultats, ou est-elle due au fait que l'eau, nonobstant l'ajout d'eau de javel, n'était alors pas contaminée?
[35] D'autre part, l'apparition de la contamination après la vente résulte-t-elle de la cessation du procédé utilisé par madame Verville qui ajoutait de l'eau de javel?
[36] La Cour ne peut répondre à ces questions.
[37] Cependant, il reste qu'il revient à Québec de démontrer un lien de cause à effet entre la contamination de l'eau de l'aqueduc et l'eau provenant du réseau d'égout.
[38] Même si cette preuve est difficile à faire, le fait que les conduites d'égout et d'aqueduc soient trop proches l'une de l'autre constitue une présomption de faits favorable à la thèse de Québec.
[39] Cette présomption est renforcée par le témoignage de Patrick Chevrette, technicien en assainissement de l'eau au ministère de l'Environnement depuis 2002. À partir de cette année-là, il a été responsable du dossier du Domaine Fontainebleau. Il affirme que, depuis 1988 et à chaque année depuis lors, il y a eu des dépassements dans les coliformes totaux et dans la turbidité. À partir de 2002, il a fait de nombreuses visites sur les lieux et a constaté de nombreuses carences. Étant donné le dépassement des normes, il a recommandé que le dossier soit transmis à la section des enquêtes du ministère mais, le 10 avril 2007, aucun suivi par cette section n'avait été fait!
[40] Patrick Chevrette affirme que les acheteurs ont apporté des améliorations à la situation. Des avis d'ébullition ont été émis au cours de l'été 2005 et sont encore en vigueur. Quand Madame Verville s'occupait de la prise des échantillons et qu'elle y ajoutait de l'eau de javel, il n'y avait pas de problème. Quand elle a cessé au printemps 2005 de prendre les échantillons et que la pratique d'y ajouter de l'eau de javel cessa, il y a eu détérioration immédiate. On peut donc conclure que l'eau de javel purifiait les tests qui étaient auparavant faussés. Madame Verville n'a pas nié cette situation.
h) L'obligation de se renseigner
[41] L'article 1400 du Code civil sanctionne l'erreur inexcusable. La jurisprudence exige par ailleurs que l'acheteur éventuel fasse suffisamment de démarches pour se renseigner.
[42] Comme on l'a vu, Verville a toujours affirmé et affirme encore qu'il n'a jamais eu de problèmes avec l'exploitation de son parc. Cette affirmation ne dispensait pas les acheteurs de faire certaines vérifications mais constituait un facteur dans l'approfondissement de celles-ci. En d'autres termes, si Verville avait affirmé qu'il y avait des problèmes sans se montrer plus précis, on aurait pu exiger des acheteurs qu'ils fissent des vérifications plus poussées. Toutefois, puisque Verville affirmait qu'il n'y avait pas de problèmes, les acheteurs pouvaient s'attendre à ce qu'il dise vrai et pouvaient donc se dispenser de pousser plus avant leurs recherches.
[43] Ainsi, à titre d'exemple, les acheteurs ont examiné les états financiers du parc. Ils n'ont pas constaté de poste "achats d'eau" ce qui, selon eux, aurait attiré leur attention. Ceci s'explique du fait que Verville payait comptant les achats d'eau.
[44] La Cour conclut donc que Québec a rempli, compte tenu des circonstances, son obligation de se renseigner.
i) Clause de garantie
[45] Le contrat de vente[18] contient la disposition suivante:
"GARANTIE
Cette vente est faite avec la garantie légale.
Le Vendeur a reçu des avis de non-conformité aux normes gouvernementales, lesquels ont été remis à l'Acheteur. L'Acheteur comprend que l'immeuble ne respecte pas les normes mentionnées auxdits avis. Le Vendeur déclare s'être conformé aux normes.
Le Vendeur s'engage à indemniser et à tenir l'Acheteur à couvert de toute dette, perte, réclamation, dommage (y compris, sans limitation, la perte de revenus, les dommages indirects, l'intérêt, les pénalités, les peines et les sanctions monétaires), coût et dépense de quelque nature que ce soit encourus ou subis par l'Acheteur et découlant de quelque manière que ce soit de l'inobservation de toute garantie ou de l'inexactitude de toute représentation faite par le vendeur et contenue dans la présente clause."
[46] Pour Québec, "L'existence de cette clause implique que la demanderesse n'a qu'à établir le vice pour exiger la réparation."[19].
[47] Québec prend appui sur un arrêt de la Cour d'appel:
"[11] Enfin, la juge de première instance a conclu que Ceriko ne pouvait exercer le recours de droit commun puisque les parties, ayant convenu d'une garantie contractuelle pour une période de deux ans, auraient ainsi limité le délai de prescription:
9.0 Garantie
L'entrepreneur doit garantir tous les travaux décrits dans la présente section contre toute défectuosité de main-d'œuvre et de matériaux pour une période de 2 ans suivant immédiatement l'acception du bâtiment par l'architecte. 1
[12] Sans émettre de commentaires sur la première conclusion du jugement de première instance2, j'estime, avec égards, que la troisième conclusion est erronée.
[13] La garantie accordée par une partie contractante a pour effet de conférer un avantage au cocontractant et non de lui retirer un droit. À titre d'exemple, sous le Code civil du Bas-Canada, la doctrine et la jurisprudence ont reconnu que la garantie légale édictée par l'article 1688 C.c.B.-C. (maintenant 2118 C.c.Q.) n'avait pas pour effet de restreindre les recours de droit commun3. Je ne vois pas de raison pour laquelle le même principe ne s'appliquerait pas en matière de garantie contractuelle. Durant la période couverte par la garantie, le bénéficiaire n'aura pas à prouver la faute; il lui suffira d'établir le vice pour exiger la réparation. En l'absence de garantie – ou une fois la période de garantie expirée – le demandeur devra établir une faute contractuelle, un préjudice et un lien de causalité.
____________________
[1] Rien dans la clause ne permet de conclure que les parties entendaient limiter la responsabilité du sous-entrepreneur.
[2] Ceriko prétend qu'elle est subrogée dans les droits du propriétaire et exerce les recours que l'article 2118 C.c.Q. accorde à ce dernier.
[3] La Fabrique de la Paroisse de St-Philippe D'Arvida c. Desgagné, [1979] C.A. 198 ; Thérèse ROUSSEAU-HOULE, Les contrats de construction en droit public et privé, Wilson & Lafleur, 1982, p. 410 et suivantes."[20]
[48] En d'autres termes, selon la proposition faite par Québec, l'existence de cette garantie lui permettrait de ne prouver que le vice pour obtenir réparation.
[49] Il y a lieu d'expliquer brièvement le contexte de cette disposition.
[50] Ayant appris, comme on l'a vu, que Verville avait reçu des avis d'infraction du ministère de l'Environnement, Québec a exigé l'ajout de cette disposition pour se protéger. Même si elle n'a été soumise à Verville qu'in extremis, il reste que celui-ci l'a acceptée et elle lie donc en conséquence les parties.
[51] En premier lieu, Verville a garanti dans le contrat de vente qu'il s'était conformé aux normes gouvernementales. Ceci était faux. Il s'engageait en conséquence à indemniser Québec pour l'inobservation de toute garantie ou toute inexactitude relative à une représentation faite par lui et contenue dans cette clause.
[52] Si on adopte une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de cette clause, on peut prétendre que Québec désirait se prémunir contre tous les problèmes découlant des avis de non-conformité transmis jusqu'alors, mais on ne peut affirmer qu'elle couvre les principaux reproches faits par Québec, soit la faible profondeur des conduites d'aqueduc et d'égout et leur trop grande proximité. Malgré la large amplitude de l'expression "découlant de quelque manière que ce soit de l'inobservation de toute garantie et de l'inexactitude de toute représentation faite par le vendeur", il reste que cette expression est complétée par "contenue dans la présente clause".
[53] Verville peut donc plaider, à juste titre, que cette clause ne visait rien d'autre que les avis de non-conformité et que, en conséquence, la profondeur des conduites d'aqueduc et d'égout et leur proximité n'étaient pas visées par cette garantie.
j) Le rôle d'un courtier
[54] L'article 22 de la Loi sur le courtage immobilier[21] exige qu'un agent immobilier dévoile son statut à l'autre partie à la transaction lorsqu'il y est lui-même partie. Cette disposition est d'ordre public:
"Le courtier ou l'agent, qu'il soit ou non dans l'exercice de ses fonctions, qui, directement ou indirectement, possède ou se propose d'acquérir un intérêt dans un immeuble qui fait l'objet d'un achat, d'une vente ou d'un échange, doit faire connaître sans délai et par écrit sa qualité de courtier ou d'agent au contractant pressenti, selon les modalités prévues par règlement de l'Association.
En cas de défaut, celui à qui cette information est due peut, tant que le contrat constatant l'opération n'a pas été signé par les parties, se dédire, sans pénalité, de toute offre ou promesse, acceptée ou non, portant sur l'immeuble, par l'envoi ou la remise d'un avis écrit à l'autre partie."
[55] En l'instance, Brooks est agent d'immeuble depuis une quinzaine d'années. Il affirme catégoriquement qu'il n'a jamais participé à quelque transaction immobilière que ce soit sauf pour les transactions immobilières concernant sa résidence personnelle. Rien ne permet de mettre en doute son affirmation.
[56] En réalité, si Brooks est agent immobilier, c'est pour pouvoir pratiquer sa profession de courtier hypothécaire. Son rôle consiste à trouver du financement hypothécaire pour des acheteurs de résidences.
[57] Brooks affirme qu'il a dit dès le départ, soit en juillet 2004, à l'agent d'immeuble Jean Perron, qu'il était lui-même agent immobilier. Il en a fait la dénonciation écrite[22] à Perron le 28 septembre 2004 et Verville en a pris connaissance le jour même de la transaction. Verville affirme qu'il a accusé réception de ce document en le signant parmi beaucoup d'autres documents à signer devant le notaire.
[58] On peut conclure pour deux raisons que Verville a renoncé à se prévaloir de la clause de dédit offerte par l'article 22 de la Loi sur le courtage immobilier. Tout d'abord, il en a pris connaissance et y a renoncé par écrit avant la signature de l'acte de vente. Même s'il y avait effectivement plusieurs documents à signer, il reste qu'il n'allègue pas l'erreur et que sa signature constitue une renonciation à invoquer la nullité de la vente.
[59] Deuxièmement, même si cette conclusion était mal fondée, il reste que, lorsque Verville a invoqué cette clause dans son plaidoyer, une année s'était écoulée depuis la vente. On peut croire que, si Québec n'avait pas entrepris de procédures judiciaires, Verville n'aurait jamais demandé la nullité de la vente comme il le fait aujourd'hui.
[60] Ceci permet de conclure encore là que Verville a et avait renoncé à invoquer la nullité de la vente.
[61] Manifestement, la demande d'annulation de la vente fondée sur l'article 22 de Loi sur le courtage immobilier est mal fondée.
k) Conclusions sur la responsabilité
[62] Résumons.
a) La faible profondeur des conduites d'aqueduc et d'égout et leur disposition l'une par rapport à l'autre constituent des vices;
b) Ces vices sont des vices cachés;
c) Ces vices cachés constituent un déficit d'usage;
d) La crédibilité de Verville est faible;
e) Le débit des puits est suffisant;
f) La faible profondeur et la proximité des conduites d'aqueduc et d'égout provoquent un préjudice à Québec;
g) Il existe une présomption de faits que la proximité des conduites d'aqueduc et d'égout soit un facteur de contamination de l'eau de l'aqueduc;
h) Québec a rempli son obligation de se renseigner;
i) La clause de garantie vise les avis de non-conformité et non la faible profondeur des conduites d'aqueduc et d'égout et leur proximité;
j) Brooks n'a pas contrevenu à l'article 22 de la Loi sur le courtage immobilier et, à tout événement, Verville a renoncé à son application.
[63] Cela dit, il reste que la faible profondeur des conduites d'aqueduc et d'égout et leur disposition l'une par rapport à l'autre constituent indéniablement des vices cachés qui engendrent un déficit d'usage pour Québec ou qui sont susceptibles de ce faire. La dernière partie de la phrase précédente nécessite des explications.
[64] La faible profondeur des conduites d'aqueduc et d'égout explique, au moins en partie, la difficulté pour les résidants de s'approvisionner en eau. En effet, le gel constitue un obstacle à la libre circulation de l'eau dans les conduites d'aqueduc. Ce problème ne se pose évidemment pas pendant trois saisons sur quatre mais la durée de l'hiver dans le sud du Québec est d'au moins trois ou quatre mois.
[65] Quant à la proximité des conduites d'aqueduc et d'égout, les experts ne sont pas unanimes. Certains affirment qu'il est loin d'être prouvé que la contamination de l'eau dans l'aqueduc provient des eaux usées dans la conduite d'égout.
[66] À supposer, pour les fins du débat, que Verville ait raison et que la faible profondeur et la proximité des deux conduites ne sont pas les seules causes des problèmes rencontrés jusqu'à présent, il n'en reste pas moins que Québec subit ou subira un préjudice.
[67] Avant le 1er octobre 2004, la situation n'était pas connue comme elle l'est maintenant après un procès de neuf jours. Lorsque Québec voudra vendre, elle ne pourra dissimuler les problèmes qu'elle a connus. Même si elle le voulait, le risque que ces problèmes soient connus après un procès de neuf jours est trop considérable.
[68] Il n'y a donc pas 56 solutions: il faut que Québec fasse une mise à niveau des conduites d'aqueduc et d'égout. Ceci nous amène à l'évaluation du quantum.
LE QUANTUM
[69] Québec s'appuie sur l'expertise[23] de Marc-André Legault, ingénieur. Celui-ci établit le coût de la mise à niveau à 10 386 $ par maison. Avec 157 maisons, cela représente un somme de 1 630 602 $.
[70] À l'aide du tableau P-36[24], Québec est d'avis que la dépréciation totale au prorata est de 23,92 %. Si on déduit 23,92 % de 1 630 602 $ (389 995 $), le montant réclamé à ce titre est de 1 240 607 $.
[71] Québec réclame également 83 604,38 $, s'appuyant en cela sur le résumé des factures payées pour les vices cachés jusqu'au 30 mars 2007[25].
[72] À l'aide de son témoin expert, monsieur Pierre-Alex Bonin, ingénieur, Verville conteste certains prix unitaires. Ainsi, selon Bonin, ce serait possible à une équipe de poser 50 mètres de conduite d'aqueduc et d'égout par jour alors que Legault retient 25 mètres. Sur ce, la Cour retient l'opinion de Legault qui affirme que, s'il n'y avait pas de résidences sur le site, il serait effectivement possible à une équipe de poser 50 mètres de conduite d'aqueduc et d'égout par jour. Toutefois, étant donné qu'il s'agit d'un milieu déjà construit, ce qui impose des contraintes, une équipe de quatre hommes ne pourrait pas poser plus de 25 mètres par jour.
[73] La largeur actuelle de la voie carrossable est de 6 mètres alors que Legault retient 8 mètres. La Cour est d'avis qu'il y a lieu de retenir 6 mètres. Si Québec estime qu'il serait approprié d'élargir la voie carrossable, elle devra évidemment le faire à ses frais.
[74] Du montant de 10 386 $ par maison, la Cour est d'avis qu'il faut donc retrancher les montants suivants.
[75] Pour le coût des travaux de structure de rue, Legault retient 339 400 $, soit 2 161 $ par maison. Il faut déduire 25 % de ce montant puisque la Cour, comme on l'a vu, ne retient qu'une largeur de 6 mètres au lieu de 8 mètres, le coût est donc alors de 1 620 $ par maison.
[76] Québec réclame 750 $ par maison pour les travaux de drainage. Ce montant est refusé. En effet, l'absence de drainage ne constitue pas un vice caché. Lors des visites de Blanchard et de Brooks, l'absence de drainage était visible.
[77] Quant aux contingences, Legault retient 12 % en affirmant qu'il y a toujours des imprévus. Quand ce sont les autres qui payent, il y a lieu d'exiger de la rigueur et de limiter les imprévus. La Cour retiendra plutôt 5 %.
CATÉGORIE
MONTANT RÉCLAMÉ
MONTANT ACCORDÉ
Égout et aqueduc
6 363 $
6 363 $
Rue
2 161 $
1 620 $
Travaux de drainage
750 $
0 $
Contingences
1 112 $
463 $
TOTAL:
10 386 $
8 446 $
[78] Si on diminue le montant de 8 446 $ de 23,92 % à titre de dépréciation, on enlève 2 020 $.
[79] En d'autres termes, le coût pour chaque maison est de 6 426 $. Si on multiplie ce montant par 157 maisons, on en arrive à 1 008 882 $.
[80] Quant aux factures payées pour les vices cachés[26], Québec réclame 83 064,38 $. La Cour est d'avis qu'il faut réduire cette somme des montants suivants.
- 30 janvier 2005 – dégeler les tuyaux du no 220: 339,32 $
- 6 février 2005 – dégeler les tuyaux du no 320: 276,06 $
- 28 février 2005 – dégeler les tuyaux du no 320: 276,06 $
- 14 mars 2005 – réunion d'urgence pour les locataires: 613,95 $
- 20 février 2007 – dégeler les tuyaux du no 320: 369,83 $
- 21 février 2007 – dégeler les tuyaux du no 320: 410,22 $
- 28 février 2007 – dégeler les tuyaux du no 320: 410,22 $
- 2 mars 2007 – dégeler les tuyaux du no 220: 370,34 $
TOTAL: 3 066,00 $
[81] Ce qui laisse un solde de 79 998,38 $.
[82] La Cour est d'avis que Verville ne peut être tenu responsable des problèmes relatifs aux terrains 220 et 320. Québec était au courant de cette situation. Il est vrai que Verville avait promis d'y remédier mais la preuve montre que Québec a demandé à Verville au printemps 2007 de ne plus se représenter sur les lieux. Celui-ci était prêt à satisfaire à son obligation mais en a été empêché par la demande de Québec. Quant à la réunion des locataires à l'Hôtel Castel à Granby, la Cour est d'avis qu'il s'agit là d'un dommage indirect.
[83] Dans les circonstances, la demande reconventionnelle de Verville est rejetée. Toutefois, étant donné que le débat sur cette question n'a duré que quelques instants, elle sera rejetée sans frais.
PAR CES MOTIFS, LA COUR:
[84] CONDAMNE le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 1 008 882 $ plus les taxes, les intérêts et l'indemnité additionnelle.
[85] CONDAMNE le défendeur à payer à la demanderesse la somme de 79 998,38 $ avec les intérêts et l'indemnité additionnelle.
[86] OPÈRE compensation entre le solde du prix de vente et les sommes dues par la défenderesse.
[87] AVEC dépens, incluant les frais d'experts de Messieurs Marc-André Legault et Denis Richard.
[88] REJETTE la demande reconventionnelle du défendeur.
[89] SANS frais.
[90] PREND ACTE du désistement, sans frais, de l'appel en garantie.
__________________________________
YVES TARDIF, J.C.S.
Me Régis Nivoix
Pour 9146-7308 Québec Inc.
et Gilles Brooks
Me Benoit Galipeau
Pour Marcel Verville
Dates d’audience :
3, 4, 5, 10, 13, 17, 18 avril, 9 et 11 mai 2007
--------------------------------------------------------------------------------
[1] P-5.
[2] L'autre étant Stéphane Blanchard.
[3] L.R.Q., C-73.1. Cet article oblige un agent immobilier à faire connaître sans délai et par écrit au contractant pressenti (ici, Verville) sa qualité d'agent immobilier lorsqu'il se propose d'acquérir un intérêt dans un immeuble.
[4] Ainsi, s'il n'a pas suivi le plan de l'ingénieur Peter Kupin (P-20) du 25 septembre 1998, c'est parce que c'était "un plan de ville, et non de canton" et qu'il était malade.
[5] P-17.
[6] Dont une, "incognito", par Blanchard et sa femme en août.
[7] PG-1.
[8] P-3.
[9] Sauf pour les lots 220 et 320, ce qui est admis par tous, et sauf pour la nécessité d'acheter quelques voyages d'eau à chaque année.
[10] Voir Code de plomberie du Québec, A.C. 4028-72, Gazette officielle du Québec, Partie 2, 21 mars 1973, p. 525, a. 3.6.4 (En vigueur le 1er avril 1973) (P-31).
[11] Directive 001 Captage et distribution de l'eau, ministère de l'Environnement du Québec, Août 2002, en vigueur le 20 février 1984, a. 5.4.9.1 a) (D-7).
[12] P-10.1 et P-18.
[13] P-22, p. 16.
[14] À l'audience, Verville réitère l'affirmation contenue au paragraphe 48 de son plaidoyer que le parc était "en bonne condition", qu'il "a toujours fonctionné normalement" et qu'il ne "connaissait aucun vice caché ou non".
[15] P-4.
[16] P-22.
[17] P-22, p. 24.
[18] P-5.
[19] Plan d'argumentation, p. 1.
[20] Ceriko Asselin Lombardi Inc. c. Maçonnerie Express Inc., AZ-50084636 (C.A.).
[21] L.R.Q., C-73.1.
[22] D-3.
[23] P-26.
[24] Non contesté.
[25] P-7.
[26] P-7.