Veilleux c. Chouvalidzé
no. de référence : 500-22-079275-023
COUR DU QUÉBECCANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE MONTRÉAL
« Chambre civile »
N° : 500-22-079275-023
DATE : 29 octobre 2004
______________________________________________________________________
SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE JEAN-F. KEABLE
______________________________________________________________________
Claudette Veilleux
André Veilleux
Parties demanderesses
Représentées par Me France Dulude
c.
Élizabeth Chouvalidzé
Richard Martin
Parties défenderesses
Représentées par Me Henri Richard
Et
La Capitale de l’Ile
Partie défenderesse
Représentée par Me Manon Lamoureux
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
JK-0162
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INTRODUCTION
[1] Claudette Veilleux et André Veilleux poursuivent Élizabeth Chouvalidzé, Richard
Martin et La Capitale de l’Ile inc. (La Capitale) pour leur réclamer conjointement et
solidairement des dommages de 34 330,26 $.
[2] L’origine du litige découle de la vente d’un condominium par l’intermédiaire d’un
courtier et de la découverte subséquente de l’état de la construction des planchers de
bois franc.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[3] Les questions en litige sont les suivantes :
! Les vendeurs ont-ils honoré leurs engagements contractuels et, si non, quels
sont les dommages ?
! Y-a-t-il eu dol par réticence des vendeurs sur un élément déterminant du
consentement de l’acheteur et, si oui, quels sont les dommages subis par
l’acheteur ?
! Le cas échéant, le courtier La Capitale a-t-il commis une faute l’obligeant à
partager la responsabilité des dommages ?
LES FAITS
[4] Le 18 septembre 2002, André Veilleux achète d’Élizabeth Chouvalidzé et Richard
Martin un condominium situé sur la rue Berlioz à l’Ile des Soeurs pour 250 000 $. La
prise de possession a lieu le même jour.
[5] Lors des démarches préalables à l’achat, André Veilleux et son épouse Claudette
apportent une attention particulière à la recherche d’un condominium avec un plancher
de bois franc. Le couple est disposé à payer un peu plus cher pour ce type de plancher.
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[6] La fiche descriptive préparée par La Capitale décrit ainsi le condominium en vente
pour 259 000 $ depuis le 12 juin 2002 :
« Superbe condo rénové aux Jardins de l’Archipel. Situé au 1er étage avec
immense terrasse de 800 pieds carrés, côté ouest, ensoleillement maximal près
du fleuve. Site remarquable, entouré d’arbres et très bien aménagé. Plusieurs
rénovations apportées à la propriété.
[…]
Addenda.
Planchers en bois franc (chêne) dans toutes les pièces principales. Vestibule
d’entrée en marbre concassé.
Cuisine rénovée. Armoires en thermoplastique comptoir en tuiles, petite dînette
intégrée. Style provençal. La cuisine a été agrandie.
Portes coloniales, portes françaises.
Terrasse extérieure refaite en pavé uni. Très bien aménagée avec fleurs et
arbustes.
Très belle propriété chaleureuse et rénovée avec goût.
[…]
Condo de 3 chambres converties en 2 avec très grand séjour / salle à manger ; »
[7] Lors d’une visite du condominium, l’acheteur et son épouse remarquent des
taches noires, importantes, sur le plancher du salon près du balcon1. Ils s’en
préoccupent ; les vendeurs les rassurent en leur parlant d’une infiltration d’eau
survenue, auparavant, dont les causes ont été éliminées par des interventions du
syndicat des copropriétaires. Les vendeurs mentionnent que le plancher peut être
facilement remis en bon état par une réparation, un ponçage et un vernissage.
1 Sur les photos produites, le Tribunal note que plus d’une dizaine de planches sont très noircies.
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[8] L’acheteur convient d’acquérir la propriété pour 250 000 $ avec l’intention de faire
réparer, sabler et vernir les planchers avant son arrivée dans le condominium.
[9] Après la vente, l’acheteur fait appel à un spécialiste, Jean-Pierre Favreau, de
Planchers Décor inc. Au premier coup d’oeil, à 95 %, l’expert croit reconnaître un
plancher de type « engineer ». Il croit la réparation possible avec le même type de
matériaux. Quelques jours plus tard, il se ravise. Le 27 septembre 2002, il écrit à son
client :
« Suite au dégât d’eau dans l’appartement cité en rubrique et à l’analyse
que nous avons pu faire, nous devons malheureusement vous aviser qu’il
est impossible de sabler et vernir les planchers de cet appartement.
Le plancher est composé d’une très fine couche de chêne (environ 1mm)
collée sur du carton lui-même collé sur une mince couche de pneus
recyclés servant d’insonorisant. La couche de chêne est tellement fine
que nous passerions au travers en tentant de le sabler… »
[10] Le 12 mars 2003, l’expert de La Capitale, Denis Leboeuf, retient, pour l’essentiel,
des conclusions comparables :
« Dans le salon, sur le bord du mur extérieur nous avons noté un
dommage causé par l’eau au couvre-sol. Le dommage semble avoir été
causé par l’infiltration d’eau sur une longue période de temps car le
couvre-sol était désagrégé par la pourriture. Voir photo # 1 ci-jointe.
Le couvre-sol est un plancher de bois franc laminé de type « engineer ». Il
est composé d’une base de fibre de bois sur laquelle il y a un placage de
bois franc (chêne). Les lattes ont une dimension de 3 x ½. Celles-ci sont
installées sur un isolant, qui est lui (isolant) installé sur une dalle de béton.
Ce type de couvre-sol est généralement utilisé dans le condominium. Le
couvre-sol a toutes les apparences d’un plancher de bois-franc
conventionnel. Cependant, ce type de plancher ne peut être sablé et
reverni. Pour installer un plancher de bois franc conventionnel ou prévernis
en bois solide, des modifications doivent être apportées aux portes
à l’intérieur et un bâti de plancher en bois doit être construit pour
permettre de clouer les lattes de bois franc. Donc, la grande majorité des
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logements qui ont une structure de béton ont ce type de plancher
(plancher flottant).
[11] Les deux experts précisent qu’un plancher de bois franc conventionnel doit être de
¾ de pouce d’épaisseur et qu’il doit être cloué sur du contreplaqué. Sa durée de vie est
de 100 à 150 ans. Il peut être sablé et vernis à plusieurs reprises. Par ailleurs, le
plancher de type « engineer » a toutes les apparences d’un plancher de bois franc2
mais sa durée de vie est d’environ 30 ans avec une possibilité de léger sablage à deux
ou trois reprises.
LES ENGAGEMENTS CONTRACTUELS
[12] La vente de l’immeuble du 18 septembre 2002 comporte l’obligation implicite de
le livrer avec des planchers de bois franc en chêne dans les pièces principales comme
le montre la fiche descriptive de l’immeuble diffusée par La Capitale3. Les vendeurs ne
respectent pas cet engagement contractuel et ils sont tenus de réparer le préjudice4.
Les dommages-intérêts
[13] L’acheteur réclame les dommages-intérêts matériels suivants :
2 Selon Jean-Pierre Favreau, seule la longueur des planches peut varier.
3 Art. 1708 C.c.Q. La vente est le contrat par lequel une personne, le vendeur, transfert la propriété
d’un bien à une autre personne, l’acheteur, moyennant un prix en argent que cette dernière s’oblige à
payer […]
Art. 1716 C.c.Q. Le vendeur est tenu de délivrer le bien, et d’en garantir le droit de propriété et la
qualité. Ces garanties existent de plein droit, sans qu’il soit nécessaire de les stipuler dans le contrat de
vente.
Art. 1718 C.c.Q. Le vendeur est tenu de délivrer le bien dans l’état où il se trouve lors de la vente,
avec tous ses accessoires.
Art. 1434 C.c.Q. Le contrat valablement formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce
qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages,
l’équité ou la loi.
4 Art. 1458 C.c.Q. Toute personne a le devoir d’honorer les engagements qu’elle a contractés.
Elle est, lorsqu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel,
qu’elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice ; […]
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! 19 345,26 $ pour le coût de remplacement des planchers par des planchers de
bois franc en chêne ;
! 9 985 $ pour divers coûts reliés à la réalisation des travaux de remplacement des
planchers.
[14] Les parties admettent que le coût de remplacement des planchers dans les
principales pièces du condominium est de 17 000 $. Les coûts de sablage et de
vernissage de 2 500 $ demeurent à la charge exclusive de l’acheteur. Le Tribunal
retient la dépréciation de 25 % suggérée par l’expert de La Capitale et établit ces
dommages à 12 750 $.
[15] En outre, la réfection des planchers nécessite des plinthes et des quarts de
ronds évalués à 2 160 $. Le Tribunal accepte cette réclamation jusqu’à concurrence de
1 620 $ pour tenir compte d’une dépréciation de 25 %.
[16] Le Tribunal accorde les frais de prise en charge des déchets de 500 $, les frais
de réservation du monte-charge de 750 $ et les frais d’emballage, entreposage et
réinstallation des meubles de 4 475 $. Le Tribunal refuse les frais de subsistance de
2 100 $ réclamés pour une semaine ; ces dommages sont exagérés.
LE DOL PAR RÉTICENCE
[17] André Veilleux se dit victime d’un dol par réticence menant à la conclusion du
contrat à des conditions différentes de celles qui auraient prévalu s’il avait su, dès le
départ, qu’il ne s’agissait pas de véritables planchers de bois franc de ¾ de pouce
d’épaisseur. L’acheteur invoque une erreur sur un élément essentiel et déterminant
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provoquée par réticence qui lui permet d’obtenir des dommages-intérêts5 de 5 000 $
pour troubles et inconvénients.
[18] Les vendeurs nient avoir fait quelque fausse représentation que ce soit6.
Pendant toute la période de possession de leur condominium, ils se disent convaincus
d’avoir possédé un plancher de bois franc dans les pièces principales. De bonne foi, ils
croient qu’il est possible de réparer et sabler les planchers comme ils l’affirment à
l’acheteur et à son épouse.
[19] À cet effet, ils insistent sur les inscriptions « magnifiques planchers de chêne à la
grandeur » figurant sur la fiche descriptive du courtier en immeuble au moment de
l’acquisition du condominium le 25 septembre 1998.
[20] Le Tribunal est convaincu qu’Élizabeth Chouvalidzé et Richard Martin ont acquis
le condominium croyant qu’il possédait « des planchers de chêne à la grandeur ». Ils
ont, cependant, entrepris des rénovations importantes. Ils ont agrandi la cuisine,
procédé à l’élimination d’une chambre pour agrandir le salon et la salle à manger. Ces
5 Art. 1400 C.c.Q. L’erreur vicie le consentement des parties ou de l’une d’elle lorsqu’elle porte sur la
nature du contrat, sur l’objet de la prestation ou encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le
consentement.
L’erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.
Art. 1401 C.c.Q. L’erreur d’une partie, provoquée par le dol de l’autre partie ou à la connaissance de
celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas ou, sans cela, la partie n’aurait pas contracté ou aurait
contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d’une réticence.
Art. 1407 C.c.Q. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat ;
en cas d’erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des
dommages-intérêts ou encore, s’il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son
obligation équivalente aux dommages-intérêts qu’il eut été justifié de réclamer.
Art. 1434 C.c.Q. Le contrat valablement formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce
qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages,
l’équité ou la loi.
6 Seule Élizabeth Chouvalidzé rend témoignage. Son conjoint n’a pas témoigné pour des raisons de
santé.
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travaux ont entraîné la disparition de certains murs. Le plancher en a été affecté. Des
tranchées sont apparues7.
[21] Élizabeth Chouvalidzé explique au Tribunal que son entrepreneur l’informe qu’il
est impossible de retrouver des planches de la même couleur et que, en conséquence,
ce serait une bonne idée de recouvrir les tranchées avec de la céramique comme on le
retrouve dans beaucoup de revues de décoration. Élizabeth Chouvalidzé choisit la
céramique et elle est intercalée entre certaines parties du plancher pour masquer les
tranchées causées par l’enlèvement des murs. Les photos 6 et 7 de l’expert Leboeuf
montrent l’importance des tranchées sur le plancher du salon causées par l’enlèvement
des murs. Ces tranchées sont redevenues apparentes lorsque la céramique choisie par
Élizabeth Chouvalidzé a été enlevée.
[22] À première vue, le choix de la céramique pour cacher les tranchées répond à un
souci décoratif. L’acheteur suggère au Tribunal d’en tirer l’inférence que cette
modification n’a pu se réaliser sans qu’Élizabeth Chouvalidzé ne sache, alors, que le
plancher de bois franc n’avait pas ¾ de pouce d’épaisseur.
[23] L’acheteur suggère au Tribunal de retenir que, lors des rénovations importantes
menant à l’agrandissement du salon et de la cuisine, Élizabeth Chouvalidzé a
nécessairement obtenu de son entrepreneur des informations non seulement sur la
couleur du bois mais, aussi, sur la très mince couche de la plaquette de chêne. Cela est
possible mais la preuve ne démontre pas que cela soit probable8.
7 Voir les photos 6 et 7 de l’expert Denis Leboeuf.
8 Élizabeth Chouvalidzé est brièvement contre-interrogée sur cette question et son entrepreneur ne
témoigne pas.
Art. 2846 C.c.Q. La présomption est une conséquence que la loi ou le tribunal tire d’un fait connu à
un fait inconnu.
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[24] Le Tribunal refuse donc la réclamation de 5 000 $ pour dommages et
inconvénients. En outre, les motifs invoqués pour justifier ces dommages soit la
frustration, la gêne, l’inquiétude et le stress ne sont ni suffisants ni convaincants.
LA RESPONSABILITÉ DU COURTIER LA CAPITALE
[25] Le courtier immobilier a-t-il commis une faute l’obligeant à partager la
responsabilité des dommages ? Pour répondre à cette question, le Tribunal doit
examiner le rôle de ses agents immobiliers dans la préparation et la diffusion de la fiche
descriptive du condominium à compter du 12 juin 20029, ainsi que dans le déroulement
de l’ensemble des négociations.
Le témoignage de Katia Choucair
[26] Les vendeurs recourent aux services de l’agent immobilier, Katia Choucair, qui
travaille pour le courtier La Capitale.
[27] Katia Choucair a une connaissance approfondie du marché immobilier à l’Ile des
Soeurs. Elle sait qu’il y a peu de planchers de bois dans les condominium, et son
examen visuel la convainc qu’il s’agit d’un vrai plancher de bois franc en chêne comme
les vendeurs le lui représentent. Elle reconnaît qu’elle est incapable de distinguer un
plancher de chêne de type « engineer » d’un plancher de bois franc en chêne
conventionnel.
Art. 2849 C.c.Q. Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont à l’appréciation du tribunal
qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes.
9 D-1.
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[28] Néanmoins, l’agent immobilier prépare la fiche descriptive à partir des
informations données par les vendeurs et n’a jamais eu de doutes sur le fait qu’il
s’agissait de vrais planchers de bois franc de chêne. Elle participe à la première visite
de la propriété et se fait remplacer par une collègue pour la deuxième ou troisième
visite en raison de ses vacances.
La loi sur le courtage immobilier et les règles déontologiques
[29] Outre l’article 2100 du Code civil10, la Loi sur le courtage immobilier11 et les
règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec12
imposent à l’agent immobilier et au courtier des devoirs et des obligations destinés à
protéger leurs clients, les cocontractants et le public en général.
[30] À l’instar du Code des professions13 et des autres lois professionnelles, la Loi sur
le courtage immobilier et les règles de déontologie sont d’ordre public14. En outre,
l’article 1434 du Code civil « incorpore au contrat de courtage les obligations imposées
par la Loi sur le courtage immobilier et les règles de déontologie »15.
[31] Les principaux articles pertinents des règles de déontologie sont les suivants :
10 Art. 2100 C.c. L’entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d’agir au mieux des intérêts de
leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l’ouvrage à réaliser ou du
service à fournir, d’agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s’assurer, le cas échéant,
que l’ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat. […]
11 L.R.Q., c.C-73.1.
12 D. 1867-93 [1993] 125 GO. 2, 9156.
13 L.R.Q. c.C-26
14 Claude BARSALOU, L’obligation de vérification du courtier immobilier, 1998, Développements
récents en droit immobilier, Service de l’information permanente du Barreau du Québec, Les éditions
Yvon Blais inc., p. 113.
15 Jean-Louis BAUDOUIN, Yvon RENAUD, Code civil du Québec annoté, Tome 2, Wilson & Lafleur
2002, 5e édition, p. 1668.
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Art. 1. Le membre de l’Association des courtiers et agents immobiliers du
Québec doit exercer sa profession avec prudence, diligence et compétence, et
faire preuve de probité, de courtoisie et d’esprit de collaboration. Il ne doit
commettre aucun acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession.
Art. 11. Le membre doit vérifier, conformément aux usages et aux règles de l’art,
les renseignements qu’il fournit au public ou à un autre membre. Il doit toujours
être en mesure de démontrer l’exactitude de ces renseignements.
Art. 25. Le membre doit, lorsque la protection des intérêts de son client ou de
l’une des parties à une transaction visée à l’article 1 de la Loi l’exige,
recommander à celui-ci d’avoir recours à un expert reconnu par la loi.
Art. 26. Le membre doit conseiller et informer avec objectivité son client ou toutes
les parties à une transaction visée à l’article 1 de la Loi. Cette obligation porte sur
l’ensemble des faits pertinents à la transaction ainsi qu’à l’objet de celle-ci, et doit
être remplie sans exagération, dissimulation ou fausse déclaration.
Art. 27. Le membre doit entreprendre les démarches pour découvrir,
conformément aux usages et aux règles de l’art, les facteurs pouvant affecter
défavorablement son client ou les parties à une transaction visée à l’article 1 de
la Loi ou l’objet lui-même de cette transaction.
Art. 28. Le membre doit informer son client et toutes les parties à une transaction
visée à l’article 1 de la Loi de tout facteur dont il a connaissance et qui peut
affecter défavorablement les parties ou l’objet même de la transaction. »
[32] Les devoirs de vérification des renseignements destinés à être diffusés par le
courtier et l’agent immobilier, inscrits à l’article 11 des règles de déontologie, leur sont
continuellement rappelés par le contenu obligatoire16 de tout contrat de courtage
exclusif ou non exclusif « d’un immeuble principalement résidentiel ».
[33] Sous les titres « Les obligations du courtier immobilier », tout contrat de courtage
exclusif ou non exclusif « d’un immeuble principalement résidentiel » prévoit que « le
courtier s’engage à, conformément aux usages et aux règles de son art (à) vérifier au
préalable tous les faits ou données mentionnés dans une publicité relative à la vente de
16 Voir les articles 155 (paragr. 5) et 174 alinéa 1 (paragr. 17) de la Loi sur le courtage immobilier.
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l’immeuble visée au contrat » en conformité avec les articles 85,40 et 86,40 du
Règlement de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec17.
[34] Pour vérifier les renseignements destinés au public ou à un autre membre,
l’agent immobilier et le courtier doivent, notamment, jouer un rôle actif18 et
recommander parfois, à leur client, de recourir à un expert19.
[35] Une fois la vérification terminée, l’agent immobilier procède à la préparation
d’une fiche descriptive.
La fiche descriptive
[36] La fiche descriptive de l’immeuble est l’outil premier de mise en marché de
l’ensemble des caractéristiques de l’immeuble offert en vente. Très souvent, la fiche
descriptive est reproduite au service Inter-agences d’une chambre immobilière. Les
autres courtiers ont ainsi l’occasion de connaître les caractéristiques d’un immeuble
dont la vente est confiée au courtier inscripteur par le contrat de courtage.
[37] L’importance de la fiche descriptive est également illustrée par l’article 77 du
règlement de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec décrivant
ainsi une des conditions d’exercice de l’activité de courtier immobilier 20 :
« Le titulaire d’un certificat de courtier immobilier, autre que celui des courtiers
immobiliers affiliés, doit remettre à son cocontractant copie de tout document
contenant les données servant à décrire l’immeuble, le fonds de commerce ou le
prêt garanti par hypothèque mobilière qui fait l’objet du contrat de courtage.
17 D.1865-93, 1993 G.O.2, 9094.
18 Art. 27 des règles de déontologie, voir le paragr. 31 du présent jugement.
19 Art. 25 des règles de déontologie, voir le paragr. 31 du présent jugement.
20 Supra note 16.
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Cette copie doit être transmise dès que le document est établi et elle ne doit
mentionner que les données qui sont à la connaissance du courtier immobilier.
[…]
Le titulaire, son agent immobilier ou son courtier immobilier affilié, le cas
échéant, doit vérifier les renseignements et documents qu’il fournit aux parties à
une opération immobilière. »
L’importance des planchers de bois franc et les obligations du
courtier immobilier
[38] L’agent immobilier de La Capitale a vu les planchers de bois franc noircis. Katia
Choucair indique sur la fiche descriptive « planchers en bois franc (chêne) » en
écoutant ses clients et en se fiant à son oeil de profane sans vérifications additionnelles.
[39] Lors d’une visite d’André Veilleux et de son épouse, un agent immobilier de La
Capitale21, saisit l’importance que les acheteurs potentiels accordent aux planchers de
bois franc. L’agent immobilier assiste aux représentations des vendeurs quant à la
possibilité de faire sabler et vernir les planchers dont une partie est très endommagée.
[40] Dans les circonstances particulières de cette transaction, le devoir de protection
des intérêts des deux parties obligeait La Capitale à recommander à ses clients et aux
acheteurs potentiels de recourir à un expert pour vérifier si le sablage et le vernissage
des planchers étaient réalisables22.
[41] L’absence de cette recommandation à l’une ou l’autre des parties engage la
responsabilité de La Capitale : la preuve démontre que l’examen des planchers par un
expert aurait vite révélé l’impossibilité de sabler et vernir ces planchers.
[42] L’importance que l’acheteur et son épouse déclarent accorder à l’existence de
planchers de bois franc convainc le Tribunal du fait que la transaction ne se serait pas
21 L’agent immobilier Katia Choucair a été remplacée par une collègue lors d’une visite.
22 Art. 25 des règles de déontologie, voir le paragr. 31 du présent jugement.
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réalisée, au même prix, avec une connaissance adéquate de l’ensemble des faits
pertinents23.
[43] Dans l’éventualité où la transaction aurait échoué, La Capitale avait l’obligation
de modifier la fiche descriptive pour tenir compte des résultats de l’expertise obtenue.
L’article 11 des règles déontologiques24 et le Règlement de l’Association des courtiers
et agents immobiliers du Québec25 obligent le courtier et l’agent immobilier à ne publier
que les renseignements dont ils sont en mesure de démontrer l’exactitude.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
ACCUEILLE en partie l’action d’André Veilleux ;
CONDAMNE d’une part Élizabeth Chouvalidzé et Richard Martin et, d’autre part,
La Capitale de l’Ile à payer, conjointement, à André Veilleux la somme de
20 095 $ avec l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
1619 du Code civil du Québec, depuis le 20 décembre 2002 ;
LE TOUT avec dépens.
__________________________________
Jean-F. Keable, J.C.Q.
Date de signification de la déclaration : 20 décembre 2002
Date d’audience : 1er octobre 2004
23 Art. 26 et 27 des règles de déontologie.
24 Voir paragr. 31 du présent jugement.
25 Voir paragr. 37 du présent jugement.
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