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Vallespin c. Banque Nationale du Canada

no. de référence : 505-32-019104-059

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE


LONGUEUIL

« Chambre civile »

N° :


505-32-019104-059






DATE :


Le 4 mai 2009

______________________________________________________________________



SOUS LA PRÉSIDENCE DE :


L’HONORABLE


CHANTAL SIROIS, J.C.Q.

______________________________________________________________________





CHARLIE VALLESPIN

Partie demanderesse

c.



BANQUE NATIONALE DU CANADA

Partie défenderesse



______________________________________________________________________



JUGEMENT

______________________________________________________________________




[1] La partie demanderesse réclame 7 000 $ à la partie défenderesse (ci-après la Banque) pour l’inexécution d’obligations stipulées dans un contrat de vente itinérante d’une thermopompe conclu avec Climatisation & Chauffage Bon Air (ci-après CCBA), parce que les promesses d’économie d’énergie par le représentant de CCBA ne se sont pas concrétisées, ainsi que pour la perte des avantages d’une garantie prolongée. La partie demanderesse intente son recours contre la Banque, qui a financé cet achat, étant donné que CCBA a cessé ses opérations.

[2] La Banque plaide plusieurs motifs de défense. Elle fait valoir principalement que :

· La demande est prescrite;

· L’article 116 de la Loi sur la protection du consommateur[1] (ci-après parfois appelée L.p.c.) n’est pas applicable en l’espèce;

· L’article 103 L.p.c. n’est pas applicable en l’espèce;

· L’article 1637 C.c.Q. ne s’applique pas, parce qu’il n’y a pas eu cession de contrat à la Banque;

· La partie demanderesse n’est pas crédible eu égard à sa participation au stratagème de Garantie Québec;

· La Banque a accepté sur une base volontaire de respecter la garantie de 10 ans et on ne saurait lui réclamer le coût d’achat d’une garantie auprès de Garantie Québec;

· La preuve des dommages est insuffisante.

[3] Avant d’analyser ces différents moyens, précisons le contexte factuel du présent dossier.
Les faits

[4] Vers le mois de novembre 2000, un représentant de CCBA, Alain Bélanger (ci-après Bélanger), a sollicité la partie demanderesse pour la rencontrer et lui expliquer les avantages de l’achat d’une thermopompe.

[5] Au début du mois de janvier 2001, Bélanger a rencontré la partie demanderesse et lui a expliqué que l’achat de la thermopompe proposée lui ferait économiser 60 % de ses factures de chauffage. Ces économies aideraient à payer les mensualités de la thermopompe, de sorte que finalement, la thermopompe coûterait moins cher que les chiffres apparaissant au contrat. Bélanger n’a pas mentionné à la partie demanderesse le montant de l’économie mensuelle ou annuelle, seulement le pourcentage, soit 60 % de ses factures de chauffage, comprenant l’électricité et le mazout.

[6] Bélanger a aussi remis à la partie défenderesse différents documents d’information au sujet de l’équipement proposé, faisant valoir les avantages d’une centrale de traitement d’air combinée avec thermopompe intégrée de haute efficacité.

[7] La page 4 du document P-7 déposé en preuve souligne 32 avantages de l’équipement. Le 28e avantage se lit : « 28 UN APPAREIL D’UNE DURÉE DE VIE VARIANT DE 20 À 25 ANS ».

[8] La page 7 de ce même document prévoit : « DES ÉCONOMIES IMPORTANTES – AUTOFINANCEMENT DE L’ÉQUIPEMENT ».

[9] La dernière colonne de la page 8 de ce même document ajoute notamment : « ACHAT D’ÉNERGIE POUR LA VALEUR 1 DOLLAR $ VALEUR = 3 DOLLAR $ COP-3 POUR 1 », « LA CHALEUR EST OBTENUE PAR LA DIFFUSION ET RÉCUPÉRATION DE 75 % DE LA CHALEUR », « DES ÉCONOMIES IMPORTANTES – AUTOFINANCEMENT DE L’ÉQUIPEMENT ».

[10] La page 9 du document surenchérit : « LE PROJET DOIT POUVOIR S’AUTOFINANCER À MÊME LES ÉCONOMIES ».

[11] Enfin, la page 11 souligne 25 avantages de l’équipement, dont « PROGRAMME D’AUTOFINANCEMENT » et aucun désavantage.

[12] À la suite de ces représentations verbales et écrites, le 6 janvier 2001, la partie demanderesse a signé le contrat de vente itinérante P-1, conclu avec CCBA, prévoyant la vente d’une « Unité de Conservation Énergétique », accessoires et garantie de 10 ans, pour un prix total de 16 102,34 $, taxes incluses, moins un retour du fabricant de 500 $ payable le jour de l’installation par chèque au client.

[13] Le contrat de vente P-1 stipule qu’il doit être approuvé par le bureau-chef et « Remboursable en tout temps sans pénalité (Programme Bancaire) ». (soulignement ajouté)

[14] Le même jour que la signature du contrat, Bélanger a rempli pour la partie demanderesse une demande de crédit auprès de la Banque et la lui a fait signer[2].

[15] Le 9 janvier 2001, Sylvie Lanteigne, représentante autorisée du vendeur CCBA, a fait signer à la partie demanderesse le contrat de prêt P-2. Le capital prêté s’élève à 16 102,34 $, les intérêts à 8 375,26 $, et l’obligation totale du consommateur à 24 477,60 $. L’obligation totale du consommateur est payable à la Banque en 120 mensualités différées de 203,98 $. Le contrat de prêt contient plusieurs clauses requises par la Loi sur la protection du consommateur. Il contient aussi certaines clauses particulières sur lesquelles le Tribunal reviendra ultérieurement.

[16] Le même jour que la signature du contrat de prêt, la partie demanderesse signe une autorisation à la Banque de débourser la somme de 16 102,34 $ directement à CCBA en considération de l’installation préalable de l’équipement décrit au contrat de vente.

[17] La Banque émet aussi un relevé bancaire du prêt consenti à la partie demanderesse, malgré le fait que le déboursé total du prêt ait été effectué directement à CCBA.

[18] La partie demanderesse n’a donc jamais rencontré de préposé de la Banque pour l’obtention du financement, puisque toute la transaction s’est conclue exclusivement par l’intermédiaire des représentants de CCBA.

[19] Après une période évaluée entre un et deux ans, la partie demanderesse a réalisé avec déception que les économies de chauffage promises n’étaient pas au rendez-vous.

[20] Le 12 mai 2004, la partie demanderesse a acheté une garantie de 10 ans auprès de Garantie Québec pour un prix total de 2 945 $, taxes incluses[3].

[21] Le 5 juillet 2004, la partie demanderesse a fait parvenir une mise en demeure à la Banque [4].

[22] Le 7 mars 2005, la partie demanderesse a intenté le présent recours.
analyse

[23] Le contrat de vente itinérante et le contrat de prêt conclus en l’espèce constituent des contrats de consommation régis par la Loi sur la protection du consommateur. Ils contiennent plusieurs mentions prescrites par cette loi. Cette qualification des contrats n’est d’ailleurs pas contestée par la Banque.
Le recours est prescrit en vertu de la Loi sur la protection du consommateur

[24] Or, avant le 14 décembre 2006[5], pour exercer en demande un recours fondé sur les articles 102 , 103 ou 116 L.p.c., un consommateur devait agir à l'intérieur d'un délai de trois ans à compter de la formation du contrat, tel qu'édicté par les articles 273 à 276 L.p.c., qui se lisaient alors ainsi :



273. Sous réserve de ce qui est prévu aux articles 274 et 275, une action fondée sur la présente loi se prescrit par trois ans à compter de la formation du contrat.



274. Une action fondée sur l'article 37, 38 ou 53 se prescrit par un an à compter de la naissance de la cause d'action.



275. Une action fondée sur une garantie prévue à l'article 159, au deuxième alinéa de l'article 164, à l'article 176, au deuxième alinéa de l'article 181 ou à l'article 186 se prescrit par trois mois à compter de la découverte de la défectuosité.



276. Le consommateur peut invoquer en défense ou dans une demande reconventionnelle un moyen prévu par la présente loi qui tend à repousser une action ou à faire valoir un droit contre le commerçant même si le délai pour s'en prévaloir par action directe est expiré.



(soulignement ajouté)



[25] Dans son ouvrage intitulé Loi sur la protection du consommateur[6], le très regretté Me Claude Masse émet les commentaires suivants relativement à la prescription prévue à l'article 273 L.p.c.:



Sauf en ce qui concerne les situations prévues aux articles 274 (application des art. 37 , 38 , et 53 L.P.C.) et 275 (application des art. 159 , 164 , 176 , 181 et 186 L.P.C.) L.P.C. qui suivent, le délai général de prescription applicable à la L.P.C. est de trois ans à partir du jour de la formation du contrat. Le contrat se forme lorsque les parties le signent (art. 30 L.P.C.).



(soulignement ajouté)



[26] Dans l'affaire Doucet c. Banque Nationale du Canada[7], cause aux faits semblables impliquant un consommateur, CCBA et la Banque, la juge Micheline Laliberté conclut qu'elle ne peut déroger à l'article 273 L.p.c., et que sous réserve des exceptions prévues aux articles 274 et 275 L.p.c., un recours en demande fondé sur la Loi sur la protection du consommateur se prescrit par trois ans à partir du jour de la formation du contrat.

[27] En l'espèce, la date de formation du contrat de prêt remonte au 9 janvier 2001, tandis que l'action a été introduite le 7 mars 2005, soit plus de trois ans après la formation du contrat. La demande de la partie demanderesse fondée sur les articles 102 , 103 ou 116 L.p.c. est donc manifestement prescrite.

[28] Il n’y a donc pas lieu d’analyser si d’autres motifs font échec à l’application de ces dispositions.
Le recours n’est pas prescrit en vertu du Code civil du Québec

[29] Cependant, l'article 270 L.p.c. énonce que les dispositions de cette loi s'ajoutent à toute disposition d'une autre loi qui accorde un droit ou un recours au consommateur. Ce principe a d'ailleurs été reconnu et appliqué par la juge Laliberté dans l'affaire Doucet c. Banque Nationale du Canada précitée[8].

[30] Le recours contre la Banque est-il prescrit en vertu du Code civil du Québec?

[31] En vertu de l’article 2880 C.c.Q., le point de départ de la prescription de droit commun n’est pas la date de formation du contrat, mais le jour où le droit d’action a pris naissance.

[32] Le Tribunal est d’avis que le droit d’action a pris naissance à compter du moment où la partie demanderesse a eu connaissance de la fausseté des représentations de CCBA[9]. Cette connaissance a nécessité d’utiliser la thermopompe dans diverses conditions climatiques[10] et de passer une saison hivernale complète, puis de comparer les factures avant et après l’installation de l’équipement.

[33] La thermopompe a été installée en janvier 2001, soit au milieu de la première saison hivernale. Le premier hiver complet s’est terminé fin avril 2002. Il faut compter environ deux mois additionnels pour la réception de la facture d’avril 2002, puis son analyse en vue du paiement.

[34] Le Tribunal détermine qu’en l’espèce, le droit d’action de la partie demanderesse a pris naissance fin juin 2002, soit environ un an et demi après l’achat.

[35] Ce raisonnement est tout à fait compatible avec le témoignage de la partie demanderesse selon lequel cela lui a pris entre un et deux ans pour réaliser que les économies de chauffage promises ne se concrétiseraient pas.

[36] Le recours est devenu prescrit fin juin 2005, vu la règle de prescription triennale édictée par l’article 2925 C.c.Q. L’action intentée le 7 mars 2005 n’est donc pas prescrite.
Y a-t-il eu cession de contrat à la Banque?

[37] La Banque peut-elle être tenue responsable des obligations de CCBA envers la partie demanderesse sur la base du Code civil du Québec?

[38] Pour répondre à cette question, il y a d’abord lieu de référer à l’article 1637 du Code civil du Québec.

[39] Cet article édicte que :





1637. Le créancier peut céder à un tiers, tout ou partie d'une créance ou d'un droit d'action qu'il a contre son débiteur.



Cette cession ne peut, cependant, porter atteinte aux droits du débiteur, ni rendre son obligation plus onéreuse.



[40] Étant donné qu’en l’espèce, le contrat de prêt est rédigé en anglais, voici le texte anglais de ce même article :



1637. A creditor may assign to a third person all or part of a claim or a right of action which he has against his debtor.



He may not, however, make an assignment that is injurious to the rights of the debtor or that renders his obligation more onerous.



(soulignements ajoutés)



[41] En vertu du droit civil, un créancier peut céder à un tiers une créance, un droit d’action ou encore un contrat.

[42] Y a-t-il des clauses de cession quelconque dans le contrat de prêt d’argent P-2?

[43] Ce contrat contient la clause suivante, à sa première page, juste avant le tableau d’état du prêt consenti :



In consideration of the goods sold and/or renovation work described above, which are the subject of a separate transaction from this contract, the consumer borrows from the merchant the amount of 16 102,34 $ (net principal), which shall be applied to the payment of the said goods and/or work and shall be repaid to National Bank of Canada (the « Bank »), since the merchant assigns this contract to the Bank in accordance with the terms and conditions set out below… »



(soulignement et caractères gras ajoutés)



[44] Le contrat de prêt d’argent P-2 contient aussi les clauses suivantes, vers le milieu de sa deuxième page :



The consumer acknowledges:







3. That I have authorized national bank of Canada to disburse the amount of net principal which was used to pay for the renovation work done by the merchant.



4. that the merchant transfers, sells and assigns this contract to national bank of Canada subject to the terms and conditions of the assignment set out below.







ASSIGNMENT



1. The merchant referred to in the Contract for the Loan of Money above (hereinafter called the “contract”) transfers and assigns to National Bank of Canada (the “Bank”) the contract and all rights, claims and sums receivable thereunder.



2. The merchant certifies to the Bank that: (a) the goods sold and/or work paid for by way of the sums borrowed by the customer have been delivered and/or done to the customer’s entire satisfaction in accordance with the description in the contract of the goods sold and/or work, and the total obligation of the consumer is correctly described in the contract; b) he has complied, in all aspects, with all legislation applicable to the contract, the loan for money, the performance of renovation work and any warranty with respect to the goods and/or work and that he shall discharge all obligations of the merchant respecting the goods and/or work and any warranty related thereto; c) the contract is and shall be enforceable against the consumer for any sum payable by the same under the contract, without reduction or suspension for any reason whatsoever and that it may not be liable to cancellation, reduction or termination by the consumer or by a court; (d) if the contract is subject to Division II of Chapter III of the Quebec Consumer Protection Act (provisions with respect to the itinerant merchant), the itinerant merchant has an itinerant merchant’s permit in good order, he has provided warranties and has paid the duties required for an itinerant merchant’s permit and for a money lender’s permit at the time of the signing of this contract.



3. In the event of the non-performance of any commitment set out in paragraph 2 of this assignment, the merchant shall be liable therefor (sic) and shall indemnify the Bank forthwith for any and all losses, all damages, expenses and court and extrajudicial costs resulting therefrom, and the merchant undertakes unconditionally to repurchase the contract without delay at the Bank’s request, for a sum equal to the amount of the total obligation still outstanding at the date of the request plus all sums remaining due under the contract, regardless of whether the contract was subject to a defect.



4. The entire liability assumed by the merchant under this assignment shall continue in the event of an extension of the time period, the grace period, transaction, security, amendment to the contract, or release of the consumer or any other interested parties, which have intervened by operation of law or otherwise.







(soulignements et caractères gras ajoutés, sauf à la première ligne de la citation)



[45] S’il y a eu cession du contrat de vente itinérante à la Banque, la Banque cessionnaire doit alors assumer toutes les obligations du commerçant qui lui a cédé le contrat. En effet, le juge Jean-Louis Baudouin de la Cour d’appel et le professeur Pierre-Gabriel Jobin écrivent ce qui suit sur ce principe dans leur ouvrage « Les obligations », 6e édition[11] :



939 – Cession de créance et cession de contrat - La cession de créance doit être distinguée de la cession de contrat, dans laquelle le cessionnaire acquiert non seulement les droits de créance du cédant, mais assume aussi toutes les obligations qui découlent du contrat sur lequel porte la cession. En somme, la cession de contrat se décompose en une cession de créance et une cession de dettes[12].



(soulignement ajouté)



[46] Donc, lors d’une cession de contrat, le cessionnaire acquiert non seulement les droits de créance, mais doit aussi assumer toutes les obligations qui découlent du contrat[13].

[47] Y a-t-il eu cession de contrat en l’espèce?

[48] Dans l’affaire Doucet précitée, la juge Laliberté, qui a eu à répondre à cette question relativement à des contrats conclus avec un consommateur, CCBA et la Banque, a décidé que oui.

[49] Pour faciliter la compréhension du lecteur francophone, le Tribunal se permet de reproduire la traduction française du contrat de prêt apparaissant dans la citation. Cette version française correspond essentiellement à la version anglaise du contrat conclu entre les parties dans le présent dossier.

[50] Voici donc les motifs principaux relatifs à la cession de contrat dans ce dossier :



[25] La défenderesse Banque Nationale du Canada peut-elle être tenue des obligations du commerçant envers le consommateur Michel Doucet selon le droit commun du Code Civil du Québec? Le Tribunal est d'avis que oui, considérant la mention suivante apparaissant au contrat de prêt d'argent (P-2) intervenu entre les parties le 25 octobre 2001 :



" Cession

1. Le commerçant indiqué dans le contrat de prêt d'argent ci-haut (ci-après appelé le "contrat") cède à la Banque Nationale du Canada (la "Banque") le contrat ainsi que tous les droits, réclamations et sommes à recevoir dans le cadre du contrat.



2. Le commerçant certifie à la Banque: (a) que les biens vendus et/ou les travaux payés au moyen des sommes empruntées par le client ont été livrés et/ou effectués, conformément à la description figurant au contrat des biens vendus et/ou travaux, à l'entière satisfaction du client et l'obligation totale du consommateur est correctement décrite dans le contrat; (b) qu'il s'est conformé, en tous points, à toutes les lois applicables au contrat, au prêt d'argent, à l'exécution des travaux de rénovation et à toute garantie relative aux biens et/ou aux travaux et qu'il remplira toutes les obligations incombant au commerçant se rapportant aux biens et/ou travaux et à toute garantie s'y rapportant; (c) que le contrat est et sera exécutoire contre le consommateur pour toute somme payable par celui-ci dans le cadre du contrat, sans réduction ou suspensions pour quelque raison que ce soit et qu'il ne pourra être susceptible d'annulation, de réduction ou de résiliation par le consommateur ou par le tribunal; (d) si le contrat est assujetti à la Section II, Chapitre III de la Loi sur la Protection du Consommateur du Québec (dispositions concernant le commerçant itinérant), qu'il détient un permis de commerçant itinérant en règle, qu'il a fourni les garantis et payé les droits exigés pour un permis de commerçant itinérant et pour un permis de prêteur d'argent au moment de la signature du contrat.



3. S'il y a inexécution d'un engagement prévu au paragraphe 2 de cette cession, le commerçant en sera responsable et devra immédiatement indemniser la Banque de toute perte, de tous dommages, dépenses et frais judiciaires et extrajudiciaires en résultant et le commerçant s'engage inconditionnellement à racheter dans délai le contrat sur demande de la Banque, pour une somme égale au montant de l'obligation totale encore impayée à la date de la demande plus toutes les sommes restant dues dans le cadre du contrat, que le contrat soit ou non affecté d'un vice.



4. La responsabilité assumée par le commerçant aux termes des la présente cession demeure entière dans les cas de prorogation de délai de grâce, transaction, sûreté, modification du contrat, libération du consommateur ou de toute autre intéressé, intervenus par le fait de loi ou autrement." (sic) (nos soulignements)



[26] Le Tribunal est d'avis qu'il appert du texte même de cette cession que la défenderesse Banque Nationale du Canada n'est pas cessionnaire de la seule créance du commerçant Climatisation et Chauffage Bon-Air Inc., mais est cessionnaire du contrat conclu avec le consommateur Michel Doucet le 25 octobre 2001. Tel qu'énoncé par l'Honorable juge Jean-Louis Baudouin de la Cour d'Appel, dans le volume "Les obligations" (4ième édition, Les Éditions Yvon Blais Inc.) à la page 509, note 1 :



"La cession de créance doit être distinguée de la cession de contrat dans laquelle le cessionnaire acquiert les droits de créance mais assume aussi toutes les obligations qui découlent du contrat. " (nos soulignements)



[27] La jurisprudence a également confirmé que lors d'une cession de contrat, le cessionnaire acquiert les droits de créance, mais assume aussi toutes les obligations qui découlent du contrat. C'est ce qui distingue la cession de contrat de la cession de créance, sous réserve des dispositions contractuelles convenues par les parties. (Banque Royale du Canada c. Procureur général du Québec 1976, C.S., 364, General Accident Insurance c. Co. De chauffage gaz naturel 1978, C.S., 1160, Sobeys Québec Inc. c. Placements G.M.R. Maltais Inc. Soquij AZ-00021695 J.E. 2000-1425 , Banque Nationale du Canada c. Nadeau Soquij AZ-98031183 J.E. 98-994 ).



[28] En l'espèce, le Tribunal est d'avis qu'il est clair que les termes mêmes de la cession agréée par toutes les parties révèlent qu'il s'agit d'une cession de contrat, et qu'en sa qualité de cessionnaire, la défenderesse Banque Nationale du Canada doit assumer toutes les obligations qui découlent du contrat du cédant conclu avec le consommateur Michel Doucet le 25 octobre 2001: elle doit donc assumer les obligations du commerçant Climatisation et Chauffage Bon-Air Inc. portant sur la véracité des représentations de son vendeur Jacques Trottier relatives aux économies d'énergie assurant la presque totalité du coût de remboursement de l'achat de la thermopompe. Il s'agit en l'espèce de représentations écrites, et contenues dans un document broché au contrat (Planification et gestion du programme habitation Québec 2000): il en serait de même si les représentations du vendeur Trottier n'avaient été que verbales, puisque prouvées par prépondérance de preuve.



(soulignements ajoutés)



[51] Dans l’affaire Dubuc c. Banque Nationale du Canada[14], impliquant à nouveau un consommateur, CCBA et la Banque, qui ont signé les mêmes clauses contractuelles, la juge Laliberté renvoie les parties aux motifs énoncés dans l’affaire Doucet pour décider qu’il y a cession de contrat et ajoute :



[22] La Banque Nationale du Canada, en sa qualité de cessionnaire et de la créance et du contrat, doit donc assumer toutes les obligations découlant du contrat intervenu entre les demandeurs et le commerçant Climatisation et Chauffage Bon-Air Inc. le 23 janvier 2002, incluant les représentations effectuées par le vendeur Frédéric Bergeron quant à l'autofinancement du coût d'achat de la thermopompe par les économies d'énergie à réaliser.







[24] Il est exact, comme l'a soulevé le représentant de la Banque Nationale du Canada, monsieur Éric Laflamme, que cette dernière n'a jamais été partie au contrat de vente itinérante intervenu entre les demandeurs et le commerçant : cependant, cela ne change en rien ses obligations en sa qualité de cessionnaire de la créance et du contrat de vente itinérante du commerçant.



[25] La défenderesse a de plus allégué que ce n'est pas le contrat de vente itinérante du 23 janvier 2002 qui lui a été cédé, mais uniquement le contrat de prêt d'argent intervenu entre le commerçant et le consommateur le même jour et auquel elle est partie. Pour retenir cet argument, il faudrait que le Tribunal puisse, de la preuve testimoniale et documentaire offerte par les parties, retenir qu'un contrat de prêt est intervenu entre les demandeurs et le commerçant Climatisation et Chauffage Bon-Air Inc. le 23 janvier 2002, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.







[32] Le Tribunal est d'avis que de la preuve offerte, il apparaît clairement que le commerçant n'a jamais octroyé de prêt aux demandeurs, lesquels l'ont obtenu de la défenderesse Banque Nationale du Canada. En conséquence, toutes les références relatives à la "cession de contrat" apparaissant au document "Contrat de prêt d'argent" ne peuvent qu'être en relation avec le contrat de vente itinérante (numéro 5968), puisque la Banque Nationale du Canada ne peut se céder son propre contrat de prêt d'argent et qu'il n'y a aucun contrat de prêt d'argent entre le commerçant et les demandeurs.



[33] Il s'agit véritablement en l'espèce de la cession du contrat de vente itinérante du 23 janvier 2002 par le commerçant Climatisation et Chauffage Bon-Air Inc. à la Banque Nationale du Canada, en contrepartie du financement, et cette dernière a hérité des obligations du commerçant en sa qualité de cessionnaire des droits et obligations de ce dernier.



(soulignements et caractères gras ajoutés)



[52] Auparavant, le juge Claude H. Chicoine a eu lui aussi à statuer sur la question litigieuse de la cession de contrat. Dans l’affaire Pelletier c. Climatisation et Chauffage Bon Air inc. et Banque Nationale du Canada[15], il s’exprime comme suit :



[11] Il s'agit d'un achat important au montant total de 17 132,97 $ financé par voie d'un contrat de prêt avec la BNC (P-6). De plus, le contrat de vente de l'appareil est cédé par CCBA à la BNC, toujours par l'intervention du même représentant qui détermine les formalités du contrat de financement (taux d'intérêt, période, etc.). De plus, la preuve démontre collaboration régulière entre CCBA et BNC quant à l'attribution des prêts.







[27] Le législateur a voulu, encore une fois, protéger le consommateur et lui permettre d’invoquer ses moyens de défense pour éviter une collusion entre le prêteur et le commerçant qui tenteraient ainsi de l’obliger à payer son prêt sans recevoir les biens pour lesquels il a contracté le prêt[16]. Le professeur L’Heureux qualifie les relations d’affaires entre le cédant et le cessionnaire comme une aventure commune en vue d’octroyer des prêts d’argent aux consommateurs[17]. La BNC, en collaborant régulièrement avec CCBA, est en mesure d’exercer une certaine surveillance sur les activités du vendeur et ainsi évaluer les risques que l’opération peut comporter pour elle-même. La BNC n’avait qu’à consulter les dépliants fournis par CCBA aux consommateurs pour savoir à quoi elle s’engageait en tant que cessionnaire et décider, en conséquence, de continuer ou de refuser de faire affaire avec CCBA.







[31] Dans le cas soumis au Tribunal, il n’y qu’un seul contrat de vente avec financement qui porte sur la thermopompe qui est cédé à la BNC. Raisonner comme le fait la défenderesse serait contraire à la volonté du législateur et permettrait au cessionnaire de se soustraire des obligations légales auxquelles le cédant est tenu. La volonté du législateur, en matière des contrats de consommation avec financement, a été résumée par le professeur L’Heureux de la façon suivante:



«Le droit de la consommation veut empêcher que des pratiques commerciales sophistiquées privent le consommateur du droit de faire valoir ses griefs légitimes relativement au comportement du bien ou du vendeur et qu’il soit forcé d’effectuer le paiement d’un bien qui, par exemple, serait défectueux ou non encore livré. Si, en raison des manquements du vendeur, quelqu’un doit subir une perte, le droit de la consommation l’attribue au vendeur ou au fournisseur de crédit plutôt qu’au consommateur.» [18]



(Soulignement du Tribunal.)



[32] Conclure autrement serait contraire aux principes de droit qui veulent que le cessionnaire du contrat succède dans les droits du cédant et n’a pas plus de droits que celui-ci. Ce principe est si important que le législateur, lors de la réforme du C.c.Q. en 1994, l’a codifié à l’article 1637 al. 2. (citation de l’article omise)



[33] Tant en vertu du C.c.Q que de la L.P.C., la BNC se retrouve tenue de la même façon que le commerçant de la thermopompe. Les acheteurs sont en droit, en vertu de l’article 272 c) L.P.C. de demander la réduction de prix à l’encontre de la BNC.



(soulignements et caractères gras ajoutés)



[53] Ces principes ont été suivis jusqu’à tout récemment[19] par une abondante jurisprudence[20].

[54] La Cour d’appel a aussi eu l’occasion de statuer sur cette question.

[55] Dans l’affaire Daviault c. Climatisation GR inc.[21], la Cour d'appel autorise la demande de recours collectif des consommateurs contre la Banque Nationale du Canada, en tant que cessionnaire du contrat. Ce recours a auparavant été refusé par la Cour supérieure. Voici la conclusion relative à cette autorisation :



AUTORISE l'exercice du recours collectif suivant :



Une action en annulation d'un contrat de vente itinérante et d'un contrat de crédit, le cas échéant, en remboursement du prix payé avec intérêt et en dommages-intérêts et exemplaires, ou subsidiairement, une action en réduction du prix de vente à 5 000$ et en dommages-intérêts et exemplaires.



[56] En effet, la Cour d’appel conclut que la Banque Nationale du Canada, contrairement à la Banque Laurentienne du Canada, est « au droit » du commerçant qui a vendu la thermopompe, parce qu’elle n’est pas simplement l’institution prêteuse relativement à l’achat, mais parce qu’elle est véritablement cessionnaire des droits du commerçant aux termes des contrats de vente :



BANQUE NATIONALE DU CANADA



[49] La B.N.C. est au droit de G.R. et, en conséquence, le recours en annulation du contrat, ou subsidiairement en réduction du prix de vente, peut être exercé contre elle.



BANQUE LAURENTIENNE DU CANADA



[50] Il n'en va pas de même dans le cas de la Banque Laurentienne du Canada. J'ai déjà mentionné que cette dernière est visée par la seule allégation qu'elle est l'institution financière prêteuse de certains membres. Il n'y a aucune indication que la Banque Laurentienne du Canada était cessionnaire des droits de G.R. aux termes des contrats de vente. Une allégation aussi imprécise ne permet pas d'autoriser un recours collectif contre cette dernière.



CONCLUSION



[51] Je suggère donc d'accueillir avec dépens le pourvoi contre Banque Nationale du Canada, d'infirmer le jugement entrepris et d'accueillir la requête en autorisation d'exercer un recours collectif contre la Banque Nationale du Canada suivant les conclusions mentionnées au présent arrêt et de rejeter avec dépens le pourvoi contre la Banque Laurentienne du Canada.



[57] Plusieurs demandes de consommateurs contre la Banque Laurentienne du Canada ont d’ailleurs été rejetées, incluant par la juge soussignée, étant donné l’absence d’une clause de cession de contrat [22].

[58] Récemment, dans trois dossiers impliquant la Banque Nationale du Canada, appelés « cas types », le juge Normand Amyot a entendu des causes semblables et rendu jugement après avoir entendu les parties en audition pendant plusieurs jours et après avoir entendu les avocats en argumentation. D’ailleurs, tous les dossiers pendants devant la Cour du Québec, division des petites créances, incluant le présent dossier, ont été suspendus en attendant le prononcé des jugements dans ces dossiers.

[59] Le 4 juillet 2008, le juge Amyot a prononcé trois jugements dans ces dossiers et le 15 juillet 2008, il a déposé trois jugements rectifiés[23].

[60] Dans ces trois dossiers aux faits similaires à ceux en l’espèce, le juge Amyot rejette la prétention des consommateurs selon laquelle la Banque est titulaire des droits et obligations du commerçant, puisqu’une clause du contrat de prêt stipulait une clause de cession de contrat.

[61] Le Tribunal référera davantage aux extraits de l’affaire Gravel c. Banque Nationale du Canada, précitée, étant donné que le commerçant impliqué dans cette affaire est aussi CCBA. Cependant, les mêmes principes sont énoncés dans tous les dossiers.

[62] Les paragraphes 38 à 45 du jugement Gravel et les extraits contractuels reproduits démontrent une similitude de faits et de clauses contractuelles remarquable.

[63] À la suite de son analyse, les motifs essentiels du juge Amyot pour décider qu’il n’y a pas de cession de contrat sont les suivants :



[46] La preuve démontre que les demandeurs ont payé comptant la thermopompe achetée de Bon Air, à même des fonds empruntés de la Banque, fonds qu'ils se sont engagés à rembourser sur une période de dix ans.



[47] Par contre, on constate que le contrat de prêt d'argent porte à confusion en ce qu'il réfère à une cession.



(le juge cite ici certains extraits contractuels en version française, correspondant à la version anglaise des extraits cités dans le présent jugement)



[51] D'où l'ambiguïté: les demandeurs ont-ils acheté la thermopompe à même des fonds empruntés de Bon Air ou à même des fonds empruntés de la Banque?



[52] La réponse est claire. Bon Air n'est pas dans le commerce du prêt d'argent; elle ne consent pas de crédit à ses clients.



[53] Bon Air n'a pas emprunté de la Banque 12 652,75 $. Ce sont les demandeurs qui ont contracté un emprunt de la Banque et se sont engagés à le rembourser. Cette somme a été remise par la Banque à Bon Air en paiement complet du prix d'achat d'une thermopompe.



[54] Contrairement à ce que soutient l'OPC, l'intention des demandeurs et du commerçant Bon Air n'était pas d'acheter (et de vendre) à crédit une thermopompe. L'intention des demandeurs était d'acheter à crédit une thermopompe. Par contre, l'intention de Bon Air était de vendre comptant ladite thermopompe.



[55] Dès réception du paiement, soit le ou vers le 25 mars 2001, la propriété de la thermopompe est passée du patrimoine de Bon Air à celui des demandeurs, sans réserve de propriété.



[56] Ainsi, Bon Air n'a jamais détenu de créance à l'encontre des demandeurs; elle ne peut donc céder à la Banque une créance qu'elle n'a jamais possédée.



[57] Inversement, la Banque, détentrice d'une créance au montant de

12 652,75 $, à l'encontre des demandeurs, ne peut se céder cette créance puisqu'elle la possède déjà.



[58] On doit donc conclure que, nonobstant toute référence à une quelconque cession, le contrat de prêt d'argent n'a en réalité fait l'objet d'aucune cession.







[69] De plus, si on devait interpréter la clause de cession apparaissant au contrat de prêt d'argent, comme s'appliquant, par défaut, au contrat de vente, comment expliquer que dans cette clause de cession, le commerçant représente à la Banque que:



"2b) Il s'est conformé, en tous points, à toutes les lois applicables au contrat, au prêt d'argent, à l'exécution des travaux de rénovations et à toutes garanties relatives aux biens et/ou travaux et qu'il remplira toutes les obligations incombant au commerçant se rapportant aux biens et/ou travaux et à toutes les garanties s'y rapportant;"



(notre soulignement)



[70] Si l'intention des parties était que le contrat de vente soit cédé le 13 mars 2001 par le commerçant à la Banque, pourquoi le commerçant s'engage-il envers la Banque à remplir, pour le futur, ses obligations en vertu du contrat qu'il vient justement de céder à la Banque?



[71] Également, si telle avait été l'intention des parties, comment expliquer qu'après la soi-disant cession de ses droits dans le contrat de vente, Bon Air a continué d'assumer à ses propres frais, les obligations découlant de la garantie?



(soulignements autres que ceux du par. 69 ajoutés)



[64] Étonnamment, les motifs des trois jugements dans les dossiers Gravel, Lussier et Jacobs précités, ne font aucune référence aux principes établis relativement à la cession de contrat par tout le courant jurisprudentiel antérieur précité, et cela, malgré la liste des autorités annexée à ces jugements.

[65] Ces motifs ignorent aussi totalement les enseignements de la Cour d’appel dans l’affaire Daviault précitée.

[66] Avec égards pour l’opinion contraire, le Tribunal partage le point de vue exprimé par tout le courant jurisprudentiel antérieur précité et la Cour d’appel.

[67] Respectueusement soumis, on ne peut qualifier de vente au comptant la transaction intervenue entre la partie demanderesse et CCBA, au motif entre autres que « l’intention de Bon Air était de vendre comptant ladite thermopompe ».

[68] Le contrat de vente itinérante P-1 indique « Programme 1 an sans paiement, 1er paiement en janvier 2001 » et plus bas « Remboursable en tout temps sans pénalité (Programme Bancaire) ».

[69] Il ressort clairement de la preuve que l’achat devait être financé en totalité par un emprunt.

[70] Ces contrats de vente et de prêt demeurent assujettis à la Loi sur la protection du consommateur, même si les recours en vertu de cette loi sont maintenant prescrits. L’article 67 c) L.p.c. définit l’expression « versement comptant » comme étant « une somme d’argent, la valeur d’un effet de commerce payable à demande, ou la valeur convenue d’un bien, donnés en acompte lors du contrat ».

[71] Aucun « versement comptant » ne devait être remis au commerçant par le consommateur lors du contrat, ni ne l’a été. Bien au contraire, de façon concomitante à la conclusion du contrat, le représentant de CCBA a fait signer à la partie demanderesse une demande de crédit pour que l’achat soit financé au complet par la Banque, ce qui s’est finalement concrétisé.

[72] L’intention du commerçant de vendre comptant la thermopompe importe peu, il faut analyser la réalité de la relation contractuelle. Le commerçant n’a pas été payé par le consommateur, mais par un tiers, en l’occurrence la Banque.

[73] S’il s’était agi d’une vente au comptant, il aurait fallu que la partie demanderesse paie CCBA sur exécution du contrat.

[74] Parce qu’il s’agissait d’une vente à crédit, la partie demanderesse aurait normalement dû payer le prix de vente du bien vendu par versements différés à CCBA. C’est ce qui ressort de la première partie de cette clause de l’acte de prêt signé à deux endroits par une représentante de CCBA :

In consideration of the goods sold and/or renovation work described above, which are the subject of a separate transaction from this contract, the consumer borrows from the merchant the amount of 16 102,34 $ (net principal), which shall be applied to the payment of the said goods and/or work and shall be repaid to National Bank of Canada (the « Bank »), since the merchant assigns this contract to the Bank in accordance with the terms and conditions set out below…



(soulignement et caractère gras ajoutés)



[75] Mais, étant donné que par cette même clause CCBA cède à la Banque tous ses droits lui résultant du contrat, l’obligation totale de la partie demanderesse devient payable par paiements différés à la Banque, comme il ressort de la deuxième partie de cette clause de l’acte de prêt :

In consideration of the goods sold and/or renovation work described above, which are the subject of a separate transaction from this contract, the consumer borrows from the merchant the amount of 16 102,34 $ (net principal), which shall be applied to the payment of the said goods and/or work and shall be repaid to National Bank of Canada (the « Bank »), since the merchant assigns this contract to the Bank in accordance with the terms and conditions set out below…



(soulignement et caractère gras ajoutés)



[76] En contrepartie de cette cession de contrat, la Banque paie à CCBA le prix total de vente convenu au contrat cédé, selon l’autorisation de la partie demanderesse annexée au contrat de prêt.

[77] La Banque devient la créancière de la partie demanderesse en lieu et place de CCBA. Elle devient donc la cessionnaire de la créance et du contrat de CCBA.

[78] À ce titre, elle acquiert non seulement les droits de créance de CCBA, mais doit assumer aussi toutes les obligations du contrat sur lequel porte la cession.

[79] Pour limiter sa responsabilité à cet égard, la Banque stipule les clauses 2, 3 et 4 de la section « Assignment » (texte anglais)[24] ou « Cession » (texte français)[25], dûment acceptées et signées par une représentante du commerçant. Cependant, ces clauses ne valent qu’entre la Banque et le commerçant et ne sont pas opposables au consommateur.

[80] C’est en raison de ces clauses particulières que CCBA a continué d’assumer à ses propres frais les obligations découlant de la garantie jusqu’à sa déconfiture.

[81] Ce mécanisme contractuel de la cession de contrat contenue à l’acte de prêt est clair et suffit en soi à disposer de la question en litige qui consiste à déterminer s’il y a eu cession de contrat ou non rendant la Banque responsable des obligations du commerçant envers le consommateur.

[82] Néanmoins, le Tribunal ajoute les remarques suivantes, au cas où ce mécanisme contractuel n’apparaîtrait pas aussi clair pour tous.

[83] Étant donné que le contrat de prêt constitue à la fois un contrat d’adhésion[26] et de consommation[27], s’il y a un doute, ce doute doit favoriser dans tous les cas l’adhérent ou le consommateur, et le contrat doit s’interpréter en sa faveur[28].

[84] Pendant longtemps, la Banque a d’ailleurs elle-même interprété son propre contrat de prêt comme contenant une clause de cession du contrat de vente itinérante la rendant responsable de toutes les obligations du commerçant envers le consommateur.

[85] En effet, dans l’affaire Banque Nationale du Canada c. 9052-1550 Québec inc.[29], la Banque recherchait des conclusions en injonction contre Garantie Québec et son représentant, Martin Gagné. Elle allègue ce qui suit dans sa deuxième requête en injonction interlocutoire et pour l’émission d’une ordonnance de sauvegarde datée du 19 janvier 2006[30] :



III. LES FAITS



(i) Financement de thermopompes par la BNC



45. Au cours de l'année 1997, la demanderesse a décidé de financer l'achat de thermopompes;



46. Dans le cadre de ses activités, la demanderesse a été amenée à collaborer sur une base régulière avec de nombreux commerçants de thermopompes et a conclu des ententes avec certains d'entre eux afin de devenir le fournisseur de crédit privilégié auprès des clients qui désiraient acheter ce type de produit;



47. Lorsque le consommateur choisissait de financer l'achat de sa thermopompe, le commerçant lui fournissait le formulaire de demande de crédit de la demanderesse, lequel était ensuite soumis pour approbation de crédit, le tout tel qu'il appert de la formule-type de demande de crédit dénoncée au soutien des présentes comme pièce P-2;



48. Par la suite, lorsque la demanderesse signait des contrats de financement avec les acheteurs de thermopompes, elle faisait toujours intervenir le commerçant au contrat pour qu'il lui cède tous ses droits et obligations dans le contrat principal, lequel était signé entre le commerçant et l'acheteur, le tout tel qu'il appert du contrat-type de financement dénoncé au soutien des présentes comme pièce P-3;



49. À compter de la signature du contrat de financement, la demanderesse devait donc assumer toutes les obligations prévues au contrat que le vendeur de thermopompes avait envers le consommateur et ce, tant en vertu du contrat de cession qu'en vertu de l'article 116 de la Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q. c. P-40.1;



(soulignements et caractères gras ajoutés aux par. 48 et 49)



[86] Même si ces allégations de la Banque dans d’autres procédures judiciaires ne constituent pas au sens strict un aveu, puisqu’elles qualifient juridiquement un contrat, elles demeurent néanmoins déterminantes dans l’interprétation des contrats conclus.

[87] En effet l’article 1426 du Code civil du Québec édicte que :

1426. On tient compte, dans l'interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l'interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu'il peut avoir reçue, ainsi que des usages.



(soulignements et caractères gras ajoutés)



[88] La nature du contrat, à savoir un contrat de consommation, même en vertu du droit commun[31], détermine déjà qu’en cas de doute, il doit être interprété en faveur du consommateur.

[89] Mais il y a plus : l’interprétation de ce contrat doit tenir compte de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée. L’interprétation du contrat par la Banque est non équivoque aux paragraphes 48 et 49 des allégations de sa requête dans un autre dossier judiciaire, citées ci-dessus.

[90] Pendant les premières années suivant la rédaction du contrat de prêt, jusqu’à ce qu’elle plaide le contraire, la Banque a elle-même compris le contrat de financement qu’elle a rédigé comme contenant une clause de cession des droits et obligations du commerçant dans le contrat principal, c’est-à-dire le contrat de vente itinérante.

[91] C’est la raison pour laquelle la Banque déclare dans ses procédures rédigées le 19 janvier 2006, qu’ « À compter de la signature du contrat de financement, la demanderesse (la Banque) devait donc assumer toutes les obligations prévues au contrat que le vendeur de thermopompes avait envers le consommateur et ce, tant en vertu du contrat de cession… »[32]. (soulignement et caractères gras ajoutés)

[92] La Banque ajoute un peu plus loin : « La demanderesse (la Banque), dont les activités ne sont nullement orientées vers le service après vente, se retrouvait dans une situation insoutenable, devant assumer toutes les obligations des commerçants prévues au contrat cédé à la BNC et risquant de se faire opposer tous les moyens de défense que le consommateur pourrait opposer au commerçant en raison de son lien de collaboration régulier avec les marchands conformément à l’article 116 de la Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q. c. P-40.1 »[33]. (soulignement et caractères gras ajoutés)

[93] Il n’est donc pas étonnant, à la lumière de ces allégations, que la Banque ait décidé, après la cessation des activités de plusieurs commerçants, de continuer à offrir un service de garantie aux clients qui avaient acheté une thermopompe auprès de commerçants avec lesquels elle collaborait sur une base régulière et ait retenu à cette fin les services de tiers[34]. La Banque a d’abord conclu une entente de service avec Garantie Québec, puis ensuite avec Sears Canada, en raison de la mauvaise qualité des services offerts par Garantie Québec[35].

[94] La Banque écrit d’ailleurs dans ses mêmes procédures judiciaires : « À cet égard, la demanderesse (la Banque) a toujours eu l’intention de respecter chacune des obligations qu’elle a envers ses clients »[36]. (soulignement et caractères gras ajoutés)

[95] Par cette allégation, la Banque reconnaît que ce n’est pas pour des raisons d’affaire qu’elle a décidé de continuer à offrir un service de garantie à ses clients, mais plutôt parce qu’elle se croyait véritablement liée par la clause de cession de contrat qu’elle a rédigée dans ses contrats, cette clause de cession créant des obligations entre elle et ses clients ayant acheté une thermopompe auprès des commerçants avec lesquels elle collaborait sur une base régulière.

[96] Le Tribunal conclut donc que CCBA a bel et bien cédé son contrat de vente itinérante à la Banque lors de la conclusion de l’acte de prêt auquel elle est intervenue.

[97] En conséquence, la Banque est responsable envers la partie demanderesse des obligations de CCBA.

[98] Pour cette raison, elle doit dédommager la partie demanderesse des fausses représentations du représentant de CCBA[37], qui, soit dit en passant, a aussi agi comme représentant pour la Banque auprès de la partie demanderesse pour l’obtention de son prêt, la partie demanderesse n’ayant jamais rencontré un autre représentant de la Banque.

[99] À l’égard de cette décision, le Tribunal fait siens les judicieux propos du juge Georges Massol dans l’affaire Sirois c. Banque Nationale du Canada[38] :



[33] Il ne fait aucun doute que dans une perspective générale, le résultat prôné par le présent jugement est tout à fait conforme à la philosophie sous-tendant les forces du marché et la protection accrue apportée au consommateur depuis quelques décennies. L'aventure commune entre les commerçants et la Banque s'est soldée négativement pour les consommateurs. Le cessionnaire prenant le risque de financer le projet mais qui, comme en l'espèce, reçoit les versements qui lui reviennent, le tout soumis à un taux d'intérêt qui lui est profitable, doit en contrepartie accepter les risques corrélatifs et dédommager en conséquence le consommateur pour les fausses représentations de son représentant.



(soulignements ajoutés)
Appréciation de la crédibilité de la partie demanderesse eu égard à sa participation au stratagème de Garantie Québec

[100] La Banque plaide que la partie demanderesse ne devrait avoir aucune crédibilité aux yeux du Tribunal étant donné sa participation à la manœuvre douteuse de Garantie Québec. Elle explique en détail ce stratagème, dont les modalités ont varié au fil du temps, dans son plan d’argumentation détaillé communiqué le 7 avril 2009, plus particulièrement aux paragraphes 23 à 36 de ce plan. Elle produit aussi en preuve à cet égard les pièces D-6 à D-18.

[101] Pour la période s’échelonnant du début de 2004 au début de 2005, Garantie Québec a sollicité de façon systématique les consommateurs ayant financé auprès de la Banque l’achat d’une thermopompe par des commerçants qui ont subséquemment cessé leurs opérations.

[102] Elle a conclu avec plusieurs d’entre eux un contrat comprenant notamment l’obligation d’acheter une nouvelle garantie de Garantie Québec, l’obligation pour le consommateur de poursuivre la Banque pour 7 000 $ et de retenir à cet effet les services d’avocats désignés par Garantie Québec dont le coût forfaitaire de 100 $ était assumé par Garantie Québec, et aussi l’obligation de se servir du matériel préparé par Garantie Québec ou ses avocats. Dans certains cas, les consommateurs ont même convenu de partager avec Garantie Québec le montant à obtenir par jugement, le cas échéant.

[103] En l’espèce, même s’il est manifeste que la partie demanderesse a pu être aidée par Garantie Québec ou ses avocats, le Tribunal est d’avis que la partie demanderesse et son épouse ont témoigné de façon crédible, cohérente et sincère.

[104] Par exemple, la partie demanderesse n’a pas cherché à exagérer ses dommages. Elle a témoigné de façon constante tout au long de l’audience que le représentant de CCBA a promis des économies de chauffage de 60 %. Il aurait pu être plus avantageux pour elle de soutenir qu’il s’agissait d’économies d’énergie, car alors l’économie aurait porté sur toute la facture d’énergie et non seulement sur la portion chauffage. Ou encore, la partie demanderesse aurait pu tenter de convaincre le Tribunal qu’on lui avait promis un autofinancement complet de l’achat, vu les représentations écrites qui apparaissent au document P-7. Or, la partie demanderesse n’a pas cherché à faire miroiter des promesses plus avantageuses que celles qui ont été réellement souscrites, malgré les difficultés d’appréciation des dommages que cela pouvait causer au Tribunal.

[105] Aussi, sur la question de la prescription, la partie demanderesse a déclaré que cela lui avait pris entre un an et deux ans pour réaliser la fausseté des promesses de rendement énergétique. Ce témoignage était tout à fait spontané, non dicté par quiconque. En effet, si le Tribunal avait retenu la période d’un an comme suffisante eu égard au point de départ de la prescription, la partie demanderesse aurait perdu sa cause, car l’action a été intentée environ un an et deux mois après l’achat.

[106] Le Tribunal statue donc que rien dans la preuve ne permet d’écarter le témoignage spontané, cohérent et crédible de la partie demanderesse.

[107] Le Tribunal croit fondamentalement la partie demanderesse lorsqu’elle témoigne qu’elle n’aurait jamais acheté la thermopompe vendue sans les promesses d’économie de chauffage de 60 % qui lui ont été formulées par le représentant de CCBA.

[108] En effet, si l’on réfère à la demande de crédit[39], la résidence de la partie demanderesse valait 124 000 $ en janvier 2001, date de l’achat. Elle était déjà grevée d’une hypothèque de 90 000 $. Un achat de l’ordre de 16 000 $, voire de 24 000 $ si l’on considère l’obligation totale à terme, constitue donc un achat majeur dans ces circonstances, comparativement à la valeur de la propriété.

[109] L’hypothèque de la partie demanderesse lui coûtait alors 650 $ par mois et un prêt de 10 000 $ lui coûtait un autre 300 $ par mois. Ajouter des paiements mensuels de 203,98 $ pendant 10 ans pèse donc lourdement sur un budget familial dont l’un des membres gagne 44 000 $ par année, tandis que l’autre membre gagne 29 000 $.

[110] Ces données mises en preuve corroborent parfaitement le témoignage de la partie demanderesse.
La partie demanderesse a-t-elle droit au remboursement du coût d’achat d’une garantie de 10 ans auprès de Garantie Québec?

[111] Le 12 mai 2004, la partie demanderesse a acheté une garantie de 10 ans auprès de Garantie Québec sans mettre préalablement la Banque en demeure d’assumer la garantie prévue au contrat de vente itinérante du 6 janvier 2001.

[112] Ce défaut de mise en demeure préalable à la conclusion d’un nouveau contrat de garantie est fatal à la réclamation de la partie demanderesse[40], d’autant plus que la preuve prépondérante a démontré que la Banque a accepté, sur une base volontaire, d’honorer la garantie prévue au contrat de vente itinérante[41]. Elle donne d’ailleurs son engagement, séance tenante, à continuer d’honorer cette garantie pour la période prévue à ce contrat.

[113] Il est exact que la Banque a refusé de se présenter chez la partie demanderesse pour un appel de service le 8 septembre 2008. Elle invoque comme motif que la demande de service concernait alors une demande de certification auprès d’Hydro-Québec. Or, ce service n’est pas couvert par le plan de garantie. Le Tribunal ne peut donc pas faire droit à la demande de remboursement de la facture de 240,42 $ payée à Fortier & Frères Ltée.

[114] À tout événement, si la Banque refuse à l’avenir d’honorer le plan de garantie pour un service couvert par ce dernier, la partie demanderesse conserve ses recours contre la Banque, pourvu que la Banque soit en demeure avant que la partie demanderesse retienne les services d’un tiers pour exécuter les travaux.
La preuve des dommages

[115] Le représentant de CCBA a promis des économies de chauffage de 60 % à la partie demanderesse.

[116] Ces économies promises se sont-elles concrétisées?

[117] Pour répondre à cette question, il faut d’abord être en mesure d’isoler la consommation d’énergie relative au chauffage de celle relative aux autres besoins de la famille et de la consommation additionnelle nouvelle pour la climatisation.

[118] Le rapport d’expertise déposé en preuve par la Banque[42] permet d’obtenir les informations pertinentes à cet égard.

[119] Dans ce rapport, l’ingénieur René Vincent (ci-après Vincent) a évalué la consommation d’électricité et de mazout pour l’année 2000, soit avant l’installation de la thermopompe, et pour l’année 2003, soit après l’installation de la thermopompe.

[120] Il a déterminé en nombre de kilowattheures, de façon séparée, la consommation de chauffage, eau chaude, climatisation (seulement après l’installation de la thermopompe) et autres appareils.

[121] Vincent a aussi converti la consommation en litres de mazout en kilowattheures.

[122] De cet exercice, le Tribunal retient les consommations suivantes, pertinentes aux fins des calculs nécessaires :






Électricité

Chauffage

kWh


Mazout

Chauffage

kWh


Totaux

Chauffage

kWh

2000


9 448


23 252


32 700

2003


10 728


19 404


30 131

Économie








2 569



[123] On réalise donc qu’il y a eu une économie de chauffage de seulement 2 569 kWh pour l’année 2003 comparativement à l’année 2000. Après avoir tenu compte des degrés-jour, Vincent évalue qu’il s’agit là d’une économie de chauffage de 11 %. C’est beaucoup moins que le 60 % promis.

[124] Pour faire le calcul des économies de chauffage non réalisées à long terme, en l’absence d’expertises de part et d’autre plus concluantes, il y a lieu de travailler avec l’expertise de Vincent et les comptes d’électricité et de mazout produits au dossier et de procéder à certains calculs, même s’il ne s’agit pas là d’un exercice facile, le Tribunal ayant d’ailleurs mis les parties en garde à cet égard lors de l’audience.

[125] Le Tribunal va donc appliquer le pourcentage de 60 % d’économies promises à la totalité de la consommation pour le chauffage pour l’année 2000 et soustraire ensuite de ce résultat les économies réalisées pour déterminer la différence en kilowattheure des économies de chauffage promises, mais non réalisées. Cela donne le résultat suivant :



Économies chauffage promises

32 700 kWh en 2000 X 60%




19 620 kWh

Économies chauffage réalisées

2003




2 569 kWh

Différence économies promises non réalisées


17 051 kWh/an



[126] Cette méthode de calcul est sans doute imparfaite, car les économies peuvent varier d’une année à l’autre en fonction de différents facteurs. Cependant, il faut noter que le représentant de CCBA a promis des économies de chauffage de 60 % sans expliquer que les économies pouvaient être variables en fonction de différents facteurs.

[127] Il faut maintenant chiffrer le coût d’un kilowattheure.

[128] Le coût du kilowattheure n’est pas le même selon que la source de chauffage provienne de l’électricité ou du mazout.

[129] Concernant l’électricité, le Tribunal a pris les factures d’électricité de la partie demanderesse déposées comme pièce P-4, p. 1-2-3, qui couvrent la période du 8 juillet 2002 au 26 janvier 2004. Si l’on divise le montant total facturé (sans les taxes) par le nombre de kilowattheures consommés, le coût du kilowattheure s’élève à 0,07 $, de façon systématique.

[130] Concernant le mazout, si on additionne les montants facturés par le fournisseur en 2000 à partir de la pièce P-5 et que l’on divise ces montant facturés (taxes incluses) par l’équivalent en kilowattheures pour le chauffage au mazout calculé par Vincent, le coût du kilowattheure s’élève à 0,05 $. En 2003, il s’élève à 0,06 $.

[131] Comme une partie du chauffage provient de l’électricité et l’autre du mazout, il n’est pas déraisonnable de calculer le coût moyen du kilowattheure des deux modes d’énergie à 0,06 $ le kilowattheure, puisqu’il varie entre 0,05 $ et 0,07 $.

[132] Pour l’année 2003, les promesses d’économie de chauffage non réalisées pourraient donc s’élever à environ 1 023 $, soit 0,06 $ multiplié par 17 051 kWh représentant les économies promises non réalisées, selon le tableau ci-dessus.

[133] Cependant, ce n’est pas seulement pour l’année 2003 que les promesses ne se sont pas concrétisées. Ces promesses ne se concrétiseront pas pendant toute la durée de vie utile de la thermopompe.

[134] Est-il possible de tenir compte de ce préjudice futur étant donné qu’il s’agit d’un préjudice certain?

[135] L’article 1611 du Code civil du Québec nous enseigne que oui[43] :



1611. Les dommages-intérêts dus au créancier compensent la perte qu'il subit et le gain dont il est privé.



On tient compte, pour les déterminer, du préjudice futur lorsqu'il est certain et qu'il est susceptible d'être évalué.



(soulignement ajouté)



[136] Pour évaluer le préjudice total, le Tribunal doit donc évaluer la durée de vie utile de la thermopompe vendue.

[137] Dans ses représentations écrites[44], CCBA déclare que l’appareil a une durée de vie variant de 20 à 25 ans.

[138] Pour les motifs déjà énoncés au présent jugement, cette déclaration lie la Banque.

[139] À tout événement, dans le document intitulé « Le chauffage et le refroidissement à l’aide d’une thermopompe », publié par l’Office de l’efficacité énergétique de Ressources naturelles Canada, que la Banque a elle-même déposé en preuve, il est écrit ce qui suit : « La durée utile des thermopompes varie de 15 à 20 ans » [45].

[140] S’inspirant de ces données, le Tribunal arbitre à 20 ans la durée de vie promise et possible de la thermopompe vendue. Le préjudice total d’économies de chauffage non réalisées pour la partie demanderesse s’élève donc à environ 20 460 $, soit 1 023 $ pendant 20 ans.

[141] Même en prenant plutôt en considération les chiffres les plus avantageux pour la Banque, soit un coût du kilowattheure de 0,05 $ et une expectative de vie de la thermopompe de 10 ans, soit la durée du prêt, le préjudice total s’élèverait quand même à 8 525 $, plus les taxes.

[142] Certes, il y aurait sans doute eu lieu d’actualiser les montants futurs étant donné que la condamnation est payable maintenant. Cependant, il faudrait alors considérer que les coûts de l’électricité et du mazout augmenteront eux aussi avec les années, de sorte que cela aurait réduit significativement l’incidence de cette actualisation.

[143] Au surplus, il aurait été déraisonnable que le Tribunal continue la cause à une date ultérieure aux fins d’exiger en l’espèce le témoignage d’un expert en consommation d’énergie pour chaque partie et d’un actuaire par la suite au seul but de parvenir à un calcul plus précis, considérant les coûts élevés de ces expertises en regard de la valeur en litige de 7 000 $. Le coût de ces expertises aurait d’ailleurs pu se rapprocher de la valeur en litige, voire l’excéder avec certains experts...

[144] La règle de proportionnalité édictée par l’article 4.2 du Code de procédure civile édicte maintenant que :



4.2. Dans toute instance, les parties doivent s'assurer que les actes de procédure choisis sont, eu égard aux coûts et au temps exigés, proportionnés à la nature et à la finalité de la demande et à la complexité du litige; le juge doit faire de même à l'égard des actes de procédure qu'il autorise ou ordonne.



[145] L’esprit du législateur vise à permettre au justiciable exerçant un recours de 7 000 $ ou moins d’avoir accès par la division des petites créances à une procédure accessible, simplifiée et économique. Le juge qui préside l’enquête doit parfois faire preuve de débrouillardise et créativité pour éviter des frais disproportionnés aux justiciables qu’il entend.

[146] Considérant le résultat des calculs auquel il en arrive et qui excède 7 000 $ de façon importante, le Tribunal est d’avis que la partie demanderesse a prouvé ses allégations par prépondérance de preuve.

[147] Vu sous un autre angle, la partie demanderesse aurait pu obtenir une diminution du prix de vente de la thermopompe de 7 000 $ étant donné qu’elle ne l’aurait pas achetée en l’absence de fausses représentations aussi importantes. À supposer qu’elle l’aurait quand même achetée, elle aurait payé un prix moindre d’au moins 7 000 $[46].

[148] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[149] ACCUEILLE la demande;

[150] Donne acte aux parties de l’engagement de la partie défenderesse d'honorer la garantie de 10 ans, pièces et main-d'œuvre, apparaissant au contrat de vente itinérante du 6 janvier 2001, pièce P-1;

[151] CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 7 000 $ avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q. à compter de la mise en demeure du 5 juillet 2004, plus les frais judiciaires de 143 $.












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CHANTAL SIROIS, J.C.Q.











Date d’audience : Le 21 avril 2009