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Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Alcan inc.

no. de référence : 150-61-013010-074

COUR DU QUÉBEC



CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE CHICOUTIMI

Chambre criminelle et pénale

N° : 150-61-013010-074



DATE : 3 mars 2009

______________________________________________________________________



SOUS LA PRÉSIDENCE DU JUGE PIERRE LORTIE

______________________________________________________________________



DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Poursuivant

c.

ALCAN INC.

Défenderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

Intervenant

______________________________________________________________________



JUGEMENT

______________________________________________________________________


INTRODUCTION

[1] Texas, mars 2006. Le navire Songa Artic quitte Freeport, chargé de soude caustique destinée aux usines Alcan du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Arrivé au quai Powell à La Baie, le bateau utilise l'équipement d'Alcan pour décharger le liquide. Au cours de la manœuvre, un tuyau défectueux d’Alcan cause un déversement dans la baie des Ha! Ha!, ce qui interpelle le ministère provincial de l'environnement. Après enquête, le ministère conclut que Alcan a rejeté illégalement une matière dangereuse et contrevenu à la législation provinciale. D'où la présente plainte pénale. Alcan admet les faits mais soutient que les dispositions provinciales sont inapplicables : l'affaire relèverait de la compétence exclusive fédérale au chapitre de la navigation.



[2] Fédéral ou provincial? Fédéral et provincial? Telles sont les questions.
LE CADRE FACTUEL ET PROCÉDURAL

[3] Le 25 octobre 2006, le Directeur des poursuites criminelles et pénales du Québec [la poursuite ou le poursuivant] émet le constat suivant à l'encontre d'Alcan :

Le ou vers le [21 mars 2006] à La Baie a émis, déposé ou rejeté ou a permis l’émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l’environnement d’une matière dangereuse.

Règlement sur les matières dangereuses (R.R.Q., c. Q-2, r.15.2), articles 8 , 142 et 143 .

Loi sur la qualité de l’environnement (L.R.Q., c. Q-2), articles 31 et 109 .

[4] Le constat est signifié le 27 octobre. Alcan comparaît le 30 octobre 2006 et enregistre un plaidoyer de non-culpabilité.

[5] Le 22 mai 2007, le greffier complète un avis d'audition pour le 19 juin 2007.

[6] Le 19 juin 2007, Alcan annonce à la Cour qu'elle déposera un moyen préliminaire. Le 22 octobre, elle complète une requête en rejet de poursuite, exposant en détail ses arguments constitutionnels à l'encontre des dispositions provinciales en cause. La procédure est signifiée au poursuivant.

[7] Le 22 novembre 2007, le Procureur général du Québec comparaît au dossier " suite à l'avis d'intention selon l'article 95 C.p.c. qui nous a été signifié en cette cause ". En somme, la requête écrite d'Alcan satisfait aux exigences procédurales de l'article 95 du Code de procédure civile[1].

[8] Le juge soussigné est par la suite désigné pour instruire la poursuite dans son ensemble.

[9] Le 2 mai 2008, les parties débattent d'un moyen procédural. D'une part, Alcan demande de vider la question constitutionnelle avant l'instruction proprement dite. D'autre part, la poursuite soutient que la preuve doit préalablement être administrée. Le Tribunal rend jugement le 13 juin 2008 et conclut que les parties doivent d'abord présenter leur preuve. Alcan pourra ensuite présenter son moyen constitutionnel, dans la mesure où il demeure pertinent.



[10] Le 18 septembre 2008, les parties déposent devant le Tribunal un document intitulé " Admissions et exposé conjoint de faits " [2].

[11] Les journées du 15, 16 et 17 décembre 2008 sont consacrées au complément de preuve, aux nouvelles admissions et aux représentations en droit.

[12] D'une part, les parties conviennent par écrit des admissions suivantes[3] :

1. La défenderesse, Alcan Inc., admet tous les éléments essentiels de l’infraction, soit d’avoir le 21 mars 2006 émis, déposé, dégagé ou rejeté ou permis l’émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet dans l’environnement d’une matière dangereuse, à savoir de la soude caustique, contrairement aux dispositions de l’article 8 du Règlement sur les matières dangereuses (L.R.Q., c. Q-2, r.15.2) et reconnaît que le poursuivant peut en faire la preuve hors de tout doute raisonnable, sous réserve de l’applicabilité constitutionnelle de ces dispositions aux installations portuaires de la défenderesse;

2. De plus, la défenderesse renonce à invoquer tout moyen de défense à l’exception de celui invoqué dans le cadre du présent dossier qui a pour objet l’inapplicabilité constitutionnelle de l’article 8 du Règlement sur les matières dangereuses lors d’un déversement d’une matière dangereuse dans la Baie-des-Ha! Ha! au cours des opérations de déchargement d’un navire;

3. La défenderesse est une compagnie incorporée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (L.R., 1985, ch. C-44), fusionnée depuis le 1er janvier 2008 avec Rio Tinto Canada Holdings Inc. et portant depuis cette date la dénomination de Rio Tinto Alcan Inc.;

4. Dans le cadre de ses opérations normales et régulières, la défenderesse exploite des installations portuaires situées dans la Baie-des-Ha! Ha! au 262, 1ière rue, Ville de Saguenay, arrondissement La Baie, ci-après dénommé « port de la Baie-des-Ha! Ha! »;

5. À cette fin, la défenderesse détenait en mars 2006 et détient toujours une déclaration de conformité de ses installations portuaires émise par Transports Canada tel qu’il appert des déclarations jointes à la présente;

6. Les installations portuaires de la défenderesse sont principalement composées de deux quais sis côte à côte, soit le quai Powell et le quai Duncan;

7. Les quais utilisés par la défenderesse se trouvent dans la Baie-de-Ha! Ha! qui fait partie de la Rivière Saguenay, laquelle est un cours d’eau navigable et flottable;

8. Les eaux de la Baie-des-Ha! Ha! sont des eaux salées;

9. Le 16 décembre 1999, le gouverneur en conseil a adopté le Décret soustrayant de la Société canadienne des ports, l’administration, la gestion et la régie du port de la Baie-des-Ha! Ha! et certaines parties du port du Saguenay (DORS/2000-15);

10. Les activités maritimes et les installations du port de la Baie-des-Ha! Ha! étaient assujetties, en date du 21 mars 2006, à la Loi sur la marine marchande du Canada (L.R.C. 1985, ch. S-9), et sont assujetties à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (L.C. 2001, ch. 26) depuis l’entrée en vigueur de cette loi le 1er juillet 2007 (TR/2007-65), sauf les articles 319, 322 à 324, 331 et 332 qui sont entrés en vigueur le 1er novembre 2001 et les articles 325 à 330 qui sont entrés en vigueur le 30 janvier 2002, de même qu’aux règlements adoptés et continués en vertu de ces lois, notamment les règlements suivants :

· Règlement sur les produits chimiques dangereux et les substances liquides nocives (DORS/93-4), remplacé le 3 mai 2007 par le Règlement sur la prévention de la pollution par les navires et sur les produits chimiques dangereux (DORS/2007-86);

· Règlement sur la prévention de la pollution par les substances polluantes (C.R.C., ch. 1458), remplacé le 3 mai 2007 par le Règlement sur la prévention de la pollution par les navires et sur les produits chimiques dangereux (DORS/2007-86);

· Règlement concernant la protection contre les accidents des travailleurs occupés au chargement et au déchargement des navires (C.R.C., ch. 1494);

· Règlement sur le transport par mer des marchandises dangereuses (DORS/81-951);

11. Les activités maritimes et les installations de ce port sont aussi assujetties à la Loi sur la sûreté du transport maritime (L.C. 1994, ch. 40) et au Règlement sur la sûreté du transport maritime (DORS/2004-144);

12. Dans le cadre de ses activités régulières, la défenderesse procédait le 21 mars 2006 au déchargement du navire Songa Arctic en provenance de Freeport, État du Texas, U.S.A., qui contenait de l’hydroxyde de sodium (soude caustique), sous forme liquide;

13. Le 21 mars 2006, le centre de contrôle environnemental du Québec (CCEQ) de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean a reçu un appel provenant de la défenderesse l’avisant d’un déversement au quai Powell;

14. Au cours de cette opération de déchargement, un déversement de soude caustique dans la Baie–des–Ha!Ha! est survenu à la suite de la rupture d’une valve installée sur la conduite servant au déchargement de la soude caustique du navire jusqu’au(x) réservoir(s) de la défenderesse;

15. Cette conduite de 300 mm de diamètre, suspendue sur le côté nord du quai Powell, se dirige le long de la rive vers le(s) réservoir(s) de soude caustique de la défenderesse;

16. Il est entendu que les parties pourront présenter la preuve de tout autre fait pertinent qui ne fait pas partie des présentes admissions et du présent exposé et qui ne contredit pas les admissions faites aux présentes;

17. D'autre part, les parties conviennent de se dénoncer mutuellement par écrit au moins trente (30) jours avant l'audition les pièces qu'elles entendent produire en preuve, l'identité des témoins et l'objet de leur témoignage;

18. Si le tribunal rejette l’argument constitutionnel invoqué par la défenderesse, les parties conviennent qu’elles feront des représentations communes sur sentence;

19.



Les eaux de la Baie-des-Ha! Ha! subissent les effets de la marée;

20. Outre les déclarations de conformité de ses installations portuaires jointes au paragraphe 5 du présent document, des certificats de conformité pour les remorqueurs de RTA (Rio Tinto Alcan), les tours de déchargement et les équipements de levage sont aussi émis par Transports Canada.

[13] Deux documents accompagnent la liste des admissions :

1) Déclaration de conformité d'une installation maritime ou un port émise le 1er juin 2006 par Transports Canada. Délivré en vertu du Règlement sur la sûreté du transport maritime, le document certifie la conformité des installations portuaires d'Alcan.

2) Déclaration de conformité d'une installation portuaire émise le 30 juin 2004 par Transports Canada. Délivré en vertu du Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, le document certifie la conformité des quais Duncan et Powell. Le plan de sûreté est approuvé pour les vraquier, pétrolier, chimiquier, transporteur de gaz et autres navires de charge.

[14] D'autre part, en complément des admissions, et pour établir le contexte, Alcan fait entendre six témoins et dépose certains documents.
i marie-louise charbonneau

[15] Mme Charbonneau agit comme conseillère principale en environnement aux installations portuaires d'Alcan à La Baie. À l'aide d'une photographie aérienne[4], elle localise les éléments suivants :

§ La baie des Ha! Ha! qui fait partie de la rivière Saguenay.

§ La rivière à Mars qui se jette dans la baie.

§ La limite de la propriété d'Alcan[5].

§ Le quai Powell destiné à recevoir le matériel liquide (soude caustique, mazout, etc.).

§ Le quai Duncan destiné à recevoir le matériel solide (alumine, bauxite, etc.).

§ Les équipements servant au déchargement des navires.

§ Les sites d'entreposage et les réservoirs.

[16] Le quai Duncan est muni d'équipements de levage (pelles) qui extraient le matériel solide des navires puis le dépose dans des wagons. Le tout est entreposé dans des sites spécialement aménagés.

[17] Le quai Powell est équipé de bras de déchargement destinés à recevoir le matériel liquide. Ainsi, le bateau pompe le produit dans un tuyau aérien puis le tout circule dans un tuyau souterrain en direction des réservoirs.

[18] Les matières solides et liquides sont ensuite acheminées aux usines Alcan de Grande-Baie, Laterrière, Jonquière et Alma pour fin de production d'aluminium.

[19] Sur le plan environnemental, Alcan a adopté une procédure conforme aux exigences du référentiel ISO. En pratique, que se passe-t-il lors d'un incident environnemental? Mme Charbonneau répond comme suit :

Bon, quand on a un incident environnemental, on a […] j'ai à intervenir directement avec les ministères provinciaux et fédéraux, quand on a un incident, par exemple à l'eau, donc, le ministère provincial, donc, le M.D.D.E.P.[6] est averti de notre incident, et les instances fédérales aussi, donc, Environnement Canada et Garde côtière sont prévenus lors de l'incident à l'eau.[7] […] on avait convenu que quand y'avait un déversement à l'eau, on prévenait le fédéral et le provincial, et quand c'est un déversement terrestre, on appelle le [M.D.D.E.P.], donc, qui est le provincial, le ministère provincial régional ici.[8]

[20] Par ailleurs, la totalité des navires approvisionnant Alcan provient de l'extérieur du Canada. Environ 140 par année, principalement lorsqu'il n'y a pas de glace.

[21] Dans le présent cas, le bateau provenait de Freeport au Texas. Après avoir accosté au quai Powell, il a procédé au déchargement de la soude caustique (liquide) avec les tuyaux d'Alcan. La rupture s'est produite dans la partie aérienne de la conduite[9], causant ainsi le déversement.
ii serge tremblay

[22] M. Tremblay exerce la fonction de coordonnateur environnement santé et sécurité aux installations portuaires Alcan. Dans le cadre de son travail, il fait affaire avec Industrie Canada. Par exemple, lorsqu'il est question des comités paritaires ou d'un problème lié à certaines infrastructures (ventilation, toilettes, etc.).

[23] M. Tremblay complète le Rapport annuel de l'employeur concernant les situations comportant des risques, et ce, en vertu du Règlement canadien sur la sécurité et la santé au travail. Transmis à Ressources humaines et Développement des compétences Canada, le rapport contient les nombres suivants : blessures invalidantes, décès, blessures légères, autres situations comportant des risques, employés et employés de bureau, heures travaillées[10].
iii frédéric potvin

[24] M. Potvin est inspecteur à la Commission de la santé et de la sécurité du travail du Québec [CSST]. En 2002, il a procédé à une intervention aux installations portuaires d'Alcan à La Baie suite à un accident du travail. Après enquête, M. Potvin rédige un rapport qui contient l'information suivante[11] :

À la demande de l'employeur, j'ai communiqué avec le service fédéral d'inspection du travail afin d'éclaircir la situation quant à la juridiction de l'établissement. Ma discussion avec l'inspecteure chargée du dossier, Mme Katia Néron, a eu pour objet la détermination de cette juridiction.

Selon Mme Néron, qui a fait également une recherche d'information à ce sujet, il ressort que les installations portuaires relèvent d'une juridiction fédérale. Cette position est appuyée par le fait que l'activité réalisée dans l'établissement relève d'une compétence fédérale, puisque les navires qui y accostent proviennent de l'extérieur de la province et du pays.

De mon côté, mes recherches, avec l'assistance de nos services juridiques, confirment cette position. En effet, bien qu'en regard des règles qui régissent le financement de la Commission et qui font de cet établissement une entité provinciale selon les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, il est établi qu'en matière de prévention et d'inspection, les installations portuaires d'Alcan inc. à Ville de La Baie sont de compétence fédérale.

Cet avis confirme donc le statut fédéral de l'établissement en matière de prévention des accidents du travail.

[25] Depuis 2002, M. Potvin n'est pas retourné au port. Par contre, il visite régulièrement les autres installations Alcan.
iv éric favre

[26] M. Favre agit comme adjoint au surintendant, gestion des opérations portuaires Alcan. Il témoigne que les équipements portuaires font l'objet de certificats émis par Transports Canada. Il n'y a pas de certification provinciale.

[27] Si un bris d'équipement survient, l'information est transmise à Transports Canada.

[28] Trois conventions collectives gouvernent les relations de travail. Elles font toutes référence au Code canadien du travail.
v pierre bouchard

[29] Employé à Ressources humaines et Développement des compétences Canada, M. Bouchard exerce la fonction d'agent des affaires du travail et d'inspecteur en santé et sécurité du travail.

[30] Rattaché au bureau de Québec, il visite les entreprises fédérales au Saguenay–Lac-Saint-Jean, dont les installations portuaires d'Alcan.

[31] Dans ce cadre, il voit à l'application des dispositions pertinentes du Code canadien du travail en matière de santé et sécurité.
vi louis bruneau

[32] Dans le cours de ses opérations, Alcan retient les services d'une agence maritime qui a pour fonction d'offrir divers services liés à la navigation. Selon l'agent maritime Louis Bruneau, lorsqu'un navire étranger se dirige vers le port de La Baie, l'agent intervient comme représentant et s'assure du respect de diverses obligations légales. Par exemple, le paiement des droits et l'obtention des certificats requis de Transports Canada et de Santé Canada.

[33] Que se passe-t-il en cas de déversement? M. Bruneau répond que l’agent maritime protège le " côté bateau " et avertit Transports Canada. Qu’en est-il du " côté Alcan "? Réponse : " Il y a une procédure concernant des urgences comme ça, mais je connais pas là, la procédure […] exacte, […] "[12].
complément à la preuve documentaire

[34] Finalement, Alcan produit les documents suivants :

§ Carte illustrant la ligne de base[13]. Cette carte découle de la Loi sur les Océans[14].

§ La Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires [MARPOL][15].

§ La Convention internationale de 1990 sur la préparation, la lutte et la coopération en matière de pollution par les hydrocarbures[16].

§ La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer[17].

§ Le Recueil international de règles relatives à la construction et à l'équipement des navires transportant des produits chimiques en vrac[18].
LOIS ET RÈGLEMENTS

[35] Lors des plaidoiries, les avocats ont invoqué plusieurs lois et règlements. La liste et les extraits pertinents figurent à l'annexe I. Au centre du litige, les articles 31 et 109 de la Loi sur la qualité de l’environnement[19] et l'article 8 du Règlement sur les matières dangereuses[20] :

Il est interdit d'émettre, de déposer, de dégager ou de rejeter une matière dangereuse dans l'environnement ou dans un système d'égout, ou d'en permettre l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet, à moins que l'opération ne soit réalisée en conformité avec la Loi sur la qualité de l'environnement.
LA JURISPRUDENCE

[36] Les avocats ont appuyé leur position respective sur une abondante jurisprudence. Les références se retrouvent à l'annexe II, accompagnées d'un bref résumé rédigé par le juge soussigné.
POSITION DES PARTIES
alcan

[37] Alcan prétend que les dispositions provinciales [Loi sur la qualité de l’environnement et Règlement sur les matières dangereuses] sont inapplicables en vertu de la doctrine de l'exclusivité des compétences. Si l'analyse de cette doctrine doit se poursuivre, Alcan soutient que la législation provinciale entrave un aspect essentiel relié à une compétence exclusive fédérale. Finalement, Alcan plaide que la théorie de l'intérêt national permet d'écarter les présentes dispositions provinciales.
La doctrine de l'exclusivité des compétences et l'empiétement

[38] La Loi constitutionnelle de 1867 [21] prévoit aux articles 91 et 92 les compétences fédérales et provinciales. Lors de l'analyse de ces dispositions, les tribunaux ont reconnu qu'un contenu minimum échappe à l’application de la législation édictée par l’autre ordre de gouvernement[22]. Ainsi, l'exclusivité à l'égard d'une compétence fédérale empêche l'empiétement par le provincial.

[39] Dans le présent cas, le Parlement fédéral [le Parlement] possède la compétence exclusive pour légiférer en matière de droit maritime canadien en raison de ses attributions législatives en matière de " navigation, bâtiments et navires (shipping) " [91 (10)] et de transport interprovincial et international [92 (10) a) et b)].

[40] L'article 91 (10) a été interprété largement par les tribunaux et s'étend aux activités de chargement et de déchargement d'un navire[23]. En somme, de telles opérations font partie intégrante de la compétence fédérale en matière de navigation. L'un des fondements de cette règle repose sur la nécessité d'uniformiser le droit maritime en raison de ses dimensions nationales et internationales[24]. Face au navire étranger, toute confusion est à éviter.

[41] En toute logique, si le déchargement d’une cargaison est une affaire maritime fédérale, il en va de même d'une présumée violation d'une norme.

[42] Par ailleurs, le Parlement est habilité à légiférer en matière d'environnement et de pollution vu sa compétence exclusive en matière de droit criminel, de pêcheries, de navigation et de transport interprovincial. À ce chapitre, les lois et les règlements fédéraux abondent et ne laissent pas de place au régime provincial environnemental[25]. L'adoption des traités internationaux[26] et leur incorporation dans les lois fédérales renforcissent cette interprétation.

[43] La compétence exclusive fédérale étant établie, le provincial ne peut légiférer en la matière, même si l'atteinte était considérée indirecte.

[44] Au soutien de sa thèse, Alcan établit un parallèle avec l'aéronautique où il est reconnu que cette compétence fédérale ne peut subir les effets accessoires de la législation provinciale[27].

[45] Par surcroît, le Code canadien du travail[28] régit les relations de travail dans les installations portuaires. À l'inverse, les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[29], au chapitre de la prévention, ne trouvent pas application en raison du statut fédéral de l'entreprise. D'ailleurs, comment la poursuite peut-elle concilier, d'une part, une supposée compétence du provincial en matière environnementale et, d'autre part, l'absence de juridiction dans le domaine de la prévention au travail?

[46] Finalement, Alcan invoque certains précédents où la réglementation provinciale a dû céder le pas au régime fédéral[30].

[47] Pour toutes ces raisons, la doctrine de l'exclusivité des compétences fait échec à l'application des présentes dispositions provinciales.

[48] Si l'analyse de la doctrine doit se poursuivre, Alcan prétend que les dispositions provinciales ont pour effet d'entraver un aspect essentiel d'une compétence fédérale[31]. Ainsi, elles affectent le contenu essentiel de la compétence du Parlement sur la navigation, les expéditions par eau, les installations portuaires et les activités de chargement/déchargement.

[49] De même, le régime provincial environnemental attaque le principe de l’uniformité des règles relatives au droit maritime canadien, principe essentiel en raison des dimensions nationales et internationales de ce droit. En outre, les dispositions provinciales pourraient devenir une source de confusion dans le fonctionnement quotidien des opérations dans les eaux canadiennes. Conséquemment, il deviendrait impossible pour le Canada de se conformer aux obligations imposées par les traités internationaux.

[50] Par surcroît, si les dispositions provinciales en cause trouvent application, les conséquences risquent d'être fâcheuses pour Alcan, ouvrant la porte à la Loi sur la qualité de l’environnement dans son ensemble : obligation d’aviser le ministre en cas d’incident environnemental; obtention d’un certificat d’autorisation; émission d’ordonnances par le ministre; obligation de suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement; contestations devant le Tribunal administratif du Québec; exécution d'ordonnances; réclamation de coûts; prise de mesures par le ministre aux frais d'Alcan; demande d’enquête publique; droit de visite et d’investigation des inspecteurs; réquisition d'information; obligations visant à faire cesser un déversement et d’aviser le ministre; conséquences pénales[32].
La théorie de l'intérêt national

[51] D'une part, le Parlement a compétence exclusive en matière de pollution des mers. D'autre part, cette matière est d'intérêt national au sens du paragraphe introductif de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 [33].

[52] Conséquemment, le présent déversement relève de la compétence exclusive du fédéral et ne peut être régi, même indirectement, par le droit provincial.

[53] Au soutien de sa thèse, Alcan invoque l'arrêt R. c. Crown Zellerback Canada Ltd.[34] :

En outre, la distinction entre eaux salées et eaux douces, pour limiter l'application de la Loi sur l'immersion de déchets en mer, satisfait au critère sur lequel la Cour, à la majorité, a insisté dans le Renvoi: Loi anti-inflation, savoir que pour qu'on puisse dire qu'une matière revêt un intérêt national et relève de la compétence fédérale en matière de paix, d'ordre et de bon gouvernement, elle doit comporter des limites vérifiables et raisonnables, pour ce qui est de son incidence sur la compétence provinciale.

[54] Dans le présent cas, il est admis que les eaux sont salées[35].
procureur général du québec

[55] Essentiellement, le Procureur général du Québec appuie son argumentation sur l'arrêt récent de la Cour suprême Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta[36] qui propose une nouvelle approche dans la résolution des questions constitutionnelles.

[56] Ainsi, le recours à la doctrine de l'exclusivité des compétences n'est pas favorisé. De toute façon, les conditions de base de cette théorie ne sont pas ici rencontrées vu l'absence d'entrave entre les lois fédérales et provinciales. Soutenant que la protection de l'environnement comporte un double aspect constitutionnel, le Procureur général ajoute que l'affaire doit être analysée sous l'angle de la doctrine de la prépondérance. Résultat, en l'absence d'incompatibilité, les deux législations peuvent agir concurremment.

[57] Finalement, selon les définitions prévues à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)[37], les eaux de la baie des Ha! Ha! ne relèvent pas de la compétence fédérale sur l'intérêt national.
ANALYSE ET DÉCISION

[58] Le Parlement fédéral détient la compétence exclusive en matière de navigation, et ce, en vertu de l'article 91 (10) de la Loi constitutionnelle de 1867.

[59] Pour sa part, le provincial a adopté la Loi sur la qualité de l’environnement et l'article 8 du Règlement sur les matières dangereuses [les dispositions provinciales].

[60] Alcan, au soutien de sa thèse, développe deux moyens :

1) Les dispositions provinciales sont constitutionnellement inapplicables en vertu de la doctrine de l'exclusivité des compétences. Si l'analyse de la doctrine devait se poursuivre, Alcan soutient qu'un empiétement provincial entrave le contenu essentiel de la compétence fédérale.

2) Les dispositions provinciales ne peuvent s'appliquer en raison de la doctrine de l'intérêt national.

[61] L'analyse du premier moyen nécessite l'examen des arrêts prononcés le 31 mai 2007 par la Cour suprême :

§ Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta [l'arrêt Banque canadienne][38].

§ Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada inc. [l'arrêt Lafarge] [39].
l'arrêt banque canadienne

[62] Suite à une modification de la législation fédérale, les banques obtiennent l'autorisation de faire la promotion de certains types d'assurance. Par la suite, l'Alberta modifie la Insurance Act afin d'assujettir les banques à diverses mesures visant la protection du consommateur (certificat, formation, déontologie, etc.). Les banques attaquent la loi provinciale, soutenant qu'elle est constitutionnellement inapplicable [doctrine de l'exclusivité] et inopérante [doctrine de la prépondérance] à l'égard de la promotion d'assurance par les banques. Ces dernières font valoir la compétence fédérale sur les " banques " selon l'article 91 (15) de la Loi constitutionnelle de 1867. À noter que les banques présentent une demande indépendante, sans qu'il y ait conflit entre les gouvernements fédéral et provincial[40].

[63] Les sept juges de la Cour suprême concluent au rejet du recours intenté par les banques. Les juges Binnie et LeBel énoncent les motifs de six juges. Pour sa part, le juge Bastarache exprime une opinion différente à l'égard de la doctrine de l'exclusivité des compétences, tout en souscrivant au résultat final.

[64] Après avoir rappelé certains principes de base du fédéralisme canadien, les juges Binnie et LeBel [les juges] rappellent que " la résolution d’une affaire mettant en cause la validité constitutionnelle d’une législation eu égard au partage des compétences doit toujours commencer par une analyse du « caractère véritable » de la législation contestée "[41]. Cette analyse peut porter sur la législation prise dans son ensemble ou seulement sur certaines dispositions de celle-ci. La démarche consiste à rechercher la nature véritable de la loi en question pour identifier la matière sur laquelle elle porte essentiellement. Résultat, si " le caractère véritable de la législation contestée peut se rattacher à une matière relevant de la compétence de la législature qui l’a adoptée, les tribunaux la déclareront intra vires. Cependant, lorsqu’il est plus juste d’affirmer qu’elle porte sur une matière qui échappe à la compétence de cette législature, la constatation de cette atteinte au partage des pouvoirs entraînera l’invalidation de la loi "[42]. Le caractère véritable de la loi doit être déterminé sous deux aspects : le but visé par le législateur qui l’a adoptée et l’effet juridique de la loi.

[65] Il peut arriver qu'une loi dont le caractère véritable relève de la compétence du législateur qui l’a adoptée puisse, dans une certaine mesure, toucher des matières qui ne sont pas de sa compétence sans nécessairement toucher sa validité constitutionnelle. Les buts et effets secondaires n’ont pas de conséquence sur sa validité constitutionnelle. Des ingérences accessoires dans les matières relevant de la compétence de l’autre ordre de gouvernement sont acceptables et prévisibles[43]. Par ailleurs[44] :

[…] certaines matières sont, par leur nature même, impossibles à classer dans un seul titre de compétence : elles peuvent avoir à la fois une facette provinciale et une autre fédérale. Ainsi, le fait qu’une matière puisse, à une fin et à un égard précis, relever de la compétence fédérale ne signifie pas que cette matière ne peut, à une autre fin et à un autre égard, relever de la compétence provinciale […]. La théorie du double aspect, comme on l’appelle, qui trouve son application à l’occasion de l’analyse du caractère véritable de la législation, assure le respect des politiques mises en œuvre par les législateurs élus des deux ordres de gouvernement. […]. La théorie du double aspect reconnaît que le Parlement et les législatures provinciales peuvent adopter des lois valables sur un même sujet, à partir des perspectives selon lesquelles on les considère, c’est-à-dire selon les « aspects » variés de la « matière » discutée.

[66] Cela étant, qu'en est-il de l'application de la doctrine de l'exclusivité des compétences? Elle devrait recevoir une application " restreinte " puisque les tribunaux " privilégient, dans la mesure du possible, l’application régulière des lois édictées par les deux ordres de gouvernement. En l’absence de textes législatifs conflictuels de la part de l’autre ordre de gouvernement, la Cour devrait éviter d’empêcher l’application de mesures considérées comme ayant été adoptées en vue de favoriser l’intérêt public "[45]. Les juges approuvent le courant doctrinal qu’une application extensive de la doctrine n’est ni nécessaire ni souhaitable dans une fédération où les provinces sont chargées d’adopter et d’appliquer un grand nombre de lois visant notamment à protéger l'environnement[46]. Conclusion à ce sujet :

[47] Pour toutes ces raisons, bien que la doctrine de l’exclusivité des compétences joue un rôle légitime dans les cas indiqués, nous tenons à préciser maintenant que notre Cour ne préconise pas une utilisation intensive de cette doctrine, et nous déclinons l’invitation des appelantes d’en faire la première doctrine examinée dans le cadre d’un différend sur le partage des compétences.

[67] Les juges ajoutent que même dans les cas où la doctrine de l’exclusivité des compétences peut être utilisée, il faut examiner la mesure de l’empiétement sur le " contenu essentiel " de la compétence de l’autre ordre de gouvernement. Établissant la différence entre " toucher " et " entraver " les juges retiennent ce dernier critère à l'égard d'une compétence dont le contenu serait " menacé "[47]. Finalement, " en l’absence d’une entrave, la doctrine de l’exclusivité des compétences ne s’applique pas "[48].

[68] Les juges poursuivent leur analyse et commentent la jurisprudence relative à l'exclusivité des compétences. Au chapitre de la réglementation des entreprises fédérales, ils retiennent que le courant jurisprudentiel, où fut appliqué le droit de l’environnement provincial à des entités fédérales se livrant à des activités réglementées par le fédéral, se révèle pertinent[49].

[69] Par souci de commodité, il est utile de reproduire la conclusion des juges au sujet de la doctrine de l'exclusivité des compétences :

[67] À notre avis, cette étude de la jurisprudence […] démontre que non seulement la doctrine de l’exclusivité des compétences devrait être appliquée avec retenue, mais qu’à de rares exceptions près, c’est ainsi qu’elle a été appliquée. Même si en principe la doctrine est applicable à tous les chefs de compétence législative fédérale ou provinciale, la jurisprudence nous enseigne que les chefs de compétence législative qui confèrent au Parlement la compétence sur certains ouvrages ou certaines choses, personnes ou entreprises se révèlent plus propices à son application. Dans la plupart des cas, une analyse du caractère véritable et l’application de la doctrine de la prépondérance ont permis de résoudre de manière satisfaisante les difficultés rencontrées.

[70] Cela étant, les juges abordent ensuite la doctrine de la prépondérance fédérale. Ainsi " lorsque les effets d’une législation provinciale sont incompatibles avec une législation fédérale, la législation fédérale doit prévaloir et la législation provinciale être déclarée inopérante dans la mesure de l’incompatibilité. La doctrine s’applique non seulement dans les cas où la législature provinciale a légiféré en vertu de son pouvoir accessoire d’empiéter dans un domaine de compétence fédérale, mais aussi dans les situations où la législature provinciale agit dans le cadre de ses compétences principales et le Parlement fédéral en vertu de ses pouvoirs accessoires. Cette doctrine est beaucoup mieux adaptée au fédéralisme canadien contemporain que celle de l’exclusivité des compétences, comme l’a d’ailleurs explicitement reconnu notre Cour dans les cas de « double aspect » "[50].

[71] Comment mesurer l'incompatibilité? Les juges reprennent avec approbation le test développé par la Cour suprême dans Multiple Access Ltd. c. McCutcheon[51], affaire qui concernait l'application simultanée d'une loi fédérale et provinciale réglementant les opérations de dirigeants de corporations. Le juge Dickson détermine que les deux parlements ont compétence en application de la théorie du double aspect. Vu l'absence de contradiction entre les deux textes, la loi provinciale ne peut être déclarée inopérante :

En principe, il ne semble y avoir aucune raison valable de parler de prépondérance et d'exclusion sauf lorsqu'il y a un conflit véritable, comme lorsqu'une loi dit "oui" et que l'autre dit "non"; "on demande aux mêmes citoyens d'accomplir des actes incompatibles"; l'observance de l'une entraîne l'inobservance de l'autre. [52]

[72] Dans Banque canadienne, les juges retiennent ce critère[53] et précisent qu'un simple dédoublement de normes semblables aux niveaux fédéral et provincial ne constitue pas en soi un cas d’incompatibilité déclenchant l’application de la doctrine. De plus, une loi provinciale peut ajouter des exigences supplémentaires à celles de la législation fédérale puisque, dans les deux cas, les législations peuvent agir concurremment et les citoyens peuvent les respecter toutes les deux, sans violer l’une ou l’autre. Par ailleurs, le fait que le Parlement ait légiféré sur une matière n’entraîne pas la présomption qu’il a voulu exclure toute possibilité d’intervention provinciale sur le sujet. En l'absence d'un texte clair, on ne peut prêter au Parlement l’intention de vouloir occuper tout le champ.

[73] Qui doit prouver cette intention législative fédérale incompatible? Réponse : " il revient à celui qui invoque la doctrine de la prépondérance fédérale de démontrer une incompatibilité réelle entre les législations provinciale et fédérale, en établissant, soit qu’il est impossible de se conformer aux deux législations, soit que l’application de la loi provinciale empêcherait la réalisation du but de la législation fédérale "[54].

[74] Les juges terminent leur analyse en abordant l'ordre logique de l'application des doctrines constitutionnelles. Il y a lieu de recourir en premier lieu à l’analyse du " caractère véritable " des lois. Cette analyse " vise à vérifier la validité même de la législation en cause. Les deux autres doctrines ne servent qu’à contrôler son applicabilité ou son caractère opérant dans des circonstances particulières "[55]. De plus :

[77] Malgré le point de vue différent de notre collègue le juge Bastarache sur ce point, nous ne croyons pas qu’il convienne de toujours commencer l’analyse en examinant d’abord la doctrine de l’exclusivité des compétences. La Cour risquerait ainsi de s’enfermer dans une analyse plutôt abstraite du « contenu essentiel » et des éléments « vitaux et essentiels » qui aurait peu d’utilité en pratique. Nous tenons à rappeler que la doctrine de l’exclusivité des compétences reste d’une application restreinte, et qu’elle devrait, en général, être limitée aux situations déjà traitées dans la jurisprudence. Concrètement, cela signifie qu’elle ne sera principalement destinée qu’aux chefs de compétence qui concernent les choses, personnes ou entreprises fédérales, ou encore qu’aux cas où son application a déjà été jugée absolument nécessaire pour permettre au Parlement ou à une législature provinciale de réaliser l’objectif pour lequel la compétence législative exclusive a été attribuée, selon ce qui ressort du partage constitutionnel des compétences dans son ensemble, ou qu’à ce qui est absolument nécessaire pour permettre à une entreprise d’accomplir son mandat dans ce qui constitue justement sa spécificité fédérale (ou provinciale). Si une affaire peut être décidée en appliquant l’analyse du caractère véritable, et la doctrine de la prépondérance fédérale au besoin, il sera préférable d’emprunter cette voie […].

[78] En définitive, si en théorie l’examen de l’exclusivité des compétences peut être entrepris une fois achevée l’analyse du caractère véritable, en pratique, l’absence de décisions antérieures préconisant son application à l’objet du litige justifiera en général le tribunal de passer directement à l’examen de la prépondérance fédérale.

[75] La Cour conclut que, d'une part, la loi de l'Alberta se rapporte à la propriété et aux droits civils. D'autre part, le sujet couvert ne constitue pas un élément vital ou essentiel de l'entreprise bancaire. Finalement, vu l'absence d'incompatibilité et d'entrave, la doctrine de la prépondérance des lois fédérales ne s'applique pas.



[76] La démarche proposée par la Cour suprême dans Banque canadienne a par la suite été appliquée par le juge Lalonde de la Cour supérieure dans Chalets St-Adolphe inc. c. St-Aldophe d'Howard (Municipalité de)[56]. Dans cette affaire, des propriétaires contestaient un règlement municipal limitant l’accès des embarcations à un lac. Fondamentalement, les propriétaires prétendaient que le règlement empiétait sur la compétence fédérale en matière de navigation. Le juge a rejeté cette prétention puisque, d’une part, le règlement se rattache à la compétence provinciale en environnement et peut toucher accessoirement la navigation. En outre, il n’y a pas d’entrave puisque le règlement s’applique avant la mise à l’eau des embarcations[57]. D’autre part, les législations fédérales et provinciales ne sont pas incompatibles, le fédéral n’accordant pas un droit inconditionnel d’accès au lac.


l'arrêt lafarge

[77] Dans l'arrêt Lafarge, l'administration portuaire de Vancouver [APV] et la ville approuvent un projet de construction d'une installation intégrée de déchargement des navires et de centrale à béton. Des citoyens opposants intentent un recours afin d'obliger Lafarge à se conformer au règlement municipal concernant l'obtention de permis. D'une part, la Cour suprême rejette le moyen de APV lié à la doctrine de l'exclusivité. D'autre part, la Cour accueille le moyen du procureur général du Canada (intervenant) en vertu de la doctrine de la prépondérance : les dispositions fédérales [Loi maritime du Canada] et provinciale [règlement municipal] sont valides mais il y a un conflit d'application puisque le règlement contient des dispositions limitatives (hauteur maximale de trente pieds, bruit, pollution) et entrave la réalisation de l'objet du texte législatif fédéral. Le règlement municipal est donc inapplicable du fait que le fédéral détient l'autorité selon l'article 91 (10) pour régir l'affectation de terres situées dans une zone portuaire à des utilisations liées à la navigation.

[78] Sur le plan des principes généraux, les juges Binnie et LeBel établissent le cadre suivant :

[4] Pour les motifs que nous avons exposés dans l’arrêt [Banque canadienne] rendu simultanément, nous souscrivons à la méthode énoncée par le regretté juge en chef Dickson […], où il a jugé que les arguments à l’appui de la doctrine de l’exclusivité des compétences n’étaient pas particulièrement convaincants, et conclu qu’ils allaient à l’encontre du « courant dominant » de la jurisprudence canadienne en matière constitutionnelle. Nous estimons tout particulièrement qu’il n’y a pas lieu d’utiliser cette doctrine lorsque, comme en l’espèce, la matière législative (l’aménagement du front de mer) présente un double aspect. Les autorités, tant fédérale que provinciale, ont toutes deux un intérêt impérieux. […]
application de l'arrêt banque canadienne

[79] Le présent Tribunal analysera les questions constitutionnelles selon la méthode proposée dans l'arrêt Banque canadienne. Préalablement, certains éléments contextuels doivent être établis :

1) Les lois et règlements fédéraux en matière maritime et environnementale trouvent ici application. Plus précisément, la navigation relève de l'article 91 (10) de la Loi constitutionnelle de 1867 et couvre le chargement et le déchargement des navires. Le présent litige est dirigé uniquement contre les dispositions provinciales.

2) La contestation d'Alcan est indépendante et il n'y a pas de conflit entre les gouvernements fédéral et provincial. Cette situation est analogue à l'affaire Banque canadienne.

3) Les installations portuaires d'Alcan faisaient initialement partie de la ville de La Baie. Depuis le 18 février 2002, elles sont comprises dans le territoire de la ville de Saguenay, arrondissement La Baie[58].

4) Les eaux dont il est ici question ne correspondent pas à une " mer " au sens de l'article 122 (2) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999)[59]. En effet, le secteur est situé à l'ouest de l'île Anticosti, en amont du fleuve Saint-Laurent.

5) Le gouvernement fédéral a adopté en 1999 le Décret soustrayant de la Société canadienne des ports, l'administration, la gestion et la régie du port de la Baie-des-Ha! Ha! et certaines parties du port du Saguenay[60]. Conséquemment, il est admis que les installations portuaires d'Alcan ne sont pas situées sur une propriété publique au sens de l’article 91 (1A) de la Loi constitutionnelle de 1867. De plus, Alcan n’agit pas à titre de mandataire de l’État dans le cadre de ses activités portuaires au sens de la Loi maritime du Canada[61].
Le caractère véritable

[80] Le Tribunal doit maintenant procéder à l'analyse du caractère véritable des présentes dispositions provinciales en matière d'environnement. À cet égard, le recours à la doctrine du double aspect s'avère pertinent[62].

[81] La Cour suprême, dans Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports)[63] a emprunté cette voie, dans le contexte où un groupe environnemental demandait à deux ministères fédéraux de procéder à une évaluation environnementale, selon un décret fédéral, à l'égard de la construction d'un barrage sur une rivière en Alberta. D'une part, le juge La Forest note que la Loi constitutionnelle de 1867 n'a pas conféré le domaine de l'environnement comme tel aux provinces ou au Parlement[64]. D'autre part, " c'est, au sens constitutionnel, une matière obscure qui ne peut être facilement classée dans le partage actuel des compétences, sans un grand chevauchement et une grande incertitude "[65]. Le juge énonce que la solution se trouve en examinant les pouvoirs énumérés dans la Loi constitutionnelle de 1867 et en analysant comment ils peuvent être utilisés pour répondre aux problèmes environnementaux ou pour les éviter. Ainsi : " On pourra alors se rendre compte que, dans l'exercice de leurs pouvoirs respectifs, les deux paliers de gouvernement peuvent toucher l'environnement, tant par leur action que par leur inaction "[66]. De plus : " Un palier peut légiférer à l'égard des aspects provinciaux et l'autre, à l'égard des aspects fédéraux " [67].

[82] La Cour suprême a retenu cette approche dans R. c. Hydro-Québec[68]. La défenderesse était alors accusée d'avoir déversé des BPC dans une rivière, contrevenant ainsi à Loi canadienne sur la protection de l'environnement[69]. Dans un jugement 5-4, la Cour conclut que les dispositions en cause sont valides car elles relèvent du pouvoir fédéral en matière de droit criminel selon l'article 91 (27). Toutefois :

[127] […] la protection de l'environnement est un défi majeur de notre époque. C'est un problème international qui exige une action des gouvernements de tous les niveaux. […]

[131] […] le recours à la compétence fédérale en matière de droit criminel n'empêche nullement les provinces d'exercer les vastes pouvoirs que leur confère l'art. 92 pour réglementer et limiter la pollution de l'environnement de façon indépendante ou pour compléter les mesures fédérales.

[83] Donc, à cette première étape de l'analyse, le présent Tribunal conclut que l'environnement peut avoir à la fois une facette fédérale et provinciale. Le fait que cette matière puisse, à certains égards, relever de la compétence fédérale ne signifie pas qu'elle ne peut, à d'autres égards, relever de la compétence provinciale[70].
La doctrine de l'exclusivité des compétences et l'empiétement

[84] Tel que mentionné, la Cour suprême ne préconise pas l'utilisation de la doctrine de l'exclusivité des compétences puisqu'il est souhaitable de privilégier l'application régulière des lois édictées par les deux ordres de gouvernement.

[85] Cela étant, dans Banque canadienne, la Cour cite avec approbation les auteurs ayant exprimé l'opinion que l'environnement fait partie de ces sujets où, dans une fédération, les provinces sont chargées d'adopter et d'appliquer un grand nombre de lois[71]. En outre, la Cour réfère au courant jurisprudentiel dans lequel le droit de l'environnement provincial fut appliqué à des activités réglementées par le fédéral[72].

[86] Le présent Tribunal s'inscrit dans cette logique jurisprudentielle, d'autant plus que le Règlement sur les matières dangereuses ne prescrit pas comment piloter un navire, construire un quai, charger ou décharger la cargaison.

[87] Dans cette perspective, le courant jurisprudentiel auquel réfère Alcan ne trouve pas application[73]. Selon les auteurs Brun, Tremblay et Brouillet, les arrêts Banque canadienne et Lafarge ont rendu invalides ces décisions[74]. Dans la même ligne, l'auteur Peter W. Hogg souligne l'aspect novateur de l'arrêt Banque canadienne, mentionnant que la Cour suprême " had indeed changed its mind about the test for interjurisdictional immunity "[75].

[88] En outre, l'analogie d'Alcan avec les relations de travail ne s'avère pas utile puisque les présentes dispositions provinciales ne visent pas à réglementer une entreprise fédérale[76].

[89] Mais il y a plus.

[90] Dans l'arrêt Lafarge, la Cour suprême souligne l'importance de " l'examen factuel " pour déterminer le caractère constitutionnel d'une activité[77].

[91] La preuve révèle que Alcan a adopté une procédure en cas de déversement dans l'eau : les personnes responsables au sein de l'entreprise communiquent avec les autorités fédérale et provinciale. De fait : " Le 21 mars 2006, le centre de contrôle environnemental du Québec (CCEQ) de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean a reçu un appel provenant de la défenderesse l’avisant d’un déversement au quai Powell "[78].

[92] En outre, selon le témoignage de l'agent maritime Louis Bruneau, le " côté navire " ignore ce qui se passe du " côté quai ". En l'espèce, la présente plainte n'est pas dirigée du " côté navire ". Pour paraphraser le juge Lalonde dans Chalets St-Adolphe, le règlement s’applique " avant la mise à l’eau "[79].

[93] Dans ce contexte, le Tribunal ne voit pas de confusion ou d'entrave de nature à " menacer " (place in jeopardy) le " contenu essentiel " (core) de la compétence fédérale en matière de navigation.

[94] Pour toutes ces raisons, le Tribunal ne retient par l'argument d'Alcan au chapitre de la doctrine de l'exclusivité des compétences et de l'empiétement.
La doctrine de la prépondérance

[95] Selon l'enseignement de la Cour suprême dans Banque canadienne, le Tribunal procède maintenant à l'examen suivant : L'article 8 du Règlement sur les matières dangereuses est-il constitutionnellement inopérant, par l'effet de la doctrine de la prépondérance des lois fédérales, au déversement de soude caustique survenu dans les installations portuaires d'Alcan dans la baie des Ha! Ha! ?

[96] D'une part, il revient à Alcan de démontrer une incompatibilité réelle entre les législations fédérales et provinciales " en établissant, soit qu’il est impossible de se conformer aux deux législations, soit que l’application de la loi provinciale empêcherait la réalisation du but de la législation fédérale "[80].

[97] D'autre part, il convient d'examiner en parallèle les textes pertinents fédéral et provincial :



FÉDÉRAL




Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985), ch. S-9.




656. (1) Le gouverneur en conseil peut par règlement interdire le rejet, par un navire, sauf dans la mesure où il est autorisé pour l’application de la présente partie, de polluants qu’énumère le règlement.

(2) Par dérogation aux règlements pris en vertu du paragraphe (1), le rejet d’un polluant par un navire est autorisé s’il se fait en conformité avec un permis délivré en vertu de la section 3 de la partie 7 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999).



Règlement sur la prévention de la pollution par les substances polluantes, C.R.C., ch. 1458.




4. (1) Sous réserve de l’article 5, il est interdit à un navire de rejeter un polluant énuméré à l’annexe I dans les eaux suivantes : […]

(2) Sous réserve de l’article 5, il est interdit à quiconque de rejeter d’un navire un polluant énuméré à l’annexe I dans les eaux décrites aux alinéas (1)a) à c) ou de permettre un tel rejet.[…]

Annexe 1 (articles 3 à 5)


Hydroxyde de sodium (soude caustique)

Règlement sur les produits chimiques dangereux et les substances liquides nocives, DORS/93-4.


29. (1) Sous réserve de l’article 30, il est interdit de rejeter des substances liquides nocives de tout navire […].

PROVINCIAL




Règlement sur les matières dangereuses, L.R.Q., c. Q-2, r.15.2.


8. Il est interdit d'émettre, de déposer, de dégager ou de rejeter une matière dangereuse dans l'environnement ou dans un système d'égout, ou d'en permettre l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet, à moins que l'opération ne soit réalisée en conformité avec la Loi sur la qualité de l'environnement. […]



[98] À cette étape, deux constats s'imposent. Premièrement, le Parlement n'a pas exprimé l'intention d'occuper tout le champ de compétence. Deuxièmement, les législations des deux paliers vont dans le même sens en interdisant le rejet d'une matière dangereuse. En somme, le fédéral ne crée pas le droit à déverser une matière dangereuse alors que le provincial l’interdirait.

[99] La présente situation s'apparente à la conduite automobile[81], à la réglementation des opérations des dirigeants de corporations[82] et des pesticides[83] ainsi qu'à l'exposition du tabac dans les commerces[84]. Dans tous ces cas, il fut déterminé que les deux ordres agissaient concurremment et que les citoyens pouvaient respecter une loi sans violer l'autre.

[100] À l'inverse :

§ Dans Law Society of British Columbia c. Mangat[85], il y a conflit d'application puisque la loi fédérale autorise les non-avocats à comparaître devant une commission de l'immigration alors que la loi provinciale prévoit des interdictions.

§ Dans l'arrêt Lafarge, le règlement municipal prévoit qu'une construction ne peut excéder une hauteur maximale de trente pieds, ce qui crée une entrave à la loi fédérale.

[101] Le présent Tribunal conclut que, en l'absence de conflit avec une loi fédérale valide, la doctrine de la prépondérance ne s'applique pas aux faits de l'espèce.
La doctrine de l'intérêt national

[102] Dernier argument d'Alcan : les dispositions provinciales n'ont pas d'effet en raison de la doctrine de l'intérêt national.

[103] Le Tribunal conclut que les conditions de base de cette doctrine ne se retrouvent pas puisque les eaux se situent à l'ouest de l'île Anticosti, en amont de la partie concernée du fleuve Saint-Laurent. Il ne s'agit donc pas d'une mer au sens de la définition de l'article 122 (2) de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999). Le Tribunal retient que cette définition permet d'identifier une " limite vérifiable et raisonnable " au sens de l'arrêt Crown Zellerbach. Autrement, il faudrait s'en remettre aux aléas de la conversion de l'eau salée en eau douce.

à

[104] Dans son argumentation, Alcan a grandement fait état des conséquences futures d'un jugement qui reconnaîtrait l'application du Règlement sur les matières dangereuses. Elle craint d'être assujettie à l'obligation d'obtenir un certificat d'autorisation, de procéder à des examens d'impacts environnementaux, etc.

[105] Le Tribunal croit utile de référer à l'opinion de la Cour d'appel du Québec dans Purolator Courrier ltée c. Hamelin[86] où il fut décidé que l'article 32 LATMP ne s'applique pas à une entreprise fédérale. Cette disposition prévoit qu'un employeur ne peut exercer certaines mesures à l'égard d'un employé victime d'une lésion professionnelle. La juge Deschamps, maintenant à la Cour suprême, s'exprime ainsi :

[21] La compétence générale du législateur provincial sur l’objet d’une loi ne signifie pas que toutes et chacune des dispositions de cette loi seront constitutionnellement valides. […]

[23] […] Chaque disposition d'une loi doit donc être évaluée pour déterminer sa validité constitutionnelle.

[106] Il est bien clair que la portée du présent jugement se limite aux dispositions et aux faits présentement en cause.
CONCLUSION

[107] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[108] REJETTE les arguments constitutionnels soulevés par la défenderesse.








__________________________________

PIERRE LORTIE

Juge à la Cour du Québec



Me Maryse Blais et Me Donald Barnabé

Directeur des poursuites criminelles et pénales

Poursuivant

(Mes Chamberland Gagnon)



Me François Bouchard et Me Jean-Sébastien Bergeron

Avocats de la défenderesse

(Mes Cain Lamarre Casgrain Wells)



Me Patricia Blair et Me Alain Gingras

Procureur général du Québec

Intervenant



Dates d’audience :


15, 16 et 17 décembre 2008




ANNEXE I – LOIS ET RÈGLEMENTS



I. TEXTE CONSTITUTIONNEL

- Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Victoria, ch. 3 (R.-U.)

POUVOIRS DU PARLEMENT

91. Il sera loisible à la Reine, de l'avis et du consentement du Sénat et de la Chambre des Communes, de faire des lois pour la paix, l'ordre et le bon gouvernement du Canada, relativement à toutes les matières ne tombant pas dans les catégories de sujets par la présente loi exclusivement assignés aux législatures des provinces; mais, pour plus de garantie, sans toutefois restreindre la généralité des termes ci-haut employés dans le présent article, il est par la présente déclaré que (nonobstant toute disposition contraire énoncée dans la présente loi) l'autorité législative exclusive du parlement du Canada s'étend à toutes les matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir:

1A. La dette et la propriété publiques.

[…]

10. La navigation et les bâtiments ou navires (shipping).

[…]

29. Les catégories de sujets expressément exceptés dans l'énumération des catégories de sujets exclusivement assignés par la présente loi aux législatures des provinces.

Et aucune des matières énoncées dans les catégories de sujets énumérés dans le présent article ne sera réputée tomber dans la catégorie des matières d'une nature locale ou privée comprises dans l'énumération des catégories de sujets exclusivement assignés par la présente loi aux législatures des provinces.

POUVOIRS EXCLUSIFS DES LÉGISLATURES PROVINCIALES

92. Dans chaque province la législature pourra exclusivement faire des lois relatives aux matières tombant dans les catégories de sujets ci-dessous énumérés, savoir:

[…]

10. Les travaux et entreprises d'une nature locale, autres que ceux énumérés dans les catégories suivantes:

(a) Lignes de bateaux à vapeur ou autres bâtiments, chemins de fer, canaux, télégraphes et autres travaux et entreprises reliant la province à une autre ou à d'autres provinces, ou s'étendant au-delà des limites de la province;

(b) Lignes de bateaux à vapeur entre la province et tout pays dépendant de l'empire britannique ou tout pays étranger;

(c) Les travaux qui, bien qu'entièrement situés dans la province, seront avant ou après leur exécution déclarés par le parlement du Canada être pour l'avantage général du Canada, ou pour l'avantage de deux ou d'un plus grand nombre des provinces;

[…]

13. La propriété et les droits civils dans la province;

[…]

16. Généralement toutes les matières d'une nature purement locale ou privée dans la province.

II. LÉGISLATION FÉDÉRALE

- Loi maritime du Canada, L.C. 1998, ch. 10

Champ d’application

6. (1) La présente partie s’applique aux administrations portuaires inscrites à l’annexe et à celles pour lesquelles des lettres patentes ont été délivrées ou qui ont été prorogées sous le régime de la présente partie et n’ont pas été dissoutes.

(2) Le ministre peut, par décret, modifier l’annexe pour en retrancher le nom des administrations portuaires dissoutes ou pour y ajouter, à la partie 2, le nom de nouvelles administrations portuaires.

7. (1) Sous réserve du paragraphe (3), les administrations portuaires ne sont mandataires de Sa Majesté du chef du Canada que dans le cadre des activités portuaires visées à l’alinéa 28(2) a).

Les filiales à cent pour cent des administrations portuaires ne sont pas mandataires de Sa Majesté du chef du Canada sauf si, sous réserve du paragraphe (3) :

a) d’une part, elles l’étaient au 10 juin 1996;

b) d’autre part, elles le sont en vertu d’une loi autre que la présente loi.

(3) Ni les administrations portuaires ni les filiales à cent pour cent des administrations portuaires ne peuvent emprunter de fonds à titre de mandataires de Sa Majesté du chef du Canada.

[…]

Administrations portuaires initiales

12. (1) L’administration portuaire inscrite à un article de la partie 1 de l’annexe est automatiquement prorogée ou réputée constituée en administration portuaire à compter de la date d’entrée en vigueur de cet article comme si elle était constituée sous le régime de l’article 8, le ministre étant tenu de lui délivrer des lettres patentes dont le contenu est conforme au paragraphe 8(2).

(2) Les droits et obligations d’une administration portuaire visée au paragraphe (1) qui, à l’entrée en vigueur du présent paragraphe, était une ou plusieurs commissions portuaires sont régis par le paragraphe 10(3).

(3) Les droits et obligations d’une administration portuaire visée au paragraphe (1) qui, à l’entrée en vigueur du présent paragraphe, était une société portuaire locale constituée sous le régime de la Loi sur la Société canadienne des ports sont les suivants :

a) la dénomination sociale de l’administration portuaire remplace celle de la société portuaire locale dans les contrats, conventions collectives, baux, licences, permis et autres documents auxquels la société portuaire locale, la Société canadienne des ports ou leurs prédécesseurs sont partie à l’égard du port;

b) les immeubles et les biens réels, et les droits s’y rattachant, que la société portuaire locale administre ou dont elle détient le titre pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada — qu’elle le détienne sous son propre nom ou sous celui de Sa Majesté — demeurent des biens et droits de Sa Majesté;

c) la gestion des immeubles fédéraux et des biens réels fédéraux, et des droits s’y rattachant, mentionnés dans les lettres patentes est confiée à l’administration portuaire;

d) les biens meubles et les droits s’y rattachant que la société portuaire locale administre ou dont elle détient le titre — qu’elle le détienne sous son propre nom ou sous celui de Sa Majesté — pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada deviennent des biens et droits de l’administration portuaire;

e) aucune atteinte n’est portée aux causes d’action ou réclamations déjà nées que pouvait exercer la société portuaire locale — ou qui pouvaient l’être contre elle — , et aux responsabilités et obligations existantes de cette société, toutefois les jugements et ordonnances judiciaires rendus doivent d’abord être exécutés contre l’administration portuaire;

f) les poursuites civiles, pénales ou administratives engagées par ou contre la société portuaire locale se poursuivent par ou contre l’administration portuaire seulement;

g) sous réserve de l’alinéa e), toute décision judiciaire ou quasi judiciaire rendue en faveur de la société portuaire locale ou contre celle-ci est exécutoire par ou contre l’administration portuaire seulement.

(4) Les droits et obligations d’une administration portuaire visée au paragraphe (1) qui, à l’entrée en vigueur du présent paragraphe, était un port non autonome au sens de la Loi sur la Société canadienne des ports sont les suivants :

a) la dénomination sociale de l’administration portuaire remplace celle de la Société canadienne des ports ou des sociétés qu’elle remplace dans les contrats, conventions collectives, baux, licences, permis et autres documents auxquels la Société ou une société remplacée est partie à l’égard du port;

b) les immeubles et les biens réels, et les droits s’y rattachant, qui constituent le port et que la Société canadienne des ports administre ou dont elle détient le titre pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada — qu’elle le détienne sous son propre nom ou sous celui de Sa Majesté — demeurent des biens et droits de Sa Majesté;

c) la gestion des immeubles fédéraux et des biens réels fédéraux, et des droits s’y rattachant, mentionnés dans les lettres patentes est confiée à l’administration portuaire;

d) les biens meubles et les droits s’y rattachant qui sont liés aux ports et que la Société canadienne des ports administre ou dont elle détient le titre — qu’elle le détienne sous son propre nom ou sous celui de Sa Majesté — pour le compte de Sa Majesté du chef du Canada deviennent des biens et droits de l’administration portuaire;

e) aucune atteinte n’est portée aux causes d’action ou réclamations déjà nées que pouvait exercer la Société canadienne des ports — ou qui pouvaient l’être contre elle — , et aux responsabilités et obligations existantes de cette société à l’égard du port, sauf dans la mesure où les jugements et ordonnances rendus doivent d’abord être exécutés contre l’administration portuaire;

f) les poursuites civiles, pénales ou administratives engagées par ou contre la Société canadienne des ports à l’égard du port se poursuivent par ou contre l’administration portuaire seulement;

g) sous réserve de l’alinéa e), toute décision judiciaire ou quasi judiciaire rendue en faveur de la Société canadienne des ports ou contre celle-ci à l’égard du port est exécutoire par ou contre l’administration portuaire seulement.

(5) Le ministre peut, pour l’application du paragraphe (4), fixer le périmètre du port non autonome qui devient régi par une administration portuaire et trancher toute question soulevée en matière de biens, de droits et d’obligations de l’administration.

Capacités et pouvoirs

28. (1) Une administration portuaire est constituée pour l’exploitation du port visé par ses lettres patentes et a, à cette fin et pour l’application de la présente loi, la capacité d’une personne physique.

(2) L’autorisation donnée à une administration portuaire d’exploiter un port est restreinte aux activités suivantes :

a) les activités portuaires liées à la navigation, au transport des passagers et des marchandises, et à la manutention et l’entreposage des marchandises, dans la mesure prévue par les lettres patentes;

b) les autres activités qui sont désignées dans les lettres patentes comme étant nécessaires aux opérations portuaires.

[…]

139. (1) À l’abrogation de la Loi sur la Société canadienne des ports, tous les éléments d’actif et les obligations de la Société sont remis à Sa Majesté du chef du Canada, le ministre étant chargé de leur gestion.

(2) Les administrateurs de la Société canadienne des ports cessent d’exercer leur charge à l’entrée en vigueur de l’article 197 et n’ont pas droit de réclamer ou de recevoir une compensation, des dommages-intérêts, une indemnité ou toute autre forme de dédommagement de Sa Majesté du chef du Canada ou de ses préposés ou mandataires en raison de la cessation de leurs fonctions conformément au présent article.

(3) Ni la Société canadienne des ports ni Sa Majesté du chef du Canada ne sont liées par l’entente de cessation d’emploi qui a pu être conclue entre la Société et un de ses dirigeants après le 1er décembre 1995.

[…]

197. La Loi sur la société canadienne des ports est abrogée.

- Décret soustrayant de la Société canadienne des ports, l'administration, la gestion et la régie du port de la Baie-des-Ha! Ha! et certaines parties du port du Saguenay

Vol. 134, no 1 — Le 5 janvier 2000

Enregistrement DORS/2000-15 16 décembre 1999

- Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, L.C. 2001, ch. 26.

- Règlement sur la prévention de la pollution par les navires et sur les produits chimiques dangereux, DORS/2007-86.

- Règlement sur les cargaisons, la fumigation et l‘outillage de chargement, DORS/2007-128.

- Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985), ch. S-9.

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

«eaux canadiennes » La mer territoriale du Canada et toutes les eaux intérieures du Canada.

«eaux internes du Canada » La totalité des fleuves, rivières, lacs et autres eaux douces navigables, à l’intérieur du Canada, y compris le fleuve Saint-Laurent aussi loin vers la mer qu’une ligne droite tirée :

a) de Cap-des-Rosiers à la Pointe occidentale de l’île d’Anticosti;

b) de l’île d’Anticosti à la rive nord du fleuve Saint-Laurent le long du méridien de longitude soixante-trois degrés ouest.

[…]

PARTIE XV

POLLUTION : PRÉVENTION ET INTERVENTION

Définitions

654. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente partie.

«polluant » Les substances désignées par règlement, nommément ou par catégorie, comme polluantes pour l’application de la présente partie, le pétrole brut, le fuel-oil, l’huile diesel lourde, l’huile de graissage, les autres hydrocarbures persistants et notamment les substances suivantes :

a) celles qui, ajoutées à l’eau, produiraient, directement ou non, une dégradation ou altération de sa qualité de nature à nuire à son utilisation par l’homme ou par les animaux, les poissons ou les plantes utiles à l’homme; […]

[…]

«rejet » À l’égard d’un navire, rejet, depuis ce navire, d’un polluant qui, directement ou indirectement, atteint l’eau, notamment par déversement, fuite, déchargement ou chargement par pompage, rejet liquide, émanation, vidange, rejet solide et immersion.

655. (1) Sauf disposition contraire de la présente partie ou de ses règlements d’application, celle-ci et ses règlements s’appliquent :

a) aux eaux canadiennes, ainsi qu’aux eaux de la zone économique exclusive du Canada, qui ne font pas partie d’une zone de contrôle de la sécurité de la navigation désignée en vertu de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques;

b) aux navires qui se trouvent dans les eaux visées à l’alinéa a).

656. (1) Le gouverneur en conseil peut par règlement interdire le rejet, par un navire, sauf dans la mesure où il est autorisé pour l’application de la présente partie, de polluants qu’énumère le règlement.

(2) Par dérogation aux règlements pris en vertu du paragraphe (1), le rejet d’un polluant par un navire est autorisé s’il se fait en conformité avec un permis délivré en vertu de la section 3 de la partie 7 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999).

[…]

664. (1) Toute personne ou tout navire qui rejette un polluant contrairement aux règlements pris au titre de l’article 656 est coupable d’une infraction et encourt, sur déclaration de culpabilité :

a) par procédure sommaire :

(i) dans le cas d’une personne physique, une amende maximale de deux cent cinquante mille dollars et un emprisonnement maximal de six mois, ou l’une de ces peines,

(ii) dans tout autre cas, une amende maximale de deux cent cinquante mille dollars;

b) par mise en accusation :

(i) dans le cas d’une personne physique, une amende maximale d’un million de dollars et un emprisonnement maximal de trois ans, ou l’une de ces peines,

(ii) dans tout autre cas, une amende maximale d’un million de dollars.

Facteurs à considérer

(2) Le tribunal peut tenir compte, dans l’établissement de la peine à l’égard d’une infraction prévue au paragraphe (1), des facteurs suivants :

a) le dommage ou le risque de dommage que peut causer l’infraction;

b) les prévisions du coût total du nettoyage, le dommage causé et les meilleures mesures d’atténuation disponibles;

c) les mesures de réparation que prend ou se propose de prendre le contrevenant pour atténuer le dommage;

d) la question de savoir si le rejet a été signalé à temps aux termes des règlements pris au titre de l’alinéa 657(1)a);

e) le caractère intentionnel de l’infraction;

f) l’incompétence, la négligence ou l’insouciance du contrevenant;

g) les efforts du contrevenant pour empêcher la perpétration de l’infraction;

h) tout avantage économique procuré par la perpétration de l’infraction;

i) tout élément de preuve d’après lequel il peut être fondé à croire que le contrevenant a, dans le passé, accompli des actes contraires aux lois portant prévention ou réduction de la pollution.

- Règlement sur les rapports relatifs au rejet de polluants (1995), DORS/95-351.

- Règlement sur le transport par mer des marchandises dangereuses, DORS/81-951.

- Règlement sur la prévention de la pollution par les substances polluantes, C.R.C., ch. 1458.

4. (1) Sous réserve de l’article 5, il est interdit à un navire de rejeter un polluant énuméré à l’annexe I dans les eaux suivantes :

a) les eaux canadiennes situées au sud du 60e parallèle de latitude nord;

[…]

(2) Sous réserve de l’article 5, il est interdit à quiconque de rejeter d’un navire un polluant énuméré à l’annexe I dans les eaux décrites aux alinéas (1)a) à c) ou de permettre un tel rejet.

[…]

Annexe I (articles 3 à 5)

…]

Hydroxyde de sodium (soude caustique)



- Règlement sur les produits chimiques dangereux et les substances liquides nocives, DORS/93-4.

a. 2.

« installation de déchargement » Installation à terre ou en mer utilisée pour le déchargement de produits chimiques dangereux ou de substances liquides nocives d’un navire.

« opération de transbordement » S’entend :

a) soit du chargement de produits chimiques dangereux ou de substances liquides nocives à bord d’un navire à partir d’une installation de chargement ou d’un autre navire;

b) soit du déchargement de produits chimiques dangereux ou de substances liquides nocives d’un navire à une installation de déchargement ou à un autre navire. (transfer operation)

29. (1) Sous réserve de l’article 30, il est interdit de rejeter des substances liquides nocives de tout navire qui se trouve dans les zones de pêche 1, 2 ou 3 ou dans une partie des eaux intérieures du Canada qui n’est pas dans une zone de contrôle de la sécurité de la navigation. […]

- Règlement sur l’outillage de chargement, C.R.C., ch. 1494.

- Règlement sur le contrôle et la gestion de l’eau de ballast, DORS/2006-129.

- Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14.

- Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999, ch. 33.

Définitions

122. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section et à la partie 10.

[…]

(2) Pour l’application de la présente section et de la partie 10, «mer » désigne :

a) la mer territoriale du Canada;

b) les eaux intérieures du Canada, à l’exclusion de l’ensemble des cours d’eau, lacs et autres plans d’eau douce du Canada, y compris la partie du Saint-Laurent délimitée, vers la mer, par les lignes droites joignant :

(i) Cap-des-Rosiers à la pointe extrême ouest de l’île d’Anticosti,

(ii) l’île d’Anticosti à la rive nord du Saint-Laurent suivant le méridien de soixante-trois degrés de longitude ouest;

c) les zones que le Canada peut déclarer zones économiques exclusives;

d) les eaux arctiques au sens de l’article 2 de la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques;

e) l’espace maritime, réglementé en application de l’alinéa 135(1)g), contigu aux espaces visés aux alinéas a) à d);

f) les espaces maritimes relevant de la souveraineté d’un État étranger, à l’exclusion des eaux intérieures;

g) les espaces maritimes, à l’exclusion des eaux intérieures d’un État étranger, non compris dans l’espace visé aux alinéas a) à f).

- Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses, L.C. 1992, ch. 34.

– Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, DORS/2001-286, partie I et XI.

- Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, DORS/2001-286, partie I et XI (avec modifications de 2008).

- Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, L.R.C. (1985), ch. A-12.

- Règlement sur la prévention de la pollution des eaux arctiques par les navires, C.R.C., ch. 353.

- Règlement sur la prévention de la pollution des eaux arctiques, C.R.C., ch. 354.

- Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, L.C. 1994, ch. 22.

- Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6.

- Loi sur les océans, L.C. 1996, ch. 31.

- Loi sur la sûreté du transport maritime, L.C. 1994, ch. 40.

- Règlement sur la sûreté du transport maritime, DORS/2004-144.

- Loi sur les ressources en eau du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-11.

- Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 2, 3, 4, 122, 123, 166 et 167.

- Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), c. N-22;

- Loi sur l’indemnisation des marins marchands, L.R. 1985, ch. M-6;

- Loi d’interprétation, L.R. 1985, ch. I-21.



III. LÉGISLATION PROVINCIALE

– Loi sur la qualité de l’environnement, L.R.Q., c. Q-2.

31. Le gouvernement peut adopter des règlements pour:

a) classifier les contaminants et les sources de contamination;

[…]

109. Quiconque contrevient à la présente loi ou à un règlement établi en vertu de ses dispositions, commet une infraction et est passible, dans tous les cas où il n'est pas imposé d'autre peine, d'une amende d'au moins 300 $ et d'au plus 5 000 $.

[…]

- Règlement sur les matières dangereuses, L.R.Q., c. Q-2, r.15.2.

8. Il est interdit d'émettre, de déposer, de dégager ou de rejeter une matière dangereuse dans l'environnement ou dans un système d'égout, ou d'en permettre l'émission, le dépôt, le dégagement ou le rejet, à moins que l'opération ne soit réalisée en conformité avec la Loi sur la qualité de l'environnement.

[…]

142. Toute infraction à l'article 8 rend le contrevenant passible:

1° s'il s'agit d'une personne physique, d'une amende de 2 000 $ à 25 000 $;

2° s'il s'agit d'une personne morale, d'une amende de 25 000 $ à 500 000 $.

En cas de récidive de la part d'une personne physique, l'amende est portée au double. En cas de récidive de la part d'une personne morale, l'amende est de 50 000 $ à 1 200 000 $ et, en cas de récidive additionnelle, de 550 000 $ à 1 500 000 $.

Le contrevenant est passible, en outre de l'amende, d'une peine d'emprisonnement d'un maximum de 18 mois.

143. En cas de récidive, les amendes prescrites par les articles 139 à 141 sont portées au double.

- Règlement relatif à l’application de la Loi sur la qualité de l’environnement, L.R.Q., c. Q-2, r. 1.001.

- Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, L.R.Q., c. Q-2, r.9.





ANNEXE II - JURISPRUDENCE

(par ordre chronologique)



1. In re la validité de la Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail; Validity and Applicability of the Industrial Relations and Disputes Investigation Act; Affaire du débardage; Arrêt Stevedoring; [1955] R.C.S. 529

La Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes visant les différends du travail [loi fédérale] s'applique aux employés d'une entreprise qui œuvre dans le domaine du chargement et déchargement de navires. Le fédéral peut faire valoir une compétence sur un domaine provincial si elle fait partie intégrante d'une compétence principale exclusive. Le fédéral n'a pas compétence en matière de relations de travail sauf si ce pouvoir fait intégralement partie de sa compétence principale sur une autre matière. Interprétation large des termes " Navigation and Shipping "

2. Construction Montcalm inc. c. Commisssion du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754

Une entreprise contracte avec le gouvernement fédéral pour construire une piste d'atterrissage dans un aéroport (compétence fédérale sur l'aéronautique). Les lois provinciales sur les salaires et les conditions de travail s'appliquent.

3. Fowler c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 213

Une entreprise d'abattage est accusée d'avoir déposé des débris dans un ruisseau qui se déverse dans des eaux salées, contrevenant à l'article 33(3) de la Loi sur les pêcheries. Cette disposition excède la compétence du fédéral sur les pêcheries. Il s'agit d'une interdiction générale d'exercer des activités de compétence provinciale (propriété et droits civils). Conséquemment, l'article empiète sur la compétence provinciale.

4. Northwest Falling Contractors Ltd. c. La Reine, [1980] 2 R.C.S. 292

L'article 33(2) de la Loi sur les pêcheries interdit de déposer une substance nocive dans les eaux poissonneuses. Suite à une rupture d'un tuyau, du gas-oil a été répandu. L'article est de la compétence du fédéral puisqu'il vise spécifiquement la protection des poissons.

5. Multiple Access Ltd. c. McCutcheon, [1982] 2 R.C.S. 161

La Loi sur les corporations canadiennes prévoit des dispositions concernant les opérations des dirigeants et l'utilisation de renseignements confidentiels. La loi provinciale ontarienne, The Securities Act, reproduit ces dispositions. Des actionnaires de Multiple Access se prévalent de la loi provinciale afin d'intenter des recours contre des dirigeants. Ces derniers contestent, prétendant que la loi provinciale est inapplicable en vertu de la doctrine de la prépondérance de la loi fédérale. La Cour suprême détermine que, d'une part, la loi fédérale a validement été adoptée en vertu de la compétence relative à la paix, l'ordre et le bon gouvernement. La Cour applique la théorie du double aspect aux deux lois en cause : " […] il semble n'y avoir aucune raison, au moment d'en examiner la validité, d'en rejeter une et de conserver l'autre " (page 182). D'autre part, la province a le pouvoir de réglementer les actions des compagnies en vertu de la compétence en matière de propriété et de droits civils. La loi provinciale n'est pas inopérante puisqu'il n'y a pas de contradiction entre les deux textes : " En principe, il ne semble y avoir aucune raison valable de parler de prépondérance et d'exclusion sauf lorsqu'il y a un conflit véritable, comme lorsqu'une loi dit "oui" et que l'autre dit "non"; "on demande aux mêmes citoyens d'accomplir des actes incompatibles"; l'observance de l'une entraîne l'inobservance de l'autre " (page 191).

6. Société canadienne des Métaux Reynolds ltée c. Francoeur, [1983] C.A. 336 . Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejeté, 1984-02-16, 18264

L'appelante exploite une aluminerie comprenant des installations portuaires utilisées pour la réception de produits. Un surintendant congédié porte une plainte selon l'article 124 LNT. Le CCT contient une disposition analogue. À la lumière de l'arrêt Stevedoring, et vu la divisibilité des opérations de l'entreprise, la loi fédérale s'applique et non l'article 124.

7. R. v. Crown Zellerback Canada Ltd., [1984] B.C.J. No. 1405 (B.C. C.A.)

Dans le cadre de l'exploitation de son entreprise de coupe de bois, l'intimée procède à l'immersion de résidus dans les eaux situées à l'intérieur de la province. Une plainte est portée en vertu de la Loi sur l'immersion de déchets en mer [loi fédérale]. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique conclut que la disposition empiète sur la compétence provinciale.

8. ITO-Int’l Terminal Operators c. Miida Electronics, [1986] 1 R.C.S. 752

Des calculatrices sont transportées par mer et entreposées dans un hangar de transit dans le port de Montréal. La manutention et l'entreposage accessoire, avant la livraison et pendant que la marchandise reste sous la garde d'un acconier dans la zone portuaire, est suffisamment liée au contrat de transport maritime pour constituer une affaire maritime qui relève du droit maritime canadien au sens de l'article 2 de la LCF. La nature maritime dépend de trois facteurs : 1) Activités à proximité de la mer. 2) Rapport entre les activités et le contrat de transport maritime. 3) Entreposage à court terme. Règles qui découlent de la common law. Si une question est régie par une loi fédérale valide sur le plan constitutionnel, l'entité juridique importante est alors le Canada et non une province.

9. St-Denis de Brompton (Corp. de la mun. de) c. Filteau, [1986] R.J.Q. 2400 (C.A.)

La municipalité adopte un règlement prohibant l'usage de certaines embarcations dans un lac. Il s'agit d'eaux navigables au sens du terme " navigation " de l'article 91(10). Les droits de navigation ne peuvent être abrogés ou réglementés que par le fédéral.

10. R. c. Crown Zellerback Canada Ltd., [1988] 1 R.C.S. 401

Pourvoi accueilli. La loi fédérale s'applique en vertu de la théorie de l'intérêt national. La pollution des mers intéresse le Canada tout entier (incidences extraprovinciales et internationales). Application de la distinction entre eaux salées et eaux douces pour limiter l'application de la loi. Critère des " limites vérifiables et raisonnables " (par. 43).

11. Bell Canada c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité du travail), [1988] 1 R.C.S. 749

Les dispositions de la LSST concernant le retrait préventif d'une travailleuse enceinte ne s'appliquent pas à Bell, entreprise fédérale. Ce type d'entreprise entre dans les sujets visés à l'article 91(29). Principes développés: 1) Compétence de principe de la province en matière de santé. 2) Idem pour les relations de travail. 3) Compétence du fédéral sur les relations de travail si partie intégrante de sa compétence principale et exclusive. 4) Application des régimes provinciaux d'indemnisation aux entreprises fédérales (distinction avec le régime préventif). 5) Théorie du double aspect: les sujets qui sous un certain aspect relèvent de l'article 92 peuvent, sous un autre aspect et une autre fin, relever de l'article 91. Cette théorie ne constitue pas une exception ou un tempérament au principe de l'exclusivité des compétences législatives. Application du test de l'entrave : " Pour que joue la règle de l'inapplicabilité, il suffit que la sujétion de l'entreprise à la loi provinciale ait pour effet d'affecter un élément vital ou essentiel de l'entreprise sans nécessairement aller jusqu'à effectivement entraver ou paralyser cette dernière " (pages 859-860).

12. Alltrans Express Ltd. c. Colombie-Britannique (Worker’s Compensation Board), [1988] 1 R.C.S. 897

Une entreprise de camionnage exclusivement interprovinciale et internationale est une entreprise fédérale [91(29), 92(10)a)]. La loi provinciale concernant la sécurité dans les lieux de travail est inapplicable.

13. Whitbread c. Walley, [1990] 3 R.C.S. 1273

Un individu tient la barre d'un bateau dans le Vancouver Harbour. Blessé, il intente une poursuite en responsabilité délictuelle contre le propriétaire. Ce dernier invoque les dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada qui limitent la responsabilité. Le droit maritime canadien s'applique aux délits civils commis en haute mer, dans les eaux nationales et à l'intérieur de l'aire de flux et de reflux. Nécessité d'un régime juridique uniforme pour les eaux navigables. Analogie avec l'aéronautique.

14. Monk Corp. c. Island fertilizers ltd., [1991] 1 R.C.S. 779

Un contrat de fourniture de grains intervient entre Monk (courtier) et Island (acheteur). Le grain est expédié de l'URSS pour déchargement dans trois ports de mer de l'est du Canada. En raison de certains délais lors du déchargement, Monk réclame des indemnités à Island devant la Cour fédérale. Cette cour est compétente puisque le déchargement de cargaison se rattache au droit maritime fédéral.

15. Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3

Un groupe environnemental demande à deux ministères fédéraux de procéder à une évaluation environnementale, selon un décret fédéral, concernant la construction d'un barrage sur une rivière en Alberta. Le projet touche plusieurs compétences fédérales (eaux navigables, pêcheries, Indiens, terres indiennes). Le décret est intra vires du fédéral et s'applique au projet. […] La loi constitutionnelle de 1867 n'a pas conféré le domaine de l' "environnement" comme tel aux provinces ou au Parlement (page 63). […] c'est, au sens constitutionnel, une matière obscure qui ne peut être facilement classée dans le partage actuel des compétences, sans un grand chevauchement et une grande incertitude (page 64). […] dans l'exercice de leurs pouvoirs respectifs, les deux paliers de gouvernement peuvent toucher l'environnement, tant par leur action que par leur inaction (page 65). […] Un palier peut légiférer à l'égard des aspects provinciaux et l'autre, à l'égard des aspects fédéraux (page 69).



16. Montréal (Communauté urbaine de) c. Fednav Ltée, J.E. 93-377 (C.M.)

Dans le port de Montréal, Fednav procède au chargement de sable dans un bateau et provoque de la poussière, contrevenant au règlement municipal. En vertu de la doctrine de la compétence exclusive, le règlement ne s'applique pas, le chargement étant une affaire maritime relevant du droit maritime fédéral. Il s'agit d'une entrave à la compétence fédérale.

17. La Reine c. Société d’électrolyse et de chimie Alcan Limitée et Alcan Aluminium Limitée, C.Q. Chicoutimi, n° 150-27-0001626-908, 15 juin 1995, juge Guy Tremblay

La Proclamation du 12 mai 1921 " Defining the limits of the Port of Ha Ha Bay Harbour " est déclarée inconstitutionnelle puisque non adoptée dans les deux langues officielles.

18. Ghali c. Aéroports de Montréal, J.E. 97-537 (C.S.)

Aéroports de Montréal veut transférer les vols de Mirabel à Dorval. Le ministère de l'Environnement du Québec reconnaît que la LQE ne s'applique pas (examen environnemental) puisqu'il s'agit du domaine de l'aéronautique, compétence exclusive fédérale.

19. R. c. Hydro-Québec, [1997] 3 R.C.S. 213

Hydro-Québec est accusée d'avoir déversé des BPC dans une rivière, et ce, contrairement à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. La Cour suprême (5-4) conclut que les dispositions en cause sont valides car elles relèvent du pouvoir fédéral en matière de droit criminel [91(27)]. Toutefois : [127] […] la protection de l'environnement est un défi majeur de notre époque. C'est un problème international qui exige une action des gouvernements de tous les niveaux. […] [131] […] le recours à la compétence fédérale en matière de droit criminel n'empêche nullement les provinces d'exercer les vastes pouvoirs que leur confère l'art. 92 pour réglementer et limiter la pollution de l'environnement de façon indépendante ou pour compléter les mesures fédérales.

20. R. c. Investissements Navimex inc., [1998] R.J.Q. 1673 (C.A.)

La Loi sur la marine marchande du Canada prévoit qu'un contrat d'engagement de l'équipage doit être dressé. Navimex organise des excursions d'observation de baleines sur le fleuve Saint-Laurent. Elle a omis d'avoir fait signer un contrat d'engagement de ses marins selon la loi fédérale. Cette dernière trouve application compte tenu du critère de la connexité maritime.

21. Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437

Suite à divers accidents de navigation dans les eaux navigables de l'Ontario, des recours sont intentés. Les demandeurs invoquent les dispositions favorables de la loi provinciale. Interprétation large du mot "maritime". Nécessité de règles juridiques uniformes dans le domaine de la responsabilité délictuelle pour abordages et autres accidents de navigation (conventions internationales – éviter les confusions). Test en quatre volets pour déterminer si une loi provinciale est constitutionnellement applicable à une action fondée sur la négligence relevant du droit maritime.



22. Mississauga (City) v. Greater Toronto Airports Authority, 2000 CanLII 16948 (ON C.A.)

Autorisation de pourvoi à la Cour suprême refusée, [2001] 1 R.C.S. ix.



Les lois provinciales prévoient l'émission de permis et l'imposition de tarifs. En 1997, les autorités de l'aéroport entreprennent un réaménagement et la municipalité prétend que les exigences réglementaires (permis et tarif) s'appliquent. La Cour conclut que les lois provinciales ne s'appliquent pas au projet de réaménagement : 1) Le principe de l'immunité juridictionnelle s'applique. 2) Une partie essentielle d'une entreprise fédérale ne peut être régie par une loi provinciale. 3) Il s'agit d'une propriété publique au sens de la Loi constitutionnelle. 4) La législation fédérale s'applique au projet de réaménagement (ex: Code national du bâtiment).

23. 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d’arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2 R.C.S. 241

Des entreprises, dans le cadre de leurs activités commerciales, utilisent des pesticides conformes à la Loi sur les produits antiparasitaires (loi fédérale). Elles détiennent également des permis selon la Loi sur les pesticides (loi provinciale). Par ailleurs, la Loi sur les cités et villes (loi provinciale) autorise les villes à adopter un règlement pour assurer le bien-être général (410(1) LCV). Hudson a adopté un règlement limitant l'utilisation des pesticides. Ce règlement est déclaré valide. Premièrement, il a légalement été adopté selon les dispositions de la LCV. Deuxièmement, il ne rend pas impossible la conformité à la loi fédérale.

24. Law Society of British Columbia c. Mangat, [2001] 3 R.C.S. 113

L'art. 30 et le par. 69(1) de la Loi sur l'immigration (loi fédérale) permettent à des non-avocats de comparaître devant la Commission de l'immigration et du statut du réfugié. L'art. 26 de la Legal Profession Act prévoit des interdictions. D'une part, la Cour détermine que les dispositions fédérales découlent de l'article 91(25) visant la naturalisation et les aubains. D'autre part, la disposition provinciale découle des articles 91(13) [propriété et droits civils] et (14) [administration de la justice]. La règle de l'exclusivité des compétences s'applique-t-elle? " [52] […] La règle de la prépondérance est celle qui convient davantage en l'espèce. Le fait que la matière visée à l'art. 30 et au par. 69(1) comporte un double aspect joue en faveur de l'application de la règle de la prépondérance plutôt que de celle de l'exclusivité des compétences ". Dans le présent cas, il y a conflit d'application de sorte que l'article 26 est inopérant du point de vue constitutionnel.

25. R. v. Kupchanko, 2002 BCCA 63 (CanLII)

La loi provinciale prohibe l'utilisation d'un bateau muni d'un moteur excédant une certaine force. Le défendeur est accusé d'avoir circulé sur une rivière avec un moteur illégal. Seul le fédéral peut réglementer les droits de navigation. La disposition provinciale est donc déclarée ultra vires.

26. Purolator Courrier ltée c. Hamelin, [2002] R.J.Q. 310 (C.A.)

L'article 32 LATMP prévoit qu'un employeur ne peut exercer certaines mesures à l'égard d'un employé victime d'une lésion professionnelle. Cette disposition est inapplicable aux entreprises relevant de l'autorité fédérale. " [21] La compétence générale du législateur provincial sur l’objet d’une loi ne signifie pas que toutes et chacune des dispositions de cette loi seront constitutionnellement valides. […] [23] […] Chaque disposition d'une loi doit donc être évaluée pour déterminer sa validité constitutionnelle ".

27. R. c. Tahkuna (The), 2002 Carswell Nfld 63 (NFSC)

La défenderesse est condamnée à une amende suit au déversement d'huile dans un port à Terre-Neuve. Application de la Loi sur la marine marchande du Canada et du règlement fédéral sur la prévention de la pollution.

28. Québec (Procureure générale) c. Larochelle, J.E. 2004-295 (C.A.)

La municipalité d'Austen a adopté un règlement interdisant d'ancrer une embarcation dans une baie et de demeurer à bord à moins de s'amarrer à une bouée. Ce règlement vise le contrôle de la navigation. " [34] La doctrine de l'immunité interjuridictionnelle (l'exclusivité des compétences) interdit à un ordre de gouvernement d'utiliser un moyen à l'extérieur de son champ de compétence pour atteindre un objectif par ailleurs constitutionnellement valide ".

29. Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Saskatchewan, [2005] 1 R.C.S. 188

Il n'existe pas d'incompatibilité entre les dispositions de la loi fédérale et de la loi provinciale concernant l'exposition de produits du tabac dans les établissements de vente au détail.

30. Québec (Procureur général) c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, J.E. 2005-1012 (C.Q.)

Le Règlement sur les lieux d'élimination de la neige prévoit l'obligation d'obtenir un certificat d'autorisation selon l'article 22 LQE. Le CN procède au transport de la neige sur ses terrains, sans certificat et une plainte pénale est portée. Appliquant le principe de l'immunité juridictionnelle, le tribunal conclut que le règlement vise la gestion d'une entreprise fédérale et touche un aspect vital de cette dernière. Le règlement est donc inapplicable.

31. Renvoi relatif à la Loi sur l’assurance emploi (Can.), art. 22 et 23, [2005] 2 R.C.S. 669

La Cour suprême rappelle les principes d'interprétation : [8] Le tribunal recherche d'abord le caractère véritable ou la caractéristique dominante de la loi ou de la disposition et détermine ensuite à quelle rubrique de compétence cette caractéristique se rapporte plus : […]. Comme chaque ordre de gouvernement peut légiférer sur les matières qui relèvent de sa compétence, très tôt le Conseil privé a reconnu que les catégories énoncées aux art. 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867 ne constituent pas des compartiments étanches et a énoncé la théorie du double aspect : […]. Le pouvoir d'un ordre de gouvernement de légiférer sur un aspect d'une matière n'enlève rien au pouvoir de l'autre ordre de régir un autre aspect qui relève de la compétence de cet autre ordre. Si, cependant, la loi ou la disposition empiète sur un champ de compétence ne relevant pas de l'autorité qui a légiféré, le tribunal vérifie si elle est tout de même valide parce qu'elle fait partie d'un régime législatif valide et y est suffisamment intégrée : […]

32. Société des Arrimeurs de Québec Inc., 2005 CanLII 63075 (C.C.R.I)

Principes applicables à la notion de débardage : [171] […] Un premier principe veut que, pour qu'un employeur soit véritablement actif dans le secteur du débardage, ses activités doivent porter de façon substantielle sur des activités de chargement et de déchargement de navires. Si ces activités ne sont qu'incidentes au transport maritime ou si elles sont effectuées par d'autres, l'entreprise ne sera pas considérée comme oeuvrant dans le secteur du débardage. Que l'entreprise soit de compétence fédérale ne rend pas automatiquement ses activités incidentes au transport maritime "véritablement actives dans le secteur en cause". Il faut définir la vraie nature des activités de l'employeur […]

33. Isen c. Simms, [2006] 2 R.C.S. 349

Après avoir navigué, Isen sort son bateau de l'eau et le place sur une remorque stationnée près du lac, en vue d'un transport sur la route. En fixant le couvercle, Isen blesse Simms à l'œil. Ce dernier intente une poursuite en responsabilité selon le droit provincial. Isen se prévaut des dispositions limitatives de la Loi sur la marine marchande du Canada. La Cour conclut que le droit provincial s'applique puisque les actions de Isen " n'avaient rien à voir avec la navigation du bateau sur l'eau, et tout à voir avec la préparation du bateau en vue de son transport sur les routes de l'Ontario " (par. 26).

34. Banque canadienne de l'Ouest c. Alberta, [2007] 2 R.C.S. 3

L'Alberta modifie l'Insurance Act afin d'assujettir les banques à sa réglementation concernant la vente des produits d'assurance. Les banques attaquent la loi pour le motif que le sujet relève de la compétence fédérale sur les banques selon l'article 91(15). Elles invoquent la doctrine de l'exclusivité des compétences et, subsidiairement, la doctrine de la prépondérance. La Cour suprême conclut qu'il n'y a pas d'empiétement ni d'incompatibilité. Conséquemment, la loi n'est pas inapplicable ou inopérante. Par ailleurs, la Cour développe une méthode d'analyse : La doctrine de l'exclusivité des compétences devrait être appliquée avec retenue; Dans la plupart des cas, une analyse du caractère véritable (de la législation prise dans son ensemble ou seulement sur certaines dispositions[87]) et l'application de la doctrine de la prépondérance permettent de résoudre les difficultés.[88] La Cour reformule les conditions requises pour que s'applique la prépondérance fédérale : " En résumé, il revient à celui qui invoque la doctrine de la prépondérance fédérale de démontrer une incompatibilité réelle entre les législations provinciale et fédérale, en établissant, soit qu'il est impossible de se conformer aux deux législations, soit que l'application de la loi provinciale empêche la réalisation du but de la législation fédérale " (par. 75).

35. Colombie-Britannique (Procureur général) c. Lafarge Canada inc., [2007] 2 R.C.S. 86

L'administration portuaire de Vancouver [APV] et la ville approuvent le projet de Lafarge de construire une installation intégrée de déchargement des navires et de centrale à béton. Des citoyens opposants intentent un recours afin d'obliger Lafarge à se conformer au règlement municipal concernant l'obtention de permis. La Cour rejette le moyen lié à la doctrine de l'exclusivité. Selon la doctrine de la prépondérance, les dispositions fédérale [Loi maritime du Canada] et provinciale [règlement municipal] sont valides. Toutefois, il y a un conflit d'application puisque le règlement contient des dispositions limitatives [limite de trente pieds, bruit, pollution] et entrave à la réalisation de l'objet du texte législatif fédéral. Le règlement municipal est donc inapplicable du fait que le fédéral détient l'autorité selon l'article 91(10).

Note: Les arrêts Banque canadienne de l'Ouest et Lafarge ont été déposés le 31 mai 2007.

36. Compagnie du chemin de fer de Québec Central (Arrangement relatif à), [2007] R.J.Q. 1971 (C.S.)

D'une part, la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies [loi fédérale] a pour objectif de permettre des compromis dans le cadre d'une restructuration d'une compagnie insolvable, et ce, au bénéfice des créanciers, tout en permettant à la compagnie de continuer l'exploitation de ses affaires et d'éviter la liquidation de ses biens ou sa dissolution. D'autre part, la Loi sur les chemins de fer et la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé [lois provinciales] prévoient des modalités concernant l'abandon d'un chemin de fer et la fixation du prix. Application de l'arrêt Banque canadienne de l'ouest. Absence de conflit entre les lois.

37. Canadian National Railway Company c. Sumitomo Marine & Fire Insurance Company Ltd, [2007] R.J.Q. 1508 (C.A.)

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée

(C.S. Can., 2008-02-28), 32282



La Loi sur les transports au Canada [loi fédérale] prévoit des dispositions concernant les obligations et la responsabilité d'une compagnie de chemin de fer envers un expéditeur. Cette réglementation des obligations est partie intégrante et encadre des aspects vitaux et essentiels au maintien des activités du CN dans le domaine du transport ferroviaire [91(29) et 92(10)].

38. Newfoundland Recycling c. Her Majesty the Queen (Attorney General for Canada), 2008 NLTD 38 (CanLII) (NFLSC)

Application de la législation environnementale fédérale en matière de pollution maritime [Loi sur les pêches].

39. Lacombe c. Sacré-Coeur (Municipalité de), [2008] R.J.Q. 598 (C.A.)

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême accueillie

(C.S. Can., 2008-10-16), 32608

Laferrière c. Québec (Procureur général), 2008 QCCA 427 (CanLII)

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême accueillie

(C.S. Can., 2008-10-16), 32604



Une législation provinciale de zonage ne peut ni régir ni interdire l'emplacement d'un aéroport, seule l'autorité fédérale ayant voix à ce chapitre. Conséquemment, la réglementation de zonage de la municipalité est inopposable à l'activité aéronautique des exploitants d'une piste d'atterrissage et d'un hangar adjacent.

40. Moses c. Canada (Procureur général), [2008] R.J.Q. 944 (C.A.)

Requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême accueillie

(C.S. Can., 2008-10-16), 32693



D'une part, la Convention de la Baie James prévoit un comité provincial et un comité fédéral d'évaluation d'un projet selon qu'il relève d'une compétence ou d'une autre. D'autre part, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale [LCÉE] prévoit une procédure d'évaluation environnementale. Des liens existent entre le LCÉE la Loi sur les pêches. Un promoteur entend exploiter une mine de vanadium au lac Doré, près de Chibougamau et transmet des avis aux autorités concernées. Le site fait partie des terres définies par la Convention. La Cour d'appel conclut que 1) le projet est assujetti au processus provincial de la Convention et 2) la LCÉE s'applique en raison d'un élément déclencheur prévu à la Loi sur les pêches. De plus : " [201] Comme ce second processus d'examen découle de l'application de la LCÉE et qu'il y a incompatibilité entre les deux processus d'examen (LCÉE et celui de la Convention), il y a lieu d'appliquer la règle de la prépondérance et de substituer le processus d'examen fédéral de la Convention à celui de la LCÉE. "

41. Chalets St-Adolphe inc. c. St-Aldophe d'Howard (Municipalité de), 2009 QCCS 182 (CanLII). Cause portée en appel.

La municipalité adopte un règlement limitant l’accès à un lac avec une embarcation motorisée. La Loi sur les compétences municipales (loi provinciale) autorise une municipalité à adopter un tel règlement. Des propriétaires (demandeurs) contestent la validité du règlement en invoquant la compétence fédérale en matière de navigation. La Cour supérieure applique la démarche proposée par la Cour suprême dans Banque canadienne. D’une part, le règlement se rattache à la compétence provinciale en environnement et peut toucher accessoirement la navigation. Même si la doctrine de l’exclusivité était applicable, il n’y aurait pas d’entrave puisque le règlement s’applique avant la mise à l’eau des embarcations [par. 72]. D’autre part, il n’y a pas d’incompatibilité entre les législations fédérales et provinciales. Ainsi, on ne retrouve pas une loi fédérale accordant un droit inconditionnel d’accéder au lac. Pour toutes ces raisons, le recours des demandeurs est rejeté.