Consultation rapide avec un avocat

1-877-MES-DROITS
1-877-637-3764

Services juridiques au Québec

Visitez notre page Facebook pour être au courant de nos chroniques et capsules! Aussi, possibilité d'obtenir une consultation rapide par la messagerie Facebook (messenger).

Ville de Montréal c. Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP, section locale 301), 2017 QCCS 28

10/01/2017 11:46

no. de référence : 500-05-083991-156

Ville de Montréal c. Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP, section locale 301)

2017 QCCS 28

COUR SUPÉRIEURE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

N° :

500-05-083991-156

DATE :

Le 10 janvier 2017

______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

MICHEL DÉZIEL, J.C.S.

______________________________________________________________________

VILLE DE MONTRÉAL

Requérante

c.

SYNDICAT DES COLS BLEUS REGROUPÉS DE MONTRÉAL (SCFP, SECTION LOCALE 301)

et

CHANTAL RACETTE

et

MICHEL MARTIN

et

JACQUES ROCHON

et

MICHEL JEANNOTTE

Intimés

______________________________________________________________________

JUGEMENT

______________________________________________________________________







[1] Le 20 octobre 2016, les intimés sont déclarés coupables d’outrage au tribunal pour violation de l’ordonnance rendue le 7 décembre 2015 par la Commission des relations du travail, division des services essentiels.

[2] Essentiellement, cette ordonnance leur enjoignait d’informer les membres de la teneur de l’Ordonnance, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’ils fournissent une prestation de travail normale habituelle le 8 décembre 2015.

[3] Les parties ont convenu avec le soussigné de fixer les représentations sur sentence les 10 et 11 janvier 2017.

[4] Le 29 novembre 2016, les procureurs des parties informent le soussigné qu’ils en sont venus à une entente afin qu’une suggestion commune soit faite à savoir :

Syndicat des cols bleus regroupés de Montréal (SCFP, Section locale 301) :

50 000 $

Chantal Racette, présidente : 50 000 $

Michel Martin, vice-président : 1 000 $

Jacques Rochon, secrétaire-trésorier : 1 000 $

Michel Jeannotte, secrétaire archiviste : 1 000 $

[5] L’article 111.20 du Code du travail[1] stipule ce qui suit :

Le Tribunal peut déposer ou, à la demande d’une partie intéressée, autoriser le dépôt d’une copie conforme d’une ordonnance rendue suivant les articles 111.0.19, 111.17 et 111.18 ou, le cas échéant, d’un engagement pris en vertu de l’article 111.19 au bureau du greffier de la Cour supérieure du district de Montréal, lorsque le service public ou l’organisme en cause est situé dans les districts de Beauharnois, Bedford, Drummond, Gatineau, Iberville, Joliette, Labelle, Laval, Longueuil, Mégantic, Montréal, Pontiac, Richelieu, Saint-François, Saint Hyacinthe ou Terrebonne et, lorsqu’il est situé dans un autre district, au bureau du greffier de la Cour supérieure du district de Québec.

Le dépôt de l’ordonnance ou de l’engagement lui confère alors la même force et le même effet que s’il s’agissait d’un jugement émanant de la Cour supérieure.

Toute personne qui transgresse ou refuse d’obéir à une ordonnance ou à un engagement dans lequel elle est nommée ou désignée de même que toute personne non désignée qui y contrevient sciemment se rend coupable d’outraqe au tribunal et peut être condamnée par le tribunal compétent, selon la procédure prévue aux articles 59 à 61 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01), à une amende n’excédant pas 50 000 $ avec ou sans emprisonnement pour une durée d’au plus un an. Ces pénalités peuvent être imposées de nouveau jusqu’à ce que le contrevenant se soit conformé à l’ordonnance ou l’engagement. (Mes soulignements)

[6] La recommandation conjointe ne lie pas le tribunal.

[7] Pour l’écarter, ou la retenir, le tribunal doit appliquer le critère de l’intérêt public[2] selon les enseignements de la Cour Suprême du Canada dans le jugement rendu le 21 octobre 2016.

« Il n’y a pas de consensus au sujet du critère juridique que les juges du procès devraient appliquer pour décider s’il y a lieu d’écarter une recommandation conjointe dans un cas donné. Quatre critères peuvent être appliqués : celui de la justesse, celui de la peine manifestement non indiquée, celui de l’intérêt public, et celui pour lequel on considère que le critère de la justesse et celui de l’intérêt public sont essentiellement le même. Le critère de l’intérêt public est celui que les juges du procès devraient appliquer. Selon ce critère, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. La présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Le critère de l’intérêt public est plus rigoureux que les autres critères proposés et il reflète le mieux les nombreux avantages que les recommandations conjointes apportent au système de justice pénale ainsi que le besoin correspondant d’un degré de certitude élevé que ces recommandations seront acceptées.

Les avocats du ministère public et de la défense sont bien placés pour en arriver à une recommandation conjointe qui favorise tant les intérêts du public que ceux de l’accusé. Les juges du procès ne devraient pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe; ils ne devraient le faire que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui‑ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement.

[…]

[32] Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre‑Neuve‑et‑Labrador sont utiles à cet égard. »

[8] Le tribunal est d’avis que la recommandation faite répond au critère de l’intérêt public.

[9] Une personne renseignée et raisonnable estimerait que la peine proposée assure un bon fonctionnement du système de justice.

[10] La preuve démontre que le Syndicat et sa présidente ont joué un rôle actif lors de l’arrêt de travail du 8 décembre 2015, alors que les trois autres membres de l’exécutif ont joué un rôle passif, ce qui justifie dans leur cas une amende de 1 000 $.

[11] Le montant de 50 000 $ constitue le maximum de l’amende prévue par la loi.

[12] L’intérêt public justifie l’imposition de l’amende maximale.

[13] En effet, la tenue de l’assemblée syndicale le 8 décembre 2015, est de nature à miner l’autorité des tribunaux.

[14] Le respect d’une ordonnance de la Commission des relations du travail, division des services essentiels, est primordial dans une société démocratique.

[15] Les gestes posés par le Syndicat et sa présidente ne peuvent être tolérés et doivent être sanctionnés sévèrement.

L’ACCUEIL BONNEAU

[16] Séance tenante, Me Lamoureux suggère que l’amende à être imposée soit versée à l’Accueil Bonneau.

[17] La Ville de Montréal s’en remet à la décision du tribunal.

[18] Une amende est normalement versée au Fonds consolidé du revenu du Québec.

[19] Le tribunal est d’avis que rien n’empêche que l’amende soit versée à un organisme sans but lucratif, tel que l’Accueil Bonneau.

[20] Les gestes sanctionnés ont entraîné des procédures judiciaires et les coûts de l’administration de la justice sont élevés et l’état est le pourvoyeur de ceux-ci.

[21] De tels frais doivent être compensés.

[22] C’est pourquoi, le tribunal accueille en partie la suggestion.

[23] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24] CONDAMNE les intimés le Syndicat des cols bleus de Montréal et Chantal Racette à payer une amende de 50 000 $ chacun;

[25] CONDAMNE les intimés Michel Martin, Jacques Rochon et Michel Jeannotte à payer une amende de 1 000 $ chacun.

[26] ORDONNE qu’un montant de 50 000 $ de l’amende soit versé à l’Accueil Bonneau, et ce, dans les 30 jours du présent jugement de telle sorte que le montant restant de 53 000 $ soit versé au Fonds consolidé du revenu du Québec.

[27] LE TOUT avec les frais de justice.

__________________________________

MICHEL DÉZIEL, J.C.S.

Me Nathalie-Anne Beliveau

Me Amélie Beliveau

FASKEN MATINEAU

Procureurs de la requérante

Me Jacques Lamoureux

Me Julien Boucher

LAMOUREUX MORIN & AL

Procureurs des intimés

Date d’audience :

Le 10 janvier 2017



[1] L.Q., c. C-27.

[2] Anthony-Cook vs La Reine, 2016 CSC 43 (CanLII), p. 4 et 5 et 23.