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Melanson c. Fabrique de la paroisse de Saint-Germain, 2017 QCCS 15

04/01/2017 10:09

no. de référence : 100-17-001490-145

Melanson c. Fabrique de la paroisse de Saint-Germain

2017 QCCS 15

COUR SUPÉRIEURE

« Chambre civile »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

RIMOUSKI

N° :

100-17-001490-145

DATE :

4 janvier 2017

______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

DANIEL BEAULIEU, j.c.s.

______________________________________________________________________

VALÉDA MELANSON, résidant et domiciliée au […], Rimouski, province de Québec, […]

Demanderesse

c.

LA FABRIQUE DE LA PAROISSE DE SAINT-GERMAIN, personne morale légalement constituée ayant son domicile au 11, rue Saint-Germain, Rimouski, province de Québec, G5L 4B4

Défenderesse et demanderesse en garantie

c.

9179-3885 QUÉBEC INC., faisant affaires sous la raison sociale de « Excavation Gagnon », personne morale légalement constituée ayant son domicile au 507, rue de l’Expansion, Rimouski, province de Québec, G5M 1S9

et

PROMUTUEL DE L’ESTUAIRE, SOCIÉTÉ MUTUELLE D’ASSURANCE GÉNÉRALE, personne morale légalement constituée ayant son domicile au 149, rue Saint-Germain Est, Rimouski, province de Québec, G5L 1A9

Défendeurs en garantie

______________________________________________________________________

JUGEMENT

______________________________________________________________________







[1] La demanderesse recherche une indemnisation auprès de la défenderesse, en raison des blessures qu’elle a subies, suite à la chute survenue sur la propriété de cette dernière en février 2011. La défenderesse appelle en garantie l’entreprise chargée du déneigement de cet espace, de même que son assureur.

Le contexte

[2] Le 28 février 2011, en début de soirée, la demanderesse (madame Melanson) monte dans sa voiture et se dirige vers l’église Saint-Robert, située dans le quartier du même nom à Rimouski. Cet établissement est la propriété de la défenderesse (La Fabrique).

[3] Elle s’y rend vers 19 heures afin de suivre le cours d’orgue privé dispensé par monsieur Rémi Martin. Personne d’autre n’est attendu, du moins pour cette heure.

[4] Ce dernier communique d’ailleurs avec elle peu de temps avant la rencontre afin de s’assurer qu’elle pourra effectivement s’y rendre, ceci en raison des chutes de neige importantes tombées ce même jour. Elle répond par l’affirmative.

[5] Madame Melanson rapporte que ce soir-là, il fait beau. Selon elle, la neige qui a fini de tomber entraîne des précipitations d’environ trois pouces (8 centimètres). Le rapport de données météorologiques quotidiennes pour la station de Pointe-au-Père, soit celle située la plus près de l’endroit visé (D-1), rapporte une chute de neige de 15.4 cm, soit environ six pouces, pour cette même journée.

[6] À son arrivée sur les lieux, elle stationne son véhicule du côté ouest du bâtiment, dans le secteur de la porte d’entrée qui s’y retrouve. C’est à cet endroit qu’elle a l’habitude de se rendre pour sa formation.

[7] Elle sort alors de son automobile, marche dans le stationnement enneigé et se rend à la porte de l’église, qui malheureusement est barrée. Il n’est pas encore 19 heures et monsieur Martin, qui est en possession de la clé, n’est pas encore arrivé.

[8] Devant ce constat, madame Melanson retourne à son véhicule et s’y assoit durant quelques minutes. Elle y écoute la radio.

[9] Lasse de cette activité, elle en ressort dans le but de prendre une marche. Elle se dirige alors vers le sud, soit en direction de l’arrière de l’église.

[10] Cet endroit, qui n’est pourvu d’aucun trottoir, sert principalement de voie de circulation afin d’accéder à l’église, son stationnement, de même qu’aux aires de circulation qui desservent l’école voisine, soit l’Aquarelle, propriété de la Commission scolaire des Phares. Cet espace, propriété de La Fabrique, est donc principalement utilisé par les usagers de l’église, surtout le dimanche et les autobus qui transportent les enfants de l’école primaire.

[11] Alors qu’elle déambule à cet endroit, dans une roulière, soit une trace de neige tapée laissée après le passage d’un véhicule, elle voit au loin son professeur. En lui envoyant la main, son pied droit glisse dans la neige et elle chute.

[12] Questionnée quant aux circonstances entourant l’événement lors de son interrogatoire du 4 juillet 2014, madame Melanson précise qu’elle marche alors « d’un pas ferme… ». Lors de l’audience, elle qualifie sa démarche d’un « bon pas, d’un pas solide ».

[13] Monsieur Martin propose à madame Melanson de la relever mais celle-ci, déjà assurée de s’être fracturé l’un de ses membres inférieurs, suggère plutôt d’aller appeler l’ambulance, ce qu’il fit d’ailleurs à partir d’un téléphone situé à l’intérieur de l’église.

[14] Durant ce temps, madame Melanson dit prendre son bras, balayer la neige et constater sous celle-ci, une plaque de glace d’une dimension de 14 par 18 pouces. Elle ne constate la présence d’aucun abrasif.

[15] De son côté, monsieur Martin confirme qu’il est tombé beaucoup de neige le même jour. Il ne peut constater la présence d’abrasif sur les lieux. Bien qu’il ne fasse mention d’aucune difficulté à se déplacer, il invoque toutefois la présence de glace, sans toutefois en préciser la localisation exacte.

[16] Dans l’attente de l’ambulance et par crainte d’être frappée, madame Melanson demande à monsieur Martin de signaler sa présence auprès des déneigeurs qui sont déjà en place afin de procéder à l’entretien des lieux.

[17] Transportée à l’hôpital de Rimouski, à quelques kilomètres de la chute, il est constaté que madame Melanson est effectivement victime d’une fracture à la jambe droite, plus particulièrement d’une diaphyse du tibia droit et de la métaphyse proximale du péroné droit, ainsi que de la malléole externe droite. Elle sera opérée, hospitalisée du 1er au 3 mars 2011 et en arrêt de travail jusqu’au 2 octobre de cette même année.

Prétentions des parties

[18] Suite à ces événements, plus particulièrement le 27 février 2014, madame Melanson dirige une demande en dommages contre La Fabrique.

[19] Elle lui réclame une somme totale de 110 000 $ pour perte de revenus, perte non pécuniaire et déboursés divers.

[20] Elle lui reproche d’avoir, par elle-même ou les gens qu’elle mandate pour ce faire, négligé l’entretien des lieux.

[21] Comme, dit-elle, elle a constaté la présence d’une plaque de glace, un renversement du fardeau de preuve s’opère et il appartient dès lors aux défendeurs de démontrer l’absence d’une faute de leur part.

[22] La Fabrique conteste cette demande. Elle allègue n’avoir commis aucune faute, puisque les lieux sont généralement bien entretenus et que, justement, au moment des événements, elle s’afférait à l’entretien des espaces.

[23] Dans le cas où le Tribunal puisse en tirer une conclusion contraire, elle appelle en garantie 9179-3885 Québec inc. (le déneigeur) et son assureur, lequel effectue à son bénéfice l’entretien hivernal des lieux.

[24] Ce dernier plaide dans le même sens que la Fabrique. Il fait valoir et met en preuve qu’au moment de l’accident, les opérations de déneigement avaient justement cours. Quant à l’épandage de l’abrasif, il ne s’effectue qu’après l’enlèvement de la neige, s’il persiste effectivement des plaques de glace.

Analyse et Décision

[25] Il n’est pas contesté que l’accident survient sur la propriété de La Fabrique.

[26] Un contrat d’usage entre la Fabrique et la Commission scolaire des Phares permet à cette dernière d’utiliser les allées de circulation, propriétés de La Fabrique, afin que le personnel et les autobus scolaires puissent accéder à l’école.

[27] En contrepartie, la Commission scolaire, par l’entremise d’un entrepreneur spécialisé en la matière, en l’occurrence le déneigeur, et suivant les normes qu’elle a établies par devis, assure l’entretien hivernal des allées de circulation de La Fabrique.

[28] Ici, madame Melanson poursuit directement le propriétaire des lieux. Sa démarche est appropriée. Elle soutient toutefois que parce qu’elle a prouvé la présence de glace dans les allées de circulation au moment de l’accident, elle a rempli son fardeau de preuve. Elle limite donc cette preuve, puisque selon elle, il appartient maintenant aux défendeurs de démontrer, de manière prépondérante, le bon entretien des lieux.

[29] Dès l’audition, le Tribunal exprime son désaccord face à cette approche. La Cour d’appel du Québec dans l’arrêt Castro c. 4258649 Canada inc.[1], identifie d’ailleurs très bien le fardeau de preuve applicable en l’espèce :

« [10] (…) Le renversement de fardeau dont prétend bénéficier l’appelant n’existe pas et aucune présomption légale ne découle de la seule présence de glace sur un terrain de stationnement. Il a été établi depuis longtemps que la responsabilité du propriétaire en cette matière ne peut résulter que d’une faute commise par lui ou ses préposés. Il appartient au demandeur de faire la preuve d’un lien de causalité entre la faute et l’accident dont il est victime. Cette preuve, comme le rappelle la jurisprudence, n’est pas facile à faire dans un contexte comme celui de l’hiver québécois.»

[30] Un peu plus loin, procédant à déterminer s’il y a lieu ou non faute dans l’entretien des lieux, la Cour ajoute :

« [11] (…) la juge a conclu qu’il y avait de la glace à l’endroit où l’appelant a chuté, elle n’a pas conclu à la présence de glace dans tout le stationnement, ce qui aurait pu être un indice de mauvais entretien, vu la température de l’époque, telle que révélée par les rapports météo. »

[31] À la lumière de ces enseignements et de la preuve disponible, il convient donc d’examiner si la Fabrique, par elle-même ou ceux qui effectuent pour elle l’entretien des lieux, ont commis une faute en cette journée spécifique du 28 février 2011.

[32] Dans un premier temps, il convient de retenir que des chutes de neige importantes surviennent ce même jour. Elles sont à tout le moins suffisantes pour que, d’une part, monsieur Martin se donne la peine d’appeler madame Melason afin de vérifier si celle-ci pourra tout de même se rendre à son cours. La couverture de neige tombée est par ailleurs suffisamment épaisse pour inciter celle-ci, afin de faciliter sa marche, à suivre les traces d’autos qui ont déjà circulés à cet endroit. Autrement, et bien qu’on ne connaisse l’heure exacte où les précipitations ont cessé, le déneigeur est déjà, à cette heure, à l’œuvre afin de procéder aux travaux d’entretien.

[33] Le président du déneigeur, la défenderesse 9179-3885 Québec inc., est venu expliquer comment s’effectue ces mêmes travaux.

[34] Il précise d’abord que ceux-ci ne peuvent être réalisés avant que les activités scolaires ne soient terminées, bien sûr afin d’éviter des accidents dans les aires de circulation qui sont fréquentées par les élèves, les professeurs et différents véhicules, dont les autobus scolaires.

[35] Il est ainsi procédé au déneigement à l’aide d’un tracteur muni d’un chargeur. À cette étape, la neige est généralement poussée dans le fond de la cour.

[36] Par la suite, un responsable spécialement attitré à l’épandage d’abrasif se rend sur les lieux et procède aux opérations requises, si besoin est.

[37] Par contre et au moment même où les opérations de déneigement sont réalisées, si celui qui procède au déblaiement de la neige constate un danger imminent créé par de la glace, il communique immédiatement par radio avec ledit préposé, qui vient spécialement pour procéder aux épandages requis.

[38] Le jour de l’accident, rien ne laisse voir que les aires de circulation où madame Melanson chute, sont généralement glacées. Au contraire, celle-ci, malgré les centaines de pied où elle se déplace, ne constate que la présence d’une seule plaque de glace. D’ailleurs, entre l’endroit où elle se stationne et la porte d’entrée de l’église, circuit qu’elle effectue en aller-retour, elle ne signale aucune difficulté à marcher.

[39] Le Tribunal peut-il reprocher à la Fabrique ou au déneigeur un retard dans l’entretien des lieux en cette journée enneigée, ou même de ne pas avoir étendu d’abrasif avant d’avoir procédé au déblaiement de la neige ? Absolument pas.

[40] De fait, la preuve démontre que l’entretien, en cette journée du 28 février 2011, est effectué conformément aux procédures habituellement mises en place et qu’aucune négligence à cet égard n’est prouvée.

[41] Dans les circonstances et bien qu’il soit malheureux que madame Melanson ait subi cette chute ce même jour, d’où des blessures importantes, il y a lieu d’en conclure qu’il s’agit d’un triste accident. Ainsi, la demande en justice doit être rejetée.

[42] En raison des conclusions auxquelles le Tribunal en arrive, il y a également lieu de rejeter le recours en garantie entrepris par la Fabrique. Il n’est donc pas nécessaire de statuer quant au montant des dommages réclamés.

[43] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[44] REJETTE la demande entreprise par la demanderesse à l’encontre de la défenderesse, la Fabrique de la paroisse de Saint-Germain;

[45] REJETTE la demande en garantie de la défenderesse contre les défendeurs en garantie;

[46] AVEC FRAIS DE JUSTICE payables par la demanderesse autant sur la demande principale que la demande en garantie.

__________________________________

DANIEL BEAULIEU, j.c.s.

Me Valère M. Gagné

Procureur de la demanderesse

Me Catherine Cloutier

Stein Monast

Procureurs de la défenderesse et demanderesse en garantie

Me Marjorie Pageau

Gagné Guillemette

Procureurs des défendeurs en garantie

Date d’audience :

10 novembre 2016



[1] 2013 QCCA 997 (CanLII), 2013, QCCA 997.