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Recyclage Ste-Adèle inc. c. Québec

no. de référence : 705-17-002513-081

COUR SUPÉRIEURE



CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE


JOLIETTE



N° :


705-17-002513-081



DATE :


Le 16 juillet 2009

______________________________________________________________________



SOUS LA PRÉSIDENCE DE :


L’HONORABLE


ROBERT MONGEON, J.C.S.

______________________________________________________________________



Recyclage Ste-Adèle Inc.

-et-

9007-5193 Québec Inc.

-et-

Danis Construction Inc.

-et-

Gestion intégrée de matériaux secs Lanaudière Inc.

-et-

Entreprises Jean Tremblay & Fils Inc.

-et-

9052-6757 Québec Inc.

-et-

Léon Lavoie, Entrepreneur général

Demanderesses

c.



Ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs

Défenderesse

-et-

Le Procureur général du Québec

Mis-en-cause







JUGEMENT

______________________________________________________________________




INTRODUCTION

[1] Sept entreprises exploitent des lieux d'élimination de matières résiduelles et plus spécifiquement de dépôts de matériaux secs ("DMS") en vertu de certificats de conformité émis sous l'empire de la Loi sur la qualité de l'environnement[1] (LQE) et de la réglementation adoptée sous son empire, soit le Règlement sur les déchets solides ("RDS")[2]. Ce règlement date de 1981.

[2] Le 16 décembre 1999, la LQE fut modifiée[3] afin "d'établir de nouvelles règles destinées à régir le domaine de la gestion des matières résiduelles au Québec. Les amendements "renforcent les pouvoirs réglementaires du gouvernement afin de mieux contrôler la production et l'élimination de matières résiduelles."[4]. Puis, en 2005, la LQE fut à nouveau amendée pour assurer une meilleure protection de l'environnement en matière de traitement et d'enfouissement de matières résiduelles. Finalement, un nouveau Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles[5] est entré en vigueur le 19 janvier 2006. Ce nouveau règlement est connu sous l'acronyme "REIMR" et remplace l'ancien RDS sous l'empire duquel les demanderesses opèrent leurs DMS.

[3] Bien qu'il soit entré en vigueur le 19 janvier 2006, le REIMR prévoit cependant qu'une période transitoire est prévue et que bonne partie de cette nouvelle réglementation ne prend effet qu'à compter du 19 janvier 2009. Cette nouvelle réglementation impose des conditions plus sévères que le RDS, notamment en ce qui a trait à la façon dont les DMS sont aménagés, utilisés et exploités.

[4] Les entreprises demanderesses prétendent que la nouvelle réglementation énoncée au REIMR est illégale et inopérante parce que ladite réglementation aurait été adoptée sans qu'une disposition habilitante de la LQE ne le permette ou l'autorise et, au surplus, parce que ladite réglementation viole leurs droits acquis.

[5] Pour les motifs ci-après exprimés, le Tribunal est d'avis que la LQE amendée par les modifications de 1999 et de 2005, permet l'adoption de la réglementation en question, que celle-ci est valide et opposable aux entreprises requérantes, et ce, même si elle modifie leurs prétendus droits acquis.

LES FAITS PERTINENTS ET UN BREF HISTORIQUE DES MODIFICATIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES PERTINENTES

[6] Les demanderesses exploitent des DMS depuis bien avant les années 2000 et détiennent leurs certificats d'autorisation ou de conformité leur permettant d'opérer conformément à la loi et à la réglementation alors en vigueur.

[7] La LQE régissant la gestion de matières résiduelles est entré en vigueur en 1972 (P-1; LRQ c. Q-2)

[8] En 1978, le gouvernement adopte et met en vigueur le Règlement sur les déchets solides (RDS) qui touche la gestion des matières résiduelles, incluant les matériaux secs (P-2, RRQ 1981 c. Q-2, r.14)

[9] Pour opérer, les demanderesses avaient donc besoin de se conformer à la LQE et au RDS.

[10] La LQE a été modifiée à plusieurs reprises notamment en 1999 et en 2005, cette dernière modification entrant en vigueur le 19 janvier 2006.

[11] En date du 19 janvier 2006, une nouvelle réglementation entre aussi en vigueur. C'est le REIMR précité.

[12] Le REIMR remplacera l'ancien RDS progressivement. Cependant, le REIMR redéfinit les conditions d'aménagement d'exploitation et d'utilisation des DMS et prévoit que dans la mesure où les DMS ne s'adaptent pas à ces nouvelles conditions dans les trois ans suivant le 19 janvier 2009, ces DMS seront fermés. Les DMS doivent donc s'adapter et devenir des lieux d'enfouissement de débris de construction et de démolition ("LEDCD") qui remplacent alors les DMS.

[13] Le délai prévu par le REIMR pour que les DMS deviennent des LEDCD conformes est fixé au 19 janvier 2009 (articles 157 et suivants du REIMR).

[14] Les demanderesses prétendent qu'elles ont des droits acquis et que les modifications législatives et réglementaires précitées leur permet de continuer à exploiter leurs DMS sans égard aux nouvelles exigences du REIMR.

[15] La défenderesse et le mis-en-cause ne partagent pas cet avis.

[16] Les demanderesses énoncent leurs difficultés ainsi qu'il suit, aux paragraphes 18, 19 et 20 de leur mémoire:

18. Il va sans dire que l'application ou non des normes localisation et/ou d'aménagement déterminera la possibilité de demeurer en opération des DMS existants après la date butoir du 19 janvier 2009, dans la mesure où l'une ou plusieurs de ces normes ne seraient pas respectées puisqu'il s'agit d'un élément qui est impossible à corriger (ex: distance minimale entre le site et une rivière);

19. En plus des risques de fermeture qui affligent les demanderesses, la simple démonstration du respect de ces dispositions que les demanderesses jugent non applicables à leurs opérations entraînerait pour elles des coûts importants et impliquerait que des tests complexes soient effectués. Par exemple, chacune des demanderesses devrait effectuer des tests pour vérifier le potentiel aquifère (environ 60 000$), pour vérifier des prises d'eau, les zones inondables et les zones à risque (environ 1500$), pour vérifier les dissimulations des opérations d'enfouissement (environ 2000$) et pour élaborer des mesures de mitigation (environ 2500$);

20. L'interprétation du MDDEP entraînerait la fermeture de certains sites qui opèrent présentement de manière tout à fait conforme aux autorisations qui leur ont été émises. A l'inverse, dans l'éventualité où l'interprétation des demanderesses est avérée, les tests mentionnés ci-dessus ne sont pas requis et les sites existants pourront demeurer en opération nonobstant les normes de localisation et d'aménagement que le REIMR prévoit;

[17] La défenderesse et le mis-en-cause prétendent de leur côté que les DMS des demanderesses sont assujettis aux nouvelles dispositions du REIMR dont l'adoption et l'entrée en vigueur sont autorisées par les amendements de 1999 (L.Q. 1999 c. 75). Voici, en résumé, leur raisonnement (page 1, Mémoire de la défenderesse et du mis-en-cause):

Suite à l'entrée en vigueur de la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives concernant la gestion des matières résiduelles (L.Q., 1999, c. 75), un projet de Règlement sur l'élimination et l'incinération des matières résiduelles fut publié en octobre 2000 avec pour objet l'établissement de nouvelles règles destinées à régir la gestion des matières résiduelles au Québec afin d'assurer une meilleure protection de l'environnement et des personnes.

Ce projet a fait l'objet de certaines modifications et fut édicté en mai 2005. Il s'agit du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération de matières résiduelles (R.R.Q. 1981, c. Q-2, r.6.02, le "REIMR"). Le REIMR est entré en vigueur le 19 janvier 2006 pour la mise en place de nouvelles installations d'élimination de matières résiduelles. Il s'applique de façon progressive sur une période de trois (3) ans quant aux installations d'élimination déjà en place telles les DMS et ce selon les dispositions transitoires des articles 157 et ss.

A compter du 19 janvier 2009, le REIMR prévoit aux alinéas 3 et 4 de l'article 161 que des débris de construction ou de démolition ne pourront être admis à l'enfouissement dans un DMS existant au 1er mai 2000 que si cet enfouissement s'effectue dans des zones de dépôt qui seront notamment conformes aux normes de localisation prescrites par l'article 104 qui renvoie notamment aux articles 13 à 16 de ce même Règlement. A défaut de respecter ces normes, le DMS (ou des zones de dépôt de ce dernier) non-conforme devra être fermé.

Ce sont ces alinéas 3 et 4 de l'article 161 du REIMR dont les demanderesses contestent la validité et subsidiairement leur applicabilité.
LA REQUÊTE POUR JUGEMENT DÉCLARATOIRE

[18] La requête des entreprises requérantes touchait, à l'origine, un débat beaucoup plus vaste que celui qui fut débattu devant le soussigné. En effet, les requérantes recherchaient à l'origine les conclusions suivantes (ces conclusions ont été numérotées pour fins de référence)[6]:

1) ACCUEILLIR la présente requête introductive d'instance en jugement déclaratoire;

2) DÉCLARER INVALIDES ET INOPÉRANTS les troisième et quatrième alinéas de l'article 161 du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles;

3) De façon subsidiaire, DÉCLARER que les articles 13 à 16 du REIMR ne sont pas des normes de localisation prescrites par l'article 104 du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles;

4) DÉCLARER que les articles 13 à 16 du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles ne s'appliquent pas aux dépôts de matériaux secs existants le 19 janvier 2009 ni ne s'appliqueront à ceux-ci lorsqu'ils deviendront des lieux d'enfouissement de débris de construction ou de démolition;

5) DÉCLARER que les demanderesses bénéficient de droits acquis à exploiter leur site d'élimination selon le volume autorisé et le profil final prescrit par leurs autorisations respectives même après la date où les articles 106 et 108 du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles s'appliqueront;

6) DÉCLARER que le profil final prescrit par les autorisations respectives des demanderesses est conforme aux articles 106 et 108 du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles;

7) DÉCLARER que les zones qui auront fait l'objet d'un recouvrement final avant le 19 janvier 2009 demeureront régies par le Règlement sur les déchets solides et qu'elles ne seront pas assujetties à l'article 57 du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles;

8) DÉCLARER qu'il est permis d'enfouir des débris de construction et de démolition dans un lieu d'élimination de débris de construction et de démolition au-dessus des zones qui auront fait l'objet d'un recouvrement final;

9) DÉCLARER que les zones qui auront fait l'objet d'un recouvrement final avant le 19 janvier 2009 ne seront pas incluses dans les zones de dépôt prévues à l'article 58 du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles;

10) DÉCLARER que la localisation des puits prévus à l'article 65 du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles devra se faire uniquement en tenant compte des zones de dépôt qui recevront des matières résiduelles après le 19 janvier 2009, à l'exclusion de toute zone qui aura fait l'objet d'un recouvrement final à cette date;

11) DÉCLARER que l'article 57 du REIMR s'applique uniquement aux zones où seront déposés des débris de construction et démolition à compter du 19 janvier 2009, à l'exclusion des matières qui ont été enfouies avant cette date dans des zones qui ont fait l'objet de recouvrement final avant cette date;

12) LE TOUT AVEC DÉPENS.

[19] Cependant, une transaction est intervenue entre les requérantes et le Ministère public en date du 8 décembre 2008 disposant, à toutes fins pratiques des conclusions précitées numérotées 5 à 11. L'original de cette transaction est incorporé aux conclusions du présent jugement et cette transaction sera entérinée à la demande des parties.

[20] Il reste donc à déterminer le sort des conclusions précitées numérotées 2 à 4.
Les dispositions législatives en litige

[21] Pour bien comprendre la position des parties avant même de résumer leurs positions respectives, il y a lieu de citer dès à présent les nouvelles dispositions réglementaires auxquelles elles doivent dorénavant se conformer.

[22] Les articles 13 à 19 du REIMR prévoient les "conditions générales d'aménagement" des DMS des demanderesses. Cependant, ce sont les articles 13 à 16 dudit REIMR qui les préoccupent. Ces articles se lisent comme suit:



13. Les zones de dépôt de matières résiduelles de tout lieu d'enfouissement technique de même que le système de traitement des lixiviats ou des eaux qui en proviennent, exception faite des bassins de sédimentation des eaux superficielles, doivent être aménagés à une distance minimale d'un kilomètre de toute installation de captage d'eau de surface ou de toute installation de captage d'eau souterraine, dans le cas où ces installations servent soit à la production d'eau de source ou d'eau minérale au sens du Règlement sur les eaux embouteillées (R.R.Q., 1981, c. Q-2, r. 5), soit à l'alimentation d'un aqueduc autorisé en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement (L.R.Q., c. Q-2).

Ces prescriptions ne sont toutefois pas applicables lorsque les zones de dépôt ou le système de traitement ne sont aucunement susceptibles d'altérer la qualité de ces eaux.

14. Il est interdit d'aménager un lieu d'enfouissement technique dans la zone d'inondation d'un cours ou plan d'eau, qui est comprise à l'intérieur de la ligne d'inondation de récurrence de 100 ans.

On entend par «ligne d'inondation de récurrence de 100 ans» la ligne qui correspond à la limite de la crue des eaux susceptible de se produire une fois tous les 100 ans.

15. Il est interdit d'aménager un lieu d'enfouissement technique dans les zones à risques de mouvement de terrain.

16. L'aménagement d'un lieu d'enfouissement technique est également interdit sur un terrain en dessous duquel se trouve une nappe libre ayant un potentiel aquifère élevé.

Aux fins du présent article, il existe «un potentiel aquifère élevé» lorsqu'il peut être soutiré en permanence, à partir d'un même puits de captage, au moins 25 m 3 d'eau par heure.

(soulignements ajoutés)

[23] Les demanderesses exploitent actuellement des DMS qui, en tout ou en partie, entrent en conflit avec l'une ou l'autre des prohibitions énoncées aux articles 13 à 16 précités.

[24] L'article 104 du REIMR se lit ainsi:

104. Réserve faite des conditions prévues au deuxième alinéa, les dispositions des articles 13 à 16, 19, 28 à 30 et 34 à 36 s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, à l'aménagement des lieux d'enfouissement de débris de construction ou de démolition.



Cet aménagement est aussi subordonné aux conditions suivantes:

1° la distance minimale entre les zones de dépôt et tout cours ou plan d'eau est de 150 m;

2° le fond des zones de dépôt doit être à une distance minimale d'un mètre au-dessus du niveau des eaux souterraines. Est interdit tout abaissement du niveau de ces eaux par pompage, drainage ou autrement; cette interdiction n'est toutefois pas applicable aux lieux d'enfouissement en exploitation le 19 janvier 2006 et dont l'aménagement respecte les dispositions de ce règlement sur l'étanchéité et le captage des lixiviats applicables aux lieux d'enfouissement technique. Dans ce cas, le système de captage des lixiviats doit être conçu et installé de manière que la hauteur du liquide susceptible de s'accumuler à la base des zones de dépôt ne puisse atteindre le niveau des matières résiduelles qui y sont déposées.

Les distances minimales prescrites par le deuxième alinéa sont mesurées à partir des zones de dépôt de matières résiduelles dans la carrière ou sablière.

(soulignements ajoutés)

[25] Ainsi, c'est par le biais de l'article 104 précité que les exploitations des demanderesses sont assujetties aux articles 13 à 16 REIMR.

[26] La combinaison des articles 13 à 16 et 104 REIMR empêche donc tout DMS (ou LEDCD) de continuer à être exploité au-delà du 19 janvier 2009 si un tel site:

a) est aménagé à moins d'un kilomètre d'une installation de captage d'eau de surface ou souterraine;

b) est aménagé dans la zone d'inondation d'un cours d'eau ou d'un plan d'eau comprise à l'intérieur de la ligne de récurrence d'inondation de 100 ans;

c) est aménagé dans une zone à risque de mouvement de terrain;

d) est aménagé au-dessus d'une nappe d'eau au potentiel aquifère élevé

(25m³/heure);

e) est aménagé à au moins 150 m. de tout cours d'eau ou plan d'eau

f) est aménagé à une distance minimale de 1 m. au-dessus du niveau des eaux souterraines.

[27] Quant à l'article 161 du même règlement, il édicte ce qui suit:

161. À compter de la date d'expiration de la période de 3 ans qui suit le 19 janvier 2006 et réserve faite des dispositions des deuxième, troisième et quatrième alinéas, les lieux d'enfouissement sanitaire, les dépôts en tranchée de déchets solides et les dépôts de matériaux secs visés à l'article 157 deviennent, sauf en ce qui a trait aux normes de localisation, régis par les dispositions du présent règlement respectivement applicables aux lieux d'enfouissement technique, aux lieux d'enfouissement en tranchée et aux lieux d'enfouissement de débris de construction ou de démolition pour ce qui concerne, outre l'admissibilité des matières résiduelles, les conditions d'aménagement, d'exploitation, de fermeture et de gestion postfermeture des zones de dépôt ou tranchées où seront enfouies des matières résiduelles à compter de la date susmentionnée. Les dispositions du premier alinéa de l'article 18 relatives à l'obligation d'aménager une zone tampon ne s'appliquent toutefois pas aux systèmes de traitement des lixiviats ou des eaux et aux dispositifs mécaniques d'aspiration ou aux installations d'élimination des biogaz existants le 19 janvier 2006.

En outre, après l'expiration de la période de 3 ans qui suit le 19 janvier 2006, des matières résiduelles ne peuvent être admises à l'enfouissement dans un dépôt en tranchée de déchets solides existant le 1er mai 2000 que si ce dernier est situé dans un territoire mentionné à l'article 87, qui, le cas échéant, satisfait en tout temps aux conditions fixées par les paragraphes 2 et 4 de cet article et pourvu que l'enfouissement s'effectue dans des tranchées conformes aux normes de localisation prescrites par l'article 88.

De même, après l'expiration de la période susmentionnée, des débris de construction ou de démolition ne peuvent être admis à l'enfouissement dans un dépôt de matériaux secs existant le 1er mai 2000 que si ce dernier respecte les dispositions de l'article 103 et pourvu que l'enfouissement s'effectue dans des zones de dépôt conformes aux normes de localisation prescrites par l'article 104. Ces normes de localisation ne sont toutefois pas applicables aux zones de dépôt dont l'aménagement respecte les dispositions du présent règlement sur l'étanchéité et le captage des lixiviats applicables aux lieux d'enfouissement technique.

Doit être fermé définitivement tout lieu d'enfouissement visé au deuxième ou troisième alinéa, ou toute zone de dépôt ou tranchée d'un tel lieu, dès lors que des matières résiduelles ne peuvent plus y être admises en raison du non-respect des exigences prescrites par ces alinéas.

(soulignements ajoutés)

[28] Pour les demanderesses, les troisième et quatrième alinéa de l'article 161 REIMR leur impose une date de fermeture, soit le 19 janvier 2009, si leur exploitation ne se conforme pas aux nouvelles exigences des articles 13 à 16 et 104 précités.

[29] C'est pourquoi les requérantes prétendent que les articles 13 à 16 et 104 REIMR ne s'appliquent pas à leurs installations car le libellé des dispositions transitoires du REIMR (que l'on retrouve à l'article 161 REIMR) et les droits acquis dont bénéficient les requérantes font en sorte que les requérantes sont exclues de leur application, notamment parce qu'il n'existe pas dans la loi habilitante (c'est-à-dire la LQE) des dispositions suffisamment claires permettant au Ministère public de modifier leurs droits acquis.

[30] Le Ministère public, quant à lui, prétend que toutes ces dispositions réglementaires s'appliquent aux requérantes à compter du 19 janvier 2009 et que la loi habilitante (i.e. la LQE) contient des dispositions suffisamment claires permettant au REIMR d'avoir son plein effet tel que prévu à compter du 19 janvier 2009. Ces dispositions législatives habilitantes sont notamment énoncées à deux endroits précis, c'est-à-dire:

a) dans un premier temps, les articles 44 et 48 de la Loi de 1999 modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement permettent l'adoption et la mise en vigueur de la réglementation contestée. Ces articles se lisent comme suit:

44. Malgré l'abrogation de l'ancien article 54 de la Loi sur la qualité de l'environnement, les certificats de conformité qui ont été délivrés en vertu de cet article avant la date d'entrée en vigueur de l'article 14 de la présente loi conservent leurs effets jusqu'à ce qu'ils soient modifiés ou remplacés en application de l'article 22 de la Loi sur la qualité de l'environnement et sous réserve de toute disposition réglementaire prise par le gouvernement.

48. Le gouvernement peut, par règlement et malgré toute disposition contraire d'un certificat de conformité, d'un certificat d'autorisation ou d'un permis délivré en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement, réduire, aux conditions fixées, la capacité totale ou annuelle d'entreposage ou de dépôt, selon le cas, ainsi que la durée d'exploitation:

1°de tout lieu d'entreposage de pneus hors d'usage visé par le Règlement sur l'entreposage des pneus hors d'usage édicté par le décret n° 29-92 (1992, G.O. 2, 681), existant au moment de l'entrée en vigueur du présent article;

2°de tout dépôt de matériaux secs ou dépôt en tranchée de déchets solides visé par le Règlement sur les déchets solides (R.R.Q., 19081, chapitre Q-2, r.14), existant au moment de l'entrée en vigueur du présent article.

(soulignements ajoutés)

b) dans un deuxième temps, le Ministère public prétend que l'article 70 LQE lui donne de toutes façons et en toutes circonstances, tous les pouvoirs réglementaires requis pour adopter et mettre en œuvre la réglementation nouvelle du REIMR. Cet article se lit comme suit:





70. Le gouvernement peut prendre des règlements pour régir, sur tout ou partie du territoire du Québec, l'élimination des matières résiduelles. Ces règlements peuvent notamment:

1° répartir les installations d'élimination et les matières résiduelles en catégories et soustraire certaines de ces catégories à l'application de la totalité ou d'une partie des dispositions de la présente loi et des règlements;

2° prescrire ou prohiber, relativement à une ou plusieurs catégories de matières résiduelles, tout mode d'élimination;

3° fixer le nombre maximum d'installations d'élimination des matières résiduelles qui peuvent être établies sur toute partie du territoire du Québec;

4° interdire l'établissement, sur toute partie du territoire du Québec, d'installations d'élimination des matières résiduelles ou de certaines d'entre elles;

5° déterminer les conditions ou prohibitions applicables à l'établissement, à l'exploitation et à la fermeture de toute installation d'élimination des matières résiduelles, en particulier les incinérateurs, les décharges ainsi que les installations de traitement, de stockage et de transfert;

6° prescrire les conditions ou prohibitions applicables aux installations d'élimination des matières résiduelles après leur fermeture, entre autres celles relatives à leur entretien et à leur surveillance, prévoir la période pendant laquelle celles-ci devront être appliquées et déterminer qui sera tenu de voir à leur application;

7° habiliter le ministre à déterminer, pour les catégories d'installations d'élimination qu'indique le règlement, les paramètres à mesurer et les substances à analyser en fonction de la composition des matières résiduelles admises à l'élimination, et à fixer les valeurs limites à respecter pour ces paramètres ou substances. Ces valeurs limites peuvent s'ajouter ou se substituer à celles fixées par règlement;

8° déterminer les conditions ou prohibitions applicables au transport des catégories de matières résiduelles désignées.

(soulignements ajoutés)
Position des demanderesses

[31] Les demanderesses ne voient pas en l'article 48 de la Loi de 1999 modifiant la LQE[7] un texte suffisamment clair permettant l'adoption d'une réglementation pouvant porter atteinte à leurs droits acquis. Elles prétendent que cet article ne vise que la capacité d'entreposage ou la durée d'exploitation d'un DMS existant.

[32] Les demanderesses ajoutent un argument subsidiaire alléguant que même si les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article 161 REIMR étaient jugés valides, ils ne sauraient être interprétés.

[33] Les demanderesses soutiennent que le premier alinéa de l'article 161 REIMR fait ressortir une distinction entre les "normes de localisation" d'une part et les "normes d'aménagement" d'autre part. En effet, l'article 161, premier alinéa, prévoit que les DMS deviennent régis par le présent règlement "sauf en ce qui a trait aux normes de localisation".

[34] Ainsi, lorsqu'au troisième alinéa du même article, on impose aux DMS existants d'être assujettis à l'article 104 REIMR, ces conditions ne peuvent inclure de nouvelles "normes de localisation". Cela fait donc dire aux demanderesses que les articles 13 à 16 ne contiennent pas des "normes de localisation".

[35] Rappelons que l'article 104 détermine que les DMS sont assujettis aux articles 13 à 16 REIMR après la période de trois ans prévue à l'article 161.

[36] Le Ministère public conteste cette interprétation. Il est plutôt d'avis que l'article 161 impose aux DMS existants, après trois ans, l'obligation de se soumettre à toutes les dispositions du REIMR, y compris les articles 13 à 16.
Position du Ministère public

[37] Dans un premier temps, le Ministère public soulève un argument de tardiveté de l'avis en vertu de l'article 95 C.p.c. et un argument d'absence de difficulté réelle à trancher dans le contexte de l'article 453 C.p.c.

[38] Sur la validité de l'article 161 REIMR et plus particulièrement des troisième et quatrième alinéas dudit article, le Ministère public suggère d'abord qu'il n'existe pas de droits acquis à contaminer ou à altérer l'environnement. En d'autres termes, on ne peut continuer à exercer une activité qui altère négativement l'environnement sous prétexte que l'on détient des droits acquis.

[39] Deuxièmement, le Ministère public plaide que la LQE et la Loi modifiant la LQE sont des lois d'application immédiate qui, aux termes de l'article 41 de la Loi d'interprétation, doivent recevoir une application large et libérale.

[40] Troisièmement, le Ministère public suggère que la "présomption des droits acquis n'est effectivement qu'une présomption.

[41] La doctrine et la jurisprudence prévoient effectivement que les droits acquis peuvent être révoqués dès que la loi habilitante le permet, expressément ou implicitement.

[42] Quatrièmement, la défenderesse et le mis-en-cause prétendent que la loi modificatrice de 1999 habilite le gouvernement à limiter et même à retirer des droits préalablement accordés.

[43] En effet, l'article 48 de ladite loi autorise le gouvernement à réduire la capacité annuelle ou totale de dépôt de matériaux secs ainsi que la durée d'exploitation de tout DMS opérant sous l'empire du RDS.

[44] C'est ce que le gouvernement a effectivement fait en adoptant le REIMR en 2005 et en promulguant son entrée en vigueur le 19 janvier 2006.

[45] L'article 161 REIMR a donc réduit à trois ans la durée de l'exploitation des DMS des demanderesses sauf si ces dernières se soumettent à de nouvelles normes d'exploitation, d'aménagement ou de localisation (i.e. les conditions des articles 13 à 16 et 104 REIMR).

[46] Selon le Ministère public, l'article 48 de la Loi modificatrice de 1999 autorise le gouvernement à modifier les droits acquis et permet aussi d'imposer de nouvelles normes comme conditions essentielles à la non-fermeture d'un DMS.
LES QUESTIONS EN LITIGE
Les questions en litige s'articulent ainsi:

a) le recours est-il tardif?

b) existe-t-il une difficulté réelle à trancher au sens donné à cette expression par l'article 453 C.p.c.?

c) les arguments des demanderesses ci-après énoncés sont-ils valables et, si oui, quel est le remède approprié? Ces arguments se résument ainsi:

i) Les 3e et 4e alinéas de l'article 161 REIMR qui prévoient qu'à compter du 19 janvier 2009, les normes de localisation des articles 13 à 16 seront applicables aux DMS existants au 1er mai 2000 sont invalides puisqu'ils excéderaient les pouvoirs prévus dans les «lois habilitantes, soit la L.Q.E. et le Projet de loi 90».

ii) L'article 48 de la Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives concernant la gestion des matières résiduelles, qui prévoit que le gouvernement peut, par règlement, malgré toute autorisation antérieure, réduire aux conditions fixées, la capacité totale de dépôt ainsi que la durée d'exploitation d'un DMS existant au 1er mai 2000, n'a pas été intégré à la L.Q.E. Il y aurait donc défaut d'habilitation législative pour adopter l'article 161 REIMR.

Si l'article 48 était jugé suffisant pour habiliter le gouvernement à adopter des règlements retirant des droits acquis, ce même article ne prévoit pas la possibilité pour le gouvernement d'affecter des droits acquis relativement à des normes de localisation ou d' aménagement.

iii) Subsidiairement, dans la mesure où les 3e et 4e alinéas de l'article 161 étaient jugés valides, elles soumettent qu'elles ont tout de même des droits acquis relativement aux normes de localisation prévues aux articles 13 à 16 et 104 REIMR puisque l'article 104 auquel réfère l'article 161(3) n'inclut pas les normes de localisation des articles 13 à 16 qui seraient des normes d'aménagement.
ANALYSE

A) Tardiveté du recours et existence d'une difficulté rĒelle à trancher

[47] Il y a lieu de disposer rapidement des deux premières questions en litige.

[48] Un recours en jugement déclaratoire ne peut être institué au-delà d'un délai raisonnable. Notamment, il ne peut être institué dans le but de reporter l'échéance d'application d'une loi ou d'un règlement. Ici, la réglementation attaquée a été mise en vigueur le 19 janvier 2006 avec, pour les dispositions qui nous concernent, une date de mise en application au 19 janvier 2009.

[49] Le délai de trois ans donné aux entreprises demanderesses n'avait pas pour seul objectif de faire en sorte que ces entreprises puissent se conformer de façon ordonnée aux nouvelles dispositions réglementaires. Il avait, sinon expressément, du moins implicitement, comme objectif additionnel, de leur permettre de contester la réglementation en temps utile afin que tous puissent être fixés sur l'application intégrale du REIMR avant l'expiration du délai de 3 ans.

[50] Le présent recours a été institué en 2008, plus de deux ans après l'entrée en vigueur du REIMR mais avant l'expiration de la période moratoire. Un tel délai n'apparaît pas déraisonnable.

[51] Au surplus, les parties ont négocié un règlement portant sur les conclusions 5 à 12 de la requête introductive d'instance, règlement qui sera entériné dans les conclusions du présent jugement. Or, s'il fallait déclarer le recours mal fondé parce que tardif, un tel règlement n'aurait plus ni sa base juridique, ni sa raison d'être.

[52] Il en est de même pour la prétendue inexistence d'une difficulté réelle à trancher. Le simple fait qu'un règlement soit intervenu sur plusieurs des conclusions recherchées confirme l'existence de difficultés qui nécessitaient d'être tranchées.

[53] Ces deux questions sont donc rejetées.

B) LA RÉTROACTIVITÉ ALLÉGUÉE

[54] La question de la rétroactivité de la réglementation attaquée est ici un faux problème. La loi et la réglementation s'appliquent aux demanderesses non pas rétroactivement mais à une situation préexistante avant leur entrée en vigueur. Cette distinction a été relevée notamment dans l'arrêt Goumbarak c. P.G. Québec, 2008 Q.C.C.A. 1704 (c.a.)

[55] On lit notamment ceci:

50 En première instance, les appelants ont plaidé que le MRCI donnait une interprétation rétroactive au règlement, contrairement à l'article 50 de la Loi d'Interprétation du Québec:

Nulle disposition légale n'est déclaratoire ou n'a d'effet rétroactif pour la raison seule qu'elle est énoncée au présent du verbe.

51 La première juge a cité, à juste titre, les commentaires du professeur Pierre-André Côté:

[…] il y a effet rétroactif lorsqu'une loi nouvelle s'applique de façon à prescrire le régime juridique de faits entièrement accomplis avant son entrée en vigueur.

La loi n'est pas appliquée de façon rétroactive lorsqu'elle l'est sur le fondement de faits survenus pour partie avant son entrée en vigueur et pour partie après.

[…] Une loi ne peut être qualifiée de rétroactive simplement parce que certains faits nécessaires à son application se sont produits avant son entrée en vigueur. […] Dans l'hypothèse de faits pendants, on a affaire à une situation en cours : l'applicabilité de la loi nouvelle dépend alors de l'effet immédiat et non de l'effet rétroactif.

Il y a effet immédiat de la loi nouvelle lorsque celle-ci s'applique à l'égard d'une situation juridique en cours au moment où elle prend effet. La loi nouvelle gouvernera alors le déroulement futur de cette situation.

[56] En l'espèce, la nouvelle réglementation entre en vigueur le 19 janvier 2009 et vient modifier une situation antérieure mais vient "gouverner un déroulement futur" à l'intérieur de ce qui a été autorisé par la loi habilitante. Il ne saurait donc être question d'une quelconque application rétroactive affectant les droits des demanderesses.

C) LE GOUVERNEMENT A-T-IL LE POUVOIR D'ADOPTER LES DISPOSITIONS RÉGLEMENTAIRES ATTAQUÉES?

[57] La principale question à laquelle le Tribunal doit répondre est la suivante: les nouvelles dispositions du REIMR et notamment les articles 13 à 16, 104 et 161 (troisième et quatrième alinéas) sont-ils applicables et opposables aux demanderesses?

[58] Dans leur ouvrage intitulé L'environnement au Québec[8], les auteurs Daigneault et Paquet écrivent ce qui suit:

Bien que le Règlement sur l'enfouissement et l'incinération de matières résiduelles soit entré en vigueur le 19 janvier 2006, certaines de ses dispositions ne trouveront application qu'au cours des trois prochaines années. De fait, l'article 156 du Règlement prévoit qu'il remplace le Règlement sur les déchets solides, sauf dans la mesure où ce dernier continue de s'appliquer ainsi qu'il est prévu aux articles 157 et suivants.

Sans vouloir décrire exhaustivement les dispositions transitoires contenues au chapitre VIII du Règlement, l'on peut mentionner entre autres que les lieux d'enfouissement sanitaire, les dépôts en tranchée de déchets solides et les dépôts de matériaux secs régis par les dispositions du Règlement sur les déchets solides qui étaient en exploitation le 19 janvier 2006 sont désormais régis par les dispositions de ce dernier règlement et de leur certificat d'autorisation pour une période de trois ans après cette date. C'est donc après 3 années transitoires que ces lieux et dépôts deviendront en grande partie régis par les dispositions du R.e.i.m.r.. Il demeure néanmoins que certaines dispositions de ce dernier trouvent une application immédiate, notamment les dispositions relatives à l'obligation de recevoir des matières résiduelles pour les lieux d'enfouissement sanitaire et celles relatives au registre annuel d'exploitation pour les lieux d'enfouissement sanitaire. Au terme du délai de trois ans, les lieux d'élimination non conformes aux nouvelles exigences devront fermer leurs portes. Les lieux d'élimination fermés avant le 19 janvier 2006 demeurent quant à eux régis par le Règlement sur les déchets solides. Outre la période de transition de trois ans, le Règlement comporte également d'autres délais d'application. Ainsi, certaines dispositions deviendront applicables 6 mois après la date d'entrée en vigueur du nouveau Règlement, d'autres un an après et d'autres enfin, 30 mois suivant cette date.

Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles, D. 451-2005, 11 mai 2005, G.O.Q. 2005.II.1880 [Q-2, r. 6.02]aa. 10, 12, 39, 40, 157, 160 et 161.

(soulignement ajoutés)

[59] Ce texte présuppose, du moins pour leurs auteurs, que le REIMR s'applique aux DMS en opération avant l'adoption du règlement et que les "droits acquis" des entreprises (si de tels droits acquis existent) exploitant de tels DMS sont définitivement affectés. Donc, on peut en déduire que, pour ces mêmes auteurs, le REIMR a été valablement adopté et mis en vigueur en fonction de dispositions habilitantes suffisamment claires contenues dans la LQE ou dans les récents amendements (de 1999 et de 2005) qui y ont été apportés.

[60] Les demanderesses prétendent que les articles 13 à 16, 104 et 161 REIMR leur sont inopposables parce qu'il n'existe pas de telles dispositions habilitantes dans la LQE, telle qu'amendée.

[61] Avec égards, le Tribunal est d'avis que de telles dispositions existent et autorisent le gouvernement à mettre en œuvre le REIMR.

[62] L'article 44 de la Loi modificatrice de 1999[9] stipule clairement que les certificats de conformité délivrés avant l'entrée en vigueur de ladite Loi "conservent leurs effets jusqu'à ce qu'ils soient modifiés ou remplacés en application de l'article 22 de la LQE et sous réserve de toute disposition réglementaire prise par le gouvernement".

[63] L'article 48 de la même Loi autorise spécifiquement le gouvernement à réduire la capacité totale ou annuelle d'entreposage ou de dépôt ainsi que la durée d'exploitation de tout DMS visé par le RDS existant lors de l'entrée en vigueur du présent article.

[64] La loi modificatrice de 1999 a pour objectif d'établir un nouveau régime de gestion des matières résiduelles. Elle est entrée en vigueur le 1er mai 2000 (décret du 26 avril 2000, no. 491-2000) pour ce qui concerne les dispositions pertinentes à ce litige.

[65] Tel qu'indiqué ci-haut, dans la mesure où le gouvernement peut réduire aux conditions fixées par règlement la capacité de dépôt ou la durée d'exploitation d'un DMS et dans la mesure où il adopte le REIMR en ce sens, lequel prévoit une période de trois ans pour permettre aux exploitants de DMS de s'adapter aux nouveaux objectifs, il ne peut être plaidé par les demanderesses que le REIMR a été adopté sans qu'une loi habilitante n'autorise une telle adoption.

[66] Quant à l'argument voulant que l'article 48 de la loi modificatrice de 1999 n'ait pas été "intégré" à la LQE et donc qu'il n'a pas d'effet, cet argument ne tient pas. Cette "intégration" ne change rien au fait que la loi a été valablement adoptée et mise en vigueur et donc, ses articles 44 et 48 doivent recevoir leur plein effet. Cet argument n'a aucune valeur juridique.

[67] Un autre argument des demanderesses suggère que l'article 48 de la loi modificatrice de 1999 ne prévoit pas expressément que les droits acquis sont ou seront affectés par la nouvelle réglementation et, en conséquence, que ces droits acquis demeurent, nonobstant les dispositions du REIMR.

[68] Cet argument ne peut être retenu.

[69] D'abord, les droits acquis en matière d'environnement ne sont pas la norme. Plusieurs décisions stipulent expressément que de tels droits "acquis" équivaudraient au maintien d'un droit de continuer à polluer, ce qui a maintes fois été rejeté par la jurisprudence.[10]

[70] Dans l'affaire Gustavson Drilling (1964) Limited c. Le Ministre du revenu national [1977]1 R.C.S. 271, on lit ceci à la page 282:

…L'interférence avec des droits acquis.

Selon la règle, une loi ne doit pas être interprétée de façon à porter atteinte aux droits existants relatifs aux personnes ou aux biens, sauf si le texte de cette loi exige une telle interprétation: Spooner Oils Ltd. c. Turner Valley Gas Conservation Board, à la p. 638. La présomption selon laquelle une loi ne porte pas atteinte aux droits acquis à moins que la législature ait clairement manifesté l'intention contraire, s'applique sans discrimination, que la loi ait une portée rétroactive ou qu'elle produise son effet dans l'avenir. Ce dernier type de loi peut être mauvais s'il porte atteinte à des droits acquis sans l'exprimer clairement. Toutefois, cette présomption s'applique seulement lorsque la loi est d'une quelconque façon ambiguë et logiquement susceptible de deux interprétations. Il est évident que la plupart des lois modifient des droits existants ou y portent atteinte d'une façon ou d'une autre, et les lois fiscales ne font pas exception. Les seuls droits dont un contribuable peut se prévaloir au cours d'une année d'imposition au regard de réclamations d'exemptions sont ceux que lui accorde la Loi de l'impôt sur le revenu alors en vigueur. L'appelante fonde son argumentation sur le fait qu'elle possède un droit acquis et continu de déduire dans le calcul de son revenu les dépenses de forage et d'exploration engagées par elle, alors qu'il est clair que la Loi de l'impôt sur le revenu de 1960 et des années antérieures n'accorde aucun droit à l'égard des années d'imposition 1965 et suivantes.

[71] Ainsi, lorsque le législateur adopte un texte prévoyant qu'il peut, par règlement, réduire la durée d'exploitation d'un DMS, il peut, à la fois imposer une telle limitation tout en prescrivant les nouvelles modalités selon lesquelles cette exploitation pourra se poursuivre.

[72] Le professeur P.A. Côté dans "Interprétation des Lois", 3ième édition, pages 212, 213, 214 et 215 écrit:

Comme tout principe d'interprétation des lois, le principe du respect des droits acquis ne constitue qu'une présomption de l'intention du législateur: il peut en conséquence être écarté soit expressément, soit tacitement. Les lois d'interprétation, d'ailleurs, consacrent le pouvoir du législateur de retirer les avantages qui auraient pu être accordés par une loi ancienne.

Il a été signalé plus haut que le principe du respect des droits acquis semble s'imposer d'une manière moins impérieuse que le principe de la non-rétroactivité de la loi: il aurait moins de poids, moins d'autorité ou d'intensité que ce dernier et pourrait donc être écarté plus facilement. Cela s'explique bien si l'on se souvient que l'effet de la loi dans le passé est tout à fait exceptionnel, alors que l'effet immédiat dans le présent est normal: «il est évident que la plupart des lois modifient des droits existants ou y portent atteinte d'une façon ou d'une autre […]».

C'est le professeur Driedger qui a mis en évidence cette différence d'autorité entre les deux principes et sa thèse a été reprise par la jurisprudence, notamment dans l'affaire Board of Commissioners of Public Utilities c. Nova Scotia Power Corp.

Quand peut-on dire qu'une loi porte atteinte aux droits acquis? L'intention du législateur de porter atteinte aux droits acquis peut être expresse ou tacite.

i) Exclusion expresse du principe

Si le législateur peut faire des lois rétroactives, il peut, à fortiori, édicter des lois qui portent atteinte à des droits acquis: la présomption de respect des droits acquis «s'applique seulement lorsque la loi est d'une quelconque façon ambiguë et logiquement susceptible de deux interprétations». Dans l'état actuel du droit positif canadien, il ne semble pas se trouver de règle de nature constitutionnelle ou quasi constitutionnelle susceptible de restreindre le pouvoir du législateur de déterminer si, et dans quelle mesure, une loi nouvelle aura ou non un effet immédiat.

Ce qui est pour le législateur une simple présomption se présente toutefois, pour l'Administration, comme une restriction à sa compétence: elle ne peut donner à ses règlements l'effet d'abroger les droits acquis, à moins que la loi habilitante ne lui confère ce pouvoir explicitement ou implicitement.

Les tribunaux ne se montrent pas particulièrement exigeants quant à la formulation de l'intention d'atteindre les droits acquis. A de nombreuses reprises, ils se sont contentés de constater que la formule de la loi paraissait viser indistinctement toutes les situations juridiques, qu'elles aient été constituées avant ou après l'entrée en vigueur de la loi. La méthode d'interprétation littérale conduit en effet à attribuer au législateur l'intention de porter atteinte aux droits acquis dès lors que la loi elle-même ne distingue pas entre les situations juridiques selon qu'elles ont été constituées avant ou après la loi nouvelle: le législateur n'ayant pas fait de distinction, le juge ne s'estime pas autorisé à en faire.

Ce genre de raisonnement a été tenu en vue de justifier l'application d'une loi nouvelle sans faire de distinction entre les contrats conclus avant ou après la loi, entre les créances nées avant ou après celle-ci ou entre les enfants nés avant ou après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle.

Dans l'arrêt Venne c. Québec (Commission de protection du territoire agricole), la Cour a conclu à l'applicabilité immédiate de la loi grâce à un raisonnement a contrario fondé sur les dispositions de celle-ci qui prévoyaient expressément le respect de certains droits acquis.

ii) Exclusion tacite du principe

La loi peut porter atteinte aux droits acquis, ou autoriser l'Administration à le faire, si l'intention du législateur à cette fin se manifeste, même tacitement.

(soulignements ajoutés)

[73] En acceptant, pour les fins de ce qui suit, la proposition des demanderesses à l'effet qu'elles détiennent effectivement des droits acquis, il semble évident que ces droits sont écartés par la nouvelle législation, sinon expressément, du moins, implicitement. L'article 48 de la loi modificatrice de 1999 est clair: un règlement peut être adopté et mettre fin à une exploitation. Un délai de trois ans pour ce faire apparaît raisonnable, ce qui donne aux demanderesses le choix de s'adapter ou de mettre un terme à leurs opérations.

[74] En l'instance, il n'y a pas de situation où la loi ou la réglementation applicable serait ambiguë ou susceptible d'une double interprétation. Donc, le législateur peut imposer les changements au système antérieur des DMS et en modifier toutes les conditions d'exploitation, d'aménagement, de localisation ou de destination et, à défaut de s'y conformer, les demanderesses se voient privées de leur droit d'exploitation.

[75] C'est dans cette optique et sur la base de cette conclusion que le Tribunal ne peut retenir les autres arguments des demanderesses.

[76] En conséquence, le Tribunal est d'avis que les troisième et quatrième alinéas de l'article 161 REIMR sont valides et opposables aux demanderesses.

[77] Quant à l'argument voulant que les articles 13 à 16 et 104 REIMR ne soient pas applicables en l'espèce parce qu'il s'agirait de normes de localisation plutôt que d'aménagement, cet argument ne tient pas et ce, parce que les demanderesses ne peuvent faire valoir de droits acquis tant à l'égard de leur "localisation" que de leur "aménagement".

[78] Si le législateur peut fermer un DMS en adoptant une législation ou une réglementation qui en limite ou réduit la durée d'exploitation, le législateur peut permettre à ce même DMS de continuer d'être exploité selon de nouveaux paramètres d'aménagement ou de localisation.

[79] En dernière analyse, le Tribunal est d'avis que les arguments des demanderesses doivent être rejetés et la requête pour jugement déclaratoire rejetée eu égard aux conclusions 2, 3 et 4, non visées par la transaction du 8 décembre 2008.

[80] Toutefois, le présent jugement doit accorder aux parties un certain délai pour permettre aux demanderesses de régulariser leur situation à l'égard du Ministère du développement durable de l'environnement et des parcs.

[81] En effet, cette affaire a été plaidée les 8 et 9 octobre 2008 avec l'espoir que le présent jugement pourrait être rendu avant le 19 janvier 2009.

[82] Une correspondance du 4 mars 2009 des procureurs des demanderesses indique que le Ministère public insiste pour le respect intégral des dispositions réglementaires attaquées mais semble être prêt à accorder aux demanderesses un délai suffisant pour procéder à la régularisation de leurs opérations.

[83] En conséquence, le Tribunal accordera aux demanderesses un délai de 60 jours à compter de la date du présent jugement afin de leur permettre de régulariser leur situation auprès du Ministère public ou de conclure une entente avec le MDDEP afin d'éviter un appel inutile si leur décision est de poursuivre l'exploitation de leur DMS en conformité avec les dispositions du REIMR.

[84] PAR CES MOTIFS, le Tribunal

ACCUEILLE en partie la requête amendée pour jugement déclaratoire aux seules fins d'entériner et de ratifier la transaction intervenue entre les parties datée du 8 décembre 2008 qui se lit comme suit:

ORDONNE aux parties de s'y conformer;
ACCORDE aux demanderesses un délai de soixante (60) jours de la date du présent jugement afin de leur permettre de régulariser leurs opérations conformément aux dispositions du Règlement sur l'enfouissement et l'incinération des matières résiduelles, RRQ c. Q-2 r. 6-02 ou de conclure avec le Ministère du développement durable de l'environnement et des parcs toute entente de gré à gré à cet effet.








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ROBERT MONGEON, J.C.S.



Me Christine Duchaine

Me Anne-Marie McSween

Borden Ladner Gervais - Montréal

Procureurs des demanderesses



Me Marc Dion

Me Stéphanie Roberts

Bernard Roy et associés (Justice Québec) - Montréal

Procureurs de la défenderesse

et du mis-en-cause



Date d’audience :


8 et 9 octobre 2008