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Ville de Montréal c. Martin, 2017 QCCS 12

04/01/2017 17:29

no. de référence : 500-17-094487-165; 500-17-094499-160; 500-17-094491-167; 500-17-094642-165

Ville de Montréal c. Martin

2017 QCCS 12

COUR SUPÉRIEURE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

DATE :

4 janvier 2017

No :

500-17-094487-165

500-17-094499-160

500-17-094491-167

500-17-094642-165

____________________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHANTAL LAMARCHE, J.C.S.

____________________________________________________________________________

NO 500-17-094487-165

VILLE DE MONTRÉAL,

Demanderesse

c.

Me CLAUDE MARTIN, es qualité d’arbitre

Défendeur

et

FRATERNITÉ DES POLICIERS ET POLICIÈRES DE MONTRÉAL,

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC,

Mises en cause

et

ASSOCIATION DES POMPIERS DE MONTRÉAL (APM),

ASSOCIATION DES POMPIERS PROFESSIONNELS DE LA VILLE DE QUÉBEC (APPQ),

ASSOCIATION DES POMPIERS DE LA VILLE DE LAVAL (APL),

ASSOCIATION DES POMPIERS ET POMPIÈRES DE GATINEAU,

ASSOCIATION DES POMPIERS ET POMPIÈRES DE L’AGGLOMÉRATION

DE LONGUEUIL,

SYNDICAT DES PROFESSIONNELLES ET PROFESSIONNELS MUNICIPAUX DE MONTRÉAL,

SYNDICAT PROFESSIONNEL DES SCIENTIFIQUES À PRATIQUE EXCLUSIVE DE MONTRÉAL,

SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS PROFESSIONNELS-LES ET DE BUREAU (SEPB) SECTION LOCALE 571 (UNITÉ JURISTE),

SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS PROFESSIONNELS-LES ET DE BUREAU (SEPB) SECTION LOCALE 571 (UNITÉ ARCHITECTE),

FÉDÉRATION DES POLICIERS ET POLICIÈRES MUNICIPAUX DU QUÉBEC,

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE,

CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX,

FÉDÉRATION DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS DE SERVICES PUBLICS INC. (CSN),

SYNDICAT DES POMPIERS ET POMPIÈRES DU QUÉBEC,

FÉDÉRATION INDÉPENDANTE DES SYNDICATS AUTONOMES (FISA),

CENTRALE DES SYNDICATS DÉMOCRATIQUES (CSD),

SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS PROFESSIONNELS-LES ET DE BUREAU SECTION LOCALE 610 (SEPB) CTC-FTQ,

Intervenants

et

FRATERNITÉ DES POLICIERS ET POLICIÈRES DE MONTRÉAL,

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC

Mises en cause

NO 500-17-094491-167

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC,

Demanderesse

c.

Me CLAUDE MARTIN, es qualité d’arbitre

Défendeur

et

FRATERNITÉ DES POLICIERS ET POLICIÈRES DE MONTRÉAL,

VILLE DE MONTRÉAL,

Mises en cause

et

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE,

FÉDÉRATION INDÉPENDANTE DES SYNDICATS AUTONOMES (FISA),

CENTRALE DES SYNDICATS DÉMOCRATIQUES (CSD),

FÉDÉRATION DES POLICIERS ET POLICIÈRES MUNICIPAUX DU QUÉBEC,

ASSOCIATION DES POMPIERS DE MONTRÉAL (APM),

ASSOCIATION DES POMPIERS PROFESSIONNELS DE LA VILLE DE QUÉBEC (APPQ),

ASSOCIATION DES POMPIERS DE LA VILLE DE LAVAL (APL),

ASSOCIATION DES POMPIERS ET POMPIÈRES DE GATINEAU,

ASSOCIATION DES POMPIERS ET POMPIÈRES DE L’AGGLOMÉRATION DE LONGUEUIL,

CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX,

FÉDÉRATION DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS DE SERVICES PUBLICS INC. (CSN),

SYNDICAT DES POMPIERS ET POMPIÈRES DU QUÉBEC,

SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS PROFESSIONNELS-LES ET DE BUREAU SECTION LOCALE 610 (SEPB) CTC-FTQ,

Intervenants

NO 505-17-094499-160

FRATERNITÉ DES POLICIERS ET POLICIÈRES DE MONTRÉAL,

Demanderesse

c.

Me CLAUDE MARTIN, es qualité d’arbitre

Défendeur

et

VILLE DE MONTRÉAL,

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC,

FÉDÉRATION DES POLICIERS ET POLICIÈRES MUNICIPAUX DU QUÉBEC,

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE,

ASSOCIATION DES POMPIERS DE MONTRÉAL,

ASSOCIATION DES POMPIERS DE LA VILLE DE LAVAL,

ASSOCIATION DES POMPIERS ET POMPIÈRES DE GATINEAU,

ASSOCIATION DES POMPIERS ET POMPIÈRES DE L’AGGLOMÉRATION DE LONGUEUIL,

ASSOCIATION DES POMPIERS PROFESSIONNELS DE QUÉBEC,

CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX,

SYNDICAT DES POMPIERS ET POMPIÈRES DU QUÉBEC (SPQ),

FÉDÉRATION INDÉPENDANTE DES SYNDICATS AUTONOMES,

SYNDICAT DES PROFESSIONNELLES ET PROFESSIONNELS MUNICIPAUX DE MONTRÉAL,

SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS PROFESSIONNELS-LES DE BUREAU SECTION LOCALE 571,

Mises en cause

NO 500-17-094642-165

SYNDICAT DES PROFESSIONNELLES ET PROFESSIONNELS MUNICIPAUX DE MONTRÉAL,

SYNDICAT PROFESSIONNEL DES SCIENTIFIQUES À PRATIQUE EXCLUSIVE DE MONTRÉAL,

SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS PROFESSIONNELS-LES ET DE BUREAU (SEPB) SECTION LOCALE 571 (UNITÉ JURISTE),

SYNDICAT DES EMPLOYÉES ET EMPLOYÉS PROFESSIONNELS-LES ET DE BUREAU (SEPB) SECTION LOCALE 571 (UNITÉ ARCHITECTE),

Demandeurs

c.

RENÉ BEAUPRÉ, es qualité d’arbitre

Défendeur

et

VILLE DE MONTRÉAL,

PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC,

FRATERNITÉ DES POLICIERS ET POLICIÈRES DE MONTRÉAL,

FÉDÉRATION DES POLICIERS ET POLICIÈRES MUNICIPAUX DU QUÉBEC,

SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE,

ASSOCIATION DES POMPIERS DE MONTRÉAL (APM),

ASSOCIATION DES POMPIERS PROFESSIONNELS DE LA VILLE DE QUÉBEC (APPQ),

ASSOCIATION DES POMPIERS DE LA VILLE DE LAVAL (APL),

ASSOCIATION DES POMPIERS ET POMPIÈRES DE GATINEAU,

ASSOCIATION DES POMPIERS ET POMPIÈRES DE L’AGGLOMÉRATION DE LONGUEUIL,

CONFÉDÉRATION DES SYNDICATS NATIONAUX,

SYNDICAT DES POMPIERS ET POMPIÈRES DU QUÉBEC,

FÉDÉRATION INDÉPENDANTE DES SYNDICATS AUTONOMES (FISA),

CENTRALE DES SYNDICATS DÉMOCRATIQUES (CSD),

Mis en cause

JUGEMENT





1. APERÇU

[1] Le Tribunal est saisi de quatre demandes de pourvoi en contrôle judiciaire à l’égard de deux décisions rendues par deux arbitres nommés en vertu de la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal[1] Loi 15 »).

[2] Ces deux décisions portent sur la compétence de l’arbitre de déclarer la Loi 15 inopérante et de suspendre les audiences, le temps que la Cour supérieure se prononce sur les nombreuses demandes d’organisations syndicales œuvrant dans le milieu muni­cipal de déclarer la Loi 15 inconstitutionnelle et inapplicable au régime de retraite des membres de la Fraternité des policiers et policières de Montréal (« Fraternité »).

2. CONTEXTE

[3] Le 4 décembre 2014, le législateur adopte la Loi 15. Comme son nom l’indique, cette loi vise à rétablir la santé financière et assurer la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées dans le secteur municipal.

[4] La Loi 15 stipule que tout régime de retraite à prestations déterminées établi par une municipalité doit être modifié afin de respecter certains paramètres, et ce, nonobstant toute convention collective en vigueur.

[5] Trois mécanismes sont prévus pour atteindre cet objectif :

− la négociation entre les municipalités et les participants actifs, sur la période maximale prévue à la Loi 15;

− la conciliation;

− à défaut d’entente, un arbitrage obligatoire.

[6] La Fraternité et les organisations syndicales demanderesses (« Syndicats »)[2], à l’instar de plusieurs autres organisations syndicales déposent chacune une demande en Cour supérieure afin de faire déclarer inconstitutionnelle la Loi 15 parce que contraire à la liberté d’association protégée par la Charte canadienne des droits et libertés[3] Charte canadienne ») et la Charte des droits et libertés de la personne[4]Charte québécoise »).

[7] Étant donné ces questions d’ordre constitutionnel, la Procureure générale du Québec (« Procureure générale ») intervient.

[8] Ces nombreux dossiers sont tous réunis et gérés par le juge Benoît Moulin. Selon le procès-verbal de la conférence de gestion du 30 mai 2016, ces demandes ne seront pas entendues avant l’automne 2017 au plus tôt et l’audience durera entre 65 et 130 jours[5].

[9] La Fraternité dépose également une procédure en Cour supérieure visant à faire déclarer que le régime de retraite auquel ses membres participent n’est pas assujetti à la Loi 15 parce que ce régime n’est pas établi par un organisme municipal.

[10] Cette dernière demande est entendue par le juge Moulin et prise en délibéré le 1er juin 2016.

[11] Bien que certains régimes de retraite visés par la loi aient été modifiés à la suite d’ententes négociées, ce n’est pas le cas à la Ville de Montréal (« Ville »), notamment pour les employés représentés par la Fraternité et les Syndicats.

[12] Ayant mis un terme aux négociations prévues à la Loi 15, la Ville, la Fraternité et les Syndicats nomment deux arbitres, afin que ceux-ci déterminent les modifications aux régimes de retraite pour les rendre conformes à la Loi 15. Me Claude Martin (« Arbitre Martin ») est saisi du dossier impliquant la Fraternité et René Beaupré, CRIA (« Arbitre Beaupré ») de celui impliquant les Syndicats. Plusieurs associations syn­dicales ont obtenu la permission d’intervenir dans chacun des dossiers dont sont saisis les Arbitres Martin et Beaupré.

[13] Les deux arbitres se prononcent sur les mêmes questions préliminaires à l’exception de la question de l’assujet­tissement soulevée par la Fraternité qui est uniquement soumise à l’Arbitre Martin.

[14] En juin 2016, ils rendent leur décision sur les questions préliminaires suivantes :

− ont-ils compétence pour déclarer la Loi 15 inopérante en raison de sa violation du droit d’association protégé par laCharte cana­dienne et la Charte québécoise?

− le régime de retraite visant les membres de la Fraternité est-il assujetti à la Loi 15?

− l’arbitrage doit-il être suspendu jusqu’à ce que la question de l’assujettissement du régime de retraite des membres de la Fraternité à la Loi 15 et celle de la constitutionnalité de cette loi soient décidées par la Cour supérieure?

[15] Les quatre pourvois en contrôle judiciaire déposés par la Ville, la Procureure générale, la Fraternité et les Syndicats sont réunis.

[16] Malgré qu’il s’agisse de deux décisions interlocutoires, aucune des parties ne remet en cause l’opportunité de présenter des pourvois en contrôle judiciaire à cette étape. Le Tribunal est d’accord. Il s’agit d’une situation exceptionnelle puisque notam­ment la décision au mérite ne pourra corriger l’ordonnance de suspension ou encore le refus de l’accorder[6].

3. DÉCISIONS ARBITRALES

3.1 L’Arbitre Martin

[17] L’Arbitre Martin considère que le législateur ne lui attribue pas la compétence pour trancher des questions de droit. Par conséquent, il ne peut décider si la Loi 15 est ou non conforme aux chartes et si le régime de retraite des membres de la Fraternité est assujetti à la Loi 15.

[18] Il conclut ensuite avoir la compétence pour décider de l’opportunité de suspendre ou non les audiences.

[19] Puis, à la lumière des critères de la Cour suprême énoncés dans l’arrêt Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd.[7] Metropolitan Stores ») qu’il dit appliquer avec souplesse, il conclut que la suspension doit être accordée.

3.2 L’Arbitre Beaupré

[20] L’Arbitre Beaupré conclut aussi que le législateur ne lui attribue pas la compé­tence pour décider si la Loi 15 est conforme aux chartes.

[21] Cependant, contrairement à l’Arbitre Martin, il conclut ne pas avoir la compé­tence pour aborder la question de la suspension. Il s’agit, pour lui, d’une mesure provi­sionnelle que le législateur a exclue de sa compétence.

[22] Il ajoute que même s’il avait compétence pour se prononcer sur cette question, il n’aurait pas accordé la suspension en raison des enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Metropolitan Stores[8]. Il explique que, contrairement à l’Arbitre Martin, il a pu bénéficier du contenu du procès-verbal de la gestion d’instance tenue le 30 mai 2016 devant le juge Moulin. Il est donc informé que le procès en Cour supérieure concer­nant les demandes de déclarer inconstitutionnelle la Loi 15 durera entre 65 et 130 jours et ne pourra pas procéder avant l’automne 2017.

[23] Lors de l’audience devant le présent Tribunal, les parties confirment que l’audience ne pourra pas se dérouler en 2017 en raison de la non-disponibilité de l’avocat de la Procureure générale.

4. POSITION DES PARTIES

4.1 La décision de l’Arbitre Martin sur sa compétence constitutionnelle et sur l’assujettissement du régime de retraite des membres de la Fraternité à la Loi 15

4.1.1 La Fraternité

[24] La Fraternité[9] présente une demande en contrôle judiciaire à l’égard de la décision de l’Arbitre Martin voulant qu’il n’ait pas compétence pour déclarer inopérante la Loi 15 et que le régime de retraite des membres de la Fraternité ne soit pas assujetti à cette loi. Elle souligne le caractère de bene esse de sa demande puisque l’arbitre précise dans sa décision ne pas avoir à se prononcer sur sa compétence à l’égard de ces questions, mais le fait tout de même étant donné que les parties les ont longuement plaidées.

[25] En cours d’audience, toutes les parties ont convenu qu’étant donné le soin pris par l’Arbitre Martin pour motiver sa conclusion quant à son absence de compétence sur ces questions, même si cette conclusion n’est pas reproduite dans son dispositif, il est indéniable que sa décision à cet égard est finale et lie les parties.

[26] Le Tribunal est d’accord.

[27] Quant à la norme de contrôle applicable, la Fraternité soutient qu’il s’agit de la norme de la décision correcte.

[28] Par ailleurs, elle fait valoir que l’Arbitre erre lorsqu’il conclut que la Loi 15 ne lui accorde pas le pouvoir de trancher des questions de droits et qu’en conséquence, il n'a pas la compétence pour trancher des questions constitutionnelles s’appuyant sur l’arrêt Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Laseur [10]Martin »).

[29] Cependant, la Fraternité ajoute qu’il serait plus approprié que la Cour supérieure se prononce sur l’inconstitutionnalité de la Loi 15 et le non-assujettissement du régime de retraite de ses membres, d’où sa demande de suspension.

4.1.2 La Ville et la Procureure générale

[30] Pour leur part, la Procureure générale et la Ville sont d’accord avec la position de la Fraternité quant à la norme de contrôle.

[31] Cependant, elles plaident que l’arbitre nommé en vertu de la Loi 15 n’est pas un tribunal quasi judiciaire. L’Arbitre Martin a donc raison de conclure que le législateur ne lui a pas accordé de façon explicite ou implicite la compétence pour trancher des questions de droit. Par conséquent, il ne peut se saisir de question constitutionnelle comme celle qui lui est soumise.

4.2 La décision de l’Arbitre Martin quant à la suspension

4.2.1 La Ville et la Procureure générale

[32] La Ville[11] et la Procureure générale[12] demandent au Tribunal d’exercer son pouvoir de contrôle et de casser la décision de l’Arbitre Martin quant à la suspension de l’arbitrage.

[33] Elles considèrent que la norme de révision applicable est celle de la décision correcte quant à la question de déterminer s’il a ou non la compétence pour se saisir de cette question.

[34] Toutes deux plaident que la compétence de l’Arbitre Martin découle de la Loi 15. Or, la Loi 15 accorde à l’arbitre certains pouvoirs spécifiques, mais exclut expressément celui d’accorder des mesures provisionnelles ou de sauvegarde. Comme la suspension d’audience est, pour elles, une mesure provisionnelle, l’arbitre n’a pas compétence pour l’accorder. Il erre donc en se saisissant de la question de la suspension.

[35] Subsidiairement, elles allèguent que s’il a la compétence pour décider de la demande de suspension, la norme de la décision raisonnable s’applique quant à l’opportunité ou non de l’accorder.

[36] Elles sont toutefois d’avis qu’une seule issue est possible sur cette question, soit de refuser la suspension. Elles font valoir que l’Arbitre Martin identifie les bons critères pour décider de l’opportunité de suspendre ou non, soit ceux énoncés dans l’arrêt Metropolitan Stores[13]. Cependant, il erre dans leur application au point de rendre sa décision déraisonnable.

4.2.2 La Fraternité

[37] La Fraternité soutient que la décision de l’arbitre quant à la suspension est une décision de gestion d’instance au cœur de sa compétence. Il n’y a qu’une seule norme de contrôle applicable tant à l’égard de sa décision de se saisir de cette question que celle de suspendre l’arbitrage. Il s’agit de la norme de la décision raison­nable.

[38] Bien que, selon la Fraternité, l’arbitre n’a pas à appliquer les critères développés dans Métropolitan Stores[14], sa décision n’est pas déraisonnable pour autant, car il assouplit ceux‑ci afin qu’ils se rapprochent de ceux applicables à une suspension d’audience énoncés dans l’arrêt Manioli Investments Inc. c. Investissements MLC [15]Manioli »).

4.3 La décision de l’Arbitre Beaupré

4.3.1 Les Syndicats

[39] Les Syndicats[16] demandent au Tribunal d’exercer son pouvoir de contrôle afin de casser la décision de l’Arbitre Beaupré, tant à l’égard de sa conclusion voulant qu’il n’ait pas la compétence pour déclarer la Loi 15 inopérante que celle refusant de suspendre l’arbitrage jusqu’à ce que la Cour supérieure se soit prononcée sur les demandes de déclarer inconstitutionnelle la Loi 15.

[40] Sur la question de la compétence de déclarer inopérante la Loi 15, les Syndicats font valoir les mêmes arguments que ceux de la Fraternité à l’égard de la décision de l’Arbitre Martin.

[41] Eu égard à la suspension de l’arbitrage, les Syndicats soutiennent que l’Arbitre Beaupré commet une erreur quant à sa compétence. Ils plaident que la suspen­sion de l’arbitrage n’est pas une mesure provisionnelle comme il l’affirme et qu’il a compétence pour se prononcer sur cette question. De plus, ils allèguent que sa décision[17] sur l’opportunité de suspendre doit être révisée puisque même si cette décision relève de la gestion d’instance au cœur de sa compétence, il est déraisonnable d’appliquer les critères énoncés dans Metropolitan Stores[18].

[42] De plus, ils demandent que la décision de l’Arbitre Beaupré soit cassée parce qu’il déroge au principe de justice naturelle en tenant compte de deux éléments déter­minants sur sa décision sans entendre les parties à cet égard. Ces deux éléments sont d’une part la décision de l’arbitre Serge Brault portant sur l’intention du législateur à l’égard de la Loi 15[19] et, d’autre part, le procès-verbal de la conférence de gestion du 30 mai 2016 devant le juge Moulin.

4.3.2 La Ville et la Procureure générale

[43] La Ville et la Procureure générale font valoir les mêmes arguments que ceux qu’ils soulèvent concernant de la décision de l’Arbitre Martin sur de la norme de contrôle tant à l’égard de la suspension qu’à l’égard de la compétence pour déclarer inopérante la Loi 15.

[44] Elles soutiennent que l’Arbitre Beaupré s’est bien dirigé en droit et n’a pas erré.

5. QUESTIONS EN LITIGE

[45] En plus de déterminer la norme de contrôle, le Tribunal doit décider si :

➢ l’Arbitre Martin a rendu une décision déraisonnable ou erronée, selon la norme de contrôle retenue, en concluant :

− ne pas avoir compétence pour déclarer la Loi 15 inopérante et inapplicable au régime de retraite des membres de la Fraternité;

− avoir compétence pour se prononcer sur une demande de suspendre l’arbitrage;

− qu’il est opportun en l’espèce de suspendre l’arbitrage jusqu’à la décision de la Cour supérieure sur les demandes de déclarer inconstitutionnelle la Loi 15.

➢ l’Arbitre Beaupré a rendu une décision déraisonnable ou erronée, selon la norme de contrôle retenue, en concluant :

− ne pas avoir compétence pour déclarer la Loi 15 inopérante parce qu’en violation de la liberté d’association protégée par les chartes;

− ne pas avoir la compétence pour décider d’une demande de sus­pension d’arbitrage;

− qu’il n’aurait pas été opportun de suspendre les audiences en l’espèce.

6. ANALYSE

6.1 Commentaire préliminaire

[46] Afin d’éviter toute confusion sur la portée des mots utilisés par le Tribunal puisque en cours d’audience, les parties ont utilisé le vocable « suspension d’audience » ou encore « suspension d’instance », le Tribunal utilise l’expression « suspension de l’arbitrage ».

6.2 La Loi 15

[47] Avant de traiter de la norme de contrôle et des questions en litige, il convient de s’attarder tout d’abord à la Loi 15.

[48] Cette loi vise à modifier certains régimes de retraite pour en assainir la santé financière :

1. La présente loi a pour objet d’obliger la modification de tout régime de retraite à prestations déterminées, régi par la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (chapitre R-15.1) et établi par un organisme municipal, ainsi que du Régime de retraite des employés municipaux du Québec, en vue d’en assainir la santé financière et d’en assurer la pérennité.

Un processus et des règles particulières sont prévus aux fins de la restructuration des régimes de retraite.

Pour l’application de la présente loi, un régime de retraite à cotisation et à prestations déterminées est considéré comme un régime à prestations déterminées. Toutefois, seul le volet à prestations déterminées d’un tel régime de retraite est visé par la restructuration.

[Soulignements du Tribunal]

[49] Afin de satisfaire cet objectif, certains paramètres des régimes de retraite doivent faire l’objet d’une négociation entre les parties, notamment : la cotisation d’exercice et le déficit doivent être assumés à parts égales entre la municipalité et les participants, l’augmentation graduelle de la cotisation d’exercice dans certaines circonstances, la proportion de la cotisation d’exercice par rapport à la masse salariale en fonction de certains barèmes, le fonds de stabilisation, l’interdiction d’indexation automatique et la possibilité d’une indexation ponctuelle selon certains paramètres (articles 4 à 21 de la Loi 15 en Annexe).

[50] En l’absence d’accord entre une municipalité et les participants sur les modi­fications à apporter au régime quant à ces nouveaux paramètres, les parties doivent soumettre leur différend à l’arbitrage. Les modalités de l’arbitrage sont prévues aux articles 37 et suivants :

37. À l’expiration de la période de négociation, un arbitre est nommé pour régler le différend si aucune entente n’a été transmise au ministre.

Un arbitre peut aussi être nommé avant la fin de cette période à la demande conjointe des parties ou sur réception du rapport du conciliateur prévu à l’article 36.

38. Le ministre dresse, à partir de critères et de profils de compétence et d’expérience qu’il détermine, une liste d’arbitres. Cette liste est publiée à la Gazette officielle du Québec.

Le ministre détermine les honoraires et les frais des arbitres. Ces honoraires et ces frais sont à la charge des parties.

Un arbitre ne doit avoir aucun intérêt pécuniaire dans le différend qui lui est soumis ni avoir agi à titre de procureur, de conseiller ou de représentant d’une partie.

39. L’arbitre est choisi conjointement par les parties à même la liste prévue à l’article 38. En cas de mésentente entre les parties, le ministre nomme l’arbitre.

[…]

43. L’arbitre doit rendre sa décision dans les six mois suivant la date où il a été saisi du différend.

44. L’arbitre ne peut être poursuivi en justice en raison d’actes accomplis de bonne foi dans l’exercice de ses fonctions.

45. Les parties peuvent, à tout moment, s’entendre sur l’une des matières faisant l’objet du différend.

46. L’arbitre statue conformément aux règles de droit.

Il doit prendre en considération, notamment, la capacité de payer des contribuables, l’équité intergénérationnelle, la pérennité du régime de retraite, le respect du partage des coûts et des objectifs visés par la présente loi, les congés de cotisation ainsi que les améliorations apportées au régime.

En outre, l’arbitre doit prendre en considération les concessions antérieures qu’ont consenties les participants à l’égard d’autres éléments de la rémunération globale.

La décision de l’arbitre, dès qu’elle est rendue, lie les parties et n’est pas susceptible d’appel.

47. L’arbitre transmet au ministre une copie de sa décision.

48. Les chapitres III et V du titre II du livre VII, à l’exception de l’article 643, du Code de procédure civile (chapitre C-25.01) s’appliquent à l’arbitrage prévu par la présente loi compte tenu des adaptations nécessaires.

49. Sauf sur une question de compétence, aucun pourvoi en contrôle judiciaire prévu au Code de procédure civile (chapitre C-25.01) ne peut être exercé ni aucune injonction accordée contre un arbitre agissant en sa qualité officielle.

[Soulignements du Tribunal]

[51] Il est aussi utile de reproduire deux articles du Code de procédure civile[20]C.p.c. »), applicables en matière d’arbitrage.

[52] L’article 632 C.p.c., incorporé par référence à l’article 48 de la Loi 15, édicte que :

632. L’arbitre procède à l’arbitrage suivant la procédure qu’il détermine; il est cependant tenu de veiller au respect des principes de la contradiction et de la proportionnalité.

Il a tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence, y compris celui de faire prêter serment, de nommer un expert ou de statuer sur sa propre compétence.

[Soulignements du Tribunal]

[53] L’article 638 C.p.c., que le législateur n’a pas incorporé par référence à la Loi 15 prévoit que :

638. L’arbitre peut, à la demande d’une partie, prendre toute mesure provi­sionnelle ou propre à sauvegarder les droits des parties pour le temps et aux conditions qu’il détermine et, s’il y a lieu, exiger un cautionnement pour payer les frais et l’indemnisation du préjudice pouvant résulter de cette mesure. Une telle décision s’impose aux parties, mais au besoin, l’une d’elles peut en demander l’homologation au tribunal afin de lui donner la force exécutoire d’un jugement.

[Soulignement du Tribunal]

6.3 Norme de contrôle

[54] La Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick[21] Dunsmuir ») indique qu’il n’est plus nécessaire pour le Tribunal de se livrer, dans chaque cas, à une analyse exhaustive pour déterminer la norme de contrôle applicable dans la mesure où la jurisprudence l’a déjà établie relativement aux questions qui sont soumises.

[55] Selon la jurisprudence, émanant notamment de la Cour suprême, la norme de la décision raisonnable est généralement applicable lorsque le tribunal administratif inter­prète sa loi constitutive bien qu’il existe des exceptions comme, par exemple, les véri­tables questions de compétence et les questions constitutionnelles[22] :

[30] Seule la question suivante se pose en l’espèce : la prorogation du délai par le commissaire après les 90 jours impartis a‑t‑elle automa­tiquement mis fin à l’enquête? Dès lors, il faut interpréter le par. 50(5) de la PIPA, une disposition de la loi constitutive du Commissariat. Suivant la jurisprudence, « [l]orsqu’un tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise » […]. Le principe ne vaut cependant pas lorsque l’interprétation de la loi constitutive relève d’une catégorie de questions à laquelle la norme de la décision correcte demeure applicable, à savoir les « questions cons­titutionnelles, [les] questions de droit qui revêtent une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qui sont étrangères au domaine d’expertise du décideur, [les] questions portant sur la “délimitation des compétences respectives de tribunaux spécialisés concurrents” [et] les questions touchant véritablement à la compétence »[…]

[Références omises]

[Soulignements du Tribunal]

[56] Dans son arrêt Commission scolaire de Laval c. Syndicat de l’enseignement de la région de Laval[23], la Cour suprême ajoute que cette règle générale est de la nature d’une présomption :

[32] Dans Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association […] la Cour indique qu’il existe une présomption voulant que la décision d’un tribunal administratif interprétant ou appliquant sa loi habilitante est assujettie au contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable […]. Cette présomption s’applique en l’espèce. La décision de l’arbitre de permettre l’interrogatoire des membres du comité exécutif par le Syndicat est basée sur sa conclusion que leurs témoignages seront utiles à la détermination du respect de la convention collective et de la loi. Cette conclusion découle de son interprétation de la convention locale liant les parties ainsi que de la LIP. Sa loi habilitante, le Code du travail, prévoit que l’arbitre peut « interpréter et appliquer une loi ou un règlement dans la mesure où il est nécessaire de le faire pour décider d’un grief » […]. La Cour a établi que l’interprétation faite par un arbitre de grief en milieu scolaire de dispositions de la LIP doit recevoir le plus haut degré de déférence des tribunaux de révision […]

[Références omises]

[57] Quant aux véritables questions de compétence, elles sont peu nombreuses et cette notion de compétence doit être interprétée restrictivement[24] :

[59] La « compétence » s’entend au sens strict de la faculté du tribunal administratif de connaître de la question. Autrement dit, une véritable question de compétence se pose lorsque le tribunal administratif doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l’a investi l’autorisent à trancher une question. L’interprétation de ces pouvoirs doit être juste, sinon les actes seront tenus pour ultra vires ou assimilés à un refus injustifié d’exercer sa compétence.

[58] Dans l’arrêt Alberta Teachers’, la Cour suprême souligne à nouveau la portée très limitée de cette exception[25] :

[33] Enfin, la question de l’observation du délai n’appartient pas à la catégorie des « questions touchant véritablement à la compétence ». Rappelons la mise en garde maintes fois citée du juge Dickson dans Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau‑Brunswick, […], à savoir que les cours de justice doivent « éviter de qualifier trop rapidement un point de question de compétence, et ainsi de l’assujettir à un examen judiciaire plus étendu, lorsqu’il existe un doute à cet égard » […] Comme l’explique notre Cour dans Canada (Commission canadienne des droits de la personne), dans Dunsmuir, « la Cour se distancie expressément des définitions larges de la compétence » […]. L’expérience enseigne que peu de questions appar­tiennent à la catégorie des véritables questions de compétence. Depuis Dunsmuir, la Cour n’en a relevé aucune […].

[34] La consigne voulant que la catégorie des véritables questions de compétence appelle une interprétation restrictive revêt une importance particulière lorsque le tribunal administratif interprète sa loi constitutive. En un sens, tout acte du tribunal qui requiert l’interprétation de sa loi consti­tutive soulève la question du pouvoir ou de la compétence du tribunal d’accomplir cet acte. Or, depuis Dunsmuir, la Cour s’est écartée de cette définition de la compétence. En effet, au vu de la jurisprudence récente, le temps est peut-être venu de se demander si, aux fins du contrôle judiciaire, la catégorie des véritables questions de compétence existe et si elle est nécessaire pour arrêter la norme de contrôle applicable. Cependant, faute de plaidoirie sur ce point en l’espèce, je me contente d’affirmer que, sauf situation exceptionnelle — et aucune ne s’est présentée depuis Dunsmuir —, il convient de présumer que l’interprétation par un tribunal administratif de « sa propre loi constitutive ou [d’]une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie » est une question d’interprétation législative commandant la déférence en cas de contrôle judiciaire.

[39] À mon sens, ce que je préconise en l’espèce découle naturellement de la volonté de simplification qui anime notre Cour dans Dunsmuir, et donne directement suite à Alliance […]. Les véritables questions de compétence ont une portée étroite et se présentent rarement. Il convient de présumer que la norme de contrôle à laquelle est assujettie la décision d’un tribunal administratif qui interprète sa loi constitutive ou qui l’applique est celle de la décision raisonnable. Tant que subsiste la catégorie des véritables questions de compétence, la partie qui prétend soulever une question qui y appartient doit établir les raisons pour lesquelles le contrôle visant l’interprétation de sa loi constitutive par le tribunal administratif ne devrait pas s’effectuer au regard de la norme déférente de la décision raisonnable.

[Références omises]

[Soulignements du Tribunal]

6.3.1 Décision de pouvoir ou non déclarer inopérante la Loi 15

[59] Les parties soumettent que la norme de contrôle quant à la décision d’un arbitre nommé en vertu de la Loi 15 portant sur sa compétence de décider si cette loi est inopérante parce qu’elle viole la Charte canadienne, est celle de la décision correcte.

[60] Le Tribunal est d’accord. Il s’agit d’une véritable question de compétence qui demeure soumise au contrôle de la Cour supérieure à la moindre erreur. En effet, tel qu’il sera expliqué plus loin, afin de déterminer si un tribunal administratif peut se saisir d’une question constitutionnelle il faut déterminer si la législateur lui a donné la compétence de se prononcer sur des questions de droit. Il s’agit de se prononcer sur sa propre compétence et le tribunal administratif n’a pas droit à l’erreur. On peut ajouter qu’il s’agit d’une question constitutionnelle pour laquelle la norme de révision est aussi celle de la décision correcte.

6.3.2 Décision de pouvoir se saisir de la question de la suspension de l’arbitrage

[61] Rappelons que la Ville et la Procureure générale soutiennent que la norme de contrôle quant à la décision de l’arbitre de pouvoir se saisir de la question de la sus­pension de l’arbitrage est celle de la décision correcte. La Fraternité plaide pour sa part qu’il s’agit purement d’une question de gestion d’instance qui relève de la compé­tence de l’arbitre et que c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique.

[62] Tel que mentionné précédemment, lorsque le tribunal administratif interprète sa loi constitutive, ce n’est qu’exceptionnellement qu’une question pourra être qualifiée de véritable question de compétence. Cette notion de question de compétence doit recevoir une interprétation restrictive[26] et c’est à la partie qui soutient qu’il s’agit d’une véritable question de compétence de convaincre le Tribunal de sa prétention[27].

[63] Le Tribunal considère que la décision de l’arbitre de la Loi 15 de pouvoir ou non se prononcer sur la suspension de l’arbitrage n’implique pas une véritable question de compétence comme l’entend la Cour suprême dans Dunsmuir[28] et Alberta Teachers' Association[29].

[64] Dans CCDP[30], la Cour suprême écrit :

[18] […] À cet égard, la Cour se distancie expressément des défi­nitions larges de la compétence de façon qu’une question se rapportant à celle-ci se pose uniquement lorsque le tribunal administratif « doit déterminer expressément si les pouvoirs dont le législateur l’a investi l’autorisent à trancher une question ».

[Soulignement du Tribunal]

[65] Selon cette dernière, la norme de contrôle applicable à la décision du Tribunal canadien des droits de la personne (« TCDP ») eu égard à son pouvoir d’accorder des dépens à la partie gagnante est la norme de la décision raisonnable parce que la loi habilitante donne expressément au TCDP le pouvoir d’indemniser la victime en vertu de l’article 53(2) de la Loi canadienne des droits de la personne[31]LCDP »). La question est de déterminer si le TCDP peut adjuger des dépens à titre d’indemnité. Il ne s’agit donc pas d’une question de compétence stricte :

[24] Dans le cas qui nous occupe, le Tribunal [TCDP] possède sans aucun doute le pouvoir d’indemniser la victime « des dépenses entraînées par l’acte [discriminatoire] » suivant les al. 53(2)c) et d) de la Loi. Il faut alors se demander s’il pouvait adjuger des dépens à titre d’indemnité. Même si, dans Dunsmuir, elle ne supprime pas la catégorie des questions de compétence, la Cour juge que celles-ci appellent une interprétation stricte. Ainsi, depuis cet arrêt, des questions que certains auraient pu auparavant considérer comme des questions de compétence doivent désormais faire l’objet de l’analyse relative à la norme de contrôle afin que l’on détermine si elles sont assujetties à la norme de la décision correcte ou à celle de la décision raisonnable […] En somme, lorsqu’il s’agit d’interpréter et d’ap­pliquer sa propre loi, dans son domaine d’expertise et sans que soit soulevée une question de droit générale, la norme de la décision raison­nable s’applique habituellement, et le Tribunal a droit à la déférence.

[25] La question des dépens constitue une question de droit qui relève essentiellement du mandat et de l’expertise du Tribunal liés à l’inter­prétation et à l’application de sa loi constitutive […] L’intimé prétend qu’un tribunal des droits de la personne ne possède pas d’expertise particulière en la matière. Toutefois, il faut se garder de retomber dans le formalisme antérieur qui accolait une « étiquette limitative de compétence, comme celle d’“interprétation législative” ou de “droits de la personne”, à ce qui est en réalité une fonction confiée [à un tribunal administratif] et exercée correctement [par lui] en vertu de la loi habilitante » […][32]

[Références omises]

[Soulignements du Tribunal]

[66] Il n’existe à ce jour aucune décision sur la compétence d’un arbitre nommé en vertu de la Loi 15.

[67] Une comparaison avec un arbitre de différend nommé en vertu du Code du travail[33] serait boiteuse. La Loi 15 est une loi ponctuelle adoptée en vue de régler un problème bien précis, soit la santé financière de certains régimes de retraite dans la sphère municipale. L’arbitre de la Loi 15 n’a pas un pouvoir général de régler tout différend, mais uniquement de modifier les régimes de retraite visés par la Loi 15 afin de les rendre conformes à celle-ci.

[68] Bien que le législateur confie un rôle limité à l’arbitre de la Loi 15, il lui donne tout de même le pouvoir de « procéder à l’arbitrage suivant la procédure qu’il [l’arbitre] détermine […] [l’arbitre] a tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence, y compris celui […] de statuer sur sa propre compétence »[34].

[69] Sa décision est également protégée par une clause privative[35].

[70] Comme le Tribunal l’explique plus loin, la suspension de l’arbitrage est une mesure de gestion. Puisque l’arbitre de la Loi 15 a tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence et que celle-ci comprend la détermination de la procédure qu’il entend suivre, la question de suspendre l’arbitrage qui est une mesure de gestion de la procédure fait inévitablement partie de sa compétence.

[71] Tout comme la Cour suprême dans l’arrêt CCDP[36] qui décide que la question pour le TCDP d’adjuger des dépens fait partie de sa compétence d’accorder une indem­nité, la question pour l’arbitre de la Loi 15 de suspendre ou non l’arbitrage fait partie de sa compétence de décider de la procédure qu’il entend suivre.

[72] Comme le législateur accorde à l’arbitre de la Loi 15 la compétence pour déter­miner la procédure qu’il entend suivre, il lui reconnaît nécessairement une expertise à cet égard. À l’instar de la situation qui prévalait dans l’arrêt CCDP[37], le pouvoir de l’arbitre d’accorder ou non une suspension fait appel à une question qui relève « essen­tiellement du mandat et de l’expertise du Tribunal [de l’arbitre] liés à l’interprétation et à l’application de sa loi constitutive […] »[38].

[73] La norme de contrôle de la décision de pouvoir ou non se saisir de la question de suspendre l’arbitrage est donc celle de la décision raisonnable.

6.3.3 Décision quant à l’opportunité de suspendre l’arbitrage

[74] La question de l’opportunité de suspendre l’arbitrage est, tout comme la précé­dente, au cœur de la compétence de l’arbitre. Tel que le Tribunal l’explique plus loin, la suspension de l’arbitrage est une mesure de gestion. La norme de contrôle est donc celle de la décision raisonnable[39]. Les parties sont d’ailleurs du même avis.

6.3.4 Décision portant sur l’assujettissement ou non du régime de retraite des membres de la Fraternité à la Loi 15

[75] Tel que mentionné précédemment, la Cour supérieure a déjà entendu les parties sur cette question. Ce dossier est présentement en délibéré devant le juge Moulin. Le Tribunal estime que même s’il ne s’agit pas de véritable litispendance, il n’est pas opportun de se prononcer sur la question du contrôle judiciaire de la décision arbitrale concernant l’assujettissement puisque le juge Moulin se prononcera sur cette question incessamment.

6.4 La décision de l’arbitre quant à son absence de compétence pour déclarer la Loi 15 inopérante parce qu’en violation de la liberté d’association protégée par les chartes est-elle erronée?

6.4.1 Le droit

[76] Depuis l’arrêt Martin[40], l’approche pour déterminer si un tribunal administratif a la compétence pour déclarer les dispositions de sa loi habilitante inopérantes parce que contraires à la Charte canadienne est la suivante :

48. La nouvelle approche actuelle en ce qui concerne le pouvoir d’un tribunal administratif de soumettre des dispositions législatives à un examen fondé sur la Charte peut se résumer ainsi : (1) La première question est de savoir si le tribunal administratif a expressément ou impli­citement compétence pour trancher les questions de droit découlant de l’application de la disposition contestée. (2)a) La compétence expresse est celle exprimée dans le libellé de la disposition habilitante. b) La compétence implicite ressort de l’examen de la loi dans son ensemble. Les facteurs pertinents sont notamment les suivants : la mission que la loi confie au tribunal administratif en cause et la question de savoir s’il est nécessaire de trancher des questions de droit pour accomplir efficacement cette mission; l’interaction entre ce tribunal et les autres composantes du régime administratif; la question de savoir si le tribunal est une instance juridictionnelle; des considérations pratiques telle la capacité du tribunal d’examiner des questions de droit. Les considérations pratiques ne sauraient toutefois l’emporter sur ce qui ressort clairement de la loi elle-même. (3) S’il est jugé que le tribunal a le pouvoir de trancher les questions de droit découlant de l’application d’une disposition législative, ce pouvoir sera présumé inclure celui de se prononcer sur la constitutionnalité de cette disposition au regard de la Charte. (4) La partie qui prétend que le tribunal n’a pas compétence pour appliquer la Charte peut réfuter la présomption a) en signalant que le pouvoir d’examiner la Charte a été retiré expressément, ou b) en convainquant la cour qu’un examen du régime établi par la loi mène clairement à la conclusion que le législateur a voulu exclure la Charte (ou une catégorie de questions incluant celles relatives à la Charte, telles les questions de droit constitutionnel en général) des questions de droit soumises à l’examen du tribunal administratif en question. En général, une telle inférence doit émaner de la loi elle-même et non de considérations externes.

[Références omises]

[77] Avant d’établir cet ensemble de règles, la Cour suprême revient sur une trilogie antérieure, où cette question de la compétence d’un tribunal administratif pour décider de la constitutionnalité d’une disposition de sa loi habilitante est en jeu. Le juge Gonthier souligne que, dans chacune de ces décisions des raisons sérieuses, tant sur le plan des principes que sur celui de la politique générale, sont ressorties afin de permettre aux tribunaux administratifs de se prononcer sur ce sujet et de refuser d’appliquer une disposition contestée qu’ils jugent inconstitutionnelle. Certains passages sont particulièrement intéressants[41] :

28. Premièrement — ce qui est le plus important —, la Constitution est, aux termes du par. 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982, « la loi suprême du Canada » et « elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit ». L’invalidité d’une disposition législative incompatible avec la Charte découle non pas d’une déclaration d’inconstitutionnalité par une cour de justice, mais plutôt de l’application du par. 52(1). Donc, en principe, une telle disposition est invalide dès son adoption, et l’obtention d’un jugement déclaratoire à cet effet n’est qu’un moyen parmi d’autres de protéger ceux et celles qui en souffrent préjudice. En ce sens, la question de la constitutionnalité est inhérente à tout texte législatif en raison du par. 52(1). Les tribunaux judiciaires ne doivent pas appliquer des règles de droit invalides, et il en va de même pour tout niveau ou organe de gouvernement, y compris un organisme administratif de l’État. De toute évidence, un fonctionnaire ne saurait être tenu de s’inter­roger et de se prononcer sur la constitutionnalité de chaque disposition qu’il est appelé à appliquer. Toutefois, s’il est investi du pouvoir d’examiner les questions de droit liées à une disposition, ce pouvoir englobe habituel­lement celui d’évaluer la constitutionnalité de cette disposition. […] À vrai dire, il n’y a pas de question de droit plus fondamental puisqu’elle permet de déterminer si, dans les faits, la disposition est valide et, par conséquent, si elle doit être interprétée et appliquée, ou s’il y a lieu de ne pas en tenir compte.

29. Il découle, en pratique, de ce principe de la suprématie de la Constitution que les Canadiens doivent pouvoir faire valoir les droits et libertés que leur garantit la Constitution devant le tribunal le plus acces­sible, sans devoir engager des procédures judiciaires parallèles[…] Ce souci d’accessibilité est d’autant plus pressant qu’au départ bon nombre de tribunaux administratifs ont compétence exclusive pour trancher les différends relatifs à leur loi habilitante, de sorte qu’obliger les parties à ces différends à saisir une cour de justice de toute question liée à la Charte leur imposerait un long et coûteux détour. […]

30. Deuxièmement, un différend relatif à la Charte ne survient pas en l’absence de tout contexte. Son règlement exige une connaissance approfondie des objectifs du régime législatif contesté, ainsi que des contraintes pratiques liées à son application et des conséquences de la réparation constitutionnelle proposée. Cela est d’autant plus vrai lorsque, comme c’est souvent le cas, il devient nécessaire de décider si l’atteinte prima facie à un droit garanti par la Charte est justifiée au sens de l’article premier. À cet égard, les conclusions de fait d’un tribunal administratif et le dossier qu’il établit, de même que la perception éclairée qu’il a, à titre d’organisme spécialisé, des différentes questions que soulève une contes­tation constitutionnelle, seront souvent extrêmement utiles à la cour qui procède au contrôle judiciaire […]

31. Troisièmement, les décisions d’un tribunal administratif fondées sur la Charte sont assujetties au contrôle judiciaire suivant la norme de la décision correcte […] Ce n’est qu’en obtenant d’une cour de justice une déclaration formelle d’invalidité qu’une partie peut établir, pour l’avenir, l’invalidité générale d’une disposition législative. […]

[Soulignements du Tribunal]

6.4.2 Application du droit

[78] Étant donné que la norme de contrôle est celle de la décision correcte, le Tribunal doit procéder à sa propre analyse afin de décider si les conclusions des Arbitres Martin et Beaupré sont correctes.

[79] Le Tribunal doit donc déterminer si l’arbitre de la Loi 15 a expressément ou implicitement compétence pour trancher des questions de droit découlant de la Loi 15. Si la réponse est affirmative, l’arbitre sera présumé avoir la compétence pour décider si la Loi 15 doit ou non être déclarée inopérante. Cette présomption ne pourra être renversée que si la Ville et la Procureure générale convainquent le Tribunal que le législateur a expressément ou implicitement retiré à l’arbitre le pouvoir d’examiner cette question.

[80] Tel qu’il ressort de l’analyse qui suit, le Tribunal estime que les conclusions des Arbitres Martin et Beaupré, voulant qu’ils n’aient pas la compétence pour déclarer la Loi 15 inopérante, ne sont pas erronées. Cependant, les motifs du Tribunal sont différents de ceux énoncés par ces arbitres.

6.4.2.1 Compétence pour décider une question de droit

[81] La Ville et la Procureure générale soutiennent que la Loi 15 n’accorde pas expressément à l’arbitre le pouvoir de trancher toute question de droit, car il n’y a aucune disposition dans cette loi indiquant que l’arbitre a ce pouvoir comme le législateur le prévoit, par exemple, pour le Tribunal administratif du travail[42] ou dans la Loi sur la justice administrative[43]. Dans cette dernière loi, le législateur a spéci­fiquement prévu que « le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit »[44].

[82] Elles plaident aussi qu’un tel pouvoir n’est pas implicitement confié à l’arbitre de la Loi 15, car celui-ci n’a pas un rôle juridictionnel. Son rôle est très limité, soit modifier les dispositions des régimes de retraite soumis à la Loi 15 et sa décision est soumise à Retraite Québec pour approbation. Aussi, le législateur a prévu de courts délais pour atteindre son objectif étant donné la nécessité urgente d’assurer la santé financière et la pérennité de ces régimes de retraite. Tous ces éléments indiquent que le législateur n’a pas voulu confier à l’arbitre de la Loi 15 le pouvoir de trancher des questions de droit.

[83] La Fraternité et les Syndicats sont évidemment d’opinion inverse. Ils con­viennent cependant qu’il est plus approprié que la Cour supérieure se prononce sur cette question constitutionnelle plutôt qu’un arbitre de la Loi 15.

[84] Le Tribunal estime que, contrairement à ce que soutiennent la Ville et la Pro­cureure générale, l’arbitre de la Loi 15 est un tribunal quasi judiciaire (juridictionnel), ou autrement appelé tribunal administratif, puisqu’il rend des décisions ayant un impact sur les droits des parties et est encadré par des règles de droit substantif et procédural[45].

[85] En effet, l’arbitre peut décider des modifications aux régimes de retraite, ce qui, en soi, impacte les droits de la Ville et des participants.

[86] De plus, l’article 46 de la Loi 15 prévoit que l’arbitre doit statuer « conformément aux règles de droit […] [sa] décision […] lie les parties et n’est pas susceptible d’appel ».

[87] L’article 49, quant à lui, stipule que « Sauf sur une question de compétence, aucun pourvoi en contrôle judiciaire […] ne peut être exercé ».

[88] Finalement, les articles du Code de procédure civile portant sur le déroulement de l’arbitrage et la sentence arbitrale s’appliquent à l’arbitre de la Loi 15, dont notam­ment l’article 632 C.p.c. qui prévoit :

L’arbitre procède à l’arbitrage suivant la procédure qu’il détermine; il est cependant tenu de veiller au respect des principes de la contradiction et de la proportionnalité.

Il a tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence, y compris celui de faire prêter serment, de nommer un expert ou de statuer sur sa propre compétence. […]

[Soulignements du Tribunal]

[89] Cependant, cet arbitre a-t-il expressément ou implicitement compétence pour trancher des questions de droit découlant de la Loi 15 au sens où l’entend la Cour suprême dans l’arrêt Martin[46].

[90] Le Tribunal considère que le législateur lui accorde explicitement cette com­pétence.

[91] Le législateur a prévu à l’article 46 de la Loi 15, l’obligation de statuer confor­mément aux règles de droit. Cette disposition accorde de façon explicite à l’arbitre de se saisir de questions de droit.

[92] En effet, si l’arbitre doit décider conformément aux règles de droit, c’est-à-dire conformément aux lois applicables, dont les chartes, il devra nécessairement décider de questions de droit.

[93] Même si le législateur n’a pas expressément prévu dans la Loi 15 que l’arbitre peut décider de « toute question de droit »[47], le Tribunal estime que l’article 46 de la Loi 15 a le même effet, surtout lorsqu’on le juxtapose à l’article 632 C.p.c. qui prévoit que l’arbitre a « tous les pouvoirs nécessaires à l’exercice de sa compétence » et qu’il existe une clause privative.

[94] Par ailleurs, même si le Tribunal avait conclu à l’absence de disposition expresse permettant à l’arbitre de la Loi 15 de se prononcer sur des questions de droit, il aurait décidé qu’une telle compétence est attribuée de façon implicite.

[95] Afin de déterminer si cette compétence implicite existe, la Cour suprême énonce certains facteurs que le Tribunal doit considérer[48] :

[48] […] b) La compétence implicite ressort de l’examen de la loi dans son ensemble. Les facteurs pertinents sont notamment les suivants : la mission que la loi confie au tribunal administratif en cause et la question de savoir s’il est nécessaire de trancher des questions de droit pour accomplir efficacement cette mission; l’interaction entre ce tribunal et les autres composantes du régime administratif; la question de savoir si le tribunal est une instance juridictionnelle; des considérations pratiques telle la capacité du tribunal d’examiner des questions de droit. Les considérations pratiques ne sauraient toutefois l’emporter sur ce qui ressort clairement de la loi elle-même. […]

[96] Bien que la mission que la Loi 15 confie à l’arbitre est particulière et limitée, l’arbitre pourrait être appelé à se prononcer sur des questions de droit, dont notamment celles touchant les éléments que le législateur lui demande de tenir compte afin d’établir les modifications au régime de retraite, lesquelles sont prévues à l’alinéa 2 de l’article 46 de la Loi 15. Des questions de droit peuvent aussi découler des paramètres que doivent respecter les régimes de retraite prévus aux articles 4 à 21 de la Loi 15. Par ailleurs, comme l’arbitre a le pouvoir de statuer sur sa propre compétence, il peut être appelé à se prononcer sur des questions de droit.

[97] La Loi 15 prévoit que la décision de l’arbitre est finale et qu’il n’est pas soumis au pouvoir de contrôle de la Cour supérieure, sauf sur une question de compétence. C’est un autre indice très important démontrant l’intention du législateur que l’arbitre puisse se saisir de questions de droit.

[98] Bien qu’en vertu de l’article 52 de la Loi 15, Retraite Québec puisse demander à l’arbitre, par le biais du Comité de retraite, de modifier sa décision, il faut comprendre que ce rôle de Retraite Québec est plutôt technique étant donné la clause privative.

[99] Par ailleurs, pour les motifs que le Tribunal mentionne plus haut, l’arbitre de la Loi 15 est une instance juridictionnelle.

[100] Les considérations pratiques soulevées par la Ville et la Procureure générale pour convaincre le Tribunal que l’arbitre de la Loi 15 n’a pas la compétence pour décider de question de droit portent principalement sur les courts délais accordés aux parties et à l’arbitre en vertu de la Loi 15.

[101] Le Tribunal croit que cet argument est tronqué en raison de la complexité que peuvent revêtir certaines questions constitutionnelles. À ce stade de l’analyse, il doit simplement être décidé si des questions de droit peuvent être soumises à l’arbitre. La complexité du débat qui pourrait résulter de questions constitutionnelles doit être analysée à l’étape suivante, soit celle qui consiste à déterminer si le législateur a voulu exclure les questions portant sur la Charte canadienne des questions de droit soumises à l’arbitre de la Loi 15.

[102] Il est vrai qu’il découle de l’ensemble des dispositions de la Loi 15 une volonté que les modifications surviennent rapidement pour assurer la pérennité des régimes de retraite. Cependant, ce délai n’est pas assorti d’une sanction s’il n’est pas respecté. De plus, il est courant pour le législateur d’imposer à un tribunal administratif de court délai notamment pour rendre leur décision sans que cela ne leur retire le pouvoir de décider des questions de droit. Par exemple, le Tribunal administratif du travail a trois mois pour rendre sa décision[49].

[103] Par ailleurs, il serait contre-productif aux yeux du Tribunal, s’il fallait conclure que l’arbitre ne peut trancher aucune question de droit.

[104] En effet, si l’arbitre ne peut trancher aucune question de droit, seule la Cour supérieure pourra le faire. Ainsi, le processus que le législateur veut rapide serait interrompu pour chaque question de droit soumise à l’arbitre.

[105] Le Tribunal estime donc que l’arbitre de la Loi 15 a la compétence explicite sinon implicite de trancher des questions de droit.

[106] Par conséquent, et selon les enseignements de la Cour suprême dans Martin[50], il est présumé avoir la compétence de décider si la Loi 15 doit être déclarée inopérante.

[107] Il reste alors à déterminer si le législateur a explicitement ou implicitement retiré ce pouvoir à l’arbitre de la Loi 15. Le Tribunal estime que oui.

6.4.2.2 Le pouvoir de décider de questions constitutionnelles a-t-il été retiré à l’arbitre?

[108] Même si le Tribunal conclut que la Loi 15 accorde le pouvoir à l’arbitre de trancher des questions de droit et que ce pouvoir est présumé inclure celui de se prononcer sur la constitutionnalité de cette loi en regard de la charte, le Tribunal considère qu’en l’espèce cette présomption est renversée.

[109] Il ne s’agit pas d’un retrait explicite de ce pouvoir puisqu’il n’y a aucune dispo­sition de la Loi 15 qui prévoit un tel retrait. Il s’agit d’un retrait implicite.

[110] Bien qu’en général des considérations pratiques soient insuffisantes pour réfuter une telle présomption, il est possible qu’elles soient suffisantes[51].

[111] Le Tribunal estime qu’ici les considérations pratiques privilégient que le débat sur la constitutionnalité de la Loi 15 se fasse devant la Cour supérieure plutôt que devant un arbitre de la Loi 15.

[112] D’abord, la Cour supérieure est déjà saisie du débat.

[113] De plus, la décision de la Cour supérieure sera applicable à tous alors que la décision arbitrale n’aura d’effet qu’entre les parties. Cet élément est d’autant plus important en l’espèce puisqu’il existe un risque sérieux que plusieurs organisations syndicales puissent soulever le même débat constitutionnel étant donné que les parties impliquées dans les présents dossiers ne sont pas les seules dont le processus prévu à la Loi 15 n’est pas encore terminé. Certaines municipalités et certains syndicats négocient encore et d’autres ont déjà saisi des arbitres.

[114] Il est contraire à l’économie du droit et à la proportionnalité des débats prévues au Code de procédure civile que plus d’une audience sur cette question ait lieu en parallèle, surtout que les décisions arbitrales feront fort probablement de nouveau l’objet de demande de contrôle judiciaire.

[115] La Cour supérieure bénéficiera d’une meilleure vue d’ensemble que l’arbitre de la Loi 15 puisque plusieurs parties sont déjà impliquées dans le débat qui se déroulera devant la Cour supérieure.

[116] Par ailleurs, il semble que le litige ne pourra pas procéder plus rapidement devant les Arbitres Martin ou Beaupré que devant la Cour supérieure, puisque l’avocat de la Procureure générale responsable de ces dossiers ne semble pas disponible avant l’automne 2017.

[117] Enfin, étant donné la décision du Tribunal sur la question de la suspension de l’arbitrage, confier la question de la constitutionnalité à la Cour supérieure ne retardera pas l’arbitrage quant aux modifications des régimes de retraite.

[118] À la lumière de ces multiples considérations pratiques, le Tribunal conclut qu’il est préférable que la Cour supérieure se prononce sur la constitutionnalité de la Loi 15 et non l’arbitre de la Loi 15. Le Tribunal conclut également que, pour ces mêmes consi­dérations pratiques, le législateur a retiré à l’arbitre de la Loi 15 la compétence pour décider de la question qui lui est soumise par la Fraternité et les Syndicats, à savoir la conformité de la Loi 15 aux chartes.

[119] Les Arbitres Martin et Beaupré ont donc rendu une décision correcte à cet égard.

6.5 La décision de l’arbitre, quant à son pouvoir de se saisir de la question de la suspension de l’arbitrage, est-elle déraisonnable?

[120] Rappelons que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique.

[121] Le Tribunal doit donc déterminer si la décision attaquée ainsi que sa justification possède les attributs de la décision raisonnable, tel que l’enseigne la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir[52] :

[47] […] Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[122] Bien que le Tribunal doive faire preuve de déférence à l’égard des décisions des arbitres puisqu’ils sont au cœur de leur compétence, il doit tout de même faire l’exercice d’analyser leur décision[53]. D’ailleurs, la Cour suprême confirme ce rôle comme suit[54] :

[48] […] Il ne s’en suit pas que les cours de justice doivent s’incliner devant les conclusions des décideurs ni qu’elles doivent respecter aveuglément leurs interprétations. […]

[123] Dans son arrêt Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc.[55], la Cour suprême précise :

[18] Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse au caractère raisonnable du résultat concret de la décision ainsi qu’au raisonnement qui l’a produit. Le raisonnement doit démontrer « la justification de la décision, [. . .] la transparence et [. . .] l’intelligibilité du processus décisionnel » […] Le résultat concret et les motifs, examinés ensemble, doivent servir à démontrer que le résultat appartient aux issues possibles […]. Si l’insuffisance des motifs d’un tribunal administratif ne justifie pas à elle seule le contrôle judiciaire, il faut néanmoins que les motifs « expliquent de façon adéquate le fondement de sa décision ».

6.5.1 La décision de l’Arbitre Beaupré

[124] Pour l’Arbitre Beaupré, la suspension de l’arbitrage est une mesure provi­sionnelle. Étant donné que le législateur n’a pas incorporé par référence l’article 638 C.p.c. qui confère à l’arbitre le pouvoir de se prononcer sur des mesures provi­sionnelles, l’Arbitre Beaupré conclut ne pas avoir le pouvoir d’accorder la suspension de l’arbitrage.

[125] Avec déférence, le Tribunal considère que la décision de l’Arbitre Beaupré est déraisonnable. Elle ne peut être une issue possible à la lumière des faits et du droit.

[126] La suspension de l’arbitrage ne peut être qualifiée de mesure provisionnelle ou de sauvegarde au sens de l’article 638 C.p.c. Il ne peut s’agir que d’une mesure de gestion d’instance qui relève de la compétence de l’arbitre de la Loi 15.

[127] Les commentaires de la ministre sur l’article 638 C.p.c. sont les suivants :

638. […] Les mesures provisionnelles ou de sauvegarde sont du même type que celles qui peuvent être rendues par un tribunal judiciaire en tenant compte de la particularité de l’arbitrage. Il s’agit, en faisant les adaptations nécessaires, en vertu des articles 509 et suivants du code, des ordon­nances de faire ou de ne pas faire, de la saisie avant jugement, du séquestre et, d’une façon générale, des ordonnances propres à sauve­garder les droits des parties.[56]

[128] Le Code de procédure civile prévoit quelles sont les mesures provisionnelles au titre I du livre VI. Ces mesures sont : l’injonction, la saisie avant jugement et le séquestre. D’ailleurs, le juge Louis Crête le confirme dans l’arrêt Berthout c. 1C2C Communications inc.[57] :

L'expression « mesures provisionnelles » est bien connue dans notre droit judiciaire et réfère manifestement aux mesures provisionnelles contenues au titre 1 du livre V du Code [l’ancien Code de procédure civile], c'est-à-dire à la saisie avant jugement, au séquestre judiciaire et à l'injonction. Le législateur est présumé cohérent : les dispositions d'une loi s'interprètent les unes en rapport avec les autres. Rien n'indique que les « mesures provisionnelles » qu'un juge peut accorder en vertu de l'article 940.4 [aujourd’hui 623C.p.c.] puissent couvrir autre chose que celles qui sont désignées sous cette même appellation dans le même Code de procédure. On retrouve l'expression avec le même sens également à l'article 100 du Code de procédure civile [aujourd’hui article 81 C.p.c.].

[129] Bien que cette décision porte sur l’article 940.4 (aujourd’hui 623 C.p.c.), le raisonnement s’applique à l’article 638 puisque ces articles traitent tous de mesures provisionnelles.

[130] Cette approche est également retenue par la Cour d’appel dans l’arrêt Joli-Coeur c. Joli-Coeur Lacasse Avocats, s.e.n.c.r.l.[58]

[131] Dans ses commentaires, la ministre réfère également à l’article 17.1 de la Loi type de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international sur l’arbitrage commercial, international[59]. Cette loi type définit les mesures provisoires, qui vraisemblablement sont des mesures provisionnelles, comme suit :

2) Une mesure provisoire est toute mesure temporaire, qu’elle prenne la forme d’une sentence ou une autre forme, par laquelle, à tout moment avant le prononcé de la sentence qui tranchera définitivement le différend, le tribunal arbitral ordonne à une partie:

a) De préserver ou de rétablir le statu quo en attendant que le différend ait été tranché;

b) De prendre des mesures de nature à empêcher, ou de s’abstenir de prendre des mesures susceptibles de causer, un préjudice immédiat ou imminent ou une atteinte au processus arbitral lui-même;

c) De fournir un moyen de sauvegarder des biens qui pourront servir à l’exécution d’une sentence ultérieure; ou

d) De sauvegarder les éléments de preuve qui peuvent être pertinents et importants pour le règlement du différend.

[132] Ainsi, la loi type semble limiter la portée du terme « mesure provisoire » aux ordonnances qui enjoignent une partie de faire certaines démarches pour sauvegarder les droits de l’autre partie tout comme les mesures provisionnelles prévues aux articles 509 et suivants C.p.c. Ces expressions ne visent pas les mesures de gestion relatives au déroulement de l’instance.

[133] La suspension de l’arbitrage, contrairement à une mesure provisionnelle, ne vise pas à protéger les droits des parties pendant l’instance puisqu’elle suspend celle-ci.

[134] Pour la même raison, la suspension de l’arbitrage n’est pas plus une mesure de sauvegarde.

[135] Dans ses commentaires à l’égard de l’article 638 C.p.c. dans Le grand collectif[60], l’auteur Pierre J. Dalphond fournit quelques exemples d’ordonnance de sauvegarde et la suspension de l’instance n’en est pas une :

Par ordonnance de sauvegarde, il faut comprendre des ordonnances requises pour préserver les droits des parties, autres que celles qualifiées de mesures provisionnelles, on peut penser à l’autorisation d’interroger un tiers qui risque de ne plus être disponible, l’autorisation de contracter une assurance aux frais des parties, une ordonnance à une partie de payer un montant requis pour préserver un bien, et toute autre ordonnance requise pour empêcher que l’arbitrage ne devienne sans objet. Ces ordonnances de sauvegarde, tout comme les mesures provisionnelles que sont l’injonc­tion, la mise sous séquestre, la saisie avant jugement, impliquent toutes que les audiences continuent de se dérouler.

[Soulignements du Tribunal]

[136] Les mesures provisionnelles et ordonnances de sauvegarde impliquent que l’audience se poursuive. Or, la suspension de l’arbitrage vise exacte­ment l’inverse.

[137] D’autre part, l’article 638 C.p.c. prévoit la possibilité d’obtenir l’homologation d’une mesure provisionnelle rendue par un arbitre afin de lui donner la force exécu­toire d’un jugement. Cette possibilité n’est évidemment pas compatible avec une suspension de l’arbitrage. Une telle décision de la part de l’arbitre ne nécessite pas d’homo­logation.

[138] La suspension de l’arbitrage ne peut donc pas être de la nature d’une mesure provisionnelle. Elle relève plutôt de la gestion de l’instance. La Loi 15 prévoit que l’arbitre peut, en vertu de l’article 632 C.p.c., lequel est incorporé à la Loi 15 par le biais de son article 48, procéder à l’arbitrage selon la procédure qu’il détermine.

[139] Le Tribunal considère, avec respect, que la décision de l’Arbitre Beaupré statuant que la suspension de l’arbitrage demandée par les Syndicats est une mesure provisionnelle et qu’il n’a pas compétence pour l’accorder est déraison­nable et doit être révisée.

[140] Il n’est cependant pas justifié de retourner le dossier à l’Arbitre Beaupré puisque la seule décision possible est que l’arbitrage est une mesure de gestion et qu’en vertu des articles 48 de la Loi 15 et 632 C.p.c. l’arbitre de la Loi 15 possède le pouvoir de se prononcer sur l’opportunité de l’accorder ou non. Le Tribunal tient également compte de sa décision sur l’opportunité de suspendre l’arbitrage qui suit à la section 6.6 du présent jugement.

[141] Il s’agit d’un cas exceptionnel où le Tribunal peut rendre la décision qui aurait dû être rendue, car une seule solution est envisageable[61].

6.5.2 La décision de l’Arbitre Martin

[142] Pour l’Arbitre Martin, la suspension de l’arbitrage est une mesure de gestion d’instance qui relève de sa compétence.

[143] Pour les motifs exprimés plus haut, la décision de l’Arbitre Martin est raison­nable.

6.6 La décision de l’arbitre, quant à l’opportunité de suspendre l’arbitrage, est-elle déraisonnable?

[144] Rappelons que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable.

[145] L’analyse à laquelle doit se livrer le Tribunal est la même que pour la question précédente, soit de déterminer si la décision attaquée fait partie des issues possibles et si le processus décisionnel est intelligible et transparent.

6.6.1 La décision de l’Arbitre Martin

[146] L’Arbitre Martin considère que les critères énoncés dans Metropolitan Stores[62], soit le droit apparent à la suspension, le préjudice sérieux ou irréparable si la suspension n’est pas accordée et la balance des inconvénients incluant le critère de l’intérêt public sont satisfaits et il suspend l’arbitrage.

[147] La Ville et la Procureure générale font valoir que la décision de l’Arbitre Martin est déraisonnable puisque les critères énoncés dans l’arrêt Metropolitan Stores[63] ne sont pas satisfaits. Ainsi, bien qu’il reconnaisse que la Fraternité ne démontre pas l’existence d’un préjudice sérieux ou irréparable, il considère tout de même le critère de la balance des inconvénients.

[148] De plus, selon la Ville et la Procureure générale, il occulte le critère de l’intérêt public, voulant qu’une loi doive demeurer en vigueur même si sa constitutionnalité est contestée jusqu’à un jugement final sur cette question, à moins de circonstances excep­tionnelles comme l’enseigne la Cour suprême[64].

[149] Pour sa part, la Fraternité soutient que si le Tribunal conclut que l’arbitre de la Loi 15 a la compétence pour déclarer inopérante cette loi, la suspension est régie par les critères énoncés dans l’arrêt Manioli[65]. Bien que l’Arbitre Martin affirme appliquer les critères de Metropolitan Stores[66], elle fait valoir que la décision de l’Arbitre Martin n’est pas pour autant déraisonnable, car il les applique avec souplesse en s’approchant de ceux énoncés dans Manioli[67].

[150] Elle concède cependant que si l’arbitre de la Loi 15 n’a pas compétence pour décider des questions constitutionnelles, les critères à respecter pour obtenir la suspension de l’arbitrage sont ceux énoncés dans l’arrêt Metropolitan Stores[68]. Dans ces circonstances, la Fraternité reconnaît n’avoir fait aucune preuve devant l’Arbitre Martin quant au préjudice sérieux ou irréparable. Le Tribunal comprend qu’elle concède que les critères énoncés dans Metropolitan Stores[69] ne sont pas satisfaits.

[151] Avec respect, le Tribunal considère que l’Arbitre Martin rend une décision dérai­sonnable en décidant de suspendre l’arbitrage.

[152] Rappelons que, selon l’arrêt Metropolitain Stores[70], pour que la suspension de l’arbitrage soit accordée, la partie qui la requiert, soit la Fraternité, doit prouver une apparence de droit, un préjudice sérieux ou irréparable et que la balance des incon­vénients la favorise. Si la preuve du préjudice sérieux ou irréparable n’est pas faite, l’analyse ne peut aller plus loin.

[153] Bien que l’Arbitre Martin conclue que la Fraternité ne fait pas la preuve d’un préjudice irréparable (par. 77 de sa décision), il semble considérer qu’il y a un préjudice sérieux ou un état de fait ou de droit que le jugement sur l’assujettissement ou la constitutionnalité ne pourra corriger (par. 78 de sa décision). Par la suite, il soupèse la balance des inconvénients.

[154] Avec respect, le Tribunal considère que l’Arbitre Martin rend une décision déraisonnable puisque pour conclure à un préjudice sérieux, il tient pour acquis que la Loi 15 sera invalidée et qu’il faudra remettre les parties dans leur situation antérieure.

[155] En effet, l’arbitre s’inquiète des difficultés qu’impliquerait la remise en état des parties advenant que la suspension n’ait pas lieu et que la Cour supérieure déclare la Loi 15 invalide.

[156] Or, la Loi 15 n’a pas encore été déclarée invalide. De plus, la Fraternité reconnaît, dans les procédures dont est saisi le juge Moulin, qu’il est possible, si la Loi 15 est inconstitutionnelle, de replacer le régime dans l’état où il se trouvait avant, puisqu’elle le demande dans ses conclusions[71].

[157] La jurisprudence enseigne aussi que procéder devant un organisme dont la compétence est contestée n’est pas en soi un préjudice irréparable[72] :

[27] Être obligé de procéder devant un organisme dont la compétence est contestée ne constitue pas un préjudice irréparable.

[28] […] participer devant un tribunal administratif à des procédures qui peuvent être invalidées ultérieurement est moins grave que de paralyser tout le processus.

[158] Par ailleurs, la Fraternité reconnaît que devant l’Arbitre Martin, elle n’a pas fait la preuve d’un préjudice sérieux ou irréparable.

[159] En l’absence d’un préjudice sérieux ou irréparable, l’Arbitre Martin ne pouvait s’intéresser au troisième critère, soit la balance des inconvénients. Il devait rejeter la demande de suspension de l’arbitrage.

[160] Enfin, dans l’arrêt RJR — Macdonald Inc.[73], la Cour suprême enseigne que la partie qui demande la suspension de la loi « doit établir que la suspension de l’application de la loi serait elle-même à l’avantage du public. » [74] Pourtant, l’Arbitre Martin ne discute pas de ce sujet dans sa décision.

[161] Avec égard, le Tribunal estime que l’Arbitre Martin omet de considérer l’intérêt public et de lui accorder le poids que la jurisprudence enseigne de lui donner[75].

[162] Normalement, le dossier devrait être retourné à l’Arbitre Martin afin qu’il décide en fonction des paramètres énoncés plus haut. Toutefois, étant donné la preuve au dossier, l’admission de la Fraternité qu’elle n’a pas fait la preuve d’un préjudice sérieux ou irréparable et l’intérêt public, le Tribunal considère qu’il lui est possible de rendre la décision qui aurait dû être rendue. Dans ce dossier bien particulier, le Tribunal estime qu’il n’y a qu’une seule décision qui puisse être rendue et exceptionnellement, il peut rendre la décision qui aurait dû être rendue[76]. La suspension de l’arbitrage ne doit pas être accordée.

6.6.2 La décision de l’Arbitre Beaupré

[163] S’il avait décidé avoir compétence pour se prononcer sur la suspension, l’Arbitre Beaupré ne l’aurait pas accordée.

[164] Comme la décision de ne pas suspendre l’arbitrage est soumise à la norme de con­trôle de la décision raisonnable, il n’est pas suffisant d’affirmer que la décision est déraisonnable parce qu’elle est différente de la décision de l’Arbitre Martin ou encore parce que l’arbitre n’applique pas les critères pour l’accorder qui sont appliqués par les tribu­naux pour la suspension d’instance.

[165] Les Syndicats ne démontrent pas en quoi la décision de l’Arbitre Beaupré est déraisonnable ni en quoi les critères qu’il a retenus sont déraisonnables.

[166] Rappelons que les critères retenus par l’Arbitre Beaupré sont ceux appliqués par la Cour suprême dans l’arrêt Metropolitan Stores[77]où l’employeur demandait la suspen­sion des audiences devant un tribunal administratif le temps que la constitutionnalité des dispo­sitions que devait appliquer le tribunal administratif soit décidée par les tribunaux supérieurs. Il n’apparaît pas déraisonnable de suivre ces critères même si la situation en l’espèce n’est pas identique.

[167] Il est vrai que l’arbitre aurait pu choisir d’appliquer les critères énoncés dans l’arrêt Manioli[78], mais il aurait été déraisonnable en l’espèce de ne pas tenir compte de l’intérêt public puisqu’il est question de suspendre l’application d’une loi alors que son inconstitutionnalité n’est pas encore décidée.

[168] Or, le Tribunal estime que dès que le critère de l’intérêt public doit être analysé, en l’espèce une seule issue est possible : la preuve n’a pas été faite que l’intérêt public serait mieux servi si la suspension était accordée[79].

[169] La décision de l’Arbitre Beaupré quant au refus de suspendre l’arbitrage n’est pas déraisonnable.

[170] Par ailleurs, contrairement à ce que font valoir les Syndicats, l’Arbitre Beaupré n’a pas dérogé au principe de justice naturelle en n’obtenant pas des parties leur point de vue sur la décision rendue par un autre arbitre[80] portant sur la Loi 15 alors qu’il en cite dans sa propre décision et sur le procès-verbal de la conférence de gestion dont il traite dans sa décision.

[171] Le Tribunal estime que l’Arbitre Beaupré n’a pas violé les règles de justice naturelle. Un arbitre peut se référer à la jurisprudence autre que celle soumise par les parties surtout lorsqu’elle ne porte pas sur un nouveau moyen[81].

[172] En l’espèce, l’Arbitre Beaupré s’appuie sur cette autre décision pour faire ressortir le caractère urgent de la Loi 15. Or, les parties ont soulevé ce moyen devant l’Arbitre Beaupré[82].

[173] Quant au procès-verbal de la conférence de gestion, les Syndicats en avait reçu une copie et, tout comme la Ville, ils avaient le temps de transmettre à l’arbitre leurs commentaires, s’ils le jugeaient approprié. Ils ont plutôt choisi de ne pas le faire. Ils sont donc forclos d’en faire reproche à l’arbitre[83].

6.6.3 Frais

[174] Le Tribunal estime que chaque partie doit assumer les frais de justice, étant donné le sort des différentes demandes.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[175] REJETTE le pourvoi en contrôle judiciaire de la Fraternité des policiers et policières de Montréal à l’égard de la décision de l’arbitre MeClaude Martin;

[176] DÉCLARE que l’arbitre Me Claude Martin n’a pas la compétence pour se saisir d’une question relative à la validité constitutionnelle de la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal;

[177] ACCUEILLE en partie le pourvoi en contrôle judiciaire de la Ville de Montréal et de la Procureure générale du Québec quant à la décision de l’arbitre Me Claude Martin;

[178] MODIFIE les conclusions de la décision de l’arbitre Me Claude Martin pour qu’elles se lisent comme suit :

REJETTE la demande de suspension de la Fraternité des policiers et policières de Montréal;

CONVOQUE les parties pour la suite de l’arbitrage;

[179] ACCUEILLE en partie le pourvoi en contrôle judiciaire déposé par Syndicat des profes­sionnelles et professionnels municipaux de Montréal, Syndicat professionnel des scien­tifiques à pratique exclusive de Montréal, Syndicat des employées et employés profes­sionnels-les et de bureau (SEPB) section locale 571 (Unité juriste) et Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau (SEPB) section locale 571 (Unité architecte) à l’égard de la décision de l’arbitre René Beaupré, CRIA;

[180] DÉCLARE que l’arbitre René Beaupré, CRIA n’a pas la compétence pour se saisir d’une question relative à la validité constitutionnelle de la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal;

[181] DÉCLARE que l’arbitre René Beaupré, CRIA a compétence pour décider de suspendre ou non l’arbitrage;

[182] DÉCLARE que l’arbitre René Beaupré, CRIA a rendu une décision raisonnable en refusant de suspendre l’arbitrage;

[183] CHAQUE PARTIE PAYANT SES FRAIS DE JUSTICE.

__________________________________

Chantal Lamarche, j.c.s.

Mes Frédéric Poirier et Richard Coutu

BÉLANGER SAUVÉ

Avocats de Ville de Montréal

Mes Laurent Roy, Me Félix Martineau

ROY BÉLANGER DUPRAS

Avocats de la Fraternité des policiers et policières de Montréal

Me Stéphanie Bouchard

ROY BÉLANGER DUPRAS

Fédération des policiers et policières municipaux du Québec

Me Julien David Hobson

ROY BÉLANGER DUPRAS

Syndicat des pompiers et pompières du Québec (SPQ)

Me Claude Leblanc

PHILION LEBLANC BEAUDRY

Avocat de Ass. des pompiers de Montréal (APM), Ass. des pompiers professionnels de la Ville de Québec (APPQ), Ass. des pompiers de la Ville de Laval (APL), Ass. des pompiers et pompières de Gatineau et Ass. des pompiers et pompières de l’agglomération de Longueuil

Mes Michel Déom et Ruth Arless-Frandsen

BERNARD, ROY (Justice Québec)

Avocats de la Procureure générale du Québec

Me Katty Duranleau

TRUDEL NADEAU

Avocate de Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de Montréal et

Syndicat professionnel des scientifiques à pratique exclusive de Montréal

Mes Sophie Cloutier et Frédéric Antoine Tremblay

POUDRIER BRADET

Avocats de Fédération indépendante des syndicats autonomes (FISA) et Centrale des syndicats démocratiques (CSD)

Me Maude Pépin-Hallé

LAROCHE MARTIN

Avocate de la Fédération des employées et employés de services publics inc. (CSN) et Confédération des syndicats nationaux

Me Ronald Cloutier

Me Yves Morin

LAMOUREUX, MORIN, LAMOUREUX

Avocats du Syndicat canadien de la fonction publique

Me Pierrick Choinière-Lapointe et Mme Aude Baugeois, stagiaire

GINGRAS CADIEUX, SEPB-QUÉBEC

Avocat de Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau (SEPB) section locale 571 (unité juriste), Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau (SEPB) section locale 571 (unité architecte) et Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau section locale 610 (SEPB) CTC-FTQ

Dates d’audience :

28, 29 et 30 septembre 2016



ANNEXE I

Articles 4 à 21 de la Loi favorisant la santé financière et la pérennité des régimes de retraite à prestations déterminées du secteur municipal :

CHAPITRE II

RESTRUCTURATION DES RÉGIMES DE RETRAITE ÉTABLIS PAR UN ORGANISME MUNICIPAL

SECTION I

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

4. Tout régime de retraite visé par la présente loi doit faire l’objet d’une évaluation actuarielle complète établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2013.

Le rapport relatif à cette évaluation actuarielle doit être transmis à Retraite Québec au plus tard le 31 décembre 2014.

La table de mortalité 2014 pour le secteur public (CPM 2014Publ) de l’Institut canadien des actuaires, un taux d’intérêt maximal de 6% ainsi que les autres hypothèses démographiques de l’évaluation actuarielle précédente doivent être utilisés aux fins de cette évaluation. Cette table peut être ajustée pour tenir compte des caractéristiques particulières d’un régime. Le rapport actuariel doit faire état des motifs qui justifient cet ajustement.

La part de tout déficit imputable aux retraités au 31 décembre 2013 et celle imputable aux participants actifs le 1er janvier 2014 devront être présentées séparément. Pour déterminer la part des déficits imputables à chacun de ces groupes, l’actif du régime est réparti au prorata des passifs établis selon l’approche de capitalisation. Lorsqu’un régime comporte un volet à cotisation déterminée, l’actif et le passif de ce volet ne sont pas considérés aux fins de la répartition.

Tout participant qui ne bénéficie pas d’une rente de retraite est un participant actif aux fins de la présente loi.

5. Aux fins du calcul des parts des déficits imputables aux participants actifs, aux retraités et aux organismes municipaux en application de la présente loi, les gains accumulés dans la réserve à l’égard du service antérieur au 1er janvier 2014, les montants accumulés dans le fonds de stabilisation à l’égard du service postérieur au 31 décembre 2013 et, le cas échéant, ceux accumulés dans un fonds de stabilisation dont il est question à l’article 61, devront être soustraits des déficits constatés dans l’évaluation actuarielle établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2013, dans celle établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2014 ou dans celle établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2015. Toutefois, le fonds de stabilisation constitué conformément au paragraphe 3° du premier alinéa de l’article 7 ne doit pas être pris en compte dans l’évaluation actuarielle établie avec les données établies au 31 décembre 2015.

6. Les modifications qu’il sera convenu d’apporter au terme du processus de restructuration entrepris conformément au présent chapitre devront porter distinctement sur le service postérieur au 31 décembre 2013 et sur celui qui prend fin à cette date.

SECTION II

SERVICE POSTÉRIEUR AU 31 DÉCEMBRE 2013

7. Tout régime de retraite doit être modifié afin d’y prévoir qu’à compter du 1er janvier 2014:

1° la cotisation d’exercice est partagée à parts égales entre l’organisme municipal et les participants actifs;

2° le déficit afférent, le cas échéant, est assumé à parts égales entre l’organisme municipal et les participants actifs, à l’exception des régimes auxquels aucun nouveau participant ne pouvait adhérer après le 31 décembre 2013;

3° un fonds de stabilisation alimenté par une cotisation de stabilisation partagée à parts égales entre l’organisme municipal et les participants actifs et ayant pour but de mettre le régime à l’abri d’écarts défavorables susceptibles de l’affecter ultérieurement est constitué.

Malgré le paragraphe 1° du premier alinéa, lorsque les participants actifs contribuent à 35% ou moins le 31 décembre 2013, le régime peut être modifié pour prévoir une augmentation graduelle de cette proportion qui doit atteindre la moitié de l’écart à combler entre cette proportion et 50% de la cotisation d’exercice au plus tard le 1er janvier 2017, la proportion de 50% de la cotisation d’exercice devant être atteinte au plus tard le 1er janvier 2020.

8. Le 1er janvier 2014, la cotisation d’exercice ne doit pas excéder 18% de la masse salariale des participants actifs, telle que définie au régime aux fins de l’établissement de la rente. Cette cotisation ne peut excéder 20% pour les policiers et les pompiers.

Toutefois, lorsque l’âge moyen des participants actifs d’un régime est supérieur à 45 ans le 31 décembre 2013, la proportion maximale de la masse salariale que peut atteindre la cotisation d’exercice conformément au premier alinéa peut être majorée de 0,6 point de pourcentage pour chaque année complète d’écart. De plus, une majoration maximale de 0,5 point de pourcentage est permise lorsque la représentation féminine est supérieure à 50% des participants actifs. Dans ce dernier cas, le rapport prévu au deuxième alinéa de l’article 4 doit justifier que cette majoration est nécessaire en vue de permettre le versement de prestations équivalentes à celles qui auraient été versées n’eût été de cette caractéristique. Pour les régimes dont le degré de capitalisation est supérieur à 100%, une majoration de 0,25 point de pourcentage est également permise pour chaque tranche de 1% d’actif qui excède la valeur des obligations au titre des prestations constituées à la fin de l’exercice visée par l’évaluation actuarielle établie au 31 décembre 2013.

Lorsque la cotisation d’exercice établie dans l’évaluation actuarielle prévue au deuxième alinéa de l’article 4 excède de plus de quatre points de pourcentage la proportion maximale de la masse salariale que peut atteindre la cotisation d’exercice conformément au premier alinéa, l’excédent peut être réduit de moitié le 1er janvier 2014 et le reste de cet excédent à la suite de l’évaluation actuarielle complète subséquente. L’âge moyen des participants actifs et la représentation féminine alors constatés dans cette évaluation actuarielle devront être pris en compte et la proportion maximale de la masse salariale réajustée en conséquence, le cas échéant.

Le montant représentant la différence entre la cotisation d’exercice payée par l’organisme municipal le 31 décembre 2013 et la cotisation d’exercice payable par cet organisme municipal en application du présent article doit être versé, à titre de cotisation d’équilibre, en vue d’accélérer le remboursement des déficits dont il est question au troisième alinéa de l’article 12.

9. La cotisation de stabilisation prévue au paragraphe 3° du premier alinéa de l’article 7 représente au moins 10% de la cotisation d’exercice, établie sans tenir compte d’une marge pour écarts défavorables prévue par l’Institut canadien des actuaires. Elle est versée à parts égales par l’organisme municipal et par les participants actifs dans le fonds visé à ce paragraphe à compter de la date de l’entente à intervenir ou de la décision de l’arbitre en application du chapitre IV. Les gains actuariels générés à compter du 1er janvier 2014 doivent aussi y être versés.

La valeur que doit atteindre ce fonds de stabilisation doit être calculée de la même manière que la provision pour écarts défavorables constituée à l’égard des engagements du régime pris avant le 1er janvier 2014.

10. L’organisme municipal et les participants actifs peuvent cesser de verser la cotisation de stabilisation lorsque le fonds de stabilisation a atteint la valeur prescrite au deuxième alinéa de l’article 9.

11. Aucun régime de retraite ne doit prévoir l’indexation automatique de la rente à la retraite. Toutefois, une indexation ponctuelle de la rente peut être prévue lorsqu’un excédent, défini au deuxième alinéa de l’article 19, est constaté dans une évaluation actuarielle postérieure à celle du 31 décembre 2013.

Toute indexation utilisée pour calculer la rente différée ou la rente normale n’est pas visée par le premier alinéa.

SECTION III

SERVICE ANTÉRIEUR AU 1ER JANVIER 2014

12. Tout régime de retraite doit être modifié le 1er janvier 2014 afin de prévoir que les participants actifs et l’organisme municipal assument, à parts égales, les déficits imputables à ces participants pour le service accumulé avant le 1er janvier 2014, tel que constaté au 31 décembre 2013. L’organisme municipal et les participants actifs peuvent aussi convenir d’une modification prévoyant un partage des déficits qui pourrait atteindre un maximum de 55% pour l’organisme municipal et un minimum de 45% pour les participants actifs.

Lorsque plusieurs catégories d’employés participent à un même régime, les déficits peuvent être répartis entre les catégories définies dans ce régime de la manière déjà convenue entre les participants actifs et l’organisme municipal dès qu’une majorité de catégories en fait la demande. Le comité de retraite informe Retraite Québec de cette décision et lui transmet les données concernant les déficits totaux et la part de ceux-ci imputables à chacune de ces catégories.

La part des déficits imputable à l’organisme municipal doit être remboursée sur une période maximale de 15 ans et ces déficits ne peuvent être consolidés.

13. Aucun régime de retraite ne doit prévoir l’indexation automatique de la rente. Toutefois, une indexation ponctuelle peut être prévue lorsqu’un excédent, défini au deuxième alinéa de l’article 19, est constaté dans une évaluation actuarielle postérieure à celle du 31 décembre 2013.

Toute indexation utilisée pour calculer la rente différée ou la rente normale n’est pas visée par le premier alinéa.

14. L’abolition de l’indexation automatique prévue dans un régime de retraite réduit la part des déficits imputables aux participants actifs. Lorsque l’abolition de cette indexation représente plus que la part des déficits qui leur sont imputables en application du premier alinéa de l’article 12, le montant excédant cette part doit être comptabilisé sous forme de gains actuariels dans la réserve. Ces gains ne peuvent être utilisés qu’aux fins de l’indexation ponctuelle de la rente ou, à défaut d’une telle indexation, aux fins convenues entre l’organisme municipal et les participants actifs.

Lorsque l’abolition de cette indexation représente moins que la part des déficits qui leur sont imputables en application du premier alinéa de l’article 12 ou en l’absence d’une telle indexation, les participants actifs assument le solde de leur part soit par la réduction de leurs prestations à compter du 1er janvier 2014, soit par le versement, durant une période maximale de cinq ans, d’une cotisation représentant annuellement au plus 3% de leur masse salariale, soit par la réduction de leurs prestations et par le versement d’une telle cotisation, tel que prévu dans l’entente ou par l’arbitre en application du chapitre IV.

15. Tout nouveau déficit afférent au service antérieur au 1er janvier 2014, constaté dans une évaluation actuarielle postérieure au 31 décembre 2013, est à la charge de l’organisme municipal.

16. L’indexation automatique de la rente des retraités au 31 décembre 2013 peut être suspendue en totalité ou en partie par l’organisme municipal à compter du 1er janvier 2017 lorsqu’il est démontré que le régime n’est pas pleinement capitalisé dans une évaluation actuarielle établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2015. Les retraités et l’organisme municipal assument alors à parts égales les déficits imputables aux retraités, à moins que l’organisme municipal ne décide d’en assumer une part plus élevée qui peut atteindre 55%. Lorsque la valeur de la suspension est supérieure à la part des déficits qui doit être assumée par les retraités, le solde continue d’être versé aux retraités sous la forme d’une indexation automatique partielle.

Si les déficits constatés dans l’évaluation actuarielle établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2015 sont supérieurs à ceux établis dans l’évaluation actuarielle établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2013, la valeur de la suspension de l’indexation est basée sur cette dernière évaluation.

Lorsque l’indexation automatique de la rente des retraités a été suspendue et que l’excédent d’actif à l’égard du service antérieur au 1er janvier 2014, défini au deuxième alinéa de l’article 19, est constaté dans une évaluation actuarielle postérieure à celle établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2015, la rente des retraités est augmentée à la date d’indexation prévue dans le régime dans l’année suivant cette évaluation actuarielle. La rente ainsi augmentée est égale à la rente qui aurait été versée par le régime s’il n’y avait pas eu de suspension de l’indexation depuis l’évaluation actuarielle précédente. Si l’excédent d’actif est insuffisant pour financer l’augmentation totale, l’ajustement se fera en fonction de l’excédent disponible pour financer cette augmentation.

Si des excédents d’actif subsistent après l’application du troisième alinéa, la rente sera indexée annuellement selon la formule prévue au régime le 31 décembre 2013, en partie ou en totalité, jusqu’à la prochaine évaluation actuarielle complète en tenant compte de l’indexation automatique partielle, le cas échéant. En aucun temps la rente ne peut être supérieure à ce qui aurait été versé par le régime si l’indexation n’avait pas été suspendue par la présente loi.

Les indexations prévues au troisième et au quatrième alinéa doivent être établies à chaque évaluation actuarielle postérieure à celle établie avec les données arrêtées au 31 décembre 2015 lorsqu’un excédent d’actif défini au deuxième alinéa de l’article 19 est constaté.

La part des déficits imputable à l’organisme municipal doit être remboursée sur une période de 15 ans et ces déficits ne peuvent être consolidés.

Tout nouveau déficit imputable aux retraités au 31 décembre 2013 et constaté dans une évaluation actuarielle postérieure au 31 décembre 2015 est à la charge de l’organisme municipal.

17. L’organisme municipal qui désire se prévaloir du premier alinéa de l’article 16 doit au préalable informer les retraités de son intention et leur donner l’occasion de se faire entendre.

À cette fin, les retraités doivent être convoqués à une séance d’information organisée par le comité de retraite au cours de laquelle les représentants de l’organisme municipal devront leur faire part de la situation financière du régime constatée dans l’évaluation actuarielle au 31 décembre 2015 et de l’effort qui leur est demandé.

L’organisme municipal transmet à Retraite Québec pour information, sa décision motivée ainsi qu’un compte rendu de cette séance.

SECTION IV

CONDITIONS DE RÉALISATION

18. Un régime peut prévoir à l’égard des participants actifs la modification, la suspension, l’abolition ou le rétablissement de toute prestation autre que la rente normale, à compter du 1er janvier 2014.

En ce qui concerne la rente normale, les modifications portant sur la définition des salaires sur lesquels cette rente est basée peuvent concerner tant le service antérieur au 1er janvier 2014 que le service postérieur au 31 décembre 2013. Toutefois, le taux d’accumulation de la rente normale ne peut être modifié qu’à l’égard du service postérieur au 31 décembre 2013.

Les rentes versées aux retraités au 31 décembre 2013, à leur conjoint survivant ou à tout autre bénéficiaire prévu au régime de retraite ne peuvent être réduites. Il en est de même des rentes auxquelles auront droit les conjoints et autres bénéficiaires des retraités au 31 décembre 2013.

La prestation additionnelle prévue à l’article 60.1 de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (chapitre R-15.1) doit être abolie le 1er janvier 2014 à l’égard des participants actifs.

19. Le régime doit prévoir que tout engagement supplémentaire résultant d’une modification au régime doit être payé en entier dès le jour qui suit la date de l’évaluation actuarielle établissant la valeur de cet engagement. Cette valeur correspond à la plus élevée entre celle calculée selon l’approche de solvabilité et celle calculée selon l’approche de capitalisation. Les excédents d’actif du régime peuvent être imputés au paiement de cet engagement.

L’excédent d’actif représente, à l’égard du service postérieur au 31 décembre 2013, la différence entre l’actif du régime et la somme de son passif et du montant correspondant à la valeur que doit atteindre le fonds de stabilisation ou, à l’égard du service antérieur au 1er janvier 2014, la différence entre l’actif du régime et la somme de son passif et de la provision pour écarts défavorables. La valeur actualisée des cotisations d’équilibre relatives aux déficits prévus au troisième alinéa de l’article 12 ou au sixième alinéa de l’article 16 doit être incluse dans la valeur de l’actif.

Le montant comptabilisé dans la réserve en application du premier alinéa de l’article 14 n’est pas pris en compte dans le calcul de l’excédent d’actif prévu au deuxième alinéa.

20. Les excédents d’actif ne peuvent être affectés à l’acquittement des cotisations, sauf si une règle fiscale l’oblige. Ils doivent être utilisés distinctement à l’égard du service postérieur au 31 décembre 2013 et à l’égard du service qui prend fin à cette date.

À l’égard du service prenant fin le 31 décembre 2013, ces excédents doivent être affectés en priorité au rétablissement de l’indexation des rentes des retraités au 31 décembre 2013 conformément aux troisième et quatrième alinéas de l’article 16. Une fois cette indexation rétablie, les excédents doivent d’abord servir à constituer une provision équivalant à la valeur de l’indexation suspendue en vue du versement d’une indexation de la rente de ces mêmes retraités à la suite des évaluations actuarielles postérieures.

Par la suite, et à moins que l’organisme municipal et les participants actifs n’aient convenu d’une participation et d’un ordre différents, les excédents d’actif doivent être utilisés aux fins et selon l’ordre suivants:

1° à la constitution d’une provision en vue de verser une indexation ponctuelle aux participants actifs lorsqu’il a été convenu d’une telle indexation en application de l’article 13;

2° au remboursement des dettes contractées par le régime à l’égard de l’organisme municipal et des participants au 31 décembre 2013;

3° au financement d’améliorations au régime autres que l’indexation des rentes.

À moins que l’organisme municipal et les participants actifs n’aient convenu d’une répartition et d’un ordre différents des excédents d’actif, ceux-ci doivent, à l’égard du service postérieur au 31 décembre 2013, être utilisés aux fins et selon l’ordre suivants:

1° au versement, dans le fonds de stabilisation, des montants nécessaires lorsqu’il a été convenu d’une indexation ponctuelle des rentes à l’égard des participants;

2° au financement d’améliorations au régime.

21. Les articles 20 et 21 de la Loi sur les régimes complémentaires de retraite (chapitre R-15.1) ne s’appliquent pas à une modification apportée à un régime en application de la présente loi.

[1] RLRQ, c. S-2.1.1.

[2] Syndicat des professionnelles et professionnels municipaux de Montréal, Syndicat professionnel des scientifiques à pratique exclusive de Montréal, Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau (SEPB) section locale 571 (Unité juriste) et Syndicat des employées et employés professionnels-les et de bureau (SEPB) section locale 571 (Unité architecte).

[3] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982.

[4] RLRQ, C-12.

[5] Pièce P-13, dossier no 500-17-094487-165.

[6] Centre universitaire de santé McGill (CUSM) c. Association des résidents de McGill (ARM), 2010 QCCA 385 (CanLII); Syndicat des salariés de Béton St-Hubert — CSN c. Béton St-Hubert inc., 2010 QCCA 2270 (CanLII); Paradis c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, 2012 QCCA 2088 (CanLII).

[7] 1987 CanLII 79 (CSC), [1987] 1 RCS 110.

[8] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., id.

[9] Dossier no 500-17-094499-160.

[10] 2003 CSC 54 (CanLII), [2003] 2 R.C.S. 504.

[11] Dossier no 500-17-094487-165.

[12] Dossier no 500-17-094491-167.

[13] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7.

[14] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7.

[15] 2008 QCCS 3637 (CanLII).

[16] Dossier no 500-17-094642-165.

[17] Comme mentionné précédemment, bien que l’Arbitre Beaupré considère ne pas avoir la compétence de se saisir de la question de la suspension, il indique qu’avoir eu cette compétence, il n’aurait pas accordé la demande de suspension.

[18] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7.

[19] Sherbrooke (Ville de) et Syndicat des pompiers et pompières du Québec, section locale Sherbrooke (griefs syndicaux), 2016 QCTA 487 (un pourvoi en contrôle judiciaire a été déposé; pièce R‑6 dans le dossier no 500-17-094642-165.

[20] RLRQ c. C-25.01.

[21] 2008 CSC 9 (CanLII), [2008] 1 RCS 190, par. 57.

[22] Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, 2011 CSC 61 (CanLII), [2011] 3 RCS 654, par. 30 (« Alberta Teachers' »); Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, préc., id., par. 59.

[23] 2016 CSC 8 (CanLII), par. 32.

[24] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, préc., note 21, par 59; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, préc., note 22, par. 33; Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53 (CanLII), [2011] 3 RCS 471, par. 18 (« CCDP »).

[25] Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, préc., note 22, par. 33, 34, 39; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, préc., note 21, par. 59.

[26] Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), préc., note 24, par. 18; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, préc., note 22, par. 30 à 39.

[27] Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, préc., note 22, par. 39.

[28] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, préc., note 21.

[29] Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers' Association, préc., note 22.

[30] Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), préc., note 24, par. 18.

[31] L.R.C. (1985), ch. H-6.

[32] Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), préc., note 24, par. 24, 25.

[33] RLRQ c. C-27.

[34] Art. 632 C.p.c. incorporé par référence en vertu de l’article 48 de la Loi 15.

[35] Art. 49 Loi 15.

[36] Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), préc., note 24.

[37] Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), préc., note 24.

[38] Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), préc., note 24, par. 25.

[39] Chagnon c. Commission des relations de travail, 2015 QCCS 3580 (CanLII), par. 20; Doyon c. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec, 2016 QCCS 198 (CanLII), par. 31 et ss.

[40] Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compen­sation Board) c. Laseur, préc., note 10, par. 48.

[41] Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compen­sation Board) c. Laseur, préc., note 10, par. 28 à 31.

[42] Loi instituant le Tribunal administratif du travail, RLRQ c. T-15.1, art. 9.

[43] RLRQ c. J-3.

[44] Art. 15 Loi sur la justice administrative.

[45] Henri BRUN, Guy TREMBLAY, Eugénie BROUILLET, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Édition Yvon Blais, 2014, p. 769 à 773.

[46] Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compen­sation Board) c. Laseur, préc., note 10.

[47] Le législateur a déjà adopté plusieurs lois dans lesquelles il prévoit en toutes lettres le pouvoir du tribunal administratif de décider de toute question de droit nécessaire à l’exercice de sa compétence, telle que la Loi instituant le Tribunal administratif du travail et la Loi sur la justice administrative, préc., notes 42 et 43.

[48] Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compen­sation Board) c. Laseur, préc., note 10, par. 48.

[49] Art. 45 Loi sur la justice administrative.

[50] Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compen­sation Board) c. Laseur, préc., note 10.

[51] Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compen­sation Board) c. Laseur, préc., note 10, par. 48 in fine; Paul c. Colombie-Britannique (Forest Appeals Commission), 2003 CSC 55 (CanLII), [2003] 2 RCS 585, par. 39.

[52] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, préc., note 21, par. 47.

[53] Leduc c. Montréal (Ville de), 2014 QCCA 876 (CanLII).

[54] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, préc., note 21, par. 48.

[55] 2016 CSC 38 (CanLII), par. 18.

[56] MINISTÈRE DE LA JUSTICE, Commentaires de la ministre de la Justice. Code de procédure civile, chapitre C-25.01, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015.

[57] 1998 CanLII 11450 (QC CS).

[58] 2011 QCCA 219 (CanLII), par. 12.

[59] Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international, DOC.NUA/40/17,ANN.I(1985) [MOD.DOC.NUA/61/17,ANN.I(2006)].

[60] Luc CHAMBERLAND, « Le grand collectif : Code de procédure civile : commentaires et anno­tations », Cowansville, Édition Yvon Blais, 2015.

[61] Desbiens c. Compagnie Wal-Mart du Canada, 2009 CSC 55 (CanLII), [2009] 3 RCS 540; Vaillancourt c. Dion, 2010 QCCA 1499 (CanLII), par. 53.

[62] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7, p. 128 à 150; RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), 1994 CanLII 117 (CSC), [1994] 1 RCS 311, p. 342 à 349 (« RJR – Macdonald inc. »); Harper c. Canada (Procureur général), 2000 CSC 57 (CanLII), [2000] 2 RCS 764, par. 7 à 11 (« Harper »).

[63] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7, p. 128 à 150; RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), préc., id. ; Harper c. Canada (Procureur général), préc., id.

[64] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7, p. 128 à 150; RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), préc., note 62; Harper c. Canada (Procureur général), préc., note 62.

[65] Manioli Investments Inc. c. Investissements MLC, préc., note 15.

[66] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7.

[67] Manioli Investments Inc. c. Investissements MLC, préc., note 15.

[68] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7.

[69] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7.

[70] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7.

[71] Pièce R-4, dossier no 500-17-094499-160.

[72] Québec (Procureur général) c. Commission des relations du travail, 2006 QCCS 5992, par. 27 et 28.

[73] RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), préc., note 62.

[74] RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), préc., note 62, p. 349.

[75] Québec (Procureure générale) c. D'Amico, 2015 QCCA 2138 (CanLII), par. 28 à 31 (« D’Amico »); RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), préc., note 62, p. 349; Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7, p. 146 et 147; Harper c. Canada (Procureur général), préc., note 62, p. 770 et 771; Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ) c. Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, 2013 QCCS 4864 (CanLII); Québec (Procureur général) c. Commission des relations de travail, préc., note 72; Syndicat des employées et employés professionnelles professionnels et de bureau, section locale 573 (CTC-FTQ) c. Québec (Procureur général), 2011 QCCS 4286 (CanLII); 2431-9006 Québec inc. (Alma Toyota) c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCS 6118 (CanLII); Québec (Procureur général) c. Chagnon (1975) ltée, 2012 QCCA 327 (CanLII), par 50 à 52;

[76] Desbiens c. Compagnie Wal-Mart du Canada, préc., note 61; Vaillancourt c. Dion, préc., note 61.

[77] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7.

[78] Manioli Investments Inc. c. Investissements MLC, préc., note 15.

[79] Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., préc., note 7, p. 135, 136; RJR -- Macdonald Inc. c. Canada (Procureur général), préc., note 62, p. 353.

[80] Sherbrooke (Ville de) c. Le Syndicat des pompiers et pompières du Québec, section locale Sherbrooke et al, préc., note 19.

[81] Borghi v. Canada (Employment and Immigration Commission), 1996 CanLII 12450 (FCA), par. 17; Canada (Attorney General) v. Levac (C.A.), 1992 CanLII 8518 (FCA), par. 13.

[82] Décision de l’Arbitre Beaupré, par. 24 et 31.

[83] Canada (Attorney General) v. Levac (C.A.), préc., note 81.