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Lupien c. Dionne, 2017 QCCS 11

06/01/2017 17:20

no. de référence : 700-17-013179-162

Lupien c. Dionne

2017 QCCS 11

JL3280

COUR SUPÉRIEURE

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TERREBONNE

N° :

700-17-013179-162

DATE :

6 janvier 2017

______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

JEAN-YVES LALONDE, J.C.S.

______________________________________________________________________

MARC LUPIEN

demandeur

c.

PIERRE DIONNE

et

JEAN-PIERRE DONTIGNY

défendeurs

______________________________________________________________________

JUGEMENT SUR OPPOSITION À LA DEMANDE D’AMENDEMENTS

ET SUR LA REQUÊTE EN IRRECEVABILITÉ

______________________________________________________________________







[1] Le 29 avril 2016, Marc Lupien (ci-après Lupien) intente un recours en dommages et intérêts contre les défendeurs Pierre Dionne (ci-après Dionne) et Jean-Pierre Dontigny (ci-après Dontigny), de qui il réclame aussi des dommages exemplaires.[1]

[2] Lupien reproche aux défendeurs les gestes suivants :

2.1 Les 12 et 15 août 2011, d’avoir porté atteinte à sa vie privée en procédant à des inspections aériennes de sa propriété de Sainte-Adèle, sans son autorisation.

2.2 Le 6 décembre 2011, d’avoir été les instigateurs d’une procédure abusive intentée par la municipalité de Sainte-Adèle contre Sommet Bleu, une société en commandite dont il est l’âme dirigeante.

[3] Le 9 décembre 2011, la requête en injonction provisoire présentée par la municipalité de Sainte-Adèle fut rejetée par monsieur le juge André Prévost.

[4] Le 15 février 2016 lors d’une conférence de gestion tenue par le soussigné, la municipalité de Sainte-Adèle s’est désistée de sa procédure en injonction.

[5] Lupien allègue que les défendeurs qui étaient alors des employés de la municipalité de Sainte-Adèle ont excédé le cadre normal de l’exercice de leurs fonctions de dirigeants municipaux et fait preuve de mauvaise foi à son endroit.

[6] Les défendeurs, par avis de dénonciation du 5 août 2016, soumettent un moyen préliminaire par lequel ils soulèvent la prescription extinctive du recours exercé par Lupien en 2016 pour des événements survenus en 2011.

[7] Le 26 novembre 2016, Lupien modifie unilatéralement sa procédure introductive d’instance. Au plan factuel, il ajoute les allégations suivantes :

Par. 24. Ce même modus operandi fut repris par le défendeur Dionne, dans le cadre d’une deuxième demande d’injonction adressée à la Cour en 2016, et ce, malgré une interdiction formelle du Tribunal de permettre à la Municipalité de Sainte-Adèle de s’introduire sur le lieux (sic) de résidence du demandeur;

Par. 27. En effet, les faits tels que ci-avant relatés, démontrent que les défendeurs, dans le cadre de mesures visant à nuire au demandeur, ont au cours des années posé de nombreux gestes et aussi récemment qu’en 2016, dans le but entre autres de porter atteinte au droit du demandeur contre l’intruision (sic) à sa vie privée et à sa demeure;

Par. 44. Le plus récent exemple dudit harcèlement étant le dépôt, en 2016, d’une nouvelle procédure en injonction, visant à obtenir le droit de s’introduire dans la résidence du demandeur, ledit droit ayant été refusé par la Cour et malgré ce refus, le défendeur Dionne ayant autorisé une intrusion du domicile du demandeur par les airs, en autorisant une fouille par hélicoptère;

[8] Dès le 29 novembre 2016, les défendeurs s’opposent aux amendements de la requête introductive d’instance. Ils soutiennent qu’il résulte des amendements proposés par Lupien, une demande entièrement nouvelle sans rapport avec la demande initiale.

[9] Pour l’essentiel, les défendeurs plaident que l’amendement constitue une procédure nouvelle par laquelle Lupien cherche à faire revivre des droits éteints par prescription.

[10] Les défendeurs soulèvent aussi l’irrecevabilité du recours intenté par Lupien parce qu’il serait prescrit, que ce soit en application de la courte prescription de six mois prévue à la Loi des cités et villes (LCV), ou celle de trois ans prévue à l’article 2925 du C.c.Q.. Selon les défendeurs, il s’est écoulé plus de quatre ans entre la naissance du droit d’action du demandeur et l’exercice de son recours.

Analyse et discussion

A) L’opposition aux amendements

[11] Les amendements proposés par Lupien, cités plus haut, introduisent un recours distinct, soit celui qui découle de la nouvelle demande d’injonction intentée par la municipalité de Sainte-Adèle contre Lupien en 2016 (700-17-013517-163).

[12] Aucune allégation ne permet de relier ou créer un lien d’attachement entre la requête introductive d’instance de 2016 et les défendeurs. Les faits allégués par amendement seraient survenus en 2016 et sont distincts des incidents de 2011 tels que décrits par la procédure introductive d’instance. Ils constituent en soi une nouvelle source d’action s’il en est une.

[13] Les faits qui sous-tendent chacun des recours sont différents et n’ont aucun dénominateur commun. Les événements de 2016 ne peuvent permettre à Lupien de faire revivre son recours prescrit fondé sur des faits de 2011.

[14] Les amendements proposés ne peuvent faire revivre un recours autrement éteint par prescription, tel qu’il sera démontré ci-après.

[15] Les faits allégués bien que tenus pour avérés, ne permettent pas de conclure à une quelconque forme d’interruption de prescription.

[16] Il en résulte que les modifications à la requête introductive d’instance, telles que proposées, font naître une demande entièrement nouvelle sans rapport avec la demande initiale.

[17] En outre, les amendements proposés sont contraires aux intérêts de la justice au sens de l’article 206 C.p.c. en ce qu’ils cherchent à faire revivre un droit déjà éteint par prescription. Ici la prescription n’a pas été valablement interrompue et l’action initiale doit être considérée comme frappée d’une nullité absolue. Les amendements sont donc irrecevables.

B) L’irrecevabilité du recours pour cause de prescription

[18] Traitons d’abord du recours exercé par Lupien pour procédure abusive et sans fondement (par. 25 à 30 de la demande introductive d’instance). Notons en premier lieu que le recours auquel il est fait référence dans la procédure originale a été intenté par la municipalité de Sainte-Adèle, non pas contre Lupien, mais bien contre la Société en commandite Sommet Bleu.

[19] Lupien n’allègue aucune cession de droit. Lupien confond les personnalités. Lupien n’étant pas visé par les procédures en injonction, celles de 2011, pour lesquelles il y a eu désistement et ne bénéficiant d’aucune cession de droit, il n’a pas l’intérêt juridique requis pour supporter sa demande en justice à cet égard.

[20] En ce qui a trait à la partie du recours de Lupien pour harcèlement et atteinte à sa vie privée, les faits tenus pour avérés sont principalement allégués aux paragraphes 8 et 17 à 24 de la demande introductive d’instance :

8. Les 12 et 15 août 2011, des représentants de la municipalité ont procédé à des inspections visuelles et aériennes des lieux, sans aucune autorisation du demandeur;

17. Les défendeurs ont agi de mauvaise foi et se sont servis de leurs fonctions au sein de la municipalité pour intimider et harceler le demandeur en présentant une demande en injonction sans fondement et vexatoire, tel qu’il sera plus amplement démontré lors de l’instruction;

18. Avant la signification de l’injonction, les défendeurs n’ont jamais pris soin de vérifier l’historique des permis, la nature des travaux, ni les dates des travaux avec le demandeur;

19. En effet, le 15 août 2011 en avant-midi, le défendeur Dontigny s’est présenté à la résidence du demandeur avec un employé municipal, sans jamais avoir annoncé sa visite au demandeur, et ce, afin de mener une inspection, ce que le demandeur refusa, en leur indiquant de préalablement communiquer avec ses avocats;

20. Toujours le 15 août 2011, quelques heures après la première visite, les défendeurs Dontigny et Dionne ont décidé, de leur propre chef, et sans aucune autorisation du conseil municipal, de louer un hélicoptère et de survoler la résidence du demandeur à deux reprises et d’y faire prendre diverses photographies, brimant ainsi son droit à la vie privée;

21. En agissant ainsi, les défendeurs ont négligé de communiquer avec les avocats du demandeur afin de fixer une visite de lieux, contrairement à ce que leur avait indiqué le demandeur;

22. D’ailleurs, il est à noter que c’était la première fois de l’histoire de la municipalité de Sainte-Adèle qu’un hélicoptère servait à la visite d’un lot pour une inspection de l’aveu même du défendeur Dionne lors d’un interrogatoire.

23. Les défendeurs ont pris et/ou fait prendre de nombreuses photos de la résidence privée du demandeur sans son accord;

24. Au surplus, et toujours dans la lignée de comportement harcelants (sic), les défendeurs Dontigny et d’autres employés de la municipalité se rendaient quotidiennement à la propriété du demandeur, et ce, sept jours sur sept, à raison de deux fois par jour, durant plus d’un mois, afin de vérifier si le demandeur était en pleine construction et afin de lui faire sentir leur présence;

[21] Comme on peut le constater, il y est fait référence à des événements survenus les 12 et 15 août 2011 auxquels s’ajoutent des inspections journalières pendant une durée de plus d’un mois avant l’institution des procédures judiciaires, le 6 décembre 2011 (par. 9). Dans toutes les circonstances, le jour du début de la prescription (jour a quo) peut être déterminé comme étant situé au plus tard le 6 décembre 2011.

[22] Considérant que Lupien allègue que les employés municipaux (les défendeurs) ont excédé leurs fonctions et ont agi personnellement, c’est donc un droit de nature personnel qu’il cherche à faire valoir contre ceux-ci. En pareil cas, c’est la prescription de trois ans qui s’applique, soit celle prévue à l’article 2925 C.c.Q. :

2925. L’action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n’est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.

[23] Par conséquent le dernier jour de la prescription était au plus tard le 6 décembre 2014 (jour ad quem).

[24] De toute évidence le recours en dommages-intérêts intenté par Lupien le 29 avril 2016, le fut bien après que la prescription libératoire de trois ans ait été acquise par les défendeurs.

[25] En ce qui a trait à la réclamation pour dommages exemplaires, celle-ci doit suivre le même sort. Elle se prescrivait aussi par un délai de trois ans, courant à partir du moment où Lupien connaissait la survenance de tous les faits nécessaires pour intenter son recours, soit au plus tard le 6 décembre 2011, date du point de départ de la prescription extinctive.

[26] Examiné dans tous les angles juridiques possibles, le recours de Lupien, tel qu’intenté, s’avère prescrit et conséquemment irrecevable.

[27] POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

[28] REFUSE les amendements proposés par le demandeur Marc Lupien à sa demande modifiée du 28 novembre 2016;

[29] ACCUEILLE la demande en irrecevabilité;

[30] REJETTE la demande introductive d’instance du demandeur Marc Lupien;

[31] AVEC FRAIS DE JUSTICE dans chaque cas.

__________________________________

JEAN-YVES LALONDE, J.C.S.

Marc Lupien

se représente seul

Me Francis Gervais

Me Simon Delisle

Deveau Avocats

procureurs des défendeurs

Date d’audience :

2 décembre 2016



[1] L’utilisation des noms de famille dans le jugement a pour but d’alléger le texte et l’on voudra bien n’y voir aucune discourtoisie à l’égard des personnes concernées.