Finecast Ltd. c. Segal, 2011 QCCA 36
10/01/2011 10:32
no. de référence : 500-09-019608-090
Finecast Ltd. c. Segal
2011 QCCA 36
COUR D'APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
No:
500-09-019608-090
(500-11-027624-069)
PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE
DATE:
10 janvier 2011
CORAM: LES HONORABLES
ANDRÉ ROCHON, J.C.A.
PAUL VÉZINA, J.C.A.
LORNE GIROUX, J.C.A.
APPELANTE
AVOCAT(S)
FINECAST LIMITED
Me Gilles Poulin
INTIMÉ
AVOCAT(S)
GÉRALD SEGAL
Me Louis Georges Brunet
GAGNON & BRUNET
Intimés en première instance
AVOCAT(S)
HOWARD BLATT
HELEN BUETIKOFER
Mis en cause en première instance
AVOCAT(S)
ABRAHAM (AVI) DRAZIN
En appel d'un jugement rendu le 23 mars 2009 par l'honorable Clément Gascon de la Cour supérieure, district de Montréal.
NATURE DE L'APPEL:
Compagnies
Greffière: Marcelle Desmarais
Salle: Antonio-Lamer
AUDITION
9 h 31 Argumentation par Me Gilles Poulin.
9 h 55 Argumentation par Me Louis Georges Brunet.
10 h 15 Réplique par Me Gilles Poulin.
10 h 19 Fin de l'argumentation de part et d'autre.
10 h 19 Suspension de la séance.
10 h 26 Reprise de la séance.
PAR LA COUR:
Arrêt – voir page 3.
Marcelle Desmarais
Greffière d'audience
PAR LA COUR
ARRÊT
[1] À la suite de l’institution d’un recours pour oppression intenté par un actionnaire minoritaire selon l’article 241 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[1], la Cour supérieure[2], confirmée par la Cour d’appel[3], a ordonné le rachat des actions de l’intimé par l’appelante et une évaluation par un expert indépendant pour en déterminer la valeur. La Cour d’appel a précisé que cette évaluation devait être faite à la date du jugement de première instance, le 13 février 2007.
[2] L’évaluation a été déposée le 1er décembre 2008 et le paiement sans intérêt a été fait le 10 décembre 2008.
[3] Après le paiement, l’intimé a demandé au tribunal de lui octroyer les intérêts et l’indemnité additionnelle sur le montant déjà payé. Le jugement entrepris[4] les lui accorde depuis le jugement de février 2007 ordonnant le rachat jusqu’au jour du paiement en décembre 2008.
[4] L’appelante se pourvoit. Elle plaide, notamment, qu’après l’arrêt de la Cour d’appel du 6 juin 2008, le jugement de la Cour supérieure du 13 février 2007 a acquis force de chose jugée, que la Cour est devenue functus officio et qu’elle ne pouvait rouvrir le dossier pour accorder les intérêts et l’indemnité additionnelle que l’intimé n’avait pas demandés dans son recours pour oppression.
[5] La Cour suprême enseigne que la demande de redressement pour abus selon la L.C.S.A., étant un recours en equity afin de rétablir ce qui est « juste et équitable », confère au tribunal un vaste pouvoir d’imposer le respect non seulement du droit mais de l’équité. Par conséquent, les tribunaux saisis d’une demande de redressement pour abus doivent tenir compte de la réalité commerciale et pas seulement de considérations strictement juridiques[5].
[6] Le juge saisi d’une telle requête jouit d’un large pouvoir discrétionnaire[6] qui s’étend également aux questions procédurales[7]. Les tribunaux ont accordé beaucoup de souplesse dans l’interprétation des règles de procédure applicables à ce recours[8]. Les recours en oppression donnent lieu à des interventions continues du tribunal qui doit régler les problèmes au fur et à mesure de leur survenance suivant les circonstances et les décisions déjà rendues. C’est d’ailleurs ce que confirme le texte du paragraphe 241(3) L.C.S.A.
[7] En l’espèce, l’appelante n’a pas démontré que le juge de première instance a mal exercé sa discrétion. Il serait inéquitable de permettre à l’appelante d’utiliser le capital de l’intimé à partir de la date d’évaluation sans compenser ce dernier par l’attribution de l’intérêt et de l’indemnité additionnelle sur le montant à payer[9]. Le juge pouvait trancher cette question tant après qu’avant l’ordonnance de rachat.
[8] Contrairement à ce que prétend l’appelante, la règle générale veut qu’un jugement porte intérêt à compter du moment où il est rendu, même s’il est muet sur la question[10]. L’indemnité additionnelle, pour sa part, doit être demandée, mais une fois demandée, elle demeure la règle[11] et l’appelante ne fait pas voir le motif sérieux qui seul aurait justifié le juge de la refuser.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[9] REJETTE l’appel, avec dépens.
ANDRÉ ROCHON, J.C.A.
PAUL VÉZINA, J.C.A.
LORNE GIROUX, J.C.A.
[1] Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. c. C-44 [ci-après citée : L.C.S.A.].
[2] Segal c. Blatt, 2007 QCCS 1488 (CanLII), J.E. 2007-967.
[3] 2008 QCCA 1094 (CanLII), J.E. 2008-1236.
[4] 2009 QCCS 1576 (CanLII), J.E. 2009-854.
[5] BCE inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, [2008] 3 R.C.S. 560, 2008 CSC 69 (CanLII), paragr. 58, à la p. 590 (les références sont omises).
[6] Fradet c. Société Asbestos ltée, [1990] R.D.J. 180 (C.A.), à la p. 190 (j. Gendreau). La formulation de l’alinéa introductif du paragraphe 241(3) de la L.C.S.A. est similaire à celle du paragraphe 11(1) de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. (1985), c. C-36, au sujet de laquelle la juge Deschamps, pour la Cour suprême, a écrit qu’elle rendait plus explicite le pouvoir discrétionnaire du juge en vertu de cette dernière loi et qu’elle sanctionnait l’interprétation large élaborée par la jurisprudence : Century Services Inc. c. Canada (Procureur général), 2010 CSC 60 (CanLII), au paragr. 68.
[7] D.H. Peterson et M. J. Cumming, Shareholder Remedies in Canada, 2nd ed, édition à feuilles mobiles, Markham, LexisNexis, paragr. 1.23.
[8] Paul Martel, « Le “recours pour oppression” en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions », dans Développements récents en droit des affaires, 2003, Barreau du Québec, Formation permanente, vol. 187, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2003, p. 265, à la p. 315.
[9] D.H. Peterson et M. J. Cumming, ouvrage précité, note 7, paragr. 3.17 et la jurisprudence citée.
[10] Droit de la famille – 2624, J.E. 97-647 (C.A.); Toyota Canada inc. c. Association pour la protection des automobilistes inc., 2009 QCCA 2008 (CanLII), B.E. 2009BE-1034.
[11] Groupe D.M.R. c. Benoît, 2006 QCCA 1357 (CanLII), J.E. 2006-2166, au paragr. 34.