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Théberge c. Durette, 2007 QCCA 42

18/01/2007 11:31

no. de référence : 500-09-015274-053

Théberge c. Durette

2007 QCCA 42

COUR D’APPEL

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

MONTRÉAL

N° :

500-09-015274-053

(505-05-007997-023)

DATE :

18 janvier 2007

CORAM :

LES HONORABLES

JACQUES CHAMBERLAND J.C.A.

ANDRÉ ROCHON J.C.A.

MARIE-FRANCE BICH J.C.A.

ANDRÉ THÉBERGE

-et-

LUCIE ROSS

APPELANTS / Demandeurs et défendeurs reconventionnels

c.

MICHELINE DURETTE

INTIMÉE / Défenderesse et demanderesse reconventionnelle

et

CAISSE POPULAIRE DE LA PRAIRIE

-et-

OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE

LA CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE DE LONGUEUIL

MIS EN CAUSE / Mis en cause

ARRÊT






[1] LA COUR; - Statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 16 décembre 2004 par la Cour supérieure, district de Longueuil (l'honorable Yves Mayrand), qui a accueilli l'action des appelants en passation de titre et en dommages-intérêts à la seule fin de condamner l'intimée à verser aux appelants la somme de 5 402,59 $, avec l'intérêt et l'indemnité additionnelle;

[2] Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;

[3] Pour les motifs de la juge Bich, auxquels souscrivent les juges Chamberland et Rochon :

[4] ACCUEILLE la requête des appelants pour présentation d'une preuve nouvelle, sans frais;

[5] ACCUEILLE l'appel pour partie, avec dépens sauf quant au cahier d'autorités des appelants, qui a été déposé hors délai;

[6] INFIRME partiellement le jugement de première instance et SUPPRIME ses conclusions [8], [9] et [13] ainsi que le paragraphe 2 de sa conclusion [10];

[7] ACCUEILLE, pour partie, l'action des appelants en passation de titre et en dommages-intérêts, avec dépens;

[8] DÉCLARE bonne et valable la saisie avant jugement pratiquée en l'instance;

[9] ORDONNE aux appelants, dans les trente (30) jours de la date du présent arrêt, de déposer, par chèque visé, la somme de 158 000 $ au greffe de la Cour supérieure du district de Longueuil, au bénéfice de l'intimée et de signifier à celle-ci, dans les sept (7) jours suivants, le certificat émis par le greffe attestant la réception du dépôt;

[10] DÉCLARE les appelants, sur dépôt de ce chèque au greffe de la Cour supérieure, propriétaires de l'immeuble ci-après décrit, selon les termes et conditions du projet d'acte de vente préparé par le notaire Yvan Corbeil (pièce P-8), ci-annexé pour faire partie intégrante du présent arrêt :

DÉSIGNATION

Un emplacement situé en la ville de Saint-Constant, connu et désigné comme étant composé comme suit :

a) du lot numéro SOIXANTE ET ONZE de la subdivision officielle du lot originaire numéro DEUX CENT QUARANTE-QUATRE (244-71) au cadastre de la Paroisse de Saint-Constant, bureau de la publicité des droits de la circonscription foncière de Laprairie;

b) du lot numéro QUARANTE-HUIT de la subdivision officielle du lot originaire numéro DEUX CENT QUARANTE-SIX (246-48) audit cadastre.

Avec toutes les bâtisses y construites et notamment celle portant les numéros 1, 1A et 1B, rue Ouellette, Saint-Constant, Québec, J5A 1K7.

[11] DÉCLARE que les appelants, au cas de défaut de faire leur dépôt et de signifier une copie du certificat du greffe le constatant, le tout dans les délais indiqués précédemment, seront réputés avoir renoncé à leur droit découlant du présent arrêt d'être déclarés propriétaires de l'immeuble en cause et à leur droit aux dommages-intérêts prévus aux paragraphes 17 et 18 du présent arrêt;

[12] PERMET à l'intimée de conserver les 2 000 $ déjà versés par les appelants, au moment de la conclusion de la promesse d'achat, en acompte sur le prix de vente;

[13] DÉCLARE que les dépenses et frais afférents à l'immeuble sont à la charge de l'intimée jusqu'à la date du dépôt du chèque visé de 158 000 $ par les appelants au greffe de la Cour supérieure;

[14] À défaut d'entente entre les parties incluant la mise en cause Caisse populaire de La Prairie, RENVOIE le dossier en Cour supérieure afin qu'on y procède, selon toute preuve jugée utile par cette cour, à la distribution à qui de droit de la somme de 158 000 $ déposée par les appelants, notamment en vue du paiement et de la radiation des hypothèques grevant l'immeuble, le cas échéant, en faveur de la mise en cause Caisse populaire de La Prairie;

[15] ORDONNE à l'Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Longueuil, sur réquisition et preuve par les appelants du dépôt du chèque de 158 000 $ ainsi que de la signification du certificat à l'intimée dans les délais prescrits, de publier le présent jugement conformément à la loi;

[16] MODIFIE la conclusion [11] du jugement de première instance, de façon à ce qu'elle se lise comme suit :

[11] Cette somme de 3 402,59 $ porte intérêt à compter de l'assignation et l'indemnité additionnelle;

[17] CONDAMNE l'intimée à payer aux appelants la somme de 10 000 $, avec l'intérêt au taux légal depuis le 15 juillet 2002;

[18] CONDAMNE l'intimée à payer aux appelants la somme de 517,61 $, avec l'intérêt au taux légal depuis le 14 octobre 2004.

JACQUES CHAMBERLAND J.C.A.

ANDRÉ ROCHON J.C.A.

MARIE-FRANCE BICH J.C.A.

Me François Beauvais

ROCHEFORT & ASSOCIÉS

Pour les appelants

Me Claude Coursol

Pour l'intimée

Date d’audience :

le 16 novembre 2006



MOTIFS DE LA JUGE BICH

[19] Les appelants se pourvoient contre le jugement de la Cour supérieure qui a rejeté leur action en passation de titre tout en accueillant une partie de leur réclamation en dommages-intérêts.

I. Faits

[20] Le 13 ou le 14 mars 2006, les appelants, par écrit, s'engagent à acheter l'immeuble litigieux, propriété de l'intimée, qui s'engage pour sa part à le leur vendre. La promesse que signent alors les parties et dont le texte a été rédigé par l'intimée (ou par son conjoint et mandataire, M. Richard Descheneaux), contient notamment la clause suivante :

5.8 Ce bâtiment est vendu tel quel sans garantie aux risques et périls de l'acheteur, cette clause devra être incluse au contrat notarié. Sans garanties légales contre les vices cachés (Exemple : la piryte [sic]).

[21] Selon la preuve, cette stipulation s'explique par le fait que l'intimée, sans jamais en avoir fait la vérification, a des raisons de croire que son immeuble, un triplex résidentiel, est affecté du problème de pyrite dont souffrent plusieurs constructions de la région. Au cours des négociations menant à la signature de la promesse de vente, l'intimée (directement ou par l'entremise de son conjoint) a explicitement abordé le sujet et elle a clairement indiqué aux appelants que, si elle leur vendait son immeuble, elle ne souhaitait assumer aucune responsabilité quant à ce problème potentiel de pyrite et ne souhaitait d'ailleurs assumer aucune responsabilité, quelle qu'elle soit, à l'égard de l'immeuble, une fois celui-ci vendu. Il ressort également des pourparlers entre les parties que l'intimée, qui n'avait pas mis son immeuble en vente mais qui a répondu à une sollicitation inattendue des appelants, ne veut pas faire de dépenses pour mettre la propriété en état, y effectuer des réparations, corriger des défauts, et ainsi de suite.

[22] Non sans hésitation, les appelants acceptent d'acheter à leurs risques et périls. Le risque leur paraît d'autant plus acceptable que la promesse contient les clauses suivantes, qui leur permettent de faire examiner l'immeuble par un expert :

2.2 Cette promesse d'achat est conditionnelle à ce que l'acheteur puisse faire inspecter l'immeuble par un expert en bâtiment dans les trente (30) jours suivant l'acceptation de la présente promesse d'achat. Si cette inspection révèle l'existence de vices affectant l'immeuble, l'acheteur devra en aviser le vendeur dans le délai prévu ci-dessus et devra lui remettre dans les dix (10) jours suivant l'expiration de ce délai, une copie de la partie du rapport d'inspection décrivant ce vice. Dans ce cas, les mécanismes et les délais prévus aux paragraphes 4.5 et 4.6 s'appliqueront en les adaptant.

2.3 Tous les frais et charges d'inspection et vérification seront aux frais de l'acheteur, et ne devront en aucun cas altérer le bâtiment.

[23] Le 13 ou le 14 mars 2002, la promesse est signée et l'appelant Théberge, conformément à la clause 1.1, remet à l'intimée, à titre de dépôt, un chèque de 2 000 $, qui sera encaissé.

[24] L'inspection prévue par l'article 2.2 de la promesse a lieu le 4 avril 2002, en présence de l'appelant Théberge et du conjoint de l'intimée, M. Descheneaux. Elle révélera certains vices et problèmes mineurs, mais également un vice plus important, très apparent : il s'agit d'une fissure dans le mur des fondations, à l'arrière du bâtiment. Lors de cette inspection, la question de la pyrite est abordée. L'inspecteur, tout en précisant que seul un test conduit selon les règles de l'art permettrait de le savoir avec certitude, a cependant l'impression qu'il n'y a pas de pyrite sur les lieux. Cela, apparemment, rassure l'appelant Théberge.

[25] Vu les vices dévoilés par l'inspection, les appelants auraient pu se prévaloir de la dernière phrase de la clause 2.2 de la promesse, qui renvoie aux clauses 4.5 et 4.6. Celles-ci énoncent que :

4.5. Au cas de dénonciation aux parties de vices ou irrégularités entachant les titres ou au cas de non-conformité à quelque garantie du vendeur contenue aux présentes, le vendeur aura un délai de dix (10) jours à compter de l'avis écrit qu'il aura reçu à cet effet, pour avertir par écrit l'acheteur :

4.5.1 qu'il a remédié à ses frais aux vices, irrégularités ou à la non-conformité soulevée; ou

4.5.2 qu'il ne pourra y remédier.

4.6 L'acheteur, sur réception de l'avis prévu au paragraphe 4.5.2, devra. Dans un délai de dix (10) jours de la réception de tel avis, aviser par écrit le vendeur : soit qu'il choisit d'acheter avec les vices ou irrégularités allégués. Auquel cas la garantie du vendeur sera diminuée d'autant; soit qu'il décide de ne pas donner suite à la promesse d'achat, auquel cas son dépôt qui sera retourné sans autre recours.

[26] L'intimée les ayant précédemment prévenus qu'elle ne ferait aucune réparation, les appelants n'ont pas demandé de rapport écrit à leur inspecteur et n'ont pas non plus dénoncé par écrit à l'intimée les vices observés lors de l'inspection. On notera que M. Descheneaux était sur place au moment de cette inspection; il semble qu'il ait été informé de certains des vices notés par l'inspecteur, qui faisait des commentaires à haute voix pendant l'examen des lieux et qui lui a posé quelques questions.

[27] Sur la base des commentaires de leur expert, les appelants maintiennent leur décision d'acheter l'immeuble.

[28] Les relations entre les parties ont commencé à se détériorer à peu près au même moment.

[29] En effet, il appert que, postérieurement à la signature de la promesse de vente et de façon presque concomitante avec l'inspection, quoique après celle-ci[1], M. Descheneaux prend connaissance d'un certain article diffusé sur Internet, article de celui qui est devenu son avocat dans le présent dossier. C'est peu dire que la lecture de cet article engendre beaucoup d'inquiétude chez l'intimée et son conjoint, puisqu'on y fait ressortir les limites potentielles des clauses d'exclusion de la garantie légale, en cas de vente d'immeuble, en soulignant que de telles clauses ne sont pas imparables et peuvent même, dans certains cas, être contestées.

[30] Il ressort de la preuve qu'à partir de là, l'intimée, ou plus exactement son conjoint Descheneaux, qui agit en son nom, exige des appelants des assurances supplémentaires qui n'ont qu'un seul but : faire en sorte que les appelants ne puissent d'aucune façon contester la clause 5.8 de la promesse de vente, dont l'intimée et son conjoint craignent qu'elle ne les mette pas à l'abri de toute poursuite.

[31] L'intimée et son conjoint sont particulièrement inquiets du fait que les appelants n'ont pas procédé ou fait procéder au test qui aurait permis de détecter à coup sûr la présence de pyrite et d'en déterminer, le cas échéant, le taux de concentration. Selon leur compréhension des choses, les appelants s'étaient, au moment de la promesse, engagés à faire exécuter un tel test. Qu'ils manquent à cet engagement fait apparemment craindre le pire à l'intimée et à son conjoint, qui reprochent également aux appelants d'avoir violé la clause 2.2 de la promesse de vente en omettant de leur envoyer le rapport écrit de l'inspection et en dénonçant les vices observés alors : cette omission leur paraît extrêmement louche.

[32] Dès le lendemain de l'inspection, M. Descheneaux demande d'ailleurs à l'appelant Théberge de confirmer qu'il est satisfait de l'immeuble. Immédiatement, M. Théberge envoie une lettre où, maladroitement, il se déclare plutôt « satisfait de l'inspection ». Cela ne convient pas à M. Descheneaux : ce n'est pas de l'inspection dont M. Théberge doit se déclarer satisfait mais bien du bâtiment lui-même. M. Descheneaux présente donc aux appelants un autre document, comportant cette précision, mais aussi trois autres (renonciation au certificat de conformité, renonciation au test de pyrite, acceptation de la responsabilité découlant de ces choix[2]). Le 10 avril 2002, après quelques échanges infructueux, l'intimée envoie une lettre aux appelants, lettre dans laquelle elle reproche à ces derniers d'avoir renoncé à faire un test de pyrite, de tergiverser et, généralement, de manquer à leurs engagements. Elle y exige aussi ce qui suit :

En réponse de votre lettre du 5 avril 2002 intitulé (Acceptation de l’inspection du bâtiment). Je vous avise que cette lettre est pour moi incomplète et ambiguë, et que je vous redemande pour la troisième fois un document plus significatif.

En ce qui me concerne, je désire avoir les confirmations suivantes, conformément à l’article 2.2 de la promesse d’achat et suite à l’inspection minutieuse que vous avez fait avec votre expert en bâtiment :

1- Que vous êtes satisfaits de cette inspection et que vous avez pris connaissance et vérifier l’ensemble du bâtiment et ses dépendances.

2- Que vous vous déclarer satisfait de l’état de l’immeuble.

3- Que vous n’avez aucune demande de modification.

4- Que vous reconnaissez être au courant qu’il y a au moins une fissure importante qui a demandé une réparation d’étanchéité au mur des fondations de béton (solage) à l’arrière du bâtiment.

5- Que vous êtes toujours d’accord d’acheter cet immeuble, sans garantie de qualité.

[…][3]

[Texte reproduit sans correction.]

[33] Le 23 avril 2002, les appelants répondent à l'intimée par une lettre qui contient le passage suivant :

[…]

Malgré ce qui précède et sans que légalement nous en soyons tenus responsables, et uniquement dans le but de démontrer notre bonne foi, vous trouverez ci-joint les précisions demandées pour chacun des cinq points figurant à la vôtre du 10 avril 2002.

1. Oui, nous sommes satisfaits de l’inspection effectuée par l’expert en bâtiment de notre choix qui a pris connaissance de l’ensemble du bâtiment et de ses dépendances, tel en fait d’ailleurs foi l’avis que nous vous avons transmis en date du 5 avril 2002;

2. Oui, nous nous déclarons satisfait de l’état de l’immeuble;

3. Oui, nous confirmons n’avoir aucune demande de modification concernant l’état physique de l’immeuble;

4. Oui, nous reconnaissons être au courant qu’il y a une fissure importante qui a demandé une réparation d’étanchéité au mur de fondation à l’arrière du bâtiment.

5. Oui, nous sommes d’accord pour acheter cet immeuble sans garantie de qualité.

[…][4]

[Texte reproduit sans correction – je souligne.]

[34] Or, le fait que les réponses affirmatives données par les appelants aux cinq engagements supplémentaires réclamés par l'intimée soient précédées de la mention « [m]algré ce qui précède et sans que légalement nous en soyons tenus responsables, et uniquement dans le but de démontrer notre bonne foi » convainc plutôt l'intimée et son conjoint que les appelants essaient de les tromper en se dégageant pernicieusement de leur promesse d'acheter sans garantie. Il semble par ailleurs qu'une conversation entre M. Descheneaux et le notaire des appelants, Me Yvan Corbeil, ait renforcé cette conviction, le premier étant persuadé que le second, qui lui téléphonait afin de clarifier la clause d'exclusion de garantie sous le volet des titres, cherchait en fait à avantager les appelants en diminuant la portée de l'exclusion[5]. Au procès, M. Descheneaux, qui témoigne longuement, affiche toujours la même conviction : les appelants essaient de se dérober à leurs obligations[6].

[35] Il faut dire qu'entre-temps, les appelants ont consulté un avocat, mis l'intimée en demeure de transmettre ses titres au notaire chargé de la vente et l'ont menacée de poursuites judiciaires. Cela, on le comprend, a mal disposé l'intimée à leur endroit et accru ses craintes et celles de son conjoint : eux qui ne voulaient aucun ennui après la vente de l'immeuble se trouvaient à en subir avant même qu'elle n'ait lieu.

[36] M. Descheneaux réagit d'ailleurs fort mal à certains des propos de l'appelant Théberge. Apparemment furieux de la situation, il se plaint à la police de l'appelant Théberge (lui-même policier), l'accusant de fraude et d'extorsion; il dépose également contre lui une plainte déontologique. Il porte plainte auprès du syndic de la Chambre des notaires contre le notaire que les appelants ont mandaté pour recevoir l'acte de vente de l'immeuble.

[37] Finalement, estimant que les appelants manquent à certaines de leurs obligations et tentent de se soustraire aux autres, l'intimée décide de ne pas leur vendre l'immeuble.

[38] Les appelants, le 7 juin 2002, mettent l'intimée en demeure de passer titre le 13 juin suivant, ce à quoi l'intimée n'obtempère pas. Les appelants intentent leur action en passation de titre à la fin du mois de juin 2002, action assortie d'une saisie avant jugement, l'intimée ayant entre-temps mis sa maison en vente. Ils exigent également des dommages-intérêts de 8 000 $ pour les ennuis, troubles et inconvénients résultant de ce qu'ils qualifient d'« obstination » de l'intimée à ne pas leur vendre l'immeuble et résultant également des plaintes frivoles portées contre l'appelant Théberge; ils réclament en outre 6 000 $ à titre d'honoraires extrajudiciaires. Enfin, les appelants exigent que l'intimée soit condamnée à leur verser 21 014,25 $ à titre de pertes de revenus locatifs.

[39] Par demande reconventionnelle, l'intimée, qui conteste vigoureusement l'action, réclame pour sa part 11 051,75 $, soit 5 000 $ pour troubles, ennuis, inconvénients et stress liés à l'affaire, et 8 051,75 $ pour honoraires extrajudiciaires (incluant la TPS et la TVQ).

II. Jugement de première instance

[40] Voici le jugement de première instance, dans sa version écrite :

[1] Considérant les procédures, la preuve, les pièces et les représentations des parties et le droit;

[2] Considérant les articles de loi pertinents soit 1712, 1732 et 1738 du Code civil en matière de vente et passation de titre ainsi que les articles 6, 7 et 1457 du Code civil en matière de responsabilité;

[3] Attendu que les demandeurs n'ont pas prouvé, par prépondérance, la volonté et l'accord des deux parties à la transaction;

[4] Attendu que les demandeurs ont prouvé, par prépondérance que le défendeur lui a causé un préjud8ice moral par sa conduite répréhensible;

[5] Attendu que la défenderesse-demanderesse reconventionnelle n'a pas prouvé de dommages ni de responsabilité;

[6] Attendu que l'arrêt Viel2002 CanLII 41120 (QC CA), 2002 R.J.Q. 1262 doit s'appliquer en matière de réclamation d'honoraires extra-judiciaires;

[7] Le Tribunal, pour les motifs énumérés oralement et dûment enregistrés :

[8] Rejette l'action des demandeurs en passation de titre.

[9] Annule la saisie-arrêt avant jugement et donne main-levée.

[10] Condamne la défenderesse de payer aux demandeurs les sommes suivantes :

1- 402,59 $ en retour du certificat de localisation;

2- 2 000,00 $ soit la somme reçue en dépôt;

3- 3 000,00 $ à titre de dommages, atteinte à la réputation, stress et autres inconvénients.

[11] Cette somme de 5 402,59 $ porte intérêt à compter de l'assignation et l'indemnité additionnelle.

[12] Rejette la demande reconventionnelle de la défenderesse.

[13] Chaque partie payant leurs frais dans les circonstances.

[41] Selon le paragraphe 3 de ce jugement, il n'y aurait pas eu de promesse exécutoire au sens du Code civil du Québec, les parties ne s'étant jamais entendues sur l'une des conditions essentielles de la vente, à savoir la réalisation d'un test permettant de détecter la présence de pyrite. À la lecture de la transcription des motifs auxquels renvoie le paragraphe 7 du jugement écrit, on croit comprendre en outre que le juge estime que les appelants ont manqué à leurs obligations, notamment en ce qu'ils n'ont pas remis de rapport d'inspection, par écrit, à l'intimée. Le juge semble conclure de tout cela que les appelants ont tenté de s'esquiver en refusant de fournir à l'intimée les assurances qu'elle réclamait légitimement.

[42] Par contre, le juge accorde en partie les dommages-intérêts réclamés pour troubles et inconvénients résultant des plaintes portées par M. Descheneaux à l'endroit de l'appelant Théberge. Il estime que l'intimée ne s'est pas dissociée des actes répréhensibles de son conjoint, auquel elle avait donné mandat de la représenter dans toutes les discussions avec les appelants.

[43] Il la condamne également à rembourser aux appelants le coût de la préparation d'un certificat de localisation (dont la confection aurait dû lui incomber) et lui ordonne également de rembourser aux appelants le dépôt fait au moment de la signature de la promesse de vente.

[44] Les appelants se pourvoient; l'intimée, pour sa part, ne fait appel ni de sa condamnation pécuniaire ni du rejet de sa demande reconventionnelle.

[45] L'intimée s'est conformée au jugement de première instance en payant aux appelants le coût de la préparation du certificat de localisation. Les parties se sont entendues pour suspendre l'exécution de l'ordonnance de remboursement du dépôt de 2 000 $.

III. Analyse

[46] La situation est inédite : le débat oppose en effet des parties qui s'accordaient et auraient dû pouvoir régler leur différend à l'amiable. Regrettablement, le présent conflit est bien davantage un conflit de personnalités qu'un conflit de droits et il résulte principalement d'un malentendu entre l'appelant Théberge, d'une part, et le conjoint de l'intimée, d'autre part : le second, craignant que la clause d'exclusion de garantie prévue à la promesse de vente ne suffise pas à protéger l'intimée, a multiplié les demandes d'assurance, ce dont le second s'est exaspéré, chacun se campant ensuite fermement sur ses positions, pour n'en plus bouger.

[47] On notera que les conjointes respectives des principaux protagonistes semblent presque absentes du débat, malgré leur statut juridique au dossier. Ni l'une ni l'autre, d'ailleurs, n'a témoigné au procès.

A. Droit à la passation de titre

[48] On peut résumer comme suit les conditions principales de l'action en passation de titre, qui suppose évidemment une promesse valide et exécutoire :

- Mise en demeure (encore que l'absence de celle-ci ne soit pas nécessairement fatale);

- Présentation d'un acte de vente conforme à la promesse (encore que cette exigence soit interprétée et appliquée avec une certaine souplesse, et non pas de façon « stricte, rigoriste et byzantine », comme le rappelle la Cour dans Bettan c.146207 Canada inc.[7] et dans Morris Bailey Enterprises c. Gouverneur inc.[8]; au même effet, voir : Belley c. Cécyre[9];Penterman c. Ferme brune des Alpes inc.[10], notamment au paragr. 87);

- Offre et consignation du prix de vente indiqué à la promesse (encore que cette exigence ait elle aussi été assouplie et puisse même être exécutée postérieurement au jugement, si les circonstances s'y prêtent, comme ce fut par exemple le cas dans l'affaire Houlachi c. Bray[11];

- Action intentée dans un délai raisonnable.

[49] En l'espèce, toutes ces conditions sont réunies. Les parties ont signé une promesse bilatérale de vente et d'achat au sens des articles 1396 et 1712 C.c.Q. Les appelants, promettants-acheteurs, se sont conformés à leurs obligations et c'est plutôt l'intimée qui a tenté de se soustraire aux siennes. Il y a eu mise en demeure. L'acte de vente proposé (qui a été joint à la mise en demeure de passer titre et produit au dossier de la Cour supérieure) est conforme à la promesse de vente. Il reproduit notamment la clause 5.8 de la promesse en stipulant ce qui suit :

Ce bâtiment est vendu tel quel sans garantie aux risques et périls de l'acquéreur, sans garanties légales contre les vices cachés (exemple : pyrite).

[50] Les appelants n'ont pas consigné le prix de vente de l'immeuble, mais, dans les circonstances, il pourra être fait droit néanmoins à leur action en leur octroyant un délai pour ce faire, selon le modèle employé par la Cour dans Houlachi c. Bray, précité, ou dans Gubbay c. 4575 Poirier Investments Ltd.[12]. À l'audience, l'avocat des appelants a déclaré que les sommes requises étaient disponibles dans l'immédiat.

[51] Il y a donc lieu de forcer l'intimée à passer titre et, par conséquent, d'accueillir le pourvoi, du moins sous ce rapport. Par contre, il ne sera accueilli que partiellement en ce qui touche les dommages-intérêts.

[52] Voyons ce qu'il en est.

1. Y a-t-il eu promesse de vente?

[53] Avec égards pour le juge de première instance, on ne peut conclure ici qu'à l'existence d'une promesse bilatérale de vente et d'achat.

[54] Les appelants, sans y être invités, contactent l'intimée et lui disent être intéressés à acquérir sa propriété. Des négociations s'ensuivent, d'où il ressort que l'intimée, qui n'avait apparemment pas songé à vendre jusque-là, est prête à le faire moyennant un prix (160 000 $) qu'elle estime être inférieur à celui du marché. En échange, toutefois, elle ne laisse subsister aucun doute sur son intention : si elle vend, elle ne veut encourir aucune dépense et tient en outre à n'assumer aucune responsabilité post-vente à l'endroit des acheteurs. Elle dénonce par ailleurs expressément aux appelants le problème de pyrite qui affecte potentiellement son immeuble.

[55] Les parties négocient. Elles s'entendent sur le prix, mais pas encore sur les autres conditions de la vente. Les appelants déposent une première offre écrite, qui ne sera pas acceptée. L'intimée rédige elle-même une autre offre (le document P-2), qui reprend en partie les éléments de l'offre précédente, mais comporte des ajouts dont une clause d'une extrême importance. Il s'agit de la clause 5.8, qui énonce d'abord que :

5.8 Ce bâtiment est vendu tel quel sans garantie aux risques et périls de l'acheteur, cette clause devra être incluse au contrat notarié.

[56] L'intimée y ajoutera par la suite, à la main, la mention suivante :

Sans garanties légales contre les vices cachés (Exemple : la piryte [sic]).

[57] La date ou les circonstances précises de l'apposition de cette mention ne sont pas parfaitement claires, mais une chose demeure certaine : le 13 ou le 14 mars 2002, les appelants ont accepté la version modifiée de la clause 5.8 et la promesse, signée par tous, liait dès lors les parties.

[58] L'appelant Théberge témoigne que lui-même et sa conjointe ont agi ainsi en toute connaissance de cause. Ils étaient prêts à acheter l'immeuble sans garantie, le risque de l'affaire leur paraissant limité, notamment en raison de la clause relative à l'inspection : si cette inspection révélait des vices trop importants, ils pouvaient se dédire de la promesse en respectant les mécanismes mis en place par les clauses 2.2, 4.5 et 4.6 (voir supra, paragr. [25]).

[59] On a donc bel et bien affaire à une promesse de contracter au sens des articles 1396 et 1712 C.c.Q. et, plus exactement, à une promesse bilatérale de vente et d'achat, en date du 13 ou du 14 mars 2002. Le document P-2 n'est pas qu'une simple lettre d'intention par laquelle les parties se seraient simplement engagées à continuer de négocier en vue d'une éventuelle promesse. Il contient tous les éléments propres à la promesse de vente : l'acheteur promet d'acheter l'immeuble que le vendeur promet de lui vendre, selon un prix déterminé dont les modalités de paiement et de financement sont scrupuleusement précisées. On y prévoit le droit de l'acheteur de faire inspecter l'immeuble, à ses frais; on y précise les obligations de l'acheteur et celle du vendeur; on y prévoit diverses autres conditions usuelles dans ce genre d'entente. Le vendeur y fait également une série de déclarations typiques de celles que l'on retrouve dans un acte de vente d'immeuble. Bref, tout dans le contenu de cet écrit concorde avec l'existence d'une promesse, rien ne laisse à penser qu'il puisse s'agir d'une sorte d'avant-projet ou de document préparatoire à une véritable promesse. Les témoignages de l'appelant Théberge et du conjoint de l'intimée, M. Descheneaux, confirment cet accord.

[60] Que les parties ne s'entendent plus, maintenant, sur le sens à donner à certaines des clauses de cette promesse ou qu'elles ne s'entendent plus sur la nature et la portée des obligations que leur fait cette promesse est une tout autre affaire, qui n'empêche pas que l'intimée a promis de vendre aux appelants un immeuble que les appelants ont promis d'acheter, moyennant un prix ferme, le tout à diverses conditions.

[61] Reste maintenant à savoir si, justement, ces conditions et les obligations qu'elles sous-tendent se sont réalisées. Plus exactement, il faut savoir si les appelants ont respecté les obligations qui leur incombaient aux termes de la promesse.

2. Les appelants se sont-ils conformés à la promesse de vente?

[62] Les appelants se sont conformés aux obligations que leur imposait la promesse, dont l'intimée ne pouvait donc se dégager.

[63] Premièrement, les appelants ont, dès la signature de la promesse par toutes les parties, versé le dépôt de 2 000 $ qui y est prévu. Le chèque que l'appelant Théberge a remis à l'intimée a été encaissé, ce qu'elle reconnaît du reste.

[64] Deuxièmement, les appelants, à l'intérieur du délai prescrit, ont obtenu le financement prévu à la promesse, tel qu'en font foi les lettres que l'on retrouve dans le dossier d'appel sous les cotes P-3[13] et P-14/D-3[14]. D'ailleurs, au jour prévu par la mise en demeure pour la signature de l'acte de vente, le prix de vente était entre les mains du notaire (moins les 2 000 $ versés en dépôt et en acompte du prix de vente), comme l'indique la pièce P-11[15].

[65] Il est vrai qu'une partie de ce financement est venue non pas du second prêt hypothécaire envisagé par la clause 2b de la promesse, mais plutôt directement des fonds de l'appelant Théberge (par chèque visé). Cela, cependant, n'a jamais été invoqué par l'intimée comme motif de caducité de la promesse, qui ne paraît d'ailleurs avoir pris connaissance de ce fait que bien plus tard. La capacité de payer des appelants est de toute façon suffisamment établie. Voir sur ce point : Storey c. Webster[16], Houlachi c. Bray, précité, notamment à la p. 7; Bettan c. 146207 Canada inc., précité.

[66] Il faut maintenant examiner la question de l'inspection, qui est au cœur de la présente affaire.

[67] Si l'on comprend bien l'essence de ses prétentions, l'intimée reproche aux appelants de n'avoir pas fait effectuer le test de pyrite auxquels ils se seraient engagés, selon les termes de la promesse de vente ou en marge de celle-ci. Ce test aurait été une condition essentielle de la promesse et, par conséquent, de la vente.

[68] Je ne crois pas que la preuve prépondérante démontre que les appelants se soient engagés à faire un tel test; elle ne démontre pas non plus que la promesse ait été, pour l'intimée, conditionnelle à la réalisation d'un tel test.

[69] La question de la pyrite, il est vrai, a été abordée par l'intimée et son conjoint dès le début des négociations avec les appelants. Et justement, si la réalisation d'un test de pyrite avait l'importance que lui donne aujourd'hui l'intimée, on se demande bien pourquoi la promesse de vente n'en glisse pas un mot. C'est en effet l'intimée (ou son conjoint) qui a rédigé le document P-2. Or, comme on l'a vu précédemment, ce document comporte deux clauses relatives à l'inspection de l'immeuble par les appelants, clauses que je reproduis ici de nouveau, par commodité :

2.2 Cette promesse d'achat est conditionnelle à ce que l'acheteur puisse faire inspecter l'immeuble par un expert en bâtiment dans les trente (30) jours suivant l'acceptation de la présente promesse d'achat. Si cette inspection révèle l'existence de vices affectant l'immeuble, l'acheteur devra en aviser le vendeur dans le délai prévu ci-dessus et devra lui remettre dans les dix (10) jours suivant l'expiration de ce délai, une copie de la partie du rapport d'inspection décrivant ce vice. Dans ce cas, les mécanismes et les délais prévus aux paragraphes 4.5 et 4.6 s'appliqueront en les adaptant.

2.3 Tous les frais et charges d'inspection et vérification seront aux frais de l'acheteur, et ne devront en aucun cas altérer le bâtiment.

[70] Ces clauses ne mentionnent nullement que les appelants sont obligés de procéder à un test de pyrite (le reste de la promesse n'en parlera pas davantage) et elles ne peuvent être interprétées comme imposant cette obligation. Au mieux, on pourrait, à la lumière des témoignages sur ce point, trouver dans l'article 2.3 l'obligation pour les appelants de procéder à toute réparation que nécessiterait le fait d'avoir procédé à l'inspection, dans la mesure où celle-ci aurait altéré le bâtiment, ce qui aurait été le cas si un test de pyrite en bonne et due forme avait été fait. Même en acceptant cette interprétation, toutefois, on est loin de l'imposition d'un obligation de procéder au test de pyrite.

[71] Bref, si l'intimée, comme elle l'affirme maintenant, tenait vraiment au test de pyrite au point d'en faire une condition déterminante de la vente, elle n'avait qu'à l'indiquer dans le document P-2, ce qu'elle n'a pas fait.

[72] La preuve testimoniale (qui a été présentée ici sans objection, malgré l'article 2863 C.c.Q.) permet-elle de croire cependant que, malgré l'absence de mention à la promesse de vente, les parties ont néanmoins convenu de cette condition?

[73] On doit répondre à cette question par la négative. On peut sans doute admettre que les parties ont discuté de la possibilité ou de l'opportunité, pour les appelants, de faire exécuter un test de pyrite. Mais qu'elles se soient entendues pour en faire une condition essentielle de la promesse ou de la vente ne ressort ni des documents reproduits au dossier ni des témoignages des intéressés.

[74] Il ressort plutôt de la preuve que les appelants auraient initialement accepté l'idée de faire exécuter ce test, mais qu'ils ne se sont finalement pas entendus avec l'intimée (ou plus exactement avec son conjoint) quant au lieu où il aurait pu avoir lieu : le test suppose en effet qu'on prélève un échantillon à partir de l'intérieur du bâtiment, ce qui peut causer quelques dommages.

[75] Par ailleurs, au jour même de l'inspection, M. Descheneaux, qui est présent sur les lieux, ne passe aucune remarque particulière au sujet du test de pyrite; il est même prêt, après la visite, à remettre les titres de propriété à l'appelant Théberge. Cela est assez peu compatible, malgré les explications qu'il donnera par la suite, avec l'idée que le test de pyrite ait été une exigence absolue.

[76] Il paraît plutôt que c'est après la signature de la promesse, lorsqu'il a lu un certain article sur Internet, que M. Descheneaux a pris peur, peur qu'il a visiblement communiquée à l'intimée. Tel que mentionné précédemment (voir supra, paragr. [29]), cet article fait ressortir le caractère parfois vulnérable des clauses qui, dans un contrat de vente d'immeuble, excluent la garantie du vendeur. C'est manifestement à partir de ce moment que M. Descheneaux et l'intimée se sont inquiétés de l'absence de test de pyrite, qui leur semblait tout à coup devenir le rempart contre une poursuite éventuelle, puisque les appelants auraient alors acheté l'immeuble en sachant exactement s'il y avait pyrite ou pas. C'est d'ailleurs ce que constate le mémoire de l'intimée, dont je reproduis ici quelques passages choisis, que l'on retrouve aux p. 13, 15 et 16 :

Aussi, en contre-interrogatoire, M. Descheneaux explique pourquoi il tenait au test même si l'article 5.8 de P-2 faisait que l'immeuble était acquis sans garantie.

[Transcription de certains passages du témoignage de M. Descheneaux.]

Il appert en effet que M. Descheneaux avait, à l'époque de la vente, pris connaissance d'un article écrit par le procureur soussigné et passé sur internet traitant des clauses par lesquelles u vendeur vend sans garantie. À la question du procureur des Appelants, à savoir ce qu'il en comprenait, M. Descheneaux répond :

« Je comprends que… il explique là-dedans que des clauses de non garantie, ça peut être contestable, c'est pas quelque chose là, qui est immuable pour X raisons, entre autres pour…

Me Beauvais

Ça peut être contestable dans quelle circonstances, selon l'article?

M" Descheneaux

Lui explique une… une… sous le fait de vendre avec des vices qu'on aurait connus et puis que j'aurais cachés et puis que je voulais m'exclure de la garantie, ni plus ni moins une espèce de fraude »

(M.A., vol. IV, p. 884, lignes 16 à 25)

Comme M. Descheneaux sait que l'immeuble en cause comporte des vices mais qu'il en ignore les causes et les conséquences, il veut se munir d'un moyen qui lui assurerait davantage de protection.

[77] On peut comprendre la crainte de M. Descheneaux et, par ricochet, celle de l'intimée. Cette crainte, toutefois, était purement subjective et ne pouvait pas autoriser l'intimée à ajouter aux exigences ou aux conditions de la promesse.

[78] De toute façon, à supposer même que les parties aient convenu d'un test de pyrite, j'estime que, dans les circonstances de la présente affaire, cette condition (tout comme la clause d'inspection d'ailleurs) était stipulée au bénéfice des appelants, qui pouvaient donc y renoncer sans manquer à leurs obligations.

[79] En effet, sachant que l'immeuble pouvait contenir de la pyrite, situation qui leur a été dénoncée expressément par l'intimée, les appelants ont accepté d'acheter l'immeuble à leurs risques et périls, sans garantie aucune. Ce faisant, ils se trouvaient à renoncer à tout droit qu'aurait pu leur conférer, à l'encontre du vendeur, la découverte subséquente de pyrite sur les lieux, sans qu'ils puissent invoquer l'erreur ou le dol à ce propos. Dans ce cadre, la possibilité de faire un test de pyrite et, de même, la clause d'inspection (qui figurait dans la première offre présentée à l'intimée et qui a été reprise par celle-ci dans la promesse P-2, avec un ajout relatif à la remise en état des lieux après inspection) deviennent des mesures de protection des appelants, qui se réservent ainsi de ne pas acheter si le péril se révèle finalement plus grand qu'envisagé ou s'avère irrémédiable.

[80] Dans ces circonstances, les appelants pouvaient renoncer au test de pyrite et se satisfaire de la dénonciation faite par l'intimée, sans procéder à d'autres vérifications : ce n'était peut-être pas sage de leur part, mais cela ne constituait pas un manquement aux obligations découlant de la promesse de vente.

[81] Sans exclure qu'une condition de ce genre puisse, en d'autres circonstances, être stipulée au double bénéfice du promettant-acheteur et du promettant-vendeur, ce n'est pas le cas en l'espèce et l'intimée ne pouvait prendre prétexte de l'absence du test pour refuser de vendre son immeuble.

[82] Contrairement à ce que semblent croire l'intimée et son conjoint, la clause 5.8 de la promesse répondait à leur préoccupation première, qui était de se mettre à l'abri d'éventuelles poursuites des appelants pour vices cachés et, surtout, d'une poursuite résultant de la présence de pyrite sur les lieux.

[83] D'une part, l'article 1733, second alinéa, C.c.Q. permet ce genre de clause :

1733. Le vendeur ne peut exclure ni limiter sa responsabilité s'il n'a pas révélé les vices qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer et qui affectent le droit de propriété ou la qualité du bien.

Cette règle reçoit exception lorsque l'acheteur achète à ses risques et périls d'un vendeur non professionnel.

[Je souligne.]

Au contraire du vendeur professionnel, le vendeur non professionnel, ce qui est le cas de l'intimée, peut exclure sa responsabilité même s'il n'a pas révélé ou ne pouvait ignorer les vices affectant la qualité du bien. Bien sûr, cela n'empêche pas les règles contractuelles ordinaires de s'appliquer et l'on peut penser que l'acheteur d'un bien pourrait, si le vendeur non professionnel lui a délibérément caché l'existence d'un vice important, invoquer l'erreur, erreur provoquée par le dol de l'autre partie (articles 1399-1401 C.c.Q.), et obtenir l'annulation de la clause (ou celle de la vente) pour ce motif[17]. Encore faudrait-il que l'erreur soit déterminante[18] et que l'acheteur ait par ailleurs exercé toute la diligence raisonnable dans les circonstances et n'ait donc pas contribué à s'induire lui-même en erreur, pour ainsi dire, par exemple en se fermant les yeux ou en agissant de façon négligente ou téméraire.

[84] En l'espèce, toutefois, les appelants ne pourraient invoquer l'erreur ou le dol, puisqu'ils ont librement et, faut-il le répéter, en toute connaissance de cause, décidé d'acheter l'immeuble en dépit d'un problème potentiel de pyrite, problème dûment dénoncé par l'intimée, et décidé aussi de ne pas faire le test qui leur aurait permis d'en avoir le cœur net, choisissant plutôt de se fier aux impressions favorables de leur inspecteur. S'ils invoquaient l'erreur, celle-ci serait vraisemblablement inexcusable au sens de l'article 1400, second alinéa, C.c.Q.

[85] En fait, la situation présente des analogies avec celle de l'affaire Roussel c. Caisse Desjardins de Ste-Foy[19], comme on peut en juger par l'extrait suivant :

[26] L'article 1732 C.c.Q., qui reflète le principe de la liberté contractuelle, dispose que :

Les parties peuvent dans leur contrat ajouter aux obligations de la garantie légale, en diminuer les effets ou l'exclure entièrement, mais le vendeur ne peut en aucun cas se dégager de ses faits personnels.

[27] Pour sa part l'article 1733 C.c.Q. constitue une exception à cette règle générale qui permet au vendeur d'exclure entièrement la garantie légale lorsqu'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.

[28] Exception à cette exception, le dernier alinéa du même texte dispose que :

Cette règle reçoit exception lorsque l'acheteur achète à ses risques et périls d'un vendeur non professionnel.

[29] On consultera à ce sujet, en doctrine, l'ouvrage de J. EDWARDS, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois [renvoi omis] et, en jurisprudence, l'arrêt récent de notre Cour dans Garage Robert inc. c. 2426-9888 Québec inc. [renvoi omis].

[30] En l'espèce, rappelons-le, la vente a été faite par un vendeur non professionnel, sans garantie légale et aux risques et périls de l'acheteur.

[31] La lecture de l'ensemble de la preuve documentaire et des extraits de témoignages au dossier montre, me semble-t-il, le portrait suivant. Les appelants ont, avec raison lorsqu'ils ont négocié, flairé une bonne affaire, soit obtenir, pour quelques dizaines de milliers de dollars, un immeuble évalué à plus de 100 000 $. Ils ont inspecté l'immeuble, s'en sont déclarés satisfaits, mais, par ailleurs, ont omis de procéder à un examen environnemental spécialisé. Enfin, de son côté, l'intimée, qui connaissait le mauvais état de la bâtisse tout en ignorant l'existence du vice, voulait se débarrasser de l'immeuble mais, en aucun cas et pour aucune considération, accepter de garantir celui-ci de quelque façon que ce soit.

[32] Je conclus donc, sur ce point, que l'exclusion de la garantie est valable, que l'entente des parties est claire et n'est donc pas sujette à interprétation et, qu'en conséquence, les acheteurs doivent, malheureusement pour eux, assumer les risques de cette entreprise.

[Je souligne.]

[86] Tout de suite après, la Cour, sous la plume du juge Baudouin, poursuit en parlant de l'erreur :

[33] Les appelants plaident enfin l'erreur. Il ne peut évidemment s'agir ici que d'une erreur simple, puisque la bonne foi de l'intimée n'est pas en cause.

[34] L'article 1400 C.c.Q. dispose :

L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'entre elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou encore sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement. L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.

[35] Bien évidemment, il ne peut s'agir ici ni d'une erreur vu la nature du contrat ni d'une erreur sur l'objet de la prestation.

[36] Le troisième cas d'erreur (erreur sur un élément essentiel) comme le signalent tous les auteurs [renvois omis], est l'équivalent de ce qui était connu sous le régime du Code civil du Bas-Canada comme l'erreur sur la considération principale du contrat ou sur les qualités substantielles de l'objet. Elle se distingue de l'erreur sur le simple motif.

[37] Il n'y a pas de doute qu'en l'espèce, l'erreur des appelants a été déterminante. Il est clair que ceux-ci n'auraient jamais acheté s'ils avaient connu la qualité du terrain. Toutefois toute erreur, même déterminante, n'est pas cause de nullité ; encore faut-il qu'elle porte sur un élément essentiel du contrat, la considération principale.

[38] Or ici, à mon avis, la considération principale des appelants, au moment de la conclusion de l'engagement, était le très faible coût d'achat de l'immeuble, ce qui les a poussés d'ailleurs à accepter d'acheter sans garantie et à leurs risques et périls. Ils achetaient, en effet, pour 30 000 $ un immeuble valant 120 000 $. L’erreur est une erreur économique qui n’est pas un cas d’annulation.

[39] La situation n'est donc pas la même que dans l'arrêt Montpetit c. St-Jean [renvoi omis], puisque dans celui-ci il existait une condition formelle que le règlement municipal permettrait l'édification d'une maison. L'erreur portait alors sur la considération principale, par ailleurs bien exprimée dans l'engagement.

[40] Je suis donc d'avis, pour ces raisons, que le pourvoi doit échouer et doit être rejeté avec dépens.

[87] Ces propos sont transposables à l'espèce : on ne peut reprocher de dol à l'intimée; si erreur il y a eu (ce qui semble a priori douteux), elle n'est pas de nature à entraîner la nullité de la vente.

[88] Par ailleurs, vu les faits particuliers de l'affaire, on peut difficilement voir comment la responsabilité de l'intimée aurait pu être engagée, en ce qui touche la pyrite, par l'effet de l'article 1474 C.c.Q., disposition qui énonce que :

1474. Une personne ne peut exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice matériel causé à autrui par une faute intentionnelle ou une faute lourde; la faute lourde est celle qui dénote une insouciance, une imprudence ou une négligence grossières.

Elle ne peut aucunement exclure ou limiter sa responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui.

[89] S'il est vrai, comme le rappelle le juge Rochon dans Garage Robert inc., précité, que l'article 1474 l'emporte sur l'article 1733 C.c.Q. en ce que l'exclusion conforme au second ne peut empêcher la responsabilité résultant du premier en cas de préjudice corporel ou moral, encore faut-il qu'il y ait faute. En cas de préjudice matériel, il faut même une faute intentionnelle ou lourde. Or, si l'on s'en remet à la preuve reproduite au dossier d'appel, on ne voit pas bien quelle faute aurait commise l'intimée, puisqu'elle a dénoncé le problème en termes exprès. Que ce problème ait été potentiel ou non ne change rien : à partir du moment où il est signalé expressément aux appelants et que ceux-ci décident, selon les mots mêmes de l'appelant Théberge, de courir le risque, quelle faute pourrait-on reprocher à l'intimée?

[90] Bref, je conclus que, pour toutes ces raisons, l'intimée ne pouvait refuser de vendre aux appelants sous le prétexte que ceux-ci n'avaient pas fait ou fait faire un test de pyrite.

[91] J'en viens à la même conclusion, essentiellement pour les mêmes motifs, en ce qui touche l'absence d'un rapport d'inspection écrit.

[92] À mon avis, la remise à l'intimée d'un rapport décrivant les vices découverts ou relevés lors de l'inspection était stipulée au bénéfice des appelants : s'ils avaient obtenu ce rapport et l'avaient envoyé à l'intimée, celle-ci aurait dû, aux termes de la clause 4.5, indiquer sa volonté soit de remédier aux vices ainsi rapportés, soit de ne pas y remédier. Dans le second cas, les appelants auraient eux-mêmes eu le choix d'acheter ou de ne pas acheter.

[93] Les appelants ayant plutôt décidé de ne pas demander de rapport écrit, malgré les vices relevés lors de l'inspection (dont certains étaient apparents, notamment une fissure dans les fondations), peut-on dire qu'ils ont privé l'intimée de son «droit» de choisir de remédier aux vices en question (ce qui aurait eu pour conséquence d'obliger les appelants à acheter)?

[94] La question est purement rhétorique.

[95] En l'espèce, l'intimée avait manifesté son intention de ne pas mettre un sou en réparations, le bâtiment devant être acheté tel quel, d'où, d'ailleurs, la clause 5.8 de la promesse. Les appelants, de leur côté, ont décidé d'acheter quoi qu'il en soit des vices révélés par l'inspection, y inclus au chapitre de la fissure. Dans le pire des cas, si les vices avaient fait l'objet d'un rapport écrit et que l'intimée avait refusé d'y remédier, les appelants auraient quand même acheté : la preuve, sur ce point, est sans équivoque. Cela, d'une certaine façon, rendait caduque la procédure mise en place en vertu des clauses 4.5 et 4.6. Quant à elle, l'intimée ne peut certainement pas se plaindre d'avoir été privée de l'occasion de dépenser en vue de remédier aux vices en question.

[96] Pour le reste, les commentaires que je formulais à propos du test de pyrite s'appliquent mutatis mutandis.

[97] J'ajoute par ailleurs que les appelants, même s'ils l'ont fait maladroitement, ont finalement cédé aux exigences de l'intimée (sauf sur la question de la pyrite) et lui ont donné les assurances qu'elle réclamait. Comme on l'a vu plus tôt (supra, paragr. [33]), leur lettre du 23 avril 2002 précise explicitement ce qui suit :

Malgré ce qui précède et sans que légalement nous en soyons tenus responsables, et uniquement dans le but de démontrer notre bonne foi, vous trouverez ci-joint les précisions demandées pour chacun des cinq points figurant à la vôtre du 10 avril 2002.

1. Oui, nous sommes satisfaits de l’inspection effectuée par l’expert en bâtiment de notre choix qui a pris connaissance de l’ensemble du bâtiment et de ses dépendances, tel en fait d’ailleurs foi l’avis que nous vous avons transmis en date du 5 avril 2002;

2. Oui, nous nous déclarons satisfait de l’état de l’immeuble;

3. Oui, nous confirmons n’avoir aucune demande de modification concernant l’état physique de l’immeuble;

4. Oui, nous reconnaissons être au courant qu’il y a une fissure importante qui a demandé une réparation d’étanchéité au mur de fondation à l’arrière du bâtiment.

5. Oui, nous sommes d’accord pour acheter cet immeuble sans garantie de qualité.[20]

[98] Le préambule de ces affirmations a choqué M. Descheneaux, qui y a vu une manifestation de la mauvaise foi des appelants et de leur volonté de s'esquiver. Or, on ne peut raisonnablement y voir rien de tel.

[99] En somme, tout le litige naît de la conviction profonde de M. Descheneaux que la clause 5.8 de la promesse est vulnérable et que l'intimée, par conséquent, l'est tout autant. À la suite de ses échanges peu amènes avec l'appelant Théberge, il finit par perdre confiance en ce dernier et se persuader que celui-ci cherche en fait à contourner la clause 5.8. L'intimée partage cette conviction. Or, cette perte de confiance n'était pas une raison valable de ne pas se conformer à la promesse.

* *

[100] Les appelants se sont conformés aux exigences de la promesse et ils ont même répondu aux exigences supplémentaires de l'intimée. Comme ils satisfont en outre aux conditions de l'action en passation de titre, il y a donc lieu d'accueillir le pourvoi et, de même, leur action, sous ce chef.

B. Droit, à titre de dommages-intérêts, à la perte des revenus locatifs que les appelants auraient perçus s'ils avaient acheté l'immeuble

1. Perte des revenus locatifs

[101] Quoiqu'ils ne développent pas leur argumentation sur ce point, les appelants, qui auraient été privés d'un gain par le refus de vendre de l'intimée, prétendent avoir droit « aux revenus de l'immeuble, depuis la date prévue pour la délivrance de l'immeuble soit le 13 juin 2002, en application des articles 1453 et 1456 C.c.Q. »[21]. La somme réclamée sous ce chef s'élève à 21 014,83 $, sauf à parfaire. À l'audience, ils présentent d'ailleurs une requête pour être autorisés à faire une preuve nouvelle, visant les revenus locatifs perdus depuis la date du jugement de première instance. Il y a lieu d'accueillir cette requête.

[102] Cela dit, le document que présentent les appelants au soutien de leur prétention ne permet pas d'évaluer avec précision le montant véritable des dommages qu'ont réellement subi les appelants du fait de cette perte de revenus locatifs engendrée par le refus de vendre de l'intimée.

[103] Le montant exact des loyers n'a ainsi jamais été établi (par exemple par production des baux), M. Descheneaux indiquant simplement dans son témoignage que les loyers totalisent environ 1620 $ à l'époque du procès.

[104] De plus, les calculs proposés par les appelants ne contiennent aucune déduction pour les frais d'entretien de la propriété et aucune provision n'y est faite pour ce qu'on pourrait appeler les aléas de la location : le triplex des appelants a-t-il été loué en tout temps pendant la période pertinente? Les appelants le supposent mais n'en ont pas fait la preuve.

[105] Les tableaux fournis par l'intimée (pièces D-5 et D-7) ne sont pas beaucoup plus éloquents. Comme l'avocat des appelants nous l'a fait remarquer, la pièce D-5 fait pour partie renvoi à des revenus et des dépenses antérieurs à la période pertinente. Quant à elle, la pièce D-7, qui tient compte des dépenses d'entretien, paraît sous-estimer les revenus nets de l'immeuble.

[106] Cela étant, il convient de fixer à 10 000 $ le montant des dommages subis par les appelants au chapitre de la perte de revenus locatifs depuis le 13 juin 2002, date à laquelle l'intimée, conformément à la mise en demeure qui lui a été adressée, aurait dû signer l'acte de vente. Quant à l'intérêt et à l'indemnité additionnelle, leur calcul présente ici des difficultés réelles, puisque, techniquement, on devrait les fixer en fonction de la date d'échéance de chaque loyer, depuis le mois de juillet 2002. Vu les défaillances de la preuve, cet exercice n'est pas possible. Procédant à un arbitrage, je suggère que l'intérêt au taux légal soit accordé à compter du 15 juillet 2002 (date à laquelle auraient été dus les premiers loyers « perdus » par les appelants; je suggère cependant que l'indemnité additionnelle ne soit pas accordée.

2. Honoraires du notaire (pièce P-28)

[107] Les appelants réclament également qu'on leur rembourse les honoraires qu'ils ont versés au notaire Yvan Corbeil, en paiement du constat d'absence produit comme pièce P-10. Cette réclamation s'élève à 517,61 $. Il y lieu de faire droit à la réclamation, qui découle directement du refus de l'intimée de passer titre le 13 juin 2002 et d'accorder l'intérêt à compter de la date de la facture du notaire (pièce P-28, 14 octobre 2004).

C. Droit aux dommages-intérêts pour troubles, inconvénients et honoraires extrajudiciaires

[108] Dans les conclusions de leur inscription en appel, les appelants réclament 8 000 $ pour les troubles et inconvénients résultant du refus de l'intimée de procéder à la vente. Ils réclament également 6 000 $ à titre d'honoraires extrajudiciaires.

[109] Ces réclamations sont mal fondées.

[110] D'une part, quant à la réclamation pour troubles et inconvénients, le jugement de première instance a accordé aux appelants une somme de 3 000 $ visant à compenser le préjudice résultant des actes fautifs de M. Descheneaux dans cette affaire (plaintes à la police et plainte de nature déontologique). Il est vrai que cette somme ne visait pas à compenser le préjudice dont les appelants auraient souffert par suite du refus de l'intimée de vendre sa propriété, préjudice dont ils n'ont toutefois pas fait la preuve. L'appelante Ross n'a pas témoigné; quant à l'appelant Théberge, le préjudice dont il a fait état est celui pour lequel il a déjà obtenu compensation en première instance. Il n'y a donc pas lieu d'accorder cette demande.

[111] D'autre part, la réclamation des honoraires extrajudiciaires doit être rejetée. Il n'y a pas, de la part de l'intimée, abus du droit d'ester en justice au sens de l'arrêt Viel c. Entreprises immobilières du terroir ltée[22]. Le fait que les appelants aient été forcés d'intenter une action en justice pour faire valoir leur droit ne signifie pas qu'ils aient été victimes d'un abus justifiant que l'intimée soit tenue de payer leurs honoraires extrajudiciaires.

D. Conclusion

[112] Pour ces motifs, je propose d'accueillir la requête pour présentation d'une preuve nouvelle, sans frais; d'accueillir l'appel pour partie, avec dépens (sauf quant au cahier d'autorités des appelants, qui a été déposé hors délai), d'infirmer partiellement le jugement de première instance, avec dépens, d'accueillir pour partie l'action en passation de titre et en dommages-intérêts, de condamner l'intimée à verser aux appelants la somme de 10 000 $, avec l'intérêt au taux légal depuis le 15 juillet 2002, ainsi que la somme de 517,61 $ avec l'intérêt au taux légal depuis le 14 octobre 2004.

MARIE-FRANCE BICH J.C.A.

[1] Voir à ce propos les passages de divers témoignages, mémoire des appelants, aux p. 632-637, 761, 782 et, surtout, 843-844.

[2] Pièce P-30, mémoire des appelants, à la p. 241.

[3] Mémoire des appelants, lettre du 10 avril 2002, à la p. 130.

[4] Mémoire des appelants, lettre du 23 avril 2002, aux p. 134-136.

[5] Témoignage d'Yvan Corbeil, mémoire des appelants, aux p. 754-755, 757-760.

[6] Voir notamment le témoignage de M. Descheneaux, mémoire des appelants, aux p. 730-732.

[7] 1993 CanLII 3533 (QC CA), [1993] R.D.J. 489 (C.A.).

[8] [2000] R.D.I. 202 (C.A.).

[9] 2005 QCCA 973 (CanLII), B.E. 2005BE-1062.

[10] 2006 QCCA 1318 (CanLII), J.E. 2006-2110 (demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada, no 31712).

[11] 1997 CanLII 7108 (QC CA), J.E. 97-2114 (C.A.).

[12] J.E. 2004-1349, [2004] R.D.I. 543 (C.A.).

[13] Mémoire des appelants, p. 114 et s.

[14] Mémoire des appelants, p. 266.

[15] Mémoire des appelants, p. 158.

[16] [2002] R.D.I. 15 (C.A., requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2003-02-06), 29076).

[17] Voir à ce sujet : Garage Robert inc. c. 2426-9888 Québec inc., 2001 CanLII 9967 (QC CA), [2001] R.J.Q. 865, au paragr. 20 (motifs du juge Rochon) et paragr. 34 (motifs du juge Chamberland);

[18] Art. 1400 C.c.Q.. Voir également: Didier LLUELLES et Benoît MOORE, Droit des obligations, Montréal, Les Éditions Thémis, 2006, aux p. 241 et s. (paragr. 521 et s.).

[19] J.E. 2004-2011 (C.A.).

[20] Mémoire des appelants, lettre du 23 avril 2002, à la p. 135.

[21] Mémoire des appelants, p. 24.

[22] 2002 CanLII 41120 (QC CA), [2002] R.J.Q. 1262 (C.A.).