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Droit de la famille — 17574, 2017 QCCS 1115

no. de référence : 2017 QCCS 1115

Droit de la famille — 17574
2017 QCCS 1115
Jl 4473

COUR SUPÉRIEURE

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
MONTRÉAL

N° :
500-12-327938-159



DATE :
24 mars 2017
______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L’HONORABLE
CHANTAL LAMARCHE, J.C.S.
______________________________________________________________________


D... O...
Demanderesse
c.
C... G...
Défendeur

______________________________________________________________________

JUGEMENT
______________________________________________________________________

1. L’INTRODUCTION

[1] Madame demande le divorce ainsi qu’une pension alimentaire et le partage des gains de Monsieur accumulés auprès de Retraite Québec et dans le régime de retraite de son employeur actuel.

[2] Monsieur est d’accord avec les demandes de Madame à l’exception du montant de la pension alimentaire.

2. LE CONTEXTE

[3] Les parties cohabitent depuis 1986 lorsqu’elles se marient le 8 septembre 1990. Elles se séparent en mars 2013. Aucun enfant ne naît de leur union.

[4] De 1986 à mars 2013, sauf pour une période de trois ans pendant laquelle Madame souffre d’une dépression et que Monsieur reste à la maison pour s’occuper d’elle, les parties ont toujours travaillé.

[5] Monsieur gagne un revenu plus élevé que Madame.

[6] Ils ont un compte bancaire conjoint et y déposent leurs paies. Madame est responsable du budget.

[7] En 2008, alors que le revenu du couple est d’environ 60 000 $, Monsieur fait faillite à la suggestion de Madame, car les dettes du ménage s’accumulent. Il est libéré de sa faillite en janvier 2010.

[8] Lors de la séparation en mars 2013, Madame est âgée de 56 ans. Elle travaille comme caissière dans une pharmacie et gagne environ 20 000 $ par année. Monsieur est âgé de 54 ans et occupe un poste au département de l’emballage d’une usine de fabrication de pièces d’aluminium. Il gagne environ 47 000 $ par année.

[9] Au moment de la séparation, Monsieur s’engage par écrit[1] à payer le loyer de Madame jusqu’au 1er juin 2014. Il s’agit d’un montant de 505 $ par mois jusqu’en juin 2013 et de 515 $ par mois du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014. Il indique dans son enga­gement écrit qu’après juin 2014, cette somme sera payée à titre de pension alimentaire.

[10] Monsieur paie le loyer de Madame jusqu’en octobre 2013.

[11] À cette date, il lui écrit qu’il doit réduire ses paiements à 260 $ parce qu’il a dû s’acheter une voiture[2]. Monsieur demeure à Ville A et travaille à Ville B.

[12] Puis en décembre 2013, Monsieur informe Madame qu’il n’a plus les moyens de payer son loyer en raison de la baisse de ses revenus[3]. Le dernier paiement est en décembre 2013.

[13] Entre-temps en juillet 2013, Madame fait une chute et se blesse sérieusement au coude[4]. Elle est en arrêt de travail. Comme elle ne bénéficie pas d’assurance collective, elle reçoit des prestations d’assurance emploi pendant environ 15 semaines puis des prestations d’aide financière de dernier recours qu’elle reçoit toujours en date de l’audience avec une allocation de contrainte temporaire à l’emploi[5].

[14] Malgré les trois chirurgies qu’elle subit au coude en 2013, elle demeure invalide[6].

[15] En février 2014, elle subit une quatrième chirurgie au coude qui lui permet de retrouver une mobilité partielle de son bras[7].

[16] En avril 2015, elle subit une hystérectomie[8].

[17] Madame est aussi suivie en urologie. À compter de septembre 2016, elle est en attente d’une chirurgie visant l’ablation de son rein gauche sur lequel il y a une masse cancéreuse. La chirurgie se déroule en décembre 2016[9].

[18] Elle souffre également de diabète, d’apnée du sommeil et d’hypertension. Elle prend des médicaments pour ces conditions médicales et aura sous peu un appareil pour atténuer les conséquences de l’apnée du sommeil.

[19] De son côté, Monsieur subit deux accidents de travail, le premier en 2005 (entorse lombaire) et le second en 2009 (entorse lombaire et tendinite à l’épaule gauche)[10]. À son retour au travail après son deuxième accident du travail, il postule sur un poste physiquement moins exigeant que son poste antérieur d’opérateur de pont roulant. Il obtient un poste d’aide à l’emballage. Selon l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale (B.E.M.), Dr Jacques Duranceau, qu’il produit, Monsieur souffre également d’une atteinte dégénérative multi-étagée du rachis dorsolombaire[11].

[20] Monsieur affirme que son employeur l’oblige à réduire ses heures de travail à quatre jours semaine à compter d’octobre 2014, de sorte que son revenu annuel diminue de 47 600 $ en 2014 à 37 000 $ en 2015. En raison de ses douleurs lombaires, il soutient qu’il ne serait de toute façon plus capable de travailler cinq jours semaine. Selon lui, son employeur cherche même à le forcer à travailler trois jours semaine ou à prendre sa retraite avant l’âge qu’il envisage, car il n’a plus la capacité d’exécuter des travaux lourds.

[21] Le 24 août 2015, Madame dépose sa demande en divorce et mesures acces­soires. Elle réclame une pension alimentaire de 1 200 $ par mois et le partage des gains accumulés auprès de Retraite Québec et du régime de retraite de l’employeur de Monsieur.

[22] Madame demande au Tribunal d’établir un revenu pour Monsieur équivalent à son salaire à temps plein et non à quatre jours semaine, car elle considère qu’il n’a pas fait la preuve de son incapacité de travailler cinq jours semaine.

3. LE DIVORCE

[23] Étant donné que les parties sont séparées depuis mars 2013 et qu’il n’y aucune chance de réconciliation, le Tribunal prononce le divorce.



4. L’ANALYSE

4.1 Madame a-t-elle droit à une pension alimentaire?

4.1.1 Le droit

[24] Le droit à une pension alimentaire est établi en fonction des objectifs et facteurs de l’article 15.2 de la Loi sur le divorce[12] et tient compte des besoins et moyens des époux.

[25] La Cour suprême dans Bracklow c. Bracklow[13] énonce trois fondements au droit d’un époux à une pension alimentaire : compensatoire, contractuel et non compen­satoire.

[26] Selon le quatrième objectif de l’article 15.2 (6) de la Loi sur le divorce, la pension alimentaire vise notamment à favoriser l’indépendance économique des époux.

[27] Lorsqu’un des époux a une santé déficiente et ne peut travailler, l’autre époux a, en vertu de cet article de la Loi sur le Divorce une obligation sociale fondamentale de subvenir aux besoins de l’époux incapable de travailler, dans la mesure de ses moyens[14].

[28] Dans Droit de la famille - 11858[15], le juge Pierre Isabelle s’appuyant sur cette obligation sociale fondamentale accorde une pension alimentaire à l’épouse devenue invalide après la séparation des parties alors qu’elle avait toujours gagné sa vie. Il écrit[16] :

[150] Dans l'arrêt Bracklow c. Bracklow la Cour suprême a reconnu que l'incapacité de l'ex-épouse d'acquérir son autonomie financière à cause de la maladie peut servir de motif à l'octroi d'une pension alimentaire basée essentiellement sur le modèle de l'obligation sociale fondamentale. L'honorable juge McLachlin s'exprime ainsi sur la question :

« Bien que les lois prévoient une obligation alimentaire fondée sur le contrat et l'indemnisation, elles ne restreignent pas l'obligation à ces motifs. La « capacité de l'un ou l'autre des époux, ou des deux à la fois, de subvenir à leurs besoins, et les efforts raisonnables qu'ils déploient en ce sens » (Family Relations Act, al. 89(1)d)), indiquent une préoccupation des besoins qui transcende l'indemnisation ou le contrat. Même si un époux n'a pas renoncé à des possibilités de carrière ou n'a pas autrement été désavantagé par le mariage, le tribunal doit tenir compte de la capacité réelle de cet époux de se débrouiller seul et des efforts qu'il a déployés en ce sens, y compris ceux déployés après l'échec du mariage. De même, les « circonstances économiques » (al. 89 (1)e)) incitent à prendre en considération, de manière générale, tous les facteurs concernant la situation financière des parties, et non seulement ceux liés à l'indemnisation. On peut en dire autant de la Loi sur le divorce qui ordonne aux tribunaux de tenir compte « des ressources, des besoins et d'une façon générale, de la situation de chaque époux. »

[151] Madame la juge Thérèse Rousseau-Houle a eu l'occasion de commenter l'affaire Bracklow dans l'arrêt R.T. c. M.L. Elle écrit:

« a reconnaissance de cette obligation sociale fonda­mentale sous-tend que le seul état de besoins d'un époux victime d'une maladie ou d'un accident peut possiblement fonder une demande alimentaire en vertu de la Loi sur le divorce. Ce droit alimentaire est-il alors sans balise? »

[152] Et elle ajoute:

« L'arrêt Bracklow, après avoir énoncé le postulat déjà cité en exergue que le mariage peut « impliquer la possibilité d'une obligation à vie et qu'il n'existe pas de date limite magique », rappelle qu'en dernière analyse, les tribunaux conservent un pouvoir discrétionnaire dont l'exercice dépendra des faits particuliers de l'espèce, eu égard aux facteurs et aux objectifs énoncés dans la Loi sur le divorce. Si la Cour suprême n'a pas hésité à affirmer le droit alimentaire de madame Bracklow compte tenu de la durée de la cohabitation, soit sept ans dont trois en dehors du mariage, des difficultés que l'échec du mariage lui avait causées ainsi que de ses besoins et de la capacité de payer de son ex-époux, elle ne s'est pas prononcée sur le montant et la durée de la pension alimentaire préférant renvoyer ces aspects du dossier au tribunal de première instance. »

[153] La pension alimentaire payable à un ex-époux n'est pas automa­tiquement une rente à vie. La durée de la cohabitation et la situation particulière de chacune des parties, avant comme après le mariage, doivent également être prises en considération lors de l'octroi d'une pension alimentaire.

[…]

[156] Cette situation milite en faveur de l'octroi d'une pension alimen­taire pour la demanderesse. L'état ne peut pourvoir seul aux besoins d'une ex-épouse victime d'une maladie. L'ex-époux doit contribuer en fonction de sa capacité financière. Il s'agit là de la reconnaissance de l'obligation sociale fondamentale dont parle la Cour suprême dans les arrêts précités, laquelle sous-tend que le seul état de besoin d'une épouse victime d'une maladie peut fonder une demande alimentaire.

[Références omises]

[Soulignement du Tribunal]

4.2 Application aux faits

4.2.1 Le fondement de la pension alimentaire pour Madame

[29] En l’espèce, il s’agit d’un mariage d’une longue durée, soit 23 ans.

[30] L’État mensuel des revenus et dépenses de l’unité familiale déposé par Monsieur lors de sa faillite[17] démontre que, même si Madame occupe un emploi pendant la vie commune, Monsieur soutient financièrement celle-ci étant donné la disparité de leurs revenus depuis 1998[18].

[31] Depuis juillet 2013, Madame reçoit des indemnités d’assurance emploi pour invalidité et par la suite des prestations d’aide financière de dernier recours incluant une allocation de contrainte temporaire à l’emploi.

[32] Le 20 mars 2017, elle a eu 60 ans et touchera sa rente de Retraite Québec, soit environ 300 $ par mois après le partage des gains accumulés au nom de Monsieur[19], ce qui réduira d’autant ses prestations d’aide financière de dernier recours. Madame explique qu’étant prestataire d’aide financière de dernier recours, elle doit demander sa rente de Retraite Québec dès 60 ans.

[33] Étant donné la situation médicale de Madame attestée par les différents rapports médicaux qu’elle produits[20] et son admissibilité à l’allocation de contrainte temporaire à l’emploi, le Tribunal considère que, même en l’absence d’une expertise médicale confirmant son incapacité à travailler, la preuve prépondérante démontre qu’au moment où elle dépose sa demande de pension alimentaire elle est incapable de gagner sa vie et a besoin du support de Monsieur.

[34] Au moment de l’audience, Madame se dit en rémission du cancer qui a atteint son rein gauche. En juin 2017, elle doit passer des examens médicaux pour s’assurer de cette rémission. Elle reçoit toujours l’allocation de contrainte temporaire à l’emploi. Le Tribunal estime qu’elle est encore incapable de gagner sa vie.

[35] Étant donné son incapacité à gagner sa vie pour des raisons médicales, le Tribunal considère que Madame a droit à une pension alimentaire dans la mesure de ses besoins et des moyens de Monsieur.

[36] Cependant, même si en raison de son âge (60 ans) et de sa scolarité (Secondaire III), il sera peut-être difficile pour Madame de se retrouver un emploi, elle devra faire des démarches à cet égard dès qu’elle sera considérée apte à l’emploi sous peine de possiblement voir réduire la pension alimentaire que le Tribunal lui accorde par le présent jugement.

4.2.2 Les besoins de Madame

[37] Madame reçoit présentement des prestations de 761 $ par mois et déclare avoir des dépenses mensuelles de 1 102 $[21].

[38] Elle vit seule et n’a aucun actif. Son seul passif est une dette de 5 000 $ auprès d’Hydro-Québec. Elle affirme ne plus payer son compte d’électricité de 180 $ par mois depuis un an. Lorsqu’on lui fait remarquer en contre-interrogatoire que des comptes impayés de 180 $ par mois pendant un an ne peuvent constituer une dette de 5 000 $, elle corrige sa réponse pour indiquer que c’est depuis deux ans environ qu’elle ne paie plus son compte d’électricité.

[39] À une question du Tribunal qui ne comprend pas comment Madame peut avoir un déficit de 342 $ par mois (ses dépenses seraient de 1 102 $ par mois et elle reçoit des prestations d’aide financière de dernier recours de 761 $) depuis 2014 et n’avoir à son bilan aucune dette ou emprunt sauf Hydro-Québec, Madame répond que sa mère lui verse 400 $ par mois. Puis, lorsqu’on lui souligne que si elle ne paie pas son compte d’électricité de 180 $ depuis deux ans, son manque à gagner réel depuis 2015 est de 161 $ par mois[22], elle corrige son témoignage et soutient que sa mère lui verse peut‑être 200 $ par mois.

[40] Bien que les explications de Madame soulèvent un questionnement, en l’absence de faits graves précis et concordants[23] démontrant que Madame gagne un revenu occulte ou encore que les dépenses énumérées à son Formulaire III sont fictives par exemple parce qu’elle ne paie pas de loyer, le Tribunal conclut que le montant de 1 102 $ par mois à titre de dépenses est plus que raisonnable.

4.2.3 Les moyens de Monsieur

[41] Le Tribunal estime que le revenu de Monsieur afin d’établir sa capacité de payer une pension alimentaire est le revenu qu’il déclare en 2015 et en 2016 et non 50 000 $ comme le demande Madame.

[42] Monsieur soutient que son employeur a réduit ses heures de travail à quatre jours semaine. La preuve de l’imposition de cette réduction d’heures de travail ne s’appuie que sur le témoignage de Monsieur[24] et paraît discutable.

[43] Cependant, la situation médicale de Monsieur établie par le rapport du Bureau d’évaluation médicale du 27 janvier 2010[25] indique que Monsieur est « porteur d’une atteinte dégénérative (…) multi-étagée du rachis dorsolombaire » et qu’une « certaine prudence est recommandée dans les mouvements répétés de flexion/extension du rachis, surtout lorsqu’il y a manipulation de charges lourdes ».

[44] Monsieur explique que son travail lui demande de soulever à plusieurs reprises des morceaux d’aluminium qui, dans une journée, peuvent totaliser des centaines de livres. Il aura 59 ans en mai prochain et ajoute que depuis 2010, ses douleurs au dos ont augmenté et qu’il n’est de toute façon plus capable de travailler cinq jours semaine en raison des exigences physiques de son travail.

[45] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal estime que la preuve prépondérante démontre que Monsieur n’a pas réduit ses heures de travail afin de diminuer volon­tairement ses revenus.

[46] Toutefois, la preuve administrée par Monsieur au sujet de ses dépenses ne convainc pas le Tribunal qu’il est incapable de payer une pension alimentaire mensuelle supérieure à 200 $.

[47] Il est tout d’abord inexact de soutenir comme il le fait dans la lettre qu’il adresse à Madame en décembre 2013[26] que ses revenus diminuent puisque son revenu de 2014 est identique à celui de 2013, soit 47 700 $[27]. Ce n’est qu’en 2015 que son revenu annuel baisse de 10 600 $[28] environ.

[48] De plus, selon ses relevés bancaires mensuels de janvier à décembre 2016 ses retraits qui, selon son témoignage, couvrent toutes ses dépenses sont toujours inférieurs à 3 000 $, sauf pour un mois[29], alors que les dépenses qu’il indique à son Formulaire III de 2016 sont de 3 081 $[30]. En 2016, les retraits mensuels moyens de son compte bancaire sont de 2 467 $.

[49] Lors de son témoignage, Monsieur est incapable d’expliquer cette différence autrement que par une contribution ponctuelle de sa conjointe, avec qui il cohabite depuis quatre ans. Il affirme qu’elle paie à l’occasion le compte d’Hydro-Québec lorsqu’il n’arrive pas à le payer. Monsieur explique qu’elle n’a pas la capacité financière d’assumer une partie des coûts du logement, car elle travaille au salaire minimum.

[50] Le Tribunal estime que la conjointe de Monsieur contribue de façon régulière aux dépenses que celui-ci déclare être les siennes sur le Formulaire III puisque les relevés bancaires de Monsieur depuis 2015 démontrent que ses véritables dépenses sont infé­rieures à celles déclarées sur son Formulaire III de 2015 et celui 2016. La différence étant en moyenne d’environ 400 $ par mois pour 2015 et d’environ 600 $ par mois pour 2016[31].

[51] D’ailleurs, le bail que Monsieur produit est à son nom et celui de sa conjointe. De plus, Monsieur reconnaît en réinterrogatoire que les comptes d’Hydro-Québec et de Vidéotron sont au nom de sa conjointe. Il explique cette situation par ses dettes passées avec ces entreprises. Cette explication n’est pas pertinente en l’espèce.

[52] Par ailleurs, si comme il le soutient, sa conjointe ne contribue pas régulièrement aux dépenses que Monsieur déclare être les siennes, alors ces dernières sont moindres que ce qu’il déclare dans ses Formulaires III puisque ses relevés bancaires font état de dépenses inférieures, et ce, depuis janvier 2015.

[53] Enfin, certaines dépenses sur le Formulaire III de Monsieur sont discutables. Par exemple, les frais d’avocats de 2 500 $. Monsieur devra certainement les payer, mais ce n’est pas une dépense récurrente.

[54] Monsieur a aussi admis qu’il ne suivait plus de cours de danse pour l’instant, donc la dépense mensuelle de 65 $ pourrait être soustraite.

[55] D’autres dépenses sont compressibles comme les 25 $ par mois pour des DVD ou encore 40 $ par mois pour des repas au travail.

[56] Monsieur n’a qu’un actif qu’il évalue à 2 000 $; sa voiture Mazda 3 de 2008 qui compte plus de 160 000 km. À son passif, il indique ses frais d’avocat (2 500 $), le prêt pour sa voiture (8 144 $) et des pneus (800 $). Le Tribunal considère que le solde de son prêt auto est plutôt de 5 720 $ au 30 décembre 2016[32].

[57] Bref, le Tribunal estime que la preuve démontre que les véritables dépenses de Monsieur sont inférieures à 3 081 $[33]. Bien qu’il soit difficile d’établir un montant exact, le Tribunal retient celui qui lui semble le plus près de la réalité soit la moyenne mensuelle des retraits de son compte bancaire. Ce montant est de 2 485 $ pour 2015 et 2 467 $ pour 2016[34].

[58] Étant donné le revenu mensuel net de Monsieur de 2 510 $[35] en 2015 et ses dépenses telles qu’établies par le Tribunal à 2 485 $, le Tribunal estime que Monsieur n’a pas la capacité de payer une pension alimentaire en 2015.

[59] La situation est cependant différente pour 2016.

[60] Monsieur reconnaît qu’il pourrait actuellement payer à Madame une pension de 200 $ par mois.

[61] Ce montant n’est pas suffisant étant donné les besoins de Madame et la capa­cité de Monsieur. Toutefois, la pension réclamée par Madame est trop élevée même si elle s’appuie sur les lignes directrices facultatives.

[62] Pour 2016, le Tribunal retient que les véritables dépenses mensuelles de Monsieur sont de 2 467 $ alors que son revenu mensuel net est de 3 344 $[36].

[63] À la lumière des besoins de Madame, des moyens de Monsieur et en tenant compte que Madame a droit à une rente mensuelle de Retraite Québec estimée à 300 $, le Tribunal fixe la pension alimentaire payable par Monsieur à 700 $ par mois. Le coût net pour Monsieur sera inférieur à cette somme étant donné le traitement fiscal de la pension alimentaire pour époux.

[64] Étant donné le partage les gains accumulés par Monsieur auprès de Retraite Québec et à son régime de retraite auprès de son employeur, celui-ci pourra s’adresser à la Cour lorsqu’il touchera comme revenu ses prestations de retraite afin d’éviter une double ponction[37].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[65] PRONONCE le divorce entre les parties dont le mariage a été célébré le 8 septembre 1990 à Montréal qui prendra effet le 31e jour suivant la date du présent jugement;

[66] ORDONNE à monsieur C... G... de payer à madame D... O... une pension alimentaire au bénéfice de cette dernière de 700 $ par mois à compter du 1er janvier 2016;

[67] ORDONNE le partage des droits accumulés par monsieur C... G... entre le 8 septembre 1990 (date du mariage) et le 1er mars 2013 (date de la cessation de la vie commune) au titre du régime de retraite qu’il détient auprès de SAPA Canada inc.;

[68] ORDONNE que le partage des gains inscrits à Retraite Québec soit établi en fonction de la date du mariage (le 8 septembre 1990) et la date de la cessation de la vie commune (le 1er mars 2013);

[69] SANS FRAIS DE JUSTICE.





__________________________________
Chantal Lamarche, j.c.s.

Me Andréanne Beaudry
BAJ CENTRE SUD
Avocate de la demanderesse

Me Caroline Daniel
DE BARGIS & DANIEL, Avocats
Avocate du défendeur

Me Nathalie Tremblay (A)
BERNARD ROY (Justice Québec)
Avocate de la mise en cause

Dates d’audience:
9 et 10 mars 2017


[1] Pièce P-4.
[2] Pièce D-11.
[3] Pièce D-11A.
[4] Pièces P-10 et P-14.
[5] Pièce P-9.
[6] Pièce P-10.
[7] Pièces P-10 et P-14.
[8] Pièce P-14.
[9] Pièce P-14.
[10] Pièce P-5.
[11] Pièce P-5.
[12] LRC 1985, c 3 (2e suppl).
[13] 1999 CanLII 715 (CSC), [1999] 1 RCS 420.
[14] Bracklow c. Bracklow, préc., Id., par. 42.
[15] 2011 QCCS 1523 (CanLII).
[16] Droit de la famille – 11858, préc., Id., par. 150 à 153 et 156.
[17] Pièce P-4.
[18] Pièce P-8, voir le tableau des revenus p. 3.
[19] Pièce P-8.
[20] Pièces P-10 et P-14.
[21] Pièce P-11.
[22] 1 102 $ (ses dépenses) - 180 $ (compte Hydro-Québec inclus dans ses dépenses mais qu’elle n’acquitte pas depuis deux ans) - 761 $ (prestations de derniers recours qu’elle reçoit) = déficit de 161 $ par mois.
[23] Art. 2849 C.c.Q.
[24] La lettre de son employeur produite par Monsieur n’indique pas que c’est à la demande de son employeur qu’il ne travaille que quatre jours semaine, pièce P-2.
[25] Pièce P-5.
[26] Pièce D-11A.
[27] Pièce D-7 et D-8. Le Tribunal arrondi les chiffres.
[28] Revenu 2013 : 47 750 $ – pièce D-8.
Revenu 2014 : 47 713 $ – pièce D-7.
Revenu 2015 : 37 171 $ – pièce D-7.
Revenu 2016 : 39 851 $ ̶ pièce D-6.
[29] Pièce D-14.
[30] Pièce D-15C.
[31] Pièces D-14, D-15 B et D-15C.
[32] Pièce D-12B. Montant total du prêt 14 298 $. Mensualité de 238,30 $ à compter du 15 décembre 2013. 14 298 $ - (36 mois X 238,30 $ /mois) = 5 719,20 $.
[33] Pièce D-15C.
[34] Pièce D-14.
[35] Pièce D-15B.
[36] Pièce D-15C.
[37] Boston c. Boston., 2001 CSC 43 (CanLII), [2001] 2 RCS 413.