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Droit de la famille — 17572, 2017 QCCS 1112

no. de référence : 2017 QCCS 1112

Droit de la famille — 17572
2017 QCCS 1112
JC-2035

COUR SUPÉRIEURE

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
QUÉBEC

N° :
200-04-025199-165



DATE :
27 mars 2017
______________________________________________________________________

EN PRÉSENCE DE :
L’HONORABLE
MICHEL CARON, J.C.S.
______________________________________________________________________


D... B...

Demanderesse

c.

E... R...

Défendeur


______________________________________________________________________

J U G E M E N T
______________________________________________________________________



[1] La demanderesse demande que la garde de X ([...] 2002) lui soit accordée alors que le défendeur demande le maintien de la garde également partagée, laquelle modalité a été mise en place par les parties depuis environ 6 ans.





CONTEXTE
[2] Les parties sont séparées depuis 2003 et exercent une garde également partagée de X depuis 6 ans.

[3] Le 12 juillet 2016, les parties débattent de la garde de X, chacun des parents demandant une garde exclusive de celle-ci.

[4] Après avoir entendu les parties de même que X, le Tribunal, avec le consentement de toutes les parties, ordonne la confection d’une expertise psychosociale.

[5] Après avoir ordonné la réalisation de telle expertise, le Tribunal prononce l’ordonnance de sauvegarde suivante :

«À la suite du témoignage des parties et de l’enfant X, celles-ci conviennent de l’opportunité de la confection d’une expertise psychosociale;

D’ici à ce que le rapport soit produit, il y a lieu de maintenir la garde partagée que les parties exercent de X depuis environ 6 ans.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ORDONNE le maintien de la garde également partagée de X;

DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet que pendant les vacances estivales, X sera chez ses parents du jeudi au jeudi, étant entendu qu’elle devra respecter cet horaire de rentrée au domicile de ses parents, à moins d’être accompagnée d’un de ces derniers :

• Du dimanche au jeudi à 22h00;

• Le vendredi et le samedi à 23h00.

DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet que postérieurement aux heures ci-dessus mentionnées, chaque parent conservera le téléphone cellulaire de l’enfant jusqu’au lendemain matin;

DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet que durant la période scolaire, l’échange de l’enfant se fera le vendredi et que X devra respecter cet horaire de rentrée au domicile de ses parents, à moins d’être accompagnée d’un de ces derniers;

• Le vendredi et le samedi à 23h00;

• Le jeudi et le dimanche à 21h00;

• Il n’y aura pas de sortie du lundi au mercredi inclusivement.

DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet que durant l’année scolaire, le téléphone cellulaire de X sera récupéré par chacun des parents soit à l’heure de rentrée au domicile de X soit à 21h les autres journées;

DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet que X ne pourra coucher à l’extérieur du domicile de ses parents autant durant la période estivale que durant la période scolaire;

DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet que X pourra apporter chez sa mère l’appareil photographique qu’elle a reçu de ses parents à la période des Fêtes 2015;

DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet qu’elles acceptent de collaborer entre elles, et ce, dans l’intérêt de X;

ORDONNE la confection d’une expertise psychosociale par le service d’expertise de la Cour supérieure d’ici le 15 octobre 2016;»



[6] Le 17 octobre 2016, madame Mélanie Provost, travailleuse sociale, dépose son rapport et recommande le maintien de la garde partagée.

[7] Le 4 novembre 2016, Me Claudia Tardif est nommée procureure à X.

[8] Lors de l’audience tenue le 24 février 2017, madame demande la garde exclusive de X, monsieur, le maintien de la garde également partagée alors que X, sur une période de 14 jours, désire être chez sa mère dix jours et chez son père 4 jours.



LA PREUVE

Audience du 12 juillet 2016

[9] Madame B... informe le Tribunal que X veut demeurer chez elle à temps plein, son père l’ayant «reniée» à la suite d’une chicane survenue en janvier 2016.

[10] À cette époque, monsieur R... communique avec la DPJ pour le motif que X fréquente un jeune homme de 17 ans. Une plainte de nature criminelle est portée contre ce dernier.

[11] Subséquemment, X ne rencontre pas son père pendant 3 mois.

[12] Par la suite, la garde également partagée reprend.

[13] Selon madame B..., X est une jeune fille empathique, qui a du caractère.

[14] Lorsqu’elle est chez elle, X ne sort pas la semaine durant la période scolaire, sauf le jeudi alors qu’elle doit être de retour à la maison vers 21h15.

[15] Madame B... spécifie que l’enfant respecte les consignes.

[16] Au cours de l’hiver 2016, X texte durant la nuit avec une amie qu’elle a rejointe au restaurant Tim Horton.

[17] Depuis cet épisode, madame B... lui a enlevé le cellulaire durant la nuit.

[18] Le 7 juillet 2016, la demanderesse reçoit un appel de la DPJ selon qui, X désirait «aller se péter la face au Festival d’été de Québec et qu’elle allait consommer de l’ecstasy».

[19] X lui certifie que tout cela est faux.

[20] Finalement, X s’est rendue au spectacle prévu le 9 juillet et en est revenue vers minuit. Tout s’est bien déroulé.

[21] Selon madame B..., X s’ennuie lorsqu’elle est chez son père, appelant même sa mère deux fois par jour.

[22] Elle ajoute que monsieur R... et sa conjointe se chicanent régulièrement et que monsieur R... crie souvent après sa fille.

[23] La communication entre les parents s’avère difficile.

[24] En 2016, X suit le programme «Langues, cultures et médias». Madame B... craint «de la perdre» si elle est inscrite aux cours réguliers en septembre 2016.



[25] Monsieur E... R..., quant à lui, témoigne à l’effet qu’il s’est toujours bien occupé de sa fille, il partage sa vie avec madame A... L... depuis 2008, étant séparé de madame B... depuis 2003.

[26] La garde partagée a débuté en avril 2009.

[27] Dès l’âge de 10 ans, X fréquente la Maison des jeunes régulièrement jusqu’à 21h00.

[28] Il avise madame B... à un certain moment que X utilise souvent les réseaux sociaux durant la nuit.

[29] En 6e année, l’enfant aurait consommé de la «mari», de même que de la méthamphétamine à une reprise au cours de l’année 2015.

[30] Monsieur R... dit ne pas apprécier le cercle d’amis de X, lesquels amis consommeraient de la drogue.

[31] À la fin du mois de janvier 2016, il apprend que X a des relations sexuelles avec son copain. Il les rencontre le 2 février et établit les consignes suivantes : couvre-feu à 11h00 le vendredi ainsi que le samedi; interdiction de relations sexuelles et de drogue. De plus, lorsqu’elle est chez sa mère, l’enfant ne doit plus sortir la nuit.

[32] Apprenant que X et son copain partagent la même chambre le vendredi et le samedi lorsque X est chez sa mère, il communique avec X pour l’informer qu’il dépose une plainte auprès des autorités policières. Il en avise madame B... qui se montre très compréhensive.

[33] Plus loin au cours de son témoignage, monsieur R... soutient plutôt qu’il désirait que la DPJ intervienne auprès de madame B....

[34] X est furieuse.

[35] En février 2016, une rencontre a lieu avec madame B..., X, une intervenante de la DPJ ainsi qu’un enquêteur de la Sûreté du Québec. Il est alors convenu que X doit être mieux encadrée.

[36] Monsieur R... convient que l’atmosphère est parfois tendue avec X.

[37] Le 7 juillet 2016, il reçoit un appel d’une intervenante de la DPJ à l’effet que X allait consommer de l’ecstasy au Festival d’été de Québec. Il rencontre madame B... afin qu’une supervision parentale soit appliquée durant la fin de semaine.

[38] Il interdit alors à X de se rendre au Festival d’été de Québec si sa mère n’est pas présente.

[39] X s’y rend quand même.

[40] Même si certains accrochages surviennent de temps à autres, monsieur R... qualifie de bonne sa relation avec X, laquelle respecte les consignes lorsqu’elle est chez son père.



[41] Madame A... L..., conjointe de monsieur R..., reprend substantiellement le témoignage de monsieur R..., tout en mentionnant que X, parfois, ment «intensément».







Expertise psychosociale

[42] Tel que mentionné précédemment, le 17 octobre 2016, madame Mélanie Provost, travailleuse sociale, dépose un rapport d’expertise psychosociale.

[43] Il est utile de reprendre la synthèse effectuée par madame Provost, de même que ses recommandations :

«SYNTHÈSE

Le présent mandat vise à la confection d’une expertise psychosociale, afin d’évaluer «la demande de chaque partie à l’effet d’obtenir la garde de X».

Nous sommes en présence de deux parents soucieux du bien-être de leur enfant, chacun à leur façon. Madame est sensible au monde émotif de sa fille, alors que monsieur est centré sur sa protection. Avec l’entrée de X au cœur de l’adolescence, cela pose des défis sur le plan de son encadrement. L’absence de transparence dans la communication entraîne une série de mésinterprétation. Chacun considère l’encadrement de l’autre inadéquat et s’attribue réciproquement des intentions malsaines. Au final, X se retrouve en plein cœur de ce conflit. Les deux parents se critiquent ouvertement et interfèrent dans la discipline de l’autre, ce qui contribue à placer X au centre d’un conflit de loyauté. Percevant l’alliance de monsieur avec sa conjointe, et réagissant à l’encadrement contraignant de ce dernier, elle se tourne vers sa mère.

Madame est une mère attentionnée et centrée sur les émotions de sa fille. Elle se montre à l’écoute et compréhensive. Elle est préoccupée et inquiète du malaise qu’elle exprime, d’où l’origine de sa démarche actuelle. Elle n’accorde pas de crédibilité à monsieur, jugeant ses interventions brusques et intrusives. Elle doute de ses allégations et prend la défense de sa fille. Son expérience personnelle vient teinter ses réactions vis-à-vis le milieu paternel et oriente les perceptions de son adolescente. Son attitude vis-à-vis les interventions de monsieur doit être modifiée et tendre vers une reconnaissance et un respect de sa crédibilité et de sa vigilance. Son style disciplinaire permissif mérite d’être resserré, compte tenu de la tendance de X d’adopter des comportements à risque. Il est également recommandé qu’elle obtienne un accompagnement pour prendre conscience de ses attitudes envers X et envers monsieur. Elle doit déployer des efforts majeurs pour communiquer avec monsieur et tendre vers un encadrement similaire.

X souhaite fortement habiter avec sa mère avec qui elle s’entend bien. Compte tenu de son comportement et de l’encadrement dont elle a besoin, il n’apparait pas dans son intérêt de le lui accorder. Cela contribuerait à confirmer sa perception qu’elle n’est comprise que chez sa mère et que son père est insensible à ce qu’elle vit. Elle doit comprendre que les interventions de monsieur sont portées dans le seul intérêt de la protéger. À son âge, bien qu’elle acquière de la maturité, il demeure qu’elle est attirée par les comportements qui la mettent en danger. La vigilance de monsieur et de sa conjointe est indiquée. Cependant, nous ne cautionnons pas la manière dont ils appliquent l’encadrement. La surveillance intrusive, la confrontation, les punitions et les reproches minent la relation et entraînent un sentiment d’inadéquation chez X. Ils doivent demeurer conscients que, malgré certains comportements, X est une jeune fille avec plusieurs qualités. Il est important de maintenir des moments positifs. Il est essentiel que monsieur ait recours à un support pour remettre en question ses méthodes d’interventions et les ajuste à la phase développementale que traverse sa fille. Sa relation ne s’en portera que mieux. Aussi, bien que les intentions de madame L... soient bienveillantes et sont réalisées dans l’intérêt de X, elles sont actuellement mal reçues. Il est recommandé qu’elle tienne un rôle de second plan. Enfin, monsieur et madame L... doivent cesser de commenter ouvertement les interventions du milieu maternel.

Nous sommes consciente que X sera contrariée par cette recommandation. À l’heure actuelle, nous croyons qu’il demeure dans son intérêt de maximiser ses contacts auprès de ses deux parents. Elle bénéficie de leurs apports distinctifs. Nous ne sommes pas insensible à sa réalité, cependant, nous sommes d’avis que le conflit parental dans lequel elle se trouve contribue à son désarroi et à sa détresse. Nous croyons sincèrement qu’il existe des éléments positifs au sein de chacun des milieux. Nous sommes convaincue qu’elle en est consciente elle-même. Il est tout indiqué pour X de maintenir un accompagnement psychologique, afin de poursuivre le travail amorcé, lui permettre d’exprimer son vécu en lien avec la situation et, également, de favoriser une relation saine avec chacun de ses parents. Enfin, monsieur et madame doivent recourir aux services d’un médiateur, afin d’ouvrir le dialogue et être accompagnés à établir des règles de vie en regard d’un encadrement qui tend à être similaire. X ne s’en portera que mieux. Autant monsieur, madame et X doivent déployer des efforts pour améliorer leurs attitudes respectives, adopter l’ouverture, l’écoute, le respect et le compromis. Les parents doivent rétablir une communication et tendre vers une relation de coparentalité efficace.

En considération des données recueillies, des entrevues et de nos observations,

Nous recommandons, en regard de X :

• Le maintien de la garde partagée;

• Que monsieur entame une démarche, par le biais du CSSS de sa région ou par tout autre organisme approprié, afin de prendre conscience de son style disciplinaire et de ses conséquences sur X. Un travail doit être fait pour ajuster ses interventions et adopter une attitude qui favorise le dialogue avec l’adolescente et l’acceptation de ce qu’elle est;

• Que monsieur exprime, auprès du même professionnel, en lieu neutre, ses sentiments, ses perceptions au sujet de madame, en plus de prendre conscience de son attitude et apporter les ajustements nécessaires, pour favoriser une relation coparentale efficace;

• Que madame entame un suivi de soutien, par le biais du CSSS de sa région ou par tout autre organisme approprié, afin d’accueillir ses sentiments, ses perceptions au sujet de monsieur, afin d’ajuster ses perceptions envers lui, sa conjointe et son encadrement, dans le but de développer une attitude qui évite de placer X en conflit de loyauté et qui favorise et consolide la coparentalité;

• Que X poursuivre sa démarche de suivi psychologique amorcée auprès de la psychologue madame Suzanne Barry. Elle a grandement besoin d’être soutenue à travers cette étape de grand bouleversement qu’est l’adolescence. Elle pourrait y aborder son vécu au sein du conflit parental, exprimer ses perceptions et les rectifier au besoin. Elle doit également être responsabilisée en regard de ses propres comportements;

• Que les parents puissent participer au groupe Fée (Faire équipe pour les enfants), afin de s’outiller pour améliorer leur communication. L’information est disponible auprès de leur procureur respectif;

• Impérativement, que cesse toute forme de dénigrement envers l’un ou l’autre des parents, au sein des milieux respectifs, en présence de l’enfant.»



[44] Suite à la production de ce rapport, madame B... maintien sa demande de garde exclusive, monsieur R... le maintien de la garde également partagée alors que X désire être avec sa mère 10 jours sur une période de 14 jours.



Audience du 24 février 2017

[45] X témoigne à l’effet que, suite au dépôt du rapport, son père devient plus distant et la blâme.

[46] Monsieur R... lui mentionne qu’elle met de la pression sur son couple et qu’elle lui a fait dépenser 10 000$ en frais d’avocat.

[47] Le dialogue avec madame L... devient inexistant.

[48] Ce comportement dure de deux à trois mois.

[49] X se sent isolée chez son père.

[50] Depuis la période des Fêtes, elle note une amélioration.

[51] Elle mentionne toutefois que monsieur R... crie souvent après elle et qu’elle est «tannée» de se faire chicaner pour des détails.

[52] Elle soutient rencontrer des difficultés à voir ses ami(e)s lorsqu’elle est chez son père.

[53] Elle travaille environ 15 heures par semaine à l’épicerie A de Ville A, là où sont ses ami(e)s.

[54] Elle désire rester chez son père une fin de semaine sur deux, du vendredi au mardi.

[55] Elle ajoute qu’une semaine passée chez son père, c’est «trop long» et qu’elle et lui ne s’endurent plus.



[56] Madame D... B..., celle-ci rappelle qu’elle vit seule et que X désire demeurer avec elle.

[57] X l’appelle quotidiennement lorsqu’elle est chez son père.

[58] Madame B... soutient suivre l’ordonnance rendue le 12 juillet 2016.

[59] Elle souligne avoir un dialogue constructif et constant avec X.

[60] À ce jour, elle n’a pas suivi les recommandations de madame Provost quant à un suivi de soutien, tout en n’ayant pas suivi le programme Fée (Faire équipe pour les enfants).



[61] Madame A... L... témoigne à l’effet que X fonctionne très bien à l’école et qu’elle respecte l’encadrement mis en place par son père. Elle a une bonne relation avec l’enfant.

[62] Le contact a été davantage ardu à l’automne 2016 lorsque X a désigné une procureure pour la représenter.



[63] Monsieur E... R... souligne que depuis juillet, tout va bien avec X, qu’elle se conforme aux règles et que son comportement s’est amélioré.

[64] Au cours du mois de juillet 2016, il s’est rendu à Percé pour les fins de son travail, ayant amené X avec lui.

[65] X l’a accompagné à la chasse à l’orignal à Causapscal le 24 septembre et au chevreuil, dans Portneuf, au cours du mois de novembre.

[66] Il se dit en accord avec les recommandations formulées par madame Provost, ayant même entamé des démarches par le biais du CSSS.

[67] Il ajoute que X est moins «réactionnelle» vis-à-vis madame L... et lui-même.

[68] Depuis le 1er septembre 2016, X a rencontré madame Suzanne Barry, psychologue, à 11 reprises. Ces entretiens stimulent X.

[69] X se montre affectueuse envers lui.

[70] Monsieur R... regrette certains propos tenus en présence de X, notamment lorsqu’il lui a mentionné que sa santé passerait avant elle.

[71] Il confirme ne pas avoir apprécié que X retienne les services d’une avocate.

[72] Il admet être parfois rigide.



[73] Madame Mélanie Provost, après avoir entendu les témoignages, maintient sa recommandation.

[74] Elle soutient que X a un bon lien avec ses deux parents, que l’enfant évolue positivement.

[75] Elle rappelle que X se situe au milieu d’un conflit parental.

[76] Elle qualifie de fusionnelle la relation de madame B... avec X.

[77] Selon madame Provost, madame B... est plus permissive, davantage centrée sur les émotions de sa fille, alors que monsieur R... est plus autoritaire.

[78] Elle qualifie de positif l’encadrement offert par madame B... auprès de X.

[79] L’experte conclut en mentionnant que les perceptions de X sont biaisées par le conflit de ses parents.

[80] Elle suggère que les parties communiquent par voie de courriels, le dialogue étant difficile entre elles.



ANALYSE ET DÉCISION

[81] Le désir d’un enfant de 14 ans, (X aura 15 ans le [...] 2017) est déterminant.

[82] Le 29 août 2011, madame la juge Dominique Bélanger, j.c.s., dans l’affaire N.B. c. E.T.[1], écrit ce qui suit aux paragraphes 86 et 87 :

«[86] De façon générale, le désir d’enfants de 13 et 14 ans est déterminant. Cependant, le Tribunal n’est pas lié par l’opinion des enfants ni même des adolescents et leur choix doit toujours être évalué en fonction de leur intérêt.

[87] Le choix des adolescents sera déterminant s’il n’est pas capricieux et s’il est effectué pour de bons motifs. Pour bien évaluer le désir de l’enfant, le Tribunal doit considérer la maturité de l’enfant, l’absence ou non d’influence de l’un des parents dans son choix et son témoignage général sur sa situation.»



[83] X a clairement exprimé son désir d’être avec sa mère 10 jours sur une période de 14 jours.

[84] X trouve la période de temps passée chez son père trop longue, soulignant qu’au terme de ses séjours, la tension monte avec comme résultat certaines chicanes.

[85] Par ailleurs, X soutient avoir peu de communication avec la conjointe de son père, madame L....

[86] X ajoute se sentir isolée lorsqu’elle est chez son père.

[87] Par ailleurs, la situation chez son père s’est améliorée depuis le mois de juillet 2016.

[88] Dans la synthèse de son rapport, madame Provost souligne que les deux parents se critiquent ouvertement et interfèrent dans la discipline de l’autre, plaçant ainsi X au milieu d’un conflit de loyauté.

[89] En réaction à l’encadrement plus sévère de son père, l’enfant se tourne vers sa mère.

[90] Relativement au climat qui règne chez son père et des répercussions sur l’enfant, madame Provost écrit ce qui suit à la page 14 :

«Elle traverse une phase développementale caractérisée par la réaction à l’encadrement et l’autorité. Elle est sensible et prompte à réagir. Ses réactions peuvent être impressionnantes, tant par leur rapidité et leur intensité. Elles sont plus marquées lorsqu’elle se trouve chez monsieur, les conflits et la confrontation étant plus fréquents avec ce dernier, sa conjointe ou le fils de cette dernière. Elle réagit surtout lorsqu’elle est contrariée, lorsque l’on s’adresse à elle sur un ton inquisitoire ou qui sous-entend un reproche. Elle admet cette réactivité, mais l’explique par un cumul de reproches sur une longue période. Dans la dernière année, les confrontations se multiplient. X éprouve de la détresse de façon passagère. Il lui arrive de faire appel à sa mère dans ses moments de découragement pour obtenir son support. Madame en est inquiète et intervient pour la supporter.»



[91] Plus loin, elle ajoute :

«Elle explique également qu’en raison d’une meilleure entente avec sa mère, la cohabitation et le climat quotidien y sont plus attrayants et agréables. Il est plus facile pour elle de s’y concentrer pour réaliser ses travaux scolaires et ses périodes d’études.

Elle exprime sa position à l’égard du milieu paternel. Elle se dit épuisée du climat de confrontation qui règne chez ce dernier. Elle le considère très contrôlant et intrusif, ce dernier la questionne et fouille sa chambre. Elle confie être la cible de discours récriminatoires et culpabilisants. Elle se sent inadéquate et à l’écart de la famille. Elle a l’impression qu’on attend d’elle un comportement parfait, qu’elle ne peut rendre. Elle perçoit l’alliance entre monsieur et sa conjointe pour l’instauration de l’encadrement. De plus, ces derniers jugent ouvertement l’encadrement de madame et y interfèrent. Elle réagit à cette alliance, qui prévaut maintenant sur son alliance paternelle. Elle se sent l’intruse. Elle est préoccupée par la situation, ressentant de la colère et de la tristesse.»



[92] Par ailleurs, toujours à la page 15, madame Provost précise que X est attachée à son père :

«Elle exprime l’aimer, souhaiter maintenir les contacts et améliorer sa relation avec lui. Ils partagent des moments de loisir, incluant sa conjointe et son fils, qui sont agréables momentanément. Elle demeure honnête envers lui et avoue lorsqu’elle est confrontée. Bien que son encadrement est contraignant, il est sécurisant de savoir que son parent ne la laissera pas se mettre en danger. Il y a clairement un travail à faire pour actualiser la relation, en tenant compte de l’étape de développement qu’elle traverse. X, monsieur ainsi que le milieu paternel doivent faire preuve d’ouverture afin de favoriser la discussion et les compromis, pour permettre un meilleur fonctionnement familial qui passe, entre autres, par une meilleure communication et une relation honnête réciproque. Compte tenu du conflit parental au sein duquel elle se retrouve. Compte tenu des tensions liées au style disciplinaire présent au sein du milieu paternel et des sentiments qui en découlent. Il est indiqué de maintenir son suivi psychologique et ‘y inclure son vécu en lien avec le conflit parental, la gestion de ses émotions, en plus de la soutenir dans cette étape de son développement ou elle apparait fragilisée.»



[93] À la page 17 de son rapport, madame Provost mentionne ne pas cautionner la manière dont monsieur R... et madame L... appliquent l’encadrement de X.

[94] À ce sujet, elle mentionne ce qui suit :

«La surveillance intrusive, la confrontation, les punitions et les reproches minent la relation et entraînent un sentiment d’inadéquation chez X.»



[95] Plus loin, elle ajoute :

«Il est essentiel que monsieur ait recours à un support pour remettre en question ses méthodes d’interventions et les ajuste à la phase développementale que traverse sa fille. Sa relation ne s’en portera que mieux. Aussi, bien que les intentions de madame L... soient bienveillantes et réalisées dans l’intérêt de X, elles sont actuellement mal reçues. Il est recommandé qu’elle tienne un rôle de second plan.»

[96] Il ressort de la preuve que la période de temps passée par X chez son père a comme conséquence de créer un climat davantage conflictuel après plusieurs journées de cohabitation.

[97] En plus d’acquérir de la maturité, X est actuellement suivie par une psychologue, madame Suzanne Barry, laquelle l’aide de façon positive dans son cheminement.

[98] Chaque parent encadre X de façon adéquate.

[99] Le Tribunal ne peut ignorer les tensions vécues par l’enfant lorsqu’elle est chez son père.

[100] La preuve démontre que le comportement de X s’est amélioré depuis juillet 2016, que l’enfant évolue bien et que le suivi psychologique auprès de madame Barry l’aide dans son cheminement.

[101] Elle a débuté un travail qui la valorise et son rendement scolaire est adéquat.

[102] La procureure de X souligne que plus l’enfant passe du temps chez son père, plus il y a de risques de chicane.

[103] À une question de Me Claudia Tardif quant au choix de X de passer 3 jours de moins chez son père, madame Provost souligne que le maintien d’une garde également partagée permet à l’enfant de s’adapter lors des premiers jours de retour chez l’autre parent.

[104] Or, il convient de rappeler que X aura bientôt 15 ans et que l’impact de cette adaptation, vu son âge, est minime.

[105] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, des recommandations formulées par l’experte, du désir de X, de son intérêt, le Tribunal estime approprié d’établir que sur une période de 14 jours, X sera avec sa mère durant 9 jours et avec son père durant 5 jours.

[106] Cette modalité permettra à monsieur R... de maintenir l’encadrement dont X a besoin lorsqu’elle est chez lui, tout en considérant la volonté clairement exprimée par X.



Pension alimentaire

[107] Conformément au formulaire de pension alimentaire pour enfants, le défendeur devra, pour l’année 2016, verser à la demanderesse une pension alimentaire annuelle de 2 254.46$, soit 254.05$ par mois et ce, à compter du 25 avril 2016.

[108] Pour l’année 2017, les revenus prévisibles pour monsieur R... sont les mêmes que ceux générés en 2016, soit 129 400.56$.

[109] En ce qui concerne madame B..., celle-ci est présentement en arrêt de travail et reçoit des prestations d’assurance-salaire.

[110] Selon les informations reçues de son procureur en date du 14 mars 2017, madame B... pourrait éventuellement travailler deux jours par semaine à compter du mois d’avril 2017 alors qu’elle sera de retour au travail à temps plein à compter du mois de septembre 2017. Son salaire prévisible pour 2017 s’élève à 60 650.88$.

[111] En conséquence, le défendeur devra verser à la demanderesse pour l’entretien de X, une pension alimentaire de 295.39$ par mois pour la période du 1er janvier au 31 mars 2017 et de 404.73$ par mois, à compter du 1er avril 2017.

[112] Quant aux soins dentaires que doit recevoir X, les parties ont convenu que monsieur R... acquitterait directement la facture du dentiste alors que madame B... remboursera une partie des dépenses encourues au prorata de ses revenus, et ce, sur présentation d’une facture.

[113] Pour ce qui est des médicaments, X bénéficiera de l’assurance détenue par la conjointe de monsieur R.... Madame B... remboursera à monsieur R... la partie non couverte par l’assurance au prorata des revenus des parties.

[114] Relativement aux autres frais particuliers, les parties devront s’entendre au préalable pour l’assumation de telles dépenses et en partageront, le cas échéant, le coût au prorata de leurs revenus.



POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[115] ORDONNE que durant la période scolaire, les parties exercent la garde de X, selon les modalités suivantes : sur une période de 14 jours, X sera avec son père du vendredi pm au mercredi matin (avec prolongement au jour suivant lors des congés fériés ou pédagogiques) et avec sa mère du mercredi soir jusqu’au vendredi matin de l’autre semaine;

[116] ORDONNE que pendant l’été, la période des Fêtes, la relâche scolaire ainsi que pour le congé de Pâques, les parties exercent une garde également partagée de X.

[117] ORDONNE au défendeur de verser à la demanderesse pour l’entretien de X une pension alimentaire mensuelle de 254.05$ pour la période du 25 avril au 31 décembre 2016;

[118] ORDONNE au défendeur de verser à la demanderesse pour l’entretien de X une pension alimentaire mensuelle de 295.39$ pour la période du 1er janvier 2017 au 31 mars 2017 et de 404.73$ par mois à compter du 1er avril 2017;

[119] DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet que monsieur R... assumera le coût des frais dentaires prévus pour X, madame B... devant rembourser la partie non couverte par les assureurs au prorata des revenus des parties et ce, sur présentation des factures;

[120] DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet que X sera bénéficiaire de la couverture d’assurance médicaments détenue par la conjointe de monsieur, soit madame A... L...;

[121] DONNE ACTE aux parties de leur entente à l’effet qu’en ce qui concerne les autres frais particuliers, elles devront s’entendre au préalable pour l’assumation de telles dépenses et en partager, le cas échéant, le coût au prorata de leurs revenus;

[122] ORDONNE aux parties de communiquer ensemble par voie de courriels;

[123] DONNE ACTE aux parties de leur engagement à se conformer aux conclusions maintenues à l’ordonnance de sauvegarde émise le 12 juillet 2016;

[124] DONNE ACTE aux parties de leur engagement à suivre les recommandations formulées par l’experte Mélanie Provost dans son rapport du 7 octobre 2016;

[125] ORDONNE aux parties de se transmettre, le 1er juin de chaque année, leurs déclarations sur le revenu de l’année précédente;

[126] Compte tenu de la nature du présent litige, sans frais de justice.












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MICHEL CARON, J.C.S.



Me Kevin Plamondon – casier 99
Bernatchez avocats Inc.
Procureur de la demanderesse

Me Mario Pelletier – casier 61
Rivard, Fournier
Procureur du défendeur

Me Claudia Tardif – casier 46
Auger, Tardif
Procureure à l’enfant


Dates d’audition : 12 juillet 2016 et 24 février 2017

[1] Droit de la famille 113083, 2011 QCCS 5283 (CanLII)