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Droit de la famille — 17616, 2017 QCCA 500

no. de référence : 2017 QCCA 500

Droit de la famille — 17616
2017 QCCA 500

COUR D'APPEL

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No:
500-09-026643-171

(500-12-330125-166)


PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE


DATE :
Le 30 mars 2017

L’HONORABLE MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

REQUÉRANT

AVOCATS


R... RA...

Me MARIO PRIEUR
Me GENEVIÈVE PELTIER-TURGEON
(Boucher, Prieur & Associés)

INTIMÉE

AVOCATE


J... R...

Me LORNA DURAND
(Le Palier Juridique)


DESCRIPTION :

Requête pour permission d’appeler d’un jugement rendu en cours d’instance le 26 janvier 2017 par l’honorable Mark G. Peacock de la Cour supérieure, district de Montréal.
(Article 31 C.p.c.)

Greffier d'audience : Mihary Andrianaivo

SALLE : RC.18





AUDITION


9 h 30

Continuation de l’audition du 29 mars 2017. La présence des parties n’est pas requise aujourd’hui.

PAR LA JUGE : Jugement – voir page 3.

Fin de l’audition.







Mihary Andrianaivo

Greffier d'audience



PAR LA JUGE


JUGEMENT


[1] Le requérant demande la permission d’appeler d’un jugement sur mesures provisoires rendu par la Cour supérieure le 26 janvier 2017 qui accorde à l’intimée une pension alimentaire pour conjoint ainsi qu’une provision pour frais. Il recherche également, aux termes de l’article 660 C.p.c., la suspension de l’exécution provisoire.

[2] Il y a lieu de refuser cette demande de permission d’appeler et, par conséquent, la suspension d’exécution provisoire du jugement.

[3] Voici pourquoi.

[4] Le rôle d’une cour d’appel n’est pas de refaire les procès[1].

[5] Les normes d’intervention d’une cour d’appel en matière de fait, d’inférence, d’évaluation de crédibilité, de détermination de revenus et de fixation de pension alimentaire sont connues[2] : la déférence s’impose, alors que seule l’erreur manifeste et dominante est susceptible de permettre une intervention.

[6] Pour décider d’une demande de permission d’appeler d’un jugement sur mesures provisoires portant sur une pension alimentaire pour conjoint, il y a lieu d’appliquer les enseignements suivants de la Cour suprême dans Hickey[3]:

10. Lorsque des dispositions législatives en matière de droit de la famille confèrent aux juges de première instance le pouvoir de rendre des ordonnances alimentaires en fonction de certains objectifs, de certaines valeurs, de certains facteurs et de certains critères, ceux-ci doivent jouir d’une grande discrétion pour décider si une pension alimentaire sera accordée ou modifiée et, dans l’affirmative, pour en fixer le montant. Ils doivent, dans l’appréciation des faits, soupeser les objectifs et les facteurs énoncés dans la Loi sur le divorce ou dans les lois provinciales relatives aux ordonnances alimentaires. Il s’agit d’une décision difficile mais importante, qui peut s’avérer cruciale dans la vie des ex-époux et de leurs enfants. Vu sa nature factuelle et discrétionnaire, la décision du juge de première instance doit faire l’objet d’une grande déférence par la cour d’appel appelée à réviser une telle décision.

11. Notre Cour a souvent insisté sur la règle qui veut qu’une cour d’appel n’infirme une ordonnance alimentaire que si les motifs révèlent une erreur de principe ou une erreur significative dans l’interprétation de la preuve, ou encore si la décision est manifestement erronée.

12. Il existe des raisons sérieuses de faire preuve d’une grande retenue envers les décisions rendues par les juges de première instance en matière d’aliments. Cette norme d’examen en appel reconnaît que le juge qui a entendu les parties est le mieux placé pour exercer le pouvoir discrétionnaire qu’implique le prononcé d’une ordonnance alimentaire. On dissuade ainsi les parties d’interjeter appel du jugement et d’engager des frais supplémentaires dans l’espoir que la cour d’appel appréciera différemment les facteurs pertinents et la preuve. […]

[Soulignement ajouté]

[7] Comme le rappelle très récemment la Cour dans l’arrêt Droit de la famille – 17497[4] du 16 mars 2017 :

[7] […] l’évaluation des revenus des ex-conjoints est une question de fait pour laquelle le législateur confie aux juges de première instance un important pouvoir discrétionnaire. Une cour d’appel doit faire preuve de retenue en matière alimentaire puisque le juge d’instance a l’avantage d’entendre la preuve se rapportant aux revenus et à la capacité de gain des parties de première main. S’inspirant notamment de l’arrêt Hickey de la Cour suprême du Canada, notre Cour a répété maintes fois dans un contexte comme celui-ci que ce n’est qu’en présence d’une erreur de principe ou d’une erreur importante dans l’appréciation de la preuve ou, encore, si la décision est manifestement erronée, qu’une cour d’appel interviendra. La Cour a rappelé récemment que ces principes s’appliquent lorsque le tribunal impute un revenu présumé à un parent.

[Renvois omis; soulignement ajouté]




[8] En l’espèce, au paragraphe 19 de son jugement, le juge écrit qu’il « trouve que le témoignage de monsieur n’est pas crédible, surtout en ce qui concerne ses finances, pour trois (3) raisons[5] », et cela constitue l’un des fondements (sans en être le seul) de sa décision d’user du pouvoir que lui reconnaît l’article 446 C.p.c. de fixer un revenu aux fins de la détermination de la pension alimentaire.

[9] Dans Droit de la famille – 162999[6], un arrêt de la Cour du 9 décembre 2016, celle-ci rappelle au paragraphe 25 les circonstances dans lesquelles ce pouvoir est généralement utilisé. La Cour écrit :

L’article 446 C.p.c. accorde au tribunal le pouvoir d’imputer un revenu à un parent aux fins du calcul de la pension alimentaire. Ce pouvoir est généralement utilisé dans deux circonstances. La première vise les cas où les informations données sur le revenu d’un parent sont incomplètes ou erronées. La deuxième concerne les situations où, même si les informations sont exactes, le revenu du parent est inférieur à ce qu’il devrait être en fonction de sa capacité de travail. Cela vise les cas où un parent adopte une démarche professionnelle insouciante ou imprégnée de mauvaise foi, susceptible de conséquences fâcheuses sur son obligation alimentaire. La jurisprudence répertorie diverses situations : l’abandon d’un emploi, la diminution volontaire du revenu, le refus de maximiser ses gains, la prise volontaire de la retraite et la réorientation de la carrière. Chaque situation est évaluée à son mérite pour vérifier si, au regard de toutes les circonstances, la décision du parent est raisonnable.

[Renvois omis; soulignement ajouté]

[10] Une pension alimentaire pour conjoint est fixée en fonction de la capacité de payer du débiteur, sur la base de l’ensemble de ses revenus (effectifs ou imputés) et ses actifs peuvent aussi être pris en compte, dans certaines circonstances, comme « ressources » au sens de la Loi sur le divorce pour la fixer[7].

[11] En l’espèce, le juge s’est correctement dirigé en droit et il a raisonnablement usé de son pouvoir discrétionnaire.

[12] L’avocat de monsieur souligne bien quelques éléments mentionnés ou retenus par le juge susceptibles de donner lieu à discussions, mais il ne réussit pas à me convaincre qu’il s’agit d’erreur de principe ou d’erreur manifeste et dominante susceptible de donner ouverture à une intervention de la Cour.

[13] Le jugement sur mesures provisoires est non seulement essentiellement temporaire et interlocutoire, mais il ne lie pas le juge qui sera chargé de l’audition au fond[8].

POUR CES MOTIFS, LA SOUSSIGNÉE :

[14] REFUSE la permission d’appeler du jugement;

[15] REJETTE la requête pour permission d’appeler et pour suspension de l’exécution provisoire, avec frais de justice en faveur de l’intimée.






MARIE ST-PIERRE, J.C.A.



[1] Homsani c. Kurdi, 2013 QCCA 1752 (CanLII); Bruno c. Filippi, 2013 QCCA 1751 (CanLII); Szondy c. 794204
Ontario inc., 2013 QCCA 1024 (CanLII); Andrade c. Soliman, 2013 QCCA 88 (CanLII), requête en rétractation de jugement rejetée, 2013 QCCA 447 (CanLII); Albernhe c. Rondeau, 2012 QCCA 463 (CanLII), requête pour suspendre l'exécution d'un jugement rejetée, 2012 QCCA 588 (CanLII), requête en rétractation de jugement rejetée, 2012 QCCA 977 (CanLII), requête en prolongation de délai accueillie et requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2012-11-22), 34955; Bouchard c. St-Raphaël (Municipalité de), 2011 QCCA 1826 (CanLII); E.G. c. Carrier, 2010 QCCA 2153 (CanLII), paragr. 13, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2011-05-26) 34071; P.L. c. Benchetrit, 2010 QCCA 1505 (CanLII), paragr. 24; Bui c. Pelletier, 2010 QCCA 855 (CanLII); Usinage Promac inc. c. Chaînes de traction Québec ltée, 2008 QCCA 1310 (CanLII); Regroupement des CHSLD Christ-Roy (Centre hospitalier, soins longue durée) c. Comité provincial des malades, 2007 QCCA 1068 (CanLII), paragr. 54 et 55; Bérubé c. Hôtel-Dieu de Lévis, J.E. 2003-769 (C.A.) paragr. 18.
[2] Benhaim c. St-Germain, 2016 CSC 48 (CanLII); Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 (CanLII), [2002] 2 R.C.S. 235; M. (M.E.) v. L. (P.), 1992 CanLII 113 (CSC), [1992] 1 S.C.R. 183, p. 204-205; Hickey c. Hickey, [1992] 2 S.C.R. 518; Droit de la famille – 16424, 2016 QCCA 364 (CanLII); J.G. c. Nadeau, 2016 QCCA 167 (CanLII), paragr. 75 à 79, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2017-03-02) 36924; Turcotte c. Dufour, 2015 QCCA 1914 (CanLII), paragr. 20 et 21, requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée (C.S. Can., 2016-05-19) 36802; Droit de la famille – 12103, 2012 QCCA 146 (CanLII); Droit de la famille – 111373, 2011 QCCA 889 (CanLII); P.L. c. Benchetrit, 2010 QCCA 1505 (CanLII); Layne Christensen Company c. Forages LBM inc., 2009 QCCA 1514 (CanLII), paragr. 38; Droit de la famille – 08971, 2008 QCCA 834 (CanLII); Regroupement des CHSLD Christ-Roi (Centre hospitalier, soins longue durée) c. Comité provincial des malades, 2007 QCCA 1068 (CanLII), paragr. 55.
[3] Hickey c. Hickey, [1992] 2 S.C.R. 518.
[4] 2017 QCCA 418 (CanLII).
[5] Extrait du paragraphe 19 du jugement : « a) les circonstances entourant son congédiement du poste d’agent correctionnel provincial; b) ses déclarations d’actifs erronés; et c) les délais dans le dépôt de ses documents financiers. »
[6] 2016 QCCA 1997 (CanLII).
[7] Droit de la famille – 15468, 2015 QCCA 443 (CanLII), paragr. 3 à 6; Droit de la famille – 1257, 2012 QCCA 71 (CanLII), paragr. 5; C.B. c. O.P., 2005 QCCA 906 (CanLII), paragr. 27; Droit de la famille – 2282, J.E. 95-1992 (C.S.).
[8] Droit de la famille – 3148, 2000 QCCA 11309.