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Côte-St-Luc (Ville de) et Stavrakakis, 2016 QCTAT 3255

no. de référence : 2016 QCTAT 3255

Côte-St-Luc (Ville de) et Stavrakakis
2016 QCTAT 3255


TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL
(Division de la santé et de la sécurité du travail)


Région :
Laval

Dossiers :
587154-61-1510 591906-61-1512

Dossier CNESST :
143211613


Montréal,
Le 27 mai 2016
______________________________________________________________________

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :
Michel Letreiz
______________________________________________________________________



Ville de Côte Saint-Luc

Partie demanderesse



et



Emmanuel Stavrakakis

Partie mise en cause



______________________________________________________________________

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE INCIDENTE
______________________________________________________________________


Dossier 587154-61-1510

[1] Le 13 octobre 2015, Ville de Côte Saint-Luc (l’employeur) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 23 septembre 2015, à la suite d’une révision administrative.

[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 18 août 2015 donnant suite à l’avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale concernant le diagnostic de la lésion professionnelle subie par le travailleur ainsi qu’en ce qui concerne la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins et des traitements administrés ou prescrits.

[3] En conséquence de cet avis émis par le Bureau d’évaluation médicale, la CSST déclare, dans un premier temps, que les diagnostics d’entorse dorsolombaire et d’entorse lombosacrée sont en lien avec les circonstances déjà reconnues au dossier, que le travailleur a donc subi une lésion professionnelle le 30 novembre 2014 et qu’il a droit aux prestations prévues par les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). De plus, la CSST déclare qu’elle est justifiée de poursuivre le paiement des soins et des traitements puisque ceux-ci sont nécessaires, sauf en ce qui concerne les traitements d’acupuncture qui doivent être cessés.

Dossier 591906-61-1512

[4] Le 1er décembre 2015, l’employeur produit auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 25 novembre 2015, à la suite d’une révision administrative.

[5] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 17 septembre 2015 et déclare que le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur dépressive est en lien avec l’événement du 30 novembre 2014. En conséquence, la CSST déclare aussi que le travailleur a droit aux prestations qui sont prévues par la loi en regard de ce diagnostic.

[6] Le 15 décembre 2015, la Commission des lésions professionnelles fait parvenir aux parties un avis d’enquête et d’audition afin de les convoquer à une audience qui doit se tenir le 8 février 2016 devant le Tribunal administratif du travail.

[7] À ce sujet, il y a lieu de souligner que le 1er janvier 2016, la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[2] (la LITAT) est entrée en vigueur. Cette loi crée le Tribunal administratif du travail qui assume les compétences de la Commission des relations du travail et de la Commission des lésions professionnelles. En vertu de l’article 261 de cette loi, toute affaire pendante devant la Commission des relations du travail ou devant la Commission des lésions professionnelles est continuée devant la division compétente du Tribunal administratif du travail.

[8] Notons également que depuis le 1er janvier 2016, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) assume l’ensemble des compétences qui étaient autrefois dévolues à la CSST.

[9] Le 18 janvier 2016, maître Bernard Cliche, qui agit alors à titre de procureur de l’employeur, fait parvenir à la docteure Lianne Lamy-Monnot, médecin qui a charge du travailleur, une citation à comparaître duces tecum afin que celle-ci se présente à l’audience du 8 février 2016 et qu’elle amène avec elle une copie intégrale du dossier médical du travailleur en ce qui concerne des problèmes d’ordre psychologique. De plus, maître Cliche a également joint une lettre à cette citation à comparaître qu’il a fait parvenir à la docteure Lamy-Monnot dans laquelle il lui mentionne qu’elle n’aura pas à se présenter à l’audience si elle lui transmet au préalable les documents demandés.

[10] Le 21 janvier 2016, maître Cliche fait parvenir au Tribunal une demande de remise de l’audience qui est prévue pour le 8 février 2016. Le motif invoqué au soutien de ladite demande de remise est que l’employeur désire faire expertiser le travailleur en ce qui concerne la lésion psychologique qui a été reconnue par la CSST comme étant en lien avec l’événement du 30 novembre 2014. Le Tribunal note que le représentant du travailleur a consenti à cette demande de remise et que les parties ont convenu de procéder à l’audience de ces dossiers le 15 septembre 2016. Dans ces circonstances, la demande de remise a été accordée et l’audience prévue pour le 8 février 2016 n’a pas eu lieu.

[11] Le 28 janvier 2016, monsieur Bernard Lemay, juge administratif coordonnateur à la Direction régionale de Laval du Tribunal administratif du travail, fait parvenir une lettre à maître Cliche dans laquelle il indique ce qui suit :

La présente vous est adressée relativement à la lettre du 18 janvier 2016 que vous avez adressée à la docteure Lianne Lamy-Monnot, accompagnant la citation à comparaître «duces tecum» que vous lui avez fait signifier dans le cadre des dossiers mentionnés en titre.

La docteure Lamy-Monnot a communiqué avec nous pour connaître ses droits et obligations en regard de cette citation dont elle nous a remis copie avec la lettre. Or, nous constatons dans celle-ci que vous lui offrez la possibilité de vous transmettre directement les documents exigés par télécopieur ou messagerie, ce qui va à l’encontre de la pratique maintenant bien établie voulant que des documents d’ordre médical concernant un travailleur soit plutôt transmis sous pli confidentiel au tribunal, afin d’en assurer leur confidentialité.

En effet, en lien avec l’article 15.3 du Règlement sur la preuve et la procédure à la Commission des lésions professionnelles1 qui assure cette confidentialité, le formulaire de citation à comparaître indique clairement aux médecins, aux hôpitaux, aux cliniques, etc. qu’ils doivent transmettre directement à la CLP, sous pli scellé, les documents médicaux que la partie qui transmet la citation à comparaître veut obtenir.

Nous avons donc indiqué à la docteure Lamy-Monnot de nous transmettre les documents requis, sous pli scellé. Sur réception, ils seront traités de la façon habituelle.
_______________
1 Toujours en vigueur; voir l’article 263 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail.

[12] Le 3 février 2016, le Tribunal administratif du travail reçoit, sous pli confidentiel, des documents médicaux de la part de la docteure Lamy-Monnot. Le Tribunal avise les parties de la réception de ces documents le 4 février 2016

[13] À cette même date, soit le 4 février 2016, maître Cliche adresse une lettre au juge administratif coordonnateur Lemay dans laquelle il indique :

Le 28 janvier dernier, vous nous avez avisés que le greffe du Tribunal administratif du travail recevra, sous pli scellé, des documents relatifs à l’état de santé du travailleur.

Par la présente, nous demandons d’obtenir accès aux documents médicaux pertinents relatifs au litige soit à des problèmes d’ordre psychologique du travailleur peu importe l’époque. En effet, nous aimerions pouvoir obtenir communication de ces documents avant le début de l’audience afin de pouvoir les transmettre à notre médecin expert, et ce, dans le but de nous préparer adéquatement et ainsi éviter des délais le jour de l’audience.

[14] Le 8 février 2016, le juge administratif coordonnateur fait parvenir une copie des documents médicaux reçus au représentant du travailleur, et ce, afin que celui-ci en prenne connaissance et qu’il puisse informer le Tribunal s’il consent à ce que lesdits documents soient immédiatement déposés en preuve. De plus, dans l’éventualité où le représentant du travailleur s’oppose à ce dépôt, il lui est demandé d’exposer par écrit les motifs de ce refus.

[15] Le 15 février 2016, le représentant du travailleur informe le Tribunal administratif du travail qu’il s’oppose à la divulgation du dossier médical qui a été produit sous pli confidentiel par la docteure Lamy-Monnot. Le motif invoqué à l’encontre de ce refus est que le dossier contient des informations de nature confidentielle qui ne sont pas en lien avec la lésion professionnelle subie par le travailleur ainsi que des informations en lien avec des consultations médicales qui sont antérieures à ladite lésion.

[16] Dans les circonstances, le Tribunal administratif du travail a donc convoqué les parties à une audience afin que soit débattue une requête incidente concernant l’accès par l’employeur au dossier médical qui a été produit en date du 3 février 2016, sous pli confidentiel, par la docteure Lamy-Monnot.

[17] C’est donc dans ce contexte que le Tribunal administratif du travail a tenu une audience à Laval le 11 mai 2016 en présence du travailleur, de son représentant et du procureur de l’employeur.

L’OBJET DE LA REQUÊTE INCIDENTE

[18] L’employeur demande au Tribunal administratif du travail de lui donner accès à tous les documents contenus au dossier médical qui a été produit sous pli confidentiel et qui concerne des problèmes d’ordre psychique, que ceux-ci soient antérieurs ou postérieurs à l’événement du 30 novembre 2014.

LES FAITS ET LES MOTIFS SUR LA REQUÊTE INCIDENTE

[19] Le Tribunal administratif du travail doit donc déterminer si l’employeur peut avoir accès au dossier médical du travailleur qui a été produit par la docteure Lamy-Monnot le 3 février 2016, sous pli confidentiel.

[20] D’entrée de jeu, le Tribunal tient à mentionner qu’il dispose des pouvoirs de rendre une décision concernant l’accès au dossier médical du travailleur, et ce, en vertu des dispositions qui sont prévues aux articles 9 et 43 de la LITAT :

9. Le Tribunal a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

En outre des pouvoirs que lui attribue la loi, le Tribunal peut:

1° rejeter sommairement ou assujettir à certaines conditions toute affaire qu'il juge abusive ou dilatoire;

2° refuser de statuer sur le mérite d'une plainte portée en vertu du Code du travail (chapitre C-27) ou de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1) lorsqu'il estime que celle-ci peut être réglée par une sentence arbitrale disposant d'un grief, sauf s'il s'agit d'une plainte visée à l'article 16 du Code du travail ou aux articles 123 et 123.1 de la Loi sur les normes du travail;

3° rendre toute ordonnance, y compris une ordonnance provisoire, qu'il estime propre à sauvegarder les droits des parties;

4° confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu;

5° rendre toute décision qu'il juge appropriée;

6° entériner un accord, s'il est conforme à la loi;

7° omettre le nom des personnes impliquées lorsqu'il estime qu'une décision contient des renseignements d'un caractère confidentiel dont la divulgation pourrait être préjudiciable à ces personnes.
__________
2015, c. 15, a. 9.


43. En l'absence de dispositions applicables à un cas particulier, le Tribunal peut y suppléer par toute procédure compatible avec la présente loi et ses règles de preuve et de procédure.
__________
2015, c. 15, a. 43.

[notre soulignement]

[21] Malgré ces larges pouvoirs que possède le Tribunal, il y a lieu de mentionner que le pouvoir de permettre l’accès au dossier médical d’un travailleur doit être bien encadré afin qu’un tel accès s’effectue dans le plus grand respect des droits fondamentaux qui sont reconnus par la Charte des droits et libertés de la personne[3], notamment le droit au respect de la vie privée ainsi que le droit au secret professionnel.

[22] Cependant, dans le cadre d’un litige où l’état de santé physique ou psychique est invoqué, ces droits fondamentaux au respect de la vie privée et à la confidentialité de ce qui est protégé par le secret professionnel doivent être analysés en lien avec un autre droit fondamental, soit celui à une défense pleine et entière de la partie adverse. C’est d’ailleurs ce que rappelait la Cour suprême du Canada dans l’affaire Frenette[4] :

Sur cette dernière question, les tribunaux doivent soupeser le droit du particulier au respect de sa vie privée et à la confidentialité de ses dossiers médicaux par rapport à l'intérêt qu'a la société dans une administration efficace de la justice qui favorise la divulgation complète de tous les faits substantiels d'une affaire à l'étape préliminaire, de façon à donner au défendeur la possibilité de préparer une défense pleine et entière et à permettre au juge de première instance, pour employer les propos du lord juge Denning, dans l'arrêt Jones c. National Coal Board, [1957] 2 Q.B. 55 (C.A.), à la p. 63, [TRADUCTION] "de découvrir la vérité et de rendre justice conformément à la loi". (Voir aussi Henry L. Molot, "Non Disclosure of Evidence, Adverse Inferences and the Court's Search for Truth" (1971), 10 Alta. L. Rev. 45.)

[23] En règle générale, le dossier médical qui est détenu par un médecin ou par un établissement de santé ne peut être divulgué à quiconque sans le consentement de la personne concernée.

[24] Dans le cadre de la présente requête, l’employeur fait cependant valoir qu’en invoquant son état de santé au soutien d’une réclamation visant l’indemnisation d’une lésion professionnelle, le travailleur a, par le fait même, renoncé implicitement à la confidentialité de son dossier médical. À ce sujet, l’employeur soumet notamment l’arrêt de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Laprise c. Bonneau[5] où il a été décidé :

[…] le fait d’invoquer son état de santé physique devant un tribunal constitue, en l’absence d’indications contraires qui ne sont pas ici présentes, une autorisation implicite de donner communication des dossiers médicaux de l’appelant sous la réserve que les composantes du dossier ne soient admises en preuve que suivant les règles usuelles de la pertinence et de la causalité.

[25] Ce principe a d’ailleurs été réaffirmé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Frenette[6] : « […] le demandeur qui met en cause sa capacité physique ou mentale renonce implicitement à son droit au respect de sa vie privée et à la confidentialité de ses dossiers médicaux ».

[26] Notons également que ce principe a été repris par la Commission des lésions professionnelles lorsque celle-ci a eu à se prononcer sur des requêtes incidentes visant la communication d’un dossier médical[7].

[27] En conséquence, dans le cadre du présent litige, puisque le travailleur a invoqué que sa lésion psychique était en lien avec les conséquences de la lésion physique qu’il a subie lors de l’accident du 30 novembre 2014, le Tribunal considère que celui-ci a donc renoncé implicitement à la confidentialité de son dossier médical.

[28] Ceci étant dit, même si le Tribunal considère qu’il y a renonciation implicite à la confidentialité du dossier médical, le soussigné doit se questionner sur la pertinence de la divulgation de l’information qui est demandée par l’employeur, et ce, en tenant compte des litiges qui sont soumis à l’attention du Tribunal.

[29] En effet, la renonciation implicite à la confidentialité de son dossier médical n’est pas totale et elle doit être limitée aux éléments qui apparaissent pertinents pour la solution du litige qui est soumis au Tribunal.

[30] Cependant, avant de se prononcer sur ladite pertinence, le soussigné souhaite répondre à l’argument du travailleur à l’effet que la communication de son dossier médical n’est pas nécessaire puisque l’employeur dispose d’autres moyens afin de faire valoir ses prétentions. Il fait notamment valoir que l’employeur l’a convoqué pour une expertise psychiatrique et que le rapport qui sera produit par cet expert est suffisant pour permettre à l’employeur de prouver ses prétentions. Cet argument du travailleur s’appuie sur l’extrait suivant de l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Frenette[8] :

[…] L'accès aux renseignements sollicités devient inextricablement lié à la capacité de préparer une défense pleine et entière. En conséquence, un juge sera fortement enclin à permettre l'accès aux dossiers médicaux dans les cas où l'état de santé du titulaire du privilège constitue la principale question en litige et où il n'existe pas d'autres moyens pour une partie de prouver ses prétentions.

[notre soulignement]

[31] Le Tribunal est d’avis que cet argument n’est pas fondé.

[32] En effet, tout en reconnaissant que le recours à une expertise médicale est un moyen de preuve mis à la disposition des parties pour faire valoir leurs prétentions, il apparaît que l’expert doit disposer de toute l’information pertinente qui lui permettra d’émettre un avis complet et motivé, ce qui inclut nécessairement la partie du dossier médical du travailleur qui est en lien avec la lésion sur laquelle il doit émettre une opinion.

[33] Ceci étant dit, il y a maintenant lieu de revenir au critère de la pertinence afin de décider ce qui doit être transmis à l’employeur.

[34] Il y a d’abord lieu de mentionner que le soussigné a pris connaissance de l’ensemble du dossier médical qui a été produit au Tribunal, sous pli confidentiel, par la docteure Lamy-Monnot.

[35] Rappelons également que l’employeur désire obtenir tous les documents qui sont contenus dans ce dossier et qui concernent des problèmes psychiques, que lesdits documents soient antérieurs ou postérieurs à l’accident du 30 novembre 2014.

[36] Premièrement, le Tribunal constate que le dossier médical produit contient des notes qui remontent à mai 2000. Cependant, aucun document antérieur à 2009 ne concerne une lésion ou des symptômes d’ordre psychique. Ces documents ne sont donc pas pertinents dans le cadre du litige qui est soumis au Tribunal et ils ne seront pas transmis à l’employeur.

[37] Deuxièmement, le soussigné constate que les notes qui ont été produites par la docteure Lamy-Monnot lors des consultations qui ont eu lieu entre le 16 octobre 2009 et le 23 février 2010 concernent une lésion d’ordre psychique, soit un état de stress post-traumatique qui serait en lien avec un événement survenu le 18 août 2009. De plus, le dossier médical contient trois rapports qui ont été produits par des psychologues de la clinique Traumatys où le travailleur a bénéficié d’une psychothérapie en lien avec cette lésion.

[38] Considérant que l’un des litiges soumis à l’attention du Tribunal porte sur le lien entre une lésion psychique (trouble de l’adaptation) et l’événement qui est survenu le 30 novembre 2014, il appert que les antécédents de nature psychique peuvent être pertinents pour la solution de ce litige.

[39] Il apparaît bien peu probable, aux yeux du soussigné, qu’il puisse y avoir un lien entre un trouble de l’adaptation et un état de stress post-traumatique survenu plus de cinq ans auparavant. Cependant, afin de permettre à l’expert de l’employeur d’avoir en mains toutes les informations qui peuvent être pertinentes pour qu’il puisse émettre un avis éclairé, le Tribunal est d’avis de donner l’accès de ces documents à l’employeur.

[40] Au surplus, il appert que l’employeur a certainement une connaissance de cette lésion puisque l’événement du 18 août 2009 qui est à son origine est survenu dans le cadre de l’emploi exercé par le travailleur pour le compte de l’employeur et que cette lésion a été reconnue à titre de lésion professionnelle.

[41] Troisièmement, après ces documents qui ont été produits en 2009 et 2010, le dossier médical ne contient aucun document faisant référence à des symptômes ou à une lésion d’ordre psychique avant l’événement du 30 novembre 2014.

[42] Le travailleur a donc été victime d’un accident du travail le 30 novembre 2014 lors duquel il a subi des lésions physiques. Les diagnostics qui ont été retenus par la docteure Brigitte Bazinet, physiatre et membre du Bureau d’évaluation médicale, sont ceux d’entorse dorsolombaire et d’entorse lombosacrée.

[43] Le 19 février 2015, la docteure Lamy-Monnot produit un rapport médical dans lequel elle indique que le travailleur présente des symptômes dépressifs qui seraient en lien avec la chronicité de ses douleurs. Il s’agit de la première indication qui se retrouve dans le dossier médico-administratif mis à la disposition du Tribunal en ce qui concerne la présence de symptômes en lien avec une lésion psychique.

[44] Le soussigné a vérifié le contenu des notes de consultations qui ont été rédigées par la docteure Lamy-Monnot postérieurement à l’événement du 30 novembre 2014 et il appert également que la première mention de symptômes psychologiques se retrouve dans la note du 19 février 2015.

[45] Dans les circonstances, le Tribunal considère que les notes de consultations qui ont été rédigées par la docteure Lamy-Monnot à compter du 19 février 2015 sont pertinentes pour la solution du litige qui est soumis à son attention dans le dossier 591906-61-1512 puisque celui-ci concerne le lien entre la lésion psychique qui affecte le travailleur et les conséquences de l’événement du 30 novembre 2014.

[46] Le soussigné constate que certaines de ces notes de consultations médicales font également référence à une lésion physique qui n’est pas en lien avec l’événement survenu le 30 novembre 2014. Dans ces circonstances, le Tribunal s’est demandé s’il y avait lieu de caviarder les informations qui concernent cette lésion. Après réflexion, le présent Tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de caviarder ces informations puisqu’elles concernent une lésion qui engendre potentiellement des douleurs et que ladite lésion peut donc également être en partie responsable de la lésion psychique du travailleur.

[47] En conséquence de ce qui précède, le Tribunal considère que l’employeur peut obtenir les notes de consultations rédigées par la docteure Lamy-Monnot pendant la période comprise entre le 16 octobre 2009 et le 23 février 2010 ainsi que celles qui ont été produites lors des consultations médicales postérieures au 19 février 2015. De plus, il peut aussi obtenir les trois rapports produits par la clinique Traumatys aux dates suivantes : 20 novembre 2009, 20 février 2010 et 30 avril 2010.

[48] En ce qui concerne les autres documents contenus au dossier qui a été produit sous pli confidentiel, ils seront gardés sous scellé jusqu’à l’audience sur le fond et le juge administratif désigné verra s’il y a lieu de verser ceux-ci au dossier.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

ACCUEILLE la requête incidente de Ville de Côte Saint-Luc, l’employeur;

DÉCLARE que l’employeur est en droit d’obtenir les documents suivants qui étaient contenus dans le dossier médical déposé au Tribunal administratif du travail, sous pli confidentiel, le 3 février 2016 :

• Les notes de consultations médicales de la docteure Lianne Lamy-Monnot pour la période comprise entre le 16 octobre 2009 et le 23 février 2010;

• Les notes de consultations médicales de la docteure Lianne Lamy-Monnot qui sont postérieures au 19 février 2015;

• Les rapports qui ont été produits par la Clinique Traumatys les 20 novembre 2009, 20 février 2010 et 30 avril 2010.






__________________________________

Michel Letreiz



Me Jean-François Séguin
MORENCY, SOCIÉTÉ D’AVOCATS
Pour la partie demanderesse

M. Daniel Morin
SYNDICAT CANADIEN DE LA FONCTION PUBLIQUE (LOCAL 429)
Pour la partie mise en cause

Date de l’audience : 11 mai 2016



[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] RLRQ, c. T-15.1.
[3] RLRQ, c. C-12.
[4] Frenette c. La Métropolitaine, cie d’assurance-vie, 1992 CanLII 85 (CSC), [1992] 1 R.C.S. 647.
[5] 1984 CanLII 2873 (QC CA), [1985] C.A. 9.
[6] Précitée, note 4.
[7] Voir notamment : Basciano et Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, C.L.P. 302599-71-0611, 29 janvier 2008, P. Perron; Ganotec inc. et Charbonneau, 2012 QCCLP 4063 (CanLII); Programme Emploi-Service et Boucher, 2012 QCCLP 7047 (CanLII).
[8] Précitée, note 4.