9126-7583 Québec inc. c. Investissements du Versant inc., 2011 QCCS 6703
no. de référence : 2011 QCCS 6703
9126-7583 Québec inc. c. Investissements du Versant inc.2011 QCCS 6703
JC 2373
COUR SUPÉRIEURE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
MONTRÉAL
N° :
500-11-030928-077
DATE :
14 novembre 2011
______________________________________________________________________
SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L’HONORABLE
LOUIS-PAUL CULLEN, j.c.s.
______________________________________________________________________
9126-7583 QUÉBEC INC.
Demanderesse
c.
LES INVESTISSEMENTS DU VERSANT INC.
et
LES ENTREPRISES DE CONSTRUCTION DU VERSANT INC.
et
RAYMOND LESSARD
et
LUCIE MARTEL
et
SÉBASTIEN LESSARD
Défendeurs
et
GROUPE LE VERSANT IMMOBILIER INC.
et
FONDS IMMOBILIER DU FONDS DE SOLIDARITÉ FTQ INC.
et
SOCIÉTÉ EN COMMANDITE C.V.L.
Mises en cause
______________________________________________________________________
JUGEMENT
______________________________________________________________________
INTRODUCTION
I- LES QUESTIONS EN LITIGE
II- LES FAITS
2003
31 octobre 2003
2004
Août 2004
2005
2006
2007
2008
2009
2011
La preuve de l'expert de la demanderesse
La preuve de l'expert des défendeurs
Bilan et état actuel du projet Urbania
III- ANALYSE
1- La demanderesse a-t-elle été victime d'abus de la part des défendeurs?
a) Messieurs Vivian et Boughanmi ont-ils été illégalement et sans droit démis de leur fonction d'administrateur le 20 janvier 2005?
b) Messieurs Vivian et Boughanmi ont-ils été illégalement et sans droit complètement exclus de toutes les opérations d'Immobilier à compter du 20 janvier 2005, y compris de la signature de tous les chèques?
c) Les défendeurs ont-ils illégalement et sans droit empêché la demanderesse d'avoir accès depuis le 20 janvier 2005 à l'information financière d'Immobilier à laquelle elle avait droit?
2- La demanderesse a-t-elle droit aux dommages-intérêts qu'elle réclame?
a) Phases I à III du projet Urbania
i) Frais d'administration (1 204 150 $)
10) Les frais d'administration payés par Immobilier pour les phases I à III du projet Urbania étaient-ils excessifs et les défendeurs étaient-ils tenus de les restreindre de façon à les ramener aux prévisions budgétaires de 2003?
L'expert Ron Schiller
20) Les administrateurs d'Immobilier ont-ils illégalement autorisé les frais d'administration facturés par Construction?
ii) Coûts de construction (2 367 205,00 $)
iii) « Sweat equity » (480 000,00 $)
iv) Balances de ventes (101 509,87 $)
v) Avances à Construction (325 170,71 $)
vi) Paiements non supportés (500 296,32 $)
vii) Déboursés non justifiés (48 797,32 $)
viii) Conclusion relativement aux « dépenses non supportées mais justifiées selon la direction »
b) Réclamation pour détournement allégué des profits réalisés par les défendeurs sur les unités des blocs 4 à 9 vendues par d'autres sociétés qu'Immobilier
Bloc 8
Blocs 4, 5, 6, 7 et 9
c) honoraires extrajudiciaires d'avocats (192 038 $)
d) les frais de l'expert Schiller (38 445 $)
Conclusion
Les dépens
INTRODUCTION
[1] Depuis plusieurs années, les actionnaires de la demanderesse, Robert Vivian et Abderrazak Boughanmi, livrent une guerre aux actionnaires des défenderesses, les défendeurs Raymond Lessard, son fils Sébastien Lessard et Lucie Martel, conjointe de Raymond Lessard.
[2] Actionnaire minoritaire de Groupe Le Versant Immobilier Inc. (ci-après, « Immobilier »), la demanderesse allègue, essentiellement, que les défendeurs la privent injustement de sa part des profits du projet de développement immobilier « Urbania ».
[3] Se disant victime d'oppression, la demanderesse ajoute que les défendeurs lui cachent une distribution inéquitable des profits d'Immobilier et, qu'à cette fin, menés par Raymond Lessard, ils ont arbitrairement exclu messieurs Vivian et Boughanmi du conseil d'administration d'Immobilier, cessé de leur faire cosigner les chèques tirés par Immobilier et systématiquement contrecarré leurs efforts en vue d'obtenir quelque information financière que ce soit relativement à l'administration d'Immobilier, empêchant ainsi sa vérification financière.
[4] Dans sa requête introductive de juillet 2007, la demanderesse recherche une déclaration judiciaire qu'elle est opprimée et victime d'un abus de droit, une vérification des états financiers d'Immobilier de 2003 à 2005, la préparation des états financiers d'Immobilier pour 2006, une condamnation des défendeurs aux frais d'un juri-comptable, des ordonnances pour protéger ses droits et assurer qu'elle reçoive sa juste part des profits d'Immobilier, la suspension des réunions du conseil d'administration d'Immobilier relativement à toute vente d'unité ou de parcelle de terrain faisant partie du projet Urbania et l'établissement d'un contrôle judiciaire de celles-ci, une reddition de compte relativement à toutes les ventes d'unités, communication de l'ensemble des documents afférents aux états financiers d'Immobilier depuis 2003 jusqu'à la date du jugement à intervenir sur le fond ainsi que l'exécution provisoire et les dépens, y compris les frais d'expertise.
[5] Le 28 janvier 2009, la demanderesse amende sa requête introductive afin de réclamer, en sus, des dommages-intérêts s'élevant à 2 974 009 $.
[6] Le 13 mai 2011, la demanderesse amende encore sa procédure introductive. Elle recherche alors une déclaration judiciaire d'oppression, les frais du juri-comptable, les ordonnances appropriées, la condamnation pécuniaire de 2,974 M $, les honoraires extrajudiciaires de ses procureurs dont elle précise le montant (59 577,78 $), l'exécution provisoire et les dépens, y compris les frais d'expertise pour la préparation du rapport et la vacation à la Cour de l'expert.
[7] Le 30 mai 2011, la demanderesse amende sa procédure introductive une dernière fois.
[8] Elle allègue que l'enquête révèle que les défendeurs ont construit et vendu à son insu des unités de condominium par le truchement de sociétés qu'ils sont seuls à contrôler, à leur avantage exclusif et en conflit d'intérêts, sans résolution, suite à une convention de règlement intervenue à son insu, sans intervention de sa part ni de la part de monsieur Vivian, l'un des administrateurs de Société en commandite C.V.L. dont il sera question plus loin.
[9] Elle ajoute que son expert chiffre désormais sa perte à 4 888 058 $, mais que ses dommages sont supérieurs à ce montant, en raison de l'abus par les défendeurs de leurs pouvoirs à titre d'administrateurs d'Immobilier et de Société en commandite C.V.L. dont ils auraient retiré des bénéfices personnels à son détriment.
[10] Elle allègue que les défendeurs ont irrégulièrement et illégalement autorisé des dépenses excessives par Immobilier, incluant des frais d'administration excessifs, qui totalisent 5 027 129,26 $, dont elle réclame 40 %, soit 2 010 851 $.
[11] Alléguant un aveu de Raymond Lessard quant aux profits réalisés pour les blocs 4 à 9 du projet Urbania, la demanderesse réclame au surplus la somme de 3 009 600 $ pour sa part des profits pour ces unités et la somme de 858 000 $ pour sa part des profits liés au bloc 8.
[12] Enfin, invoquant les dispositions de l'art. 54.1 et suivants C.p.c., la demanderesse réclame, en sus, 192 038 $ à titre d'honoraires extrajudiciaires d'avocats plus 38 445 $ à titre de frais d'expert.
[13] Les défendeurs contestent l'ensemble des prétentions de la demanderesse.
[14] Ils allèguent, en substance, que messieurs Vivian et Boughanmi n'ont rien fait pour favoriser la réalisation du projet Urbania. Ils nient avoir refusé de leur donner accès aux renseignements financiers pertinents, soutiennent que les dommages réclamés ne sont pas justifiés et qualifient d'abusive la demande de procéder à une vérification comptable exhaustive d'Immobilier. À cet égard, ils réclament de la demanderesse des dommages punitifs de 75 000 $.
[15] Au procès, le procureur des défendeurs déclare qu'il n'a aucune preuve à présenter relativement à la demande reconventionnelle.
[16] Durant l'instruction, le Tribunal a indiqué qu'il considérerait retirée toute objection prise sous réserve qui ne serait pas plaidée lors de l'argumentation.
[17] Aucune objection prise sous réserve n'ayant été plaidée lors de l'argumentation, cette preuve est donc admise.
I- LES QUESTIONS EN LITIGE
[18] Le litige soulève les principales questions suivantes :
1- La demanderesse a-t-elle été victime d'abus de la part des défendeurs?
a) Messieurs Vivian et Boughanmi ont-ils été illégalement et sans droit démis de leur fonction d'administrateur le 20 janvier 2005?
b) Messieurs Vivian et Boughanmi ont-ils été illégalement et sans droit complètement exclus de toutes les opérations d'Immobilier à compter du 20 janvier 2005, y compris de la signature de tous les chèques?
c) Les défendeurs ont-ils illégalement et sans droit empêché la demanderesse d'avoir accès depuis le 20 janvier 2005 à l'information financière d'Immobilier à laquelle elle avait droit?
2- La demanderesse a-t-elle droit aux dommages-intérêts qu'elle réclame (entre autres, du fait que les défendeurs auraient usurpé des occasions d'affaires d'Immobilier pour leur bénéfice personnel et alors qu'ils étaient en conflit d'intérêts) plus les intérêts, l'indemnité additionnelle, les honoraires extrajudiciaires de ses avocats ainsi que les dépens y compris les frais d'expert?
3- Le cas échéant, l'exécution provisoire doit-elle être prononcée?
II- LES FAITS
[19] L'exposé qui suit constitue un résumé des grandes lignes de la preuve. Une description plus approfondie de certains éléments de preuve se retrouve sous la rubrique « ANALYSE ».
2003
[20] Amis depuis plus de 30 ans et associés depuis le début des années 2000, messieurs Vivian et Boughanmi sont des hommes d'affaires de grande expérience en matière immobilière.
[21] Au total, ils ont déjà dirigé 600 agents immobiliers.
[22] Dans la deuxième moitié des années 70, monsieur Vivian dirige un bureau de vente immobilière résidentielle pour le compte de la deuxième société de fiducie en importance au Canada. Il dirige ensuite pendant cinq ans jusqu'en 1983, les services immobiliers industriels, commerciaux et investissements pour le Québec et les Maritimes de cette société de fiducie, y compris ses services d'évaluation et de gestion des propriétés en plus d'assumer la direction d'un important projet de ventes de condominium en Floride.
[23] Monsieur Boughanmi a lui-même dirigé une succursale de services immobiliers industriels, commerciaux et investissements pour la même société de fiducie.
[24] À compter de leur association, messieurs Vivian et Boughanmi acquièrent et revendent des immeubles résidentiels et commerciaux.
[25] Au début des années 2000, Raymond Lessard œuvre depuis des années dans le domaine de la construction résidentielle. Il travaille en étroite collaboration avec sa conjointe Lucie Martel et son fils Sébastien Lessard. La première est architecte et l'autre possède des habiletés en informatique ainsi que des compétences en finance.
[26] Monsieur Vivan rencontre Raymond Lessard au printemps 2003[1]. Monsieur Lessard cherche depuis plus d'un an le financement requis pour l’achat d’un grand terrain à Laval en vue de réaliser un projet majeur de développement immobilier, le projet « Urbania ».
[27] Il envisage, entre autres, la construction de quelque 1 300 unités résidentielles. On développerait la première parcelle de terrain du projet en y construisant environ 300 unités dans douze bâtiments situés près de la station de métro Montmorency dont on prévoit l'ouverture en 2006. Il s'agirait du premier de trois îlots formant l'ensemble du projet[2].
[28] Le potentiel de développement est considérable. D'après les projections budgétaires préliminaires préparées en mars 2003 par le groupe Lessard/Martel, les profits de la seule partie résidentielle du projet pourraient atteindre 25 000 000 $ à raison de 19 000 $ par unité, sans compter les suppléments (« extras »).
[29] Il s'agit de la transaction la plus importante de la carrière de messieurs Vivian et Boughanmi. Le projet intéresse vivement monsieur Vivian à la condition qu'il puisse y prendre une participation.
[30] Raymond Lessard, Sébastien Lessard et monsieur Vivian conviennent verbalement d'un partenariat au sein d'une société devant être constituée (Immobilier)[3].
[31] Monsieur Vivian soumet un projet de convention d'actionnaire. Il n'est jamais signé et n'est pas déposé en preuve.
[32] La participation du groupe Lessard/Martel au projet Urbania est fixée à 60 % et celle du groupe Vivian/Boughanmi à 40 %. Les cinq partenaires physiques détiendront une part de 20 %, chacun siégera au conseil d'administration d'Immobilier dont les chèques seront signés par un représentant des deux groupes de partenaires.
[33] Monsieur Vivian affirme qu'il tenait à « contrôler chaque dollar qui sortait » d'Immobilier. Alors que son témoignage donne à croire à l'existence d'une « lune de miel » avec Raymond Lessard à cette époque, la réalité est probablement plus nuancée. Ainsi, il est difficile de croire que monsieur Vivian, homme d'affaires de grande expérience, n'a pas pris la précaution de se renseigner avant de s'associer à monsieur Lessard qui lui avait mentionné sa « bataille judiciaire » avec Société en commandite immobilière Solim (ci-après, « Solim »), une division du Fonds de Solidarité FTQ (ci-après, « Fondim »). En toute probabilité, monsieur Vivian a alors découvert le grand nombre de poursuites pendantes contre Raymond Lessard et l'une de ses sociétés[4].
[34] La contribution passée et future du groupe Lessard/Martel au projet Urbania est claire : son développement et sa construction.
[35] La preuve est toutefois contradictoire quant à la contribution convenue au partenariat de la part de messieurs Vivian et Boughanmi.
[36] Selon monsieur Vivian, leur unique contribution en contrepartie de leur participation de 40 % se limitait strictement à l'obtention du financement requis pour l'achat du terrain.
[37] Dans cette hypothèse, monsieur Boughanmi aurait touché le pactole sans souci, recevant une participation au projet de 20 % en contrepartie de l'occupation de l'un des cinq sièges du conseil d'administration d'Immobilier et de la cosignature occasionnelle des chèques tirés sur son compte de banque. En outre, l'entière responsabilité des ventes incomberait au groupe Lessard/Martel, dont l'expertise à cet égard était incomparablement moindre que celle de monsieur Vivian et que la sienne.
[38] Or, monsieur Boughanmi décrit clairement la contribution attendue de sa part et de celle de monsieur Vivian au projet Urbania : « Nous avons amené les expertises ventes et marketing ».
[39] Monsieur Vivian le corrobore :
- Il reconnaît que l'expertise qu'on attendait de sa part et de la part de monsieur Boughanmi se rapportait, entre autres, au marketing, soit « que le projet se vende, qu'on amène notre expertise, notre intelligence, notre savoir-faire ».
- En contre-preuve, monsieur Vivian ajoute que lorsque lui et monsieur Boughanmi se sont associés au groupe Lessard/Martel, « on voulait apporter notre expertise dans la vente d'appartements locatifs…d'investissements locatifs » et ajoute que « notre expertise était la vente et la commercialisation ».
[40] Raymond Lessard réfute le témoignage de monsieur Vivian quant aux limites de sa contribution au projet. Leur contribution était attendue pour l'obtention du financement des terrains, pour l'obtention des financements intérimaires requis pour la construction des bâtiments et surtout pour leur expertise en matière de vente d'unités de copropriété, car le succès ultime du projet reposait sur la construction des unités et sur leur vente dans les délais prévus. Monsieur Lessard ajoute que monsieur Vivian lui a représenté que lui et monsieur Boughanmi « feraient leur affaire de la partie vente et marketing ».
[41] La version de monsieur Lessard est plus plausible. Elle cadre mieux avec l'ensemble de la preuve et particulièrement la participation élevée au projet (40 %) accordée à messieurs Vivian et Boughanmi, considérant que la participation des trois autres partenaires (60 %) constituait la contrepartie de l'ensemble de la planification et de la construction. La version de monsieur Lessard se concilie également mieux aux allégations de la demanderesse que messieurs Vivian et Boughanmi ont établi une équipe des ventes et que Raymond Lessard les aurait « sciemment exclus » des ventes[5] (ce qui n'est pas le cas), ainsi qu'aux efforts de vente (infructueux) de monsieur Vivian avant le 31 octobre 2003 et ses efforts ultérieurs (essentiellement infructueux) pour l'obtention d'un financement intérimaire.
[42] Société fermée constituée le 14 mai 2003, Immobilier est immatriculée le lendemain[6]. La demanderesse en est cofondatrice[7].
[43] Le 14 mai 2003, Raymond Lessard (président), Sébastien Lessard (secrétaire), Lucie Martel (trésorière), Robert Vivian (vice-président) et Abderrazak Boughanmi acceptent un mandat d'administrateur d'Immobilier[8]. Le document qu'ils signent à cette date ne fixe aucune échéance à leur mandat.
[44] Depuis, Immobilier compte trois actionnaires[9] :
a) Les Investissements du Versant Inc. (59 %) (ci-après, « Investissements »);
b) la demanderesse (40 %), et
c) Les Entreprises de Construction du Versant Inc. (1 %) (ci-après, « Construction »).
[45] Le groupe Lessard/Martel contrôle entièrement Investissements et Construction, alors que messieurs Vivian et Boughanmi contrôlent entièrement la demanderesse[10].
[46] Le développement du projet Urbania doit s'amorcer par la construction de bâtiments sur l'îlot C-1-1 de la parcelle 1[11]. On y vise la construction en trois étapes de 320 unités au total dans douze bâtiments. La première étape (quatre bâtiments totalisant 112 unités) serait mise en chantier en septembre 2003 et livrée en juillet 2004. Les deux dernières étapes seraient entreprises au rythme des ventes[12], mais on pense débuter le chantier de la seconde étape (cinq bâtiments et 128 unités) en juillet 2004 avec une livraison en juillet 2005. Enfin, la troisième étape (trois bâtiments et 80 unités) débuterait en juillet 2005 pour livraison finale en décembre 2005[13], moins de 30 mois après le début de la première étape.
[47] En mars 2003, le groupe Lessard/Martel produit deux hypothèses de rendements anticipés, qualifiant la première de « réaliste 30 mois » et l'autre de « conservatrice 36 mois »[14]. Dans les deux cas, les unités résidentielles seront de dimensions moyennes et à prix abordable (de 106 000 $ à 156 000 $ environ, taxes en sus)[15].
[48] Selon l'hypothèse « réaliste », les coûts du projet se chiffreront à 35,3 M $, y compris, entre autres, les coûts de construction de 25,9 M $ et les coûts d'« administration (+- 4 % 32 M) » de 1,105 000 $ (sic)[16]. Les intérêts totaliseront 859 015 $. Toutes les ventes seront terminées à la fin du mois de décembre 2005 et elles produiront des revenus de 43,3 M $, taxes en sus. On prévoit un profit de 7,1 M $ (20,22 %).
[49] L'hypothèse « conservatrice » avance des chiffres semblables, où on accuse une augmentation des frais d'administration (1,2 M $) et des intérêts (962 703 $) ainsi qu'une légère diminution du profit (6,8 M $, soit 19,21 %).
[50] Les deux hypothèses[17] mentionnent un coût de « gérance de construction » à être facturé par Construction à Immobilier (551 000 $) en sus du coût d' « administration » à être également facturé par Construction.
[51] Il est clair que Construction, entièrement contrôlée par le groupe Lessard/Martel, tiendra un rôle important au projet.
[52] À l'été 2003, monsieur Vivian remet à Solim les projections préliminaires de rendement du projet Urbania[18]. Il persuade Solim de financer le projet en dépit de la « bataille juridique » qui existe alors entre Solim et Raymond Lessard.
[53] On crée une société en commandite, « Société en commandite C.V.L. » (ci-après « C.V.L. ») dans le but d'acquérir les trois parcelles de terrain à Laval requises aux fins de l'ensemble du projet[19].
[54] Les deux commanditaires de C.V.L. seront Immobilier (70 parts) et Fondim (30 parts). Le commandité de C.V.L. sera 9133-3138 Québec inc., dont Immobilier et Solim détiendront respectivement 70 % et 30 % du capital-actions. Les administrateurs et officiers de 9133-3138 Québec Inc. sont Guy Gionet (président), Lucie Martel (vice-président), Linda Simard (secrétaire), Raymond Lessard et Sébastien Lessard[20].
[55] Monsieur Gionet et madame Simard n'ont aucun lien avec le groupe Lessard/Martel[21].
[56] Par sa participation de 40 % dans Immobilier, la demanderesse possédera un intérêt de 28 % (40 % X 70) dans C.V.L., Fondim possédera un intérêt de 30 % et le groupe Martel/Lessard possédera 42 % par l'intermédiaire d'Investissements et de Construction.
[57] Le tableau en annexe au présent jugement[22] illustre ces interrelations.
[58] Fondim exige qu'Immobilier injecte 400 000 $ en sus de l'apport antérieur (« sweat equity ») de 480 000 $ du groupe Lessard/Martel dont on reconnaît le travail de développement. Madame Martel explique que le zonage local ne permettait pas le projet, de sorte qu'il a fallu développer un plan d'ensemble. Sébastien Lessard témoigne que « l'apport antérieur » de 480 000 $ constitue une reconnaissance par Fondim des efforts et des déboursés du groupe Lessard/Martel pour développer le projet depuis 2000.
[59] Cette preuve n'est pas contredite, même si monsieur Vivian, qui n'en a aucune connaissance personnelle, en minimise maintenant l'importance et la valeur.
[60] Les cinq partenaires dans Immobilier (madame Martel ainsi que messieurs Raymond et Sébastien Lessard, Vivian et Boughanmi) empruntent 500 000 $ de Les Placements S.P. Canada Inc. au taux annuel de 30 %, c'est-à-dire la totalité de leur avoir dans le projet Urbania, exception faite du « sweat equity ». Aucun remboursement par anticipation de ce prêt n'est possible. Le terme débute le 23 septembre 2003. L'intérêt trimestriel s'élève initialement à 37 500 $. Du 23 septembre 2003 au 30 novembre 2006, Immobilier paye sur ce prêt des intérêts cumulatifs de 475 000 $[23].
[61] En juillet 2003, Sébastien Lessard ouvre un compte de banque pour Immobilier[24]. En qualité d'administrateurs, messieurs Vivian et Boughanmi sont alors autorisés à exercer tous les pouvoirs relatifs à la gestion du compte d'Immobilier en son nom. Deux signataires sont requis pour émettre tout chèque et approuver tout retrait d'Immobilier, l'un du groupe Lessard/Martel, l'autre du groupe Vivian/Boughanmi[25].
[62] Le 24 septembre 2003, C.V.L., Immobilier (représentée par Raymond Lessard ainsi que monsieur Vivian) et Fondim conviennent (D-13) que C.V.L. achètera les trois parcelles de terrain à Laval devant former le projet Urbania, puis les revendra progressivement à Immobilier à certaines conditions, entre autres :
- le projet devra respecter les projections financières précisées à l'annexe B du document D-13;
- Immobilier devra obtenir un prêt intérimaire pour couvrir les coûts de construction du projet sur la partie de terrain qu'il désire acquérir;
- Immobilier assumera toutes les charges financières liées à la parcelle 1;
- Immobilier devra démontrer à C.V.L. la viabilité financière du projet à l'égard de toute partie de terrain qu'elle désire acquérir, notamment au niveau de la pré-vente et de l'obtention du financement intérimaire;
- à défaut par Immobilier d'exécuter ses obligations, C.V.L. sera justifiée de refuser de lui vendre des terrains additionnels.
[63] En signant la convention D-13, monsieur Vivian accepte que C.V.L. ne vende plus d'autre terrain à Immobilier si celle-ci est en défaut.
[64] L'annexe B de la convention D-13 comporte deux pages de projections financières relativement au développement de la parcelle 1 et des charges liées aux parcelles 2 et 3. Les éléments suivants sont à retenir :
- la construction débutera le 1er octobre 2003 et se terminera le 31 décembre 2005 (27 mois);
- les ventes débuteront en novembre 2003 et seront complétées en janvier 2006, 27 mois plus tard;
- les revenus totaliseront 4,9 M $ à la fin de juillet 2004, 11,6 M $ à la fin de décembre 2004, 15,8 M $ à la fin de janvier 2005 et 43,2 M $ au 31 janvier 2006 après réalisation complète des ventes;
- les dépenses d'exploitation totaliseront 42 M $, incluant les coûts de construction (32 M $); l'achat du terrain, le montage financier, la commission de C.V.L. et d'autres frais reliés (3,3 M $); les options sur les parcelles 2 et 3 (3,4 M $); les intérêts sur divers prêts (1,3 M $); le remboursement du « sweat equity » d'Immobilier (480 000 $); le rendement d'Immobilier (369 600 $) et le rendement de Solim sur l'"équité" (158 340 $);
- après financement de la dette, il est prévu que le montant disponible à la redistribution sera de 1 M $.
[65] L'annexe C de la convention D-13 comporte une énumération des nombreuses obligations d'Immobilier en tant que développeur. Ces obligations englobent tous les aspects qui entourent la construction et la mise en marché du projet. À ce titre, Immobilier s'oblige, entre autres, à tenir une comptabilité des revenus et dépenses « conformément aux règles en usage dans l'industrie et aux principes généralement acceptés », car Immobilier doit rendre compte à Fondim de sa situation financière.
[66] Le 24 septembre 2003, Solim et Immobilier (représentée par Raymond Lessard et monsieur Vivian) signent une convention pour régir leurs droits et obligations en tant qu'actionnaires de 9133-3138 Québec Inc.[26]. 9133-3138 Québec Inc. est alors représentée, entre autres, par monsieur Vivian.
[67] Le 24 septembre 2003, le conseil d'administration de 9133-3138 Québec Inc., (y compris Raymond Lessard, Sébastien Lessard et monsieur Vivian[27]) autorise l'émission de 376 970 parts de C.V.L. à Fondim en contrepartie de 376 970 $ et 879 930 parts à Immobilier en contrepartie de 879 930 $, dont 480 000 $ en apport antérieur (« sweat equity »)[28]. Les parts émises et en circulation de C.V.L. sont respectivement détenues par Fondim (377 000 parts, soit 30 %), Immobilier (880 000 parts, presque 70 %) et 9133-3138 Québec Inc. (1 part).
[68] Par la résolution P-41, monsieur Vivian acquiesce donc à l'existence et à la valeur de l'apport antérieur de 480 000 $.
[69] Le 24 septembre 2003, Fondim prête à C.V.L. jusqu'à concurrence de 3 370 000 $ au taux de 12 % l'an pour financer l'acquisition et la détention des parcelles 1, 2 et 3[29]. La veille, C.V.L. consent à Fondim des hypothèques sur ces parcelles jusqu'à concurrence du montant maximal du prêt plus 20 %[30].
[70] Le 24 septembre 2003, Ville de Laval vend à C.V.L. au prix de 7 583 847,60 $ les trois parcelles[31] alors destinées à former le projet Urbania[32]. Les parcelles 2 et 3 sont hypothéquées en faveur de Ville de Laval en garantie du solde du prix de vente[33].
[71] C.V.L. s'engage, entre autres, à investir au minimum 20 000 000 $ par parcelle dans les trois années suivant le paiement complet du prix de vente de chacune[34].
[72] C.V.L. ne parviendra pas à tenir cet engagement.
[73] Messieurs Vivian et Boughanmi supervisent sans résultat une équipe de vente pendant une période que ce dernier qualifie de « très limitée ».
[74] Robert Lessard témoigne que la première implication de monsieur Vivian relativement au bureau de ventes du projet Urbania, le (jeudi) 30 octobre 2003, est de menacer collectivement les quatre vendeurs d'un congédiement immédiat s'ils ne vendent pas 20 unités avant la fin de semaine, avec pour résultat qu'« on s'est retrouvé sans vendeurs le lendemain »[35]. Cette preuve n'est pas contredite.
[75] Ce résultat déplorable n'est aucunement imputable aux défendeurs.
[76] Messieurs Vivian et Boughanmi proposent l'embauche de vendeurs. Monsieur Boughanmi propose également une opération de télémarketing.
[77] Raymond Lessard rejette ces suggestions. La preuve ne permet pas de conclure que ces refus sont déraisonnables.
31 octobre 2003
[78] Un bureau des ventes est aménagé sur le site. Quelques sapins le décorent.
[79] Ces arbres font sourciller monsieur Vivian devant le Tribunal, lorsqu'il parle des dépenses d'Immobilier. À cet égard, il soupçonne maintenant, sans preuve et manifestement à tort, un détournement de fonds au bénéfice personnel de Raymond Lessard.
[80] Le lancement public du projet Urbania s'effectue le 31 octobre 2003.
[81] Monsieur Vivian reconnaît que le groupe Lessard/Martel l'organise entièrement et de main de maître.
[82] Selon madame Martel, messieurs Vivian et Boughanmi « disparaissent » deux semaines auparavant. Leur contribution au lancement se résume à l'achat, en dernière heure, d'un ou deux micro-ordinateurs.
[83] Le jour du lancement, monsieur Vivian déclare publiquement devant le maire de Ville de Laval, entre autres, qu'il a vendu un bloc complet de 40 unités. Or, l'acheteur s'avère sans aucune ressource financière[36].
[84] Monsieur Vivian n'est pas invité à faire partie des photos avec les invités de marque et, contrairement à ceux-ci et à Raymond Lessard, on ne lui offre pas l'écharpe orangée associée au projet Urbania. Il éprouve alors une vive frustration de ne pas recevoir la reconnaissance qu'il estime mériter. Il en reste de toute évidence très amer.
[85] Il qualifie ses relations avec Raymond Lessard de « très très agréables » jusqu'à ce lancement, mais il affirme qu'il sent dès lors « qu'on est dans les jambes de monsieur Lessard » et que ce dernier aurait « certainement préféré ne pas nous voir là ». Il ajoute qu'à compter de ce jour, il « sent » que les choses changent.
[86] En contre-interrogatoire, monsieur Vivian situe ce changement de dynamique relationnelle plus d'un mois auparavant, soit à la date d'acquisition des terrains du projet Urbania par C.V.L., le 24 septembre 2003. Il dit avoir ensuite décidé de continuer à travailler dans l'intérêt de l'entreprise « même si le cœur n'y est plus ».
[87] Cependant, monsieur Vivian admet s'être soumis à un jeûne de 21 jours dans un village isolé de novembre à décembre 2003, puis avoir consacré du temps à la préparation de son mariage célébré le 14 février 2004[37]. Il admet également que son voyage de noces a duré plus de quatre semaines. Il reconnaît enfin avoir constitué Raymond Lessard son mandataire du 6 avril au 30 mai 2004[38] « pour ne pas nuire au bon fonctionnement de l'entreprise ».
[88] Blessé dans son amour-propre lors du lancement public du projet, d'une maladresse inqualifiable dans ses rapports avec les vendeurs d'Immobilier, monsieur Vivan cesse ensuite tout effort de vente, croyant que le travail du groupe Lessard suffira au succès du projet.
[89] Monsieur Boughanmi, à l'instar de son associé dont il partage sans doute l'optimisme, choisit de demeurer en retrait.
[90] En définitive, monsieur Vivian ne trouve pas un seul acheteur d'unité et monsieur Boughanmi n'en trouve qu'un seul.
[91] En l'absence de monsieur Vivian, madame Martel travaille aux ventes 12 heures par jour, car la rentabilité du projet Urbania est directement tributaire de la rapidité des ventes.
[92] Raymond Lessard décide qu'elle seule détiendra l'autorité nécessaire d'accepter une offre d'achat d'une unité au nom d'Immobilier[39] mais ce, dans un contexte où messieurs Vivian et Boughanmi ne font rien pour que les ventes se matérialisent, choisissant plutôt d'abandonner entièrement la mise en marché du projet à leurs partenaires qui veillent déjà seuls à sa construction.
[93] L'allégation de la demanderesse que Raymond Lessard aurait exclu messieurs Vivian et Boughanmi des ventes[40] n'est pas fondée. Raymond Lessard et les autres défendeurs avait d'ailleurs tout intérêt à maximiser les ventes dans les plus brefs délais.
[94] Monsieur Vivian prétend au surplus que Raymond Lessard a progressivement cherché à l'écarter du projet Urbania. En réalité, comme monsieur Boughanmi, il s'en est éloigné lui-même, de plein gré.
[95] Monsieur Vivian nie que lui et monsieur Boughanmi se soient désintéressés du projet Urbania.
[96] Or, monsieur Vivian prétend qu'une fois le financement de l'acquisition des terrains Urbania trouvé, la demanderesse n'avait plus aucune obligation envers Immobilier que celles qui incombent à un actionnaire. Il précise que « notre implication au delà de trouver le financement pour l'achat des terrains était sur une base strictement volontaire » et ajoute que « lorsque requis, on s'est occupé de faire ce qu'on avait à faire ».
[97] Pour illustrer sa participation au succès du projet, monsieur Vivian témoigne qu'il a contribué gracieusement au marketing. Il dit avoir présenté des « gérants des ventes » à Raymond Lessard qui avait déjà une équipe de vente en place. Il ajoute que monsieur Boughanmi et lui donnent leur avis aux défendeurs au sujet de l'esthétique du projet, tel que la couleur des briques des façades des unités résidentielles.
[98] Ainsi, après le lancement public du projet, messieurs Vivian et Boughanmi ne consacrent qu'un minimum d'efforts à la mise en marché et à la vente des unités. Sans en informer le groupe Lessard/Martel, ils retirent leur contribution principale au partenariat.
[99] Ils sont dès lors motivés uniquement par la préservation de leur part des profits espérés.
[100] En raison de leur non-disponibilité, il devient de plus en plus difficile pour leurs partenaires d'exploiter Immobilier.
[101] Les ventes ne se réaliseront pas dans le délai originairement prévu, les coûts du projet (dont les intérêts sur les emprunts et les frais d'administration facturés par Construction à Immobilier) dépasseront nettement les prévisions et le projet perdra sa rentabilité.
2004
[102] L’équipe des ventes partage son temps entre le projet Urbania et un autre projet. Après quelques mois, elle consacre tout son temps au projet Urbania.
[103] Monsieur Vivian doit s'occuper du financement intérimaire nécessaire à la construction du premier bâtiment du projet. Ses négociations à ce sujet avec Banque Nationale achoppent.
[104] En son absence, Sébastien Lessard négocie ce financement avec Banque HSBC Canada (ci-après, « HSBC »).
[105] Monsieur Vivian ne contribuera pas davantage à l'obtention du financement intérimaire des bâtiments suivants.
[106] Le 16 juin 2004, les cinq administrateurs d'Immobilier décident à l'unanimité d'accepter l'offre de HSBC d'accorder à Immobilier une facilité de crédit pour un montant maximal de 3 850 000 $, d'emprunter ce montant maximal, de consentir une hypothèque mobilière sur l'universalité des biens meubles d'Immobilier ainsi qu'une hypothèque immobilière sur deux fractions des terrains destinés au projet Urbania[41]. Tous les administrateurs d'Immobilier cautionnent personnellement l'emprunt[42].
[107] Le 18 juin 2004, aux fins du projet Urbania, C.V.L. vend à Immobilier au prix de 597 816 $ une partie du lot 2 922 349 (les lots 3 191 981 et 3 191 989)[43].
[108] Le 18 juin 2004, HSBC et Immobilier concluent en conséquence un acte hypothécaire relativement au lot 3 191 981 du Cadastre du Québec, circonscription foncière de Laval[44]. L'intérêt à compter de l'échéance du prêt s'élève à 15 % l'an.
[109] Le 18 juin 2004, Fondim propose un partenariat à « Groupe Le Versant » (c'est-à-dire à « Immobilier ») en vue du financement de l'acquisition d'un grand terrain vacant adjacent aux trois parcelles destinées au projet Urbania (ci-après, la « Parcelle A »)[45]. La Parcelle A appartient à Ville de Laval. Son prix s'élève à 10 864 910 $. Fondim propose de partager à parts égales le contrôle du projet[46]. Immobilier sera toutefois responsable de trouver les acheteurs potentiels. Les étapes du partage du produit des ventes sont alors prévues[47].
[110] Tous les trois mois, Immobilier doit rembourser 35 000 $ d'intérêts. Des centaines de milliers de dollars sont dus aux sous-traitants.
[111] Les groupes Lessard/Martel et Vivian/Boughanmi conviennent d'injecter chacun 125 000 $ dans Immobilier.
[112] Le groupe Lessard/Martel réunit cette somme. Le groupe Vivian/Boughanmi doit emprunter sa contribution de Financement Duval. Le 30 juin 2004, les cinq partenaires signent à cette fin un billet à ordre de 131 000 $ à Financement Duval, payable au plus tard 120 jours après cette date[48]. La dette porte intérêt mensuel au taux de 4,99 % par mois, soit 59,88 % annuellement.
[113] Les conditions excessives de cet emprunt témoignent éloquemment, d'une part, de l'absence de liquidités personnelles des partenaires et, d'autre part, des ressources très limitées de messieurs Vivian et Boughanmi quant à l'obtention d'un financement intérimaire.
[114] Monsieur Vivian témoigne qu'il perd confiance en Raymond Lessard à l'été 2004 en raison d'un incident lié à la Parcelle A. Monsieur Vivian déclare qu'à la demande de Raymond Lessard, il cherche alors du financement pour l'acheter. Il sollicite quelques groupes à ce sujet, dont le groupe Getty qu'il rencontre en compagnie de Raymond Lessard et de Me Robert Talbot, l'avocat d'Immobilier.
[115] Selon monsieur Vivian, Raymond Lessard l'informe qu'il faut renégocier les parts des partenaires en raison de la présence d'un partenaire silencieux qui détiendra 50 % du projet lié à la Parcelle A. Vers le mois d'août 2004, monsieur Vivian apprend qu'il s'agit de Me Talbot.
[116] Monsieur Vivian proteste aujourd'hui que Me Talbot se trouvait alors en flagrant conflit d'intérêts. Le Tribunal note qu'en 2004 monsieur Vivian ne s'y est pas opposé.
Août 2004
[117] Selon monsieur Vivian, Raymond Lessard ne veut pas procéder à l'achat de la Parcelle A par le truchement d'Immobilier, mais plutôt constituer une autre société à cette fin. Il ne s'y oppose pas.
[118] Le 2 août 2004, Raymond Lessard lui propose une participation de 20 % relativement au projet lié à la Parcelle A. Ils s'entendent sur 25 %. Monsieur Vivian fait préparer un document qui le constate.
[119] Toujours selon monsieur Vivian, il rencontre à cette date Raymond Lessard au restaurant. Au début du repas, Raymond Lessard signe l'entente (P-27). À la fin du repas, monsieur Vivian le prie de demander à Me Talbot de préparer les documents requis pour l'achat de la Parcelle A. De retour à son bureau, monsieur Vivian téléphone lui-même à Me Talbot et lui demande de « préparer les documents en conséquence ». Quelques minutes plus tard, Raymond Lessard appelle monsieur Vivian et lui reproche d'avoir communiqué précipitamment avec Me Talbot. Monsieur Lessard rappelle ensuite monsieur Vivian et renie sa signature sur la pièce P-27.
[120] Monsieur Vivian affirme qu'il ne doute pas de l'intégrité de Sébastien Lessard ni de celle de madame Martel, mais il considère que Raymond Lessard est un menteur. Or, puisque Raymond Lessard prend les décisions du groupe Lessard/Martel, monsieur Vivian se sent dès lors très vulnérable et en grande insécurité.
[121] La demanderesse n'allègue ni l'incident du 2 août 2004 ni la pièce P-27 et ne communique pas cette pièce aux défendeurs avant le procès.
[122] Monsieur Lessard nie avoir rencontré monsieur Vivian au restaurant le 2 août 2004.
[123] À tout événement, à l'été 2004, messieurs Vivian et Boughanmi confient à leur procureur le mandat de préparer des procédures de saisie avant jugement et ils font régulièrement vérifier au bureau de la publicité des droits si une vente ou une hypothèque est enregistrée sur la Parcelle A.
[124] Monsieur Vivian explique que « quelque part dans les mois qui ont précédé la procédure introductive d'instance » de la demanderesse dans le dossier judiciaire concernant la Parcelle A (pièce D-1A), il sent Raymond Lessard très évasif relativement à la transaction sur cette parcelle. Il demande à son procureur, Me Kattan, de communiquer à ce sujet avec Me Talbot. Selon monsieur Vivian, Me Talbot répond que la Parcelle A n'est pas à vendre « ni actuellement ni dans le futur ».
[125] Monsieur Vivian témoigne qu'il a donné instruction de saisir avant jugement, car il était flagrant que Raymond Lessard allait s'enfuir avec la caisse dont « notre » part était d'environ 1,5 M $.
[126] Le témoignage de monsieur Vivian relativement à l'incident du 2 août 2004 se concilie mal aux allégations contenues dans la requête introductive d'instance de la demanderesse dans le dossier judiciaire concernant la Parcelle A (D-1A) :
- la demanderesse allègue explicitement dans sa requête D-1A que Raymond Lessard a signé l'entente P-27 le 2 août 2004[49], mais elle passe ensuite entièrement sous silence le fait capital qu'il aurait renié cette signature le jour même;
- contrairement au témoignage de monsieur Vivian qui exprime une perte de confiance totale envers monsieur Lessard dès le 2 août 2004, la requête D-1A allègue plutôt explicitement que ses soupçons auraient été suscités après le 12 novembre 2004, et ce, à la suite des représentations de Raymond Lessard que la transaction sur la Parcelle A ne pourrait pas se concrétiser[50].
[127] Par ailleurs, le témoignage de monsieur Vivian relativement à ses relations avec Raymond Lessard après le 2 août 2004 est incohérent : dans un premier temps, il affirme que ces relations « étaient très houleuses » à compter de cette date. La demanderesse ne produit cependant aucun document qui corroborerait une détérioration des relations entre monsieur Vivian et Raymond Lessard entre le 2 août et quelques jours avant la fin du mois de novembre 2004. Plus tard, faisant allusion à son « 6e sens », monsieur Vivian affirme plutôt avoir « senti » que Raymond Lessard « avait changé d'attitude »…« pour ne pas dire jusqu'à aller à un silence total » relativement à la transaction sur la Parcelle A.
[128] Enfin, alors que monsieur Vivian témoigne que Me Talbot a fermé la porte sur toute transaction portant sur la Parcelle A, les allégations pertinentes de la requête D-1A confirment, à l'inverse, qu'une telle transaction demeurait possible, mais pas immédiatement :
27. Le représentant de la demanderesse a requis son procureur, Me Donald Kattan, de communiquer avec Me Robert Talbot, le procureur du défendeur Lessard, pour déterminer s'il était exact que l'acquisition de la Propriété n'allait pas aboutir;
28. Lors de conversations qui eurent lieu entre le procureur de la demanderesse, Me Kattan, et Me Talbot les 26, 29 et 30 novembre 2004, Me Talbot assura Me Kattan qu'il était hautement improbable que la vente de la Propriété se concrétise;
29. Par lettre datée du 1er décembre 2004, Me Kattan écrivait à Me Talbot pour confirmer les assurances de ce dernier. Plus particulièrement, ladite lettre du 1er décembre 2004 mentionne :
« Vous nous avez également assurés qu'en autant que vous étiez concerné, la transaction d'achat et/ou de revente de la Propriété n'allait pas aboutir ou du moins ne se concrétiserait pas avant plusieurs semaines. »
Une copie de ladite lettre est produite au soutien des présentes sous la côte (sic) P-10;
(Le Tribunal souligne.)
[129] Le Tribunal ne croit pas que monsieur Vivian aurait risqué de compromettre les profits énormes qu'il espérait du projet Urbania en raison d'un différend avec Raymond Lessard relativement à la Parcelle A, un projet de bien moindre envergure.
[130] La clé des incohérences de monsieur Vivian quant au moment et au motif de sa « perte de confiance » envers Raymond Lessard se situe vraisemblablement ailleurs.
[131] Cette « perte de confiance » n'est probablement survenue qu'à la fin de l'année 2004, lorsque monsieur Vivian a réalisé que la rentabilité du projet Urbania était gravement compromise sinon perdue, faute de ventes.
[132] Seulement 37 unités sont vendues en 2004[51]. Les ventes sont loin du rythme prévu.
[133] Même si la preuve n'est pas précise à ce sujet, il est indéniable que monsieur Vivian communiquait directement avec la commis comptable d'Immobilier à l'automne 2004 et que rien ne l'empêchait d'obtenir de cette dernière tous les renseignements qu'il désirait.
[134] Il est raisonnable de déduire que monsieur Vivian obtient cette information cruciale vers la fin du mois de novembre 2004.
[135] En effet, le 23 novembre 2004, en après-midi, la comptable d'Immobilier demande à messieurs Vivian et Boughanmi de se présenter le lendemain à compter de 10 h pour cosigner des chèques[52]. Le 24 novembre 2004, monsieur Vivian se montre désagréable envers elle et Raymond Lessard expulse sur-le-champ monsieur Vivian des bureaux d'Immobilier.
[136] Le jour même, monsieur Vivian écrit à Raymond Lessard qu'il n'a pas intention de se représenter aux bureaux d'Immobilier « compte tenu de votre invitation à l'égard du soussigné de quitter vos bureaux de façon cavalière »[53]. Monsieur Vivian aborde alors une future procédure de signature des chèques d'Immobilier qu'il voudrait mettre en place. On peut se surprendre que monsieur Vivian ait manifesté de la sorte la volonté de maintenir un partenariat avec monsieur Lessard, alors que la demanderesse s'apprêtait à donner instructions d'intenter des procédures contre Raymond Lessard et de pratiquer une saisie avant jugement relativement à la Parcelle A.
[137] L'administration d'Immobilier paraît irréprochable à messieurs Vivian et Boughanmi jusqu'en décembre 2004.
[138] Depuis la constitution d'Immobilier, monsieur Vivian cosigne les chèques plus souvent que monsieur Boughanmi. Monsieur Vivian examine minutieusement chaque chèque et Raymond Lessard répond de manière satisfaisante à toutes ses questions. Une seule fois, un chèque qu'on lui demande de cosigner s'avère sans rapport avec le projet Urbania. Il le signale à Raymond Lessard qui en convient sans discussion, imputant la chose à une erreur cléricale.
[139] Le 2 décembre 2004, monsieur Lessard convoque une assemblée générale annuelle et extraordinaire des actionnaires d'Immobilier le 20 janvier 2005, entre autres, afin d'approuver les états financiers de l'exercice terminé le 31 décembre 2003 et de procéder à la nomination des administrateurs[54].
[140] Le 14 décembre 2004, la demanderesse dépose une requête introductive d'instance dans le dossier de la Cour supérieure 500-17-023586-046 relativement à la Parcelle A (ci-après, le « Dossier no. 1 »)[55]. La poursuite vise Raymond Lessard, Investissements et 9147-4584 Québec Inc. auxquels elle réclame alors 1 658 772 $[56] (plus tard augmenté à 2 667 186,15 $[57]). Invoquant une entente du 2 août 2004, la demanderesse recherche alors une déclaration judiciaire qu'elle est copropriétaire d'une portion indivise de 25 % de la Parcelle A et elle saisit avant jugement le compte en fidéicommis du notaire instrumentant de la vente de la Parcelle A.
[141] Le plumitif informatisé du Dossier no. 1 révèle son effervescence initiale, car il comporte 22 entrées entre le 14 décembre 2003 et le 20 janvier 2004. Il indique également une demande reconventionnelle au montant de 325 467,81 $[58].
[142] Dans sa requête introductive, la demanderesse allègue que Raymond Lessard « accumule d'innombrables poursuites judiciaires » (plus de 200), qu'il agit de mauvaise foi envers elle et qu'il est, selon elle, absolument indigne de confiance.
[143] La poursuite dans le Dossier no. 1 ne rehausse pas face aux tiers la crédibilité des défendeurs ni, indirectement, celle du projet Urbania, particulièrement avant l'ouverture de la station de métro à Laval.
2005
[144] Les états financiers de l'exercice terminé le 31 décembre 2003 ne sont pas communiqués à la demanderesse avant l'assemblée du conseil d'administration d'Immobilier du 20 janvier 2005.
[145] Le 20 janvier 2005, messieurs Vivian et Boughanmi ainsi que les défendeurs Lessard et Martel se présentent à l'assemblée[59]. Y assistent également les avocats de chaque groupe ainsi que le comptable Luc Boisjoly.
[146] Madame Martel rédige le procès-verbal (P-9).
[147] Selon ce procès-verbal, les états financiers de l'exercice terminé le 31 décembre 2003 sont adoptés à la majorité, messieurs Vivian et Boughanmi étant dissidents. À l'unanimité, les actionnaires décident ensuite de nommer monsieur Boisjoly à titre de vérificateur et expert-comptable d'Immobilier. Enfin, trois nouveaux administrateurs (les défendeurs Lessard et Martel) sont nommés à la majorité, malgré les dissidences de messieurs Vivian et Boughanmi.
[148] Interrogé hors cour, monsieur Lessard explique ainsi cette dernière décision[60] :
(…) Vous comprendrez, moi, les gens qui viennent saisir mes actifs, je n'ai pas vraiment un goût particulièrement précis pour les avoir…» et il ajoute : « (…) je n'avais pas vraiment le goût, ni moi ni mes associés, de les réélire au conseil d'administration. C'était assez évident.
[149] En janvier 2005, le projet Urbania accuse déjà un retard considérable. En vertu de la convention du 24 septembre 2003[61], toutes les unités doivent être construites et vendues entre le mois d'octobre 2003 et le mois de janvier 2006 (27 mois).
[150] Or, 15 mois après le lancement public du projet, seulement 50 unités sont vendues (dont une seule grâce au groupe Vivian/Boughanmi) selon le procès-verbal de l'assemblée du 20 janvier 2005, lequel traite brièvement des quatre points suivants ajoutés à l'ordre du jour à la demande de monsieur Vivian[62] :
1.7 Varia (autre (sic) affaires)
Item 1 : Compte-rendu des activités de vente
M. Lessard indique à l'assemblée que 37 ventes ont été réalisées dans le bloc 1. Il reste donc trois (3) unités en vente dans ce premier édifice. 13 unités sont déjà vendues dans le bloc 9 dont la construction est commencée.
Le prêt intérimaire auprès de HSBC est complètement remboursé. Les remboursements de TPS, TVQ sur les ventes sont à jour.
Le coût des travaux de construction respecte les budgets anticipés.
Un minimum de deux blocs et préférablement un 3e doivent être réalisés chaque année pour atteindre nos objectifs.
Item 2 : Honoraires des Entreprises de construction du Versant Inc.
Suite à un commentaire de M. Vivian concernant les montants élevés payés par la compagnie à Construction Versant Inc., M. Lessard informe l'assemblée que le nombre d'unités vendues étant inférieur à nos prévisions initiales, les coûts d'administration engendrés par le projet sont plus coûteux que préalablement anticipés.
Un montant mensuel d'environ 33,300 $ est facturé par les Entreprises de construction du Versant Inc. à la compagnie. Ce montant ne représente qu'un pourcentage de ses frais d'opération. M. Lessard invite MM Vivian et Boughanmi à se faire accompagner par M. Luc Boisjoly au siège social de la compagnie pour obtenir un supplément d'information.
Item 3 : Compte-rendu pour suppléments clients
MM Vivian et Boughanmi demandent un compte-rendu des suppléments que les clients ont payés pour leur unité. M. Lessard informe l'assemblée que pour obtenir ces informations, ils sont invités à se présenter au siège social afin d'obtenir l'information.
Item 4 : États financiers vérifiés
MM Vivian et Boughanmi demandent que des états financiers vérifiés soient réalisés étant donné que les banques l'exigent dans le cadre de leur prêt intérimaire. M. Lessard informe l'assemblée que de tels états ne sont pas requis à cette fin et représentent une dépense inutile pour la compagnie. Une soumission pourra cependant être demandée à Luc Boisjoly pour la confection de tels états et les honoraires de M. Boisjoly payés par MM Vivian et Boughanmi.
(Le Tribunal souligne.)
[151] Messieurs Vivian et Boughanmi n'informent pas les défendeurs avant le 20 janvier 2005 de leur intention de traiter des items 1 à 4 de la rubrique 1.7 de P-9.
[152] Monsieur Vivian ne se souvient pas de la présence de monsieur Boisjoly à l'assemblée, mais il affirme que le procès-verbal P-9 est en grande partie inexact.
[153] Selon monsieur Vivian, l'assemblée débute immédiatement par la présentation des états financiers. Raymond Lessard indique en une phrase que les ventes d'unités constituent une bonne nouvelle. Monsieur Vivian ne se souvient pas d'une discussion relativement aux autres éléments de l'item 1 sous la rubrique 1.7 de P-9 et nie avoir demandé d'inscrire et de discuter les quatre points mentionnés à la rubrique 1.7 de P-9. Selon son témoignage, il questionne les frais d'administration payés à Construction qu'il qualifie d'exorbitants, demande s'il y a des « suppléments-clients » (« extras ») et on lui répond que non. Monsieur Vivian demande des états financiers vérifiés à l'avenir. Raymond Lessard s'engage à demander une soumission à monsieur Boisjoly et invite monsieur Vivian à passer aux bureaux d'Immobilier, indiquant que tout serait à sa disposition pour vérification, y compris les « extras ».
[154] À l'enquête, monsieur Vivian reconnaît qu'Immobilier n'avait aucune obligation de faire vérifier ses états financiers. Il explique sa demande par le bris du lien de confiance survenu entre lui et Raymond Lessard et sa volonté de protéger ses intérêts minoritaires.
[155] Tel que précisé ci-après, le motif invoqué par monsieur Vivian lors de la réunion de janvier 2005 (obligation de faire vérifier les états financiers) n'est en réalité qu'un prétexte qu'il utilise pour masquer son intention d'avoir accès à l'information financière d'Immobilier afin de préparer la présente action.
[156] Selon monsieur Vivian, sans consultation préalable, Raymond Lessard nomme ensuite les trois nouveaux administrateurs, soit les trois membres du groupe Lessard/Martel. Messieurs Vivian et Boughanmi ainsi que leur procureur Me Kattan quittent alors l'assemblée.
[157] Les témoignages de Raymond Lessard et de monsieur Boughanmi au sujet de la réunion de janvier 2005 sont relativement peu éclairants.
[158] Lors de son interrogatoire hors cour en décembre 2007, Raymond Lessard affirme que les acheteurs d'unités n'ont pas payé d'extras, qu'il a confirmé ce fait à la demanderesse le 24 septembre 2007[63] et que cela est apparent à la lumière des listes de prix des unités publiées sur Internet conjuguées aux actes de vente[64]. Il précise que son invitation du 20 janvier 2005 à messieurs Vivian et Boughanmi à se présenter au siège social d'Immobilier afin d'obtenir de l'information ne visait qu'à leur permettre de constater l'absence d'extras[65].
[159] Monsieur Boughanmi affirme que la réunion a été très brève, que seulement trois éléments ont été discutés (il ne mentionne que les frais d'administration) et que le procès-verbal P-9 constitue un « mensonge pour la plupart des choses ».
[160] Par ailleurs, Luc Boisjoly confirme sa présence à l'assemblée. Il se souvient également que soit monsieur Vivian, soit monsieur Boughanmi a demandé des états financiers vérifiés, que Raymond Lessard n'en voyait pas la nécessité et que messieurs Vivian et Boughanmi devaient en supporter les frais, le cas échéant.
[161] La version de messieurs Vivian et Boughanmi n'est pas plausible.
[162] Ils n'étaient pas seuls à l'assemblée du 20 janvier 2005. Ils y étaient accompagnés par Me Kattan, leur procureur dans le Dossier no. 1, car ils se trouvaient déjà au centre d'un conflit intense avec les défendeurs.
[163] Pourtant, ils n'ont jamais dénoncé le procès-verbal P-9 avant l'instruction de la présente cause ni exprimé de réserve quant à son contenu. Au contraire, ils y réfèrent explicitement au soutien de leur procédure introductive d'instance[66]. Questionné explicitement au sujet de l'intégrité de madame Martel, monsieur Vivian déclare qu'il n'en doute pas.
[164] Le Tribunal retient donc que le procès-verbal P-9 rédigé par madame Martel représente fidèlement le déroulement de l'assemblée du 20 janvier 2005.
[165] À la suite de cette assemblée, la demanderesse et ses représentants sont tenus à l'écart complètement et à tous égards de l'administration d'Immobilier.
[166] Cette situation convient parfaitement à tous.
[167] D'une part, messieurs Vivian et Boughanmi prétendent qu'ils n'ont aucune obligation à l'égard d'Immobilier depuis l'obtention du financement pour l'achat par C.V.L. des terrains destinés au projet Urbania.
[168] D'autre part, la perte de confiance entre les deux groupes de partenaires est complète, réciproque et définitive.
[169] Dans ce contexte, il est difficile d'imaginer à quel égard et comment messieurs Vivian et Boughanmi auraient pu participer utilement à l'administration d'Immobilier, d'autant moins qu'ils ne le souhaitent pas et qu'ils ne formulent jamais de demande en ce sens.
[170] Conscients des frais d'administration déjà facturés par Construction à Immobilier, de l'absence de dénonciation au livre des minutes d'Immobilier de l'intérêt pécuniaire personnel du groupe Lessard/Martel à cet égard ainsi que de l'absence de résolution autorisant ces frais, messieurs Vivian et Boughanmi ne tentent pas d'empêcher le groupe Lessard/Martel de poursuivre les activités d'Immobilier sans eux.
[171] Ils réclament plutôt l'intégralité des documents financiers d'Immobilier, non pas pour obtenir des états financiers vérifiés, mais dans l'unique but de prouver les détournements de fonds dont ils postulent l'existence et d'en réclamer compensation grâce à une analyse exhaustive de tous les documents se rapportant aux finances d'Immobilier.
[172] Les financements intérimaires requis pour la construction des deux phases suivantes du projet Urbania[67] sont mis en place et intégralement remboursés sans le concours de messieurs Vivian et Boughanmi[68]. En particulier, ils ne participent pas au financement intérimaire pour la construction du deuxième bâtiment du projet, malgré deux documents leur ayant été transmis le 3 février 2005[69], puis un rappel du 8 février 2005[70].
[173] Raymond Lessard souligne que messieurs Vivian et Boughanmi contrairement à lui-même, son fils et Madame Martel, n'ont jamais signé la garantie personnelle alors demandée par la CIBC[71].
[174] Les ponts étant manifestement rompus entre les deux groupes d'actionnaires d'Immobilier, il est inutile de demander à messieurs Vivian et Boughanmi de collaborer avec leurs ex-partenaires.
[175] À compter du mois d'avril 2005, dans le but de préparer la présente action, la demanderesse réclame communication intégrale des renseignements financiers d'Immobilier.
[176] Le 11 avril 2005, les avocats de la demanderesse constituent Immobilier en demeure de leur communiquer dans la semaine suivant sa réception « tous documents et/ou renseignements permettant de connaître sa situation financière »[72]. Ces informations comprennent les états financiers mensuels domestiques depuis le mois de novembre 2004, la liste de tous les chèques tirés sur son compte de banque depuis le 1er décembre 2004, une liste de ses créanciers, le montant leur étant dû, la date d'échéance de chaque créance et les arrangements pris avec ces derniers.
[177] Le 18 avril 2005, le comptable Boisjoly signe un rapport de mission d'examen relativement à l'exercice d'Immobilier se terminant le 31 décembre 2004[73]. Son rapport n'est communiqué à messieurs Vivian et Boughanmi qu'en juillet 2006. Monsieur Boisjoly rapporte des revenus de vente d'unités totalisant 5 512 595 $, un bénéfice brut avant impôts de 227 754 $ et un bénéfice net non réparti de 176 513 $.
[178] Selon les projections financières accompagnant la pièce D-13, les ventes d'unités devraient plutôt totaliser 11 546 771 $ au 31 décembre 2004.
[179] Immobilier manque de fonds.
[180] Le 7 juin 2005, Immobilier emprunte 4 M $ d'Hypothèques CIBC Inc. avec intérêts au taux annuel de 10,85 % soit, entre autres, 38 089,33 $ par mois à compter du 1er août 2005 au 1er juillet 2010 et accorde à Hypothèques CIBC Inc. une hypothèque sur le lot 3 191 989 du Cadastre du Québec, circonscription foncière de Laval[74]. Fondim et C.V.L., entre autres, interviennent à l'acte. Construction, Investissements, Raymond et Sébastien Lesard ainsi que Lucie Martel garantissent alors l'exécution des obligations d'Immobilier[75].
[181] La demanderesse et messieurs Vivian et Boughanmi refusent de faire de même. Monsieur Vivian explique ce refus par leur méfiance envers Raymond Lessard et leur ignorance complète de la gestion d'Immobilier.
2006
[182] En janvier 2006, Pierre Dicaire travaille depuis trois ans pour la demanderesse et pour une compagnie de marketing dont messieurs Vivian et Boughanmi détiennent chacun 50 % des actions. Relationniste, auparavant journaliste, puis directeur des projets spéciaux chez Imprimerie Quebecor, monsieur Dicaire n'est ni comptable ni avocat.
[183] Le 9 janvier 2006, en son nom personnel, monsieur Boughanmi confie à monsieur Dicaire le mandat de procéder seul ou avec d'autres « à la vérification des livres comptables, des états financiers et des transactions financières de la compagnie (c'est-à-dire « Immobilier ») et des rapports de gestion, de mise en marché et de ventes (…) pour permettre l'analyse de la situation financière et juridique de l'entreprise »[76].
[184] Monsieur Dicaire n’est pas connu des Lessard.
[185] Le 23 janvier 2006, monsieur Dicaire écrit à Raymond Lessard sur du papier lettre de la demanderesse « à titre de mandataire pour le compte de Messieurs Robert Vivian et Abderrazak Boughanmi, actionnaires à part entière de 9126-7583 Québec inc. ». Référant explicitement au fait que ces derniers sont encore les associés de Raymond Lessard, monsieur Dicaire lui demande accès aux résultats d'Immobilier afin de procéder, sur procuration et avec l'assistance d'un professionnel, à l'examen des livres dans les meilleurs délais[77]. La lettre est livrée le 26 janvier 2006[78]. Raymond Lessard exige une procuration écrite. Monsieur Vivian estime que la procuration verbale donnée à monsieur Dicaire est suffisante.
[186] Monsieur Dicaire indique qu’à chaque communication avec Raymond Lessard, ce dernier lui demande s’il détient un mandat et qu’il doit en conséquence en demander plusieurs à monsieur Boughanmi.
[187] Pour sa part, monsieur Dicaire ne remet pas à Raymond Lessard la liste des documents qu’il désire examiner.
[188] La méfiance est réciproque.
[189] Le 5 avril 2006, le comptable Boisjoly signe un rapport de mission d'examen relativement à l'exercice d'Immobilier se terminant le 31 décembre 2005[79]. Il rapporte des revenus de vente d'unités totalisant 4 022 209 $, un bénéfice brut avant impôts de 261 659 $ et un bénéfice net non réparti de 202 339 $ auquel s'ajoute le bénéfice non réparti au début de l'exercice de 176 513 $.
[190] Selon les prévisions budgétaires du 24 septembre 2003 annexées à la pièce D-13, les revenus de ventes d'unités en 2005 devaient atteindre 28 583 261 $ (plutôt que 4 022 209 $) et totaliser 40 184 226 $ depuis le début du projet jusqu'au 31 décembre 2005, plutôt qu'une somme inférieure à 10 M $.
[191] Le 8 juin 2006, C.V.L. vend à Immobilier le lot 3 191 988 au prix de 487 000 $[80].
[192] Le 12 juin 2006, la demanderesse (représentée par monsieur Boughanmi) et monsieur Boughanmi (en son nom personnel) confient à Pierre Dicaire le mandat d'assister à l'éventuelle assemblée générale d'Immobilier, de les y représenter et de recevoir tous les documents remis à cette occasion[81].
[193] À la même date, la demanderesse confie à Le Groupe Osborne (Georges Demeule, CA) le mandat de vérifier les états financiers d'Immobilier « afin de s'assurer de la validité des chiffres qui y sont présentés ». Le mandat comprend également l'analyse de la situation, la vérification des livres comptables et des pièces justificatives relatives aux chiffres présentés aux états financiers d'Immobilier ainsi que l'examen des registres des procès-verbaux.
[194] Les services de monsieur Demeule sont retenus à la suggestion de monsieur Dicaire, son ex-collègue de travail[82].
[195] Le 20 juin 2006, monsieur Lessard adresse aux actionnaires d'Immobilier un avis de convocation à une assemblée générale annuelle le 5 juillet 2006 pour approuver les états financiers au 31 décembre 2004 et 2005, nommer les administrateurs, nommer les vérificateurs ou experts-comptables et discuter ou prendre toutes décisions relativement aux affaires d'Immobilier[83].
[196] Le 5 juillet 2006, l'assemblée générale annuelle d'Immobilier se tient en présence des défendeurs Lessard et Martel ainsi que de monsieur Vivian, Me Robert Talbot, Luc Boisjoly et monsieur Dicaire[84] qui représente monsieur Boughanmi.
[197] Monsieur Vivian ne se souvient pas de la présence à cette assemblée de monsieur Boisjoly ni d'avoir indiqué qu'il soumettrait des questions (tel qu'indiqué sous la rubrique 1.5), mais il ne contredit pas le procès-verbal. Selon monsieur Dicaire, le procès-verbal semble conforme.
[198] Le procès-verbal de l'assemblée annuelle du 20 janvier 2005 est adopté à la majorité, monsieur Vivian enregistrant sa dissidence.
[199] Monsieur Boisjoly remet à chacun des membres de l'assemblée les états financiers d'Immobilier pour 2004 et 2005, les explique et répond aux questions. Ces états financiers sont adoptés à la majorité, monsieur Vivian enregistrant encore sa dissidence au motif que ces documents ne lui ont pas été préalablement transmis. Il demande s'il peut dépêcher un comptable au bureau administratif d'Immobilier afin de rencontrer son contrôleur. L'assemblée accepte.
[200] Les défendeurs Lessard et Martel sont reconduits dans leurs fonctions d'administrateurs, alors que monsieur Boisjoly est désigné comme vérificateur et expert-comptable d'Immobilier pour l'exercice 2006.
[201] Après l’assemblée, messieurs Raymond et Sébastien Lessard, Vivian ainsi que Dicaire se rencontrent au restaurant. Selon monsieur Dicaire, Raymond Lessard confirme que l’examen des livres d'Immobilier pourra s'effectuer à ses bureaux. Un rendez-vous préliminaire est toutefois fixé le 9 août 2006 pour discuter de la suite des choses.
[202] Monsieur Vivian estime qu'en sa qualité d'actionnaire, la demanderesse possède le droit d'obtenir tous les documents demandés dans la lettre de Me Kattan du 11 avril 2005. Il ne recherche pas réellement la préparation d’états vérifiés, mais plutôt, comme le confirme monsieur Demeule, d'aller dans « d’infinis détails » à la recherche d’anomalies. Selon monsieur Demeule, ce travail exhaustif pouvait exiger « quelques semaines ».
[203] Le 9 août 2006, monsieur Dicaire se présente aux bureaux d'Immobilier en compagnie de monsieur Demeule. Il désire entreprendre le travail d’enquête sur-le-champ.
[204] Raymond Lessard rappelle que la rencontre a pour but convenu de délimiter l’objet de l’examen des documents financiers d'Immobilier et non de procéder immédiatement à cet examen. Monsieur Demeule le corrobore.
[205] Messieurs Dicaire et Demeule indiquent verbalement les documents qu’ils désirent examiner, mais ils ne remettent pas à Raymond Lessard la liste qu’ils détiennent. Raymond Lessard leur communique les coordonnées de monsieur Boisjoly et leur indique de l’appeler.
[206] Monsieur Demeule laisse deux messages téléphoniques à monsieur Boisjoly. Il décline son nom, mentionne qu’il appelle au sujet d'Immobilier et laisse son numéro de téléphone, sans plus. Monsieur Boisjoly ignore à quel sujet monsieur Demeule l’appelle.
[207] Le 12 août 2006, messieurs Dicaire et Demeule rencontrent à nouveau Raymond Lessard aux bureaux d'Immobilier. Ils l’informent que monsieur Demeule tente vainement de parler à monsieur Boisjoly. Raymond Lessard leur suggère de le rappeler.
[208] Monsieur Boisjoly ne rappelle monsieur Demeule que lorsque celui-ci le menace de se plaindre à l’Ordre des comptables agréés du Québec. Monsieur Boisjoly l'informe qu'il doit communiquer avec Raymond Lessard.
[209] Monsieur Demeule ne reçoit rien.
[210] Le 23 août 2006, monsieur Demeule indique à la demanderesse qu'il lui sera impossible de compléter son travail sans avoir recours à des moyens juridiques, en raison du refus de collaborer de Raymond Lessard qui lui paraît évident[85].
[211] Le 21 septembre 2006, les procureurs de la demanderesse informent Raymond Lessard qu'ils ont reçu instructions de procéder en justice pour obtenir accès aux documents pertinents aux exercices financiers 2004 et 2005 d'Immobilier à moins que ces documents soient mis sous peu à la disposition de messieurs Dicaire et Demeule[86].
[212] Le 29 septembre 2006, le procureur de la demanderesse confirme à Raymond Lessard que sa cliente assumera tous les frais de la « vérification » qu'elle réclame et que celle-ci ne sera pas nécessairement exhaustive[87].
[213] À l'automne 2006, Les Placements S.P. Canada Inc. proroge le prêt de 500 000 $ consenti aux partenaires trois années plus tôt. Messieurs Vivian et Boughanmi refusent de servir de cautions, malgré le fait que les actions d'Immobilier aient été cédées en garantie. Les intérêts et les frais de prorogation payés en conséquence au prêteur diminuent encore la rentabilité du projet.
[214] Le 8 novembre 2006, Immobilier obtient un prêt de 4 160 000 $ d'Hypothèques CIBC Inc. au taux annuel fixe de 11,85 %, le montant de chaque versement régulier s'élevant à 42 490,95 $ et hypothèque en sa faveur le lot 3 191 988 du Cadastre du Québec, circonscription foncière de Laval[88]. Fondim et C.V.L. interviennent à l'acte. Constructions, Investissements, Raymond et Sébastien Lessard ainsi que Lucie Martel se portent cautions[89]. La demanderesse et messieurs Vivian et Boughanmi refusent de s’engager de la même façon.
[215] À une date qu'il ne peut préciser, mais qu'il situe entre la fin de 2006 et le début de 2007, monsieur Vivian se désintéresse de la demanderesse. Il fonde une compagnie minière d'exploration en Afrique.
2007
[216] À l'hiver 2006-2007, Fondim exprime ses inquiétudes relativement à l'incapacité d'Immobilier de respecter ses engagements financiers.
[217] La poursuite intentée par la demanderesse en 2004 relativement à la Parcelle A rend l'obtention de financement d'une autre source extrêmement difficile.
[218] En date du 30 avril 2007, l'endettement de C.V.L. envers Fondim totalise 7 638 922 $, dont des intérêts de 1 904 736 $ sur le prêt de septembre 2003 et des avances ainsi que 234 788 $ d'intérêts sur un prêt ultérieur[90]. De plus, C.V.L. doit simultanément à Ville de Laval 3 508 235 $ à titre de solde de prix de vente sur les parcelles 2 et 3 et des intérêts de 271 998 $ sur cette somme[91].
[219] Or, Immobilier s'est portée caution de 70 % des obligations de C.V.L. envers Fondim relativement au prêt initial[92]. Immobilier a également accordé une hypothèque mobilière avec dépossession en faveur de Fondim sur ses parts dans C.V.L. et ses actions dans 9133-3138 Québec Inc. (le commandité de C.V.L.)[93].
[220] Au printemps 2007, la patience de Fondim relativement aux retards du projet Urbania atteint sa limite. Elle présente au groupe Lessard/Martel un ultimatum : donner volontairement en paiement les terrains non développés ou subir l'exécution de la garantie hypothécaire.
[221] Le 9 mai 2007, Immobilier règle avec Fondim l'ensemble des obligations incombant à Immobilier aux termes de la convention de prêt de septembre 2003 et d'une convention de vente de novembre 2006[94].
[222] En conséquence du règlement P-46, le groupe Lessard/Martel contrôlera désormais C.V.L. et son commandité :
- Fondim vend à Construction ses parts dans C.V.L. en contrepartie de 232 606 $ qu'Immobilier s'oblige à payer[95];
- Solim vend à Construction ses actions du capital-actions de 9133-3138 Québec Inc. en contrepartie de 30 $;
- C.V.L. s'engage ensuite à céder à Fondim, par dation en paiement volontaire, la propriété des parcelles 2 et 3 (les lots 2 922 347 et 3 191 990) en considération de la prise en charge par Fondim de la dette de C.V.L. envers elle quant au solde du prix de vente des parcelles 2 et 3 et les intérêts s'y rapportant en date du 30 avril 2007, soit 3 780 233 $[96];
- C.V.L. cède à Fondim ses droits dans un dépôt de 750 000 $ détenu en garantie de la lettre de garantie émise en faveur de Ville de Laval en contrepartie de la libération par Fondim des obligations de C.V.L. relativement à un prêt[97];
- C.V.L. rembourse Fondim 135 482 $ (le rendement dû à Fondim en vertu de la convention de société en commandite)[98];
- Immobilier rembourse Fondim dans les meilleurs délais 2 008 616 $ relativement au prêt initial et aux avances attribuables à la parcelle 1[99];
- Immobilier et Construction cautionnent les obligations de C.V.L. en faveur de Fondim[100];
- Fondim renonce, entre autres, à réclamer de C.V.L. et d'Immobilier (caution de C.V.L. dans une proportion de 70 %) le total des sommes lui étant dues relativement aux parcelles 2 et 3[101];
- Pour tenir compte de l'ensemble des ajustements convenus, Fondim s'engage à payer à Immobilier 548 054 $[102];
- Considérant leurs obligations financières réciproques, les parties opèrent compensation et reconnaissent qu'en date du 30 avril 2007 un solde de 2 343 270 $ devra être payé à Fondim, sujet à ajustements[103], C.V.L. devant par ailleurs consentir à Fondim une hypothèque sur le reliquat de la parcelle 1 pour garantir le paiement de cette dernière somme[104];
- Les conventions antérieures, dont la convention de disposition de terrains, sont résiliées[105];
- Les parties « s'engagent à collaborer entre elles aux fins du développement harmonieux de leurs parcelles respectives » et reconnaissent expressément la poursuite de la vocation résidentielle de la parcelle 1[106].
[223] Raymond et Sébastien Lessard signent le règlement P-46 au nom d'Immobilier et de Construction. Raymond Lessard signe également au nom de C.V.L. et de 9133-3138 Québec Inc., son commandité.
[224] Le règlement P-46 ne comporte aucun engagement de Fondim de revendre ultérieurement les parcelles qu'elle acquiert par dation en paiement au groupe Lessard/Martel.
[225] Les défendeurs n'informent pas préalablement la demanderesse du règlement P-46, mais ils soulignent que monsieur Vivian pouvait communiquer directement avec Fondim afin de se tenir informé, si tel était réellement son désir.
[226] Les livres de minutes d'Immobilier ne mentionnent pas le règlement P-46 ni les intérêts pécuniaires personnels du groupe Lessard/Martel dans sa conclusion.
[227] Selon l'index aux immeubles de la circonscription foncière de Laval[107], le 6 décembre 2007, C.V.L. cède à Fondim en dation en paiement volontaire partie des lots 2 866 046 et 2 922 348.
[228] Monsieur Vivian n'apprend la dation en paiement volontaire, dit-il, qu'en 2008, à la lecture du rapport de monsieur Schiller, l'expert retenu par la demanderesse. Selon monsieur Vivian, la valeur actuelle des terrains cédés serait nettement supérieure à ce qu'elle était lors des dations en paiement et la demanderesse aurait certainement pu rembourser Fondim et profiter de la plus-value s'il avait été informé des intentions d'Immobilier.
[229] Monsieur Vivian laisse ainsi entendre, entre autres, qu'il aurait pu libérer les terrains faisant l'objet de la dation en paiement volontaire puis les revendre à profit.
[230] Aucune preuve n'établit la valeur actuelle des terrains en cause, pas plus que leur valeur en 2006 et 2007. Aucune preuve n'est offerte quant aux possibilités de financement qui s'ouvraient alors à monsieur Vivian, s'il en était, ni si celles-ci lui auraient permis d'acquitter les dettes d'Immobilier. Enfin, aucune preuve n'est offerte de l'identité du ou des tiers acquéreurs.
[231] Monsieur Vivian ne s'arrête pas là. Il affirme qu'il aurait pu se « prévaloir d'un droit de préemption ou d'un autre droit », sans préciser lequel.
[232] Les affirmations de monsieur Vivan quant aux pertes de la demanderesse liées à la dation en paiement sont purement hypothétiques.
[233] La réalisation par monsieur Vivian du tour de force qu'il évoque paraît d'autant plus douteuse que ses efforts de vendre des unités du projet Urbania se sont avérés totalement vains et que les conditions des financements qu'il a obtenus de S.P. et de Financement Duval étaient très onéreuses. Enfin, monsieur Vivian a échoué dans l'obtention d'un financement intérimaire.
[234] Les affirmations de la demanderesse relativement à la dation en paiement volontaire des parcelles 2 et 3 et du préjudice en résultant ne sont pas établies. Contrairement à ce que prétend monsieur Vivian, rien ne permet de conclure qu'il aurait été préférable, pour Immobilier ou ses actionnaires de ne pas conclure cette transaction. En outre, à la face même du règlement P-46, le Tribunal ne peut conclure qu'il désavantage indûment Immobilier ou ses actionnaires minoritaires.
[235] Au printemps 2007, monsieur Demeule examine les contrats de vente des unités du projet Urbania. Il constate que les prix vendus correspondent strictement à la feuille des ventes. Or, il est établi que certains acheteurs ont demandé des suppléments.
[236] Pour ses services à la demanderesse en 2006 et 2007, monsieur Demeule lui facture, le 31 mai 2007, la somme de 1 994,13 $[108].
[237] Le 6 juillet 2007, la demanderesse entreprend la présente action.
[238] Le 30 août 2007, le procureur des défendeurs propose à la procureure de la demanderesse d'inviter son expert comptable à communiquer avec monsieur Boisjoly afin qu'il réponde aux questions « dans la mesure du raisonnable »[109].
[239] En septembre 2007, monsieur Vivian cesse d'être actionnaire de la demanderesse. Il conserve toutefois un intérêt personnel important dans le sort de la présente cause, car il convient alors de partager à parts égales avec monsieur Boughanmi tout jugement favorable à la demanderesse dans la présente cause.
[240] Le 7 septembre 2007, le procureur des défendeurs transmet à la procureure de la demanderesse une copie des états financiers d'Immobilier « pour les exercices terminés le 31 décembre 2006 (sic) et 2006 » et propose une rencontre entre monsieur Boisjoly et l'expert-comptable désigné par la demanderesse « pour que ce dernier puisse requérir et obtenir les informations financières recherchées, dans la mesure du raisonnable »[110].
[241] Le 14 septembre 2007, la procureure de la demanderesse confirme la dissidence de sa cliente relativement à l'adoption des états financiers d'Immobilier pour l'exercice terminé le 31 décembre 2006, puisqu'elle « n'a jamais pu procéder à une vérification des livres et registres »[111]. Elle indique alors que monsieur Demeule est disponible du 18 au 21 septembre 2007 pour vérifier les documents comptables d'Immobilier aux bureaux de monsieur Lessard.
[242] Le 17 septembre 2007, le procureur des défendeurs rejette cette possibilité qu'il qualifie de « partie de pêche » plutôt que « d'un exercice de bonne foi »[112].
[243] Le 19 septembre 2007, la procureure de la demanderesse affirme que sa cliente « a un droit strict en tant qu'actionnaire (…) à effectuer une vérification des livres et registres (…) » d'Immobilier et soutient que les défendeurs y font obstacle de mauvaise foi[113].
[244] Le 24 septembre 2007, dans le but d'éviter une vérification comptable « en bonne et due forme », le procureur des défendeurs transmet à la demanderesse copie des documents suivants relativement aux phases I, II et III du projet Urbania[114] :
- tous les contrats notariés avec ajustements lors de la vente de toutes les unités ;
- les actes de prêt pour le financement intérimaire des blocs 1, 2 et 3 (et mention que toutes les hypothèques ont été radiées) ;
- le détail des coûts budgétés ;
- un détail de tous les coûts réellement encourus;
- un détail de tous les frais d'administration encourus par Immobilier suite aux facturations de Construction;
- le sommaire du financement négocié par messieurs Vivian et Boughanmi auprès de Placements S.P. Canada inc., incluant la cédule de remboursement et les paiements effectués;
- les listes de prix publiés et en vigueur pour toutes les unités ainsi qu'un tableau comparatif avec les ventes réalisées.
[245] Le 26 septembre 2007, la procureure de la demanderesse confirme la réception « d'une boîte de documents », ne peut confirmer qu'elle contient tous les documents indiqués dans la lettre précédente et elle réitère sa demande de recevoir tous les autres documents précédemment requis[115].
[246] La vente des 120 unités des phases I, II et III du projet Urbania se termine en octobre 2007. Elle aura exigé près de 48 mois. On est loin de l'hypothèse « réaliste » de mars 2003 où on prévoyait vendre 330 unités en 30 mois. La vente s’avère beaucoup plus difficile que prévu, entre autres, en conséquence de l'ouverture à la fin du mois d'avril 2007 seulement de la station de métro Montmorency qui constitue l'attrait principal du projet Urbania. L’aménagement des rues adjacentes n'est complété qu'à ce moment. En outre, la destination de Laval pour des unités en copropriété aux murs en béton n’est pas encore établie.
[247] La clientèle de ces unités de moyenne gamme se compose de premiers acheteurs dont l’âge moyen est 34 ans, qui ne versent que 5 % du prix de vente en dépôt et qui, selon madame Martel, calculent tout au dollar près. 90 % d’entre eux refusent de commander des suppléments. Les autres y consacrent, en moyenne, de 100 $ à 1 000 $. Selon madame Martel, aucun montant comptant n’est versé pour les suppléments.
[248] Le 29 novembre 2007, en défaut de ses obligations envers Fondim, C.V.L. lui donne en paiement les lots 2 922 347 et 3 191 990 (les parcelles 2 et 3)[116].
[249] Le 6 décembre 2007, Raymond Lessard témoigne hors cour. Plusieurs engagements sont pris et quelques objections sont notées.
[250] Le 13 décembre 2007, les procureurs des défendeurs offrent aux procureurs de la demanderesse de donner accès à monsieur Demeule à tous les dossiers de revenus et dépenses pour les trois bâtiments du projet Urbania[117].
2008
[251] Le 22 février 2008, sur rendez-vous, messieurs Dicaire et Demeule se présentent aux bureaux de Raymond Lessard. Sébastien Lessard leur prie d’attendre, ce qu’ils font pendant près d’une heure. On leur indique ensuite que monsieur Demeule peut entreprendre son travail, mais sans monsieur Dicaire à qui l’accès aux locaux est interdit, car il ne détient pas de mandat.
[252] Le travail d’examen exhaustif que messieurs Dicaire et Demeule ont l’intention de faire s’effectue beaucoup plus rapidement à deux. Soucieux de limiter les honoraires de monsieur Demeule, messieurs Dicaire et Demeule préfèrent quitter les lieux immédiatement.
[253] Le 10 avril 2008, le juge Auclair tranche les objections soulevées dans le cadre de l'interrogatoire hors cour de Raymond Lessard. Les défendeurs conviennent de donner accès à tous les documents que l'expert-comptable de la demanderesse jugera nécessaires dans le cadre de sa vérification comptable et de lui permettre d'en obtenir copie. Le juge Auclair prend acte de cette entente.
[254] Monsieur Vivian témoigne que la demanderesse n'a obtenu qu'« une partie des documents demandés » sans dire quels documents demandés n'auraient pas alors été rendus accessibles. Il affirme que s'il avait été possible de prendre connaissance des états financiers d'Immobilier plus rapidement, des irrégularités auraient été constatées de sorte que Raymond Lessard n'aurait pas été en mesure de vider ses coffres et ses actifs, c'est-à-dire se départir des terrains achetés en 2003. Cette affirmation est dépourvue de fondement.
[255] Le 17 avril 2008, la procureure de la demanderesse confirme l'engagement de l'expert-comptable Schiller et sa présence les 24 et 25 avril 2008 aux bureaux d'Immobilier pour débuter sa vérification comptable[118].
[256] Souvenir-Corbusier S.E.C. est immatriculée le 9 juin 2008[119]. L'objet de cette société est l'acquisition de terrains en vue de leur développement. Son commanditaire est 9192-2260 Québec Inc., que le groupe Lessard/Martel administre et dirige[120].
[257] Le commandité de Souvenir-Corbusier S.E.C. est 9197-9336 Québec Inc. Raymond Lessard et Sébastien Lessard siègent au conseil d'administration de 9197-9336 Québec Inc.[121] Son premier actionnaire est Fondim, son deuxième actionnaire 9192-2260 Québec Inc. dont les trois actionnaires sont les compagnies de gestion du groupe Lessard/Martel.
[258] Le 17 juin 2008, C.V.L. (représentée par 9133-3138 Québec Inc. elle-même représentée par Raymond Lessard) vend le lot 3 191 982 (partie du lot 2 922 349 (parcelle 1)[122]) à Souvenir-Corbusier S.E.C. (représentée par 9197-9336 Québec Inc., elle-même représentée par Sébastien Lessard) au prix de 442 179 $, payable à Fondim, créancière hypothécaire. La demanderesse n'en est pas informée préalablement.
[259] Vers le 30 juin 2008, C.V.L. vend à 9197-0921 Québec Inc. une partie du lot 2 922 349 (parcelle 1) au prix 1 229 146 $[123]. La demanderesse n'en est pas informée préalablement.
[260] Monsieur Vivian affirme que ces ventes, auxquelles la demanderesse n'a pas consenti, privent celle-ci de sa juste part des profits devant résulter du développement de ces terrains dans le cadre du projet Urbania. Cette affirmation sera examinée plus loin.
[261] Construction commence les travaux relativement aux blocs 4 et 5[124] sans en aviser préalablement la demanderesse[125].
[262] Le 22 août 2008, monsieur Dicaire se présente à l'assemblée générale annuelle des actionnaires d'Immobilier avec un mandat de monsieur Boughanmi. Raymond Lessard met rapidement fin à l’assemblée suite au refus de Me Jay Turner (l'un des procureurs actuels de la demanderesse) d'indiquer en quelle qualité il y assiste[126].
2009
[263] Le 5 octobre 2009, monsieur Boisjoly signe le rapport de mission d'examen d'Immobilier pour l'exercice terminé le 31 décembre 2008[127]. L'actif d'Immobilier ne s'élève alors qu'à 87 $.
[264] Le 23 octobre 2009, Raymond Lessard convoque la demanderesse à l'assemblée annuelle des actionnaires d'Immobilier, le 12 novembre 2009. Rien n'indique qu'Immobilier soit en instance de liquidation.
[265] En date du 16 novembre 2009, les honoraires facturés à Immobilier par Raymond Chabot Grant Thornton & Cie (ci-après, « RCGT ») pour leur expertise aux fins du présent dossier s'élèvent à 219 914,76 $[128].
2011
[266] Uniquement mise en cause dans le présent dossier, Immobilier acquitte les honoraires professionnels des procureurs des défendeurs de 2004 à 2008 (270 087 $).
La preuve de l'expert de la demanderesse
[267] La preuve de Ron Schiller, CA, Adm.A., CMC est discutée aux paragraphes 385 et suivants ci-après.
La preuve de l'expert des défendeurs
[268] Les défendeurs confient à Martin Fafard, CA, CF, EEE, CFE, associé de RCGT, la tâche de commenter le rapport de l'expert Schiller et d'analyser les sources et utilisations des fonds d'Immobilier du 1er juillet 2003 au 31 décembre 2008 afin de déterminer s'il y a eu fraude.
[269] Une fraude apparaît improbable à l'expert Fafard.
[270] Le travail de l'expert Fafard, qu'il qualifie de « très laborieux » et « très détaillé », n'englobe pas la tâche de dresser un bilan d'Immobilier à une date quelconque ni d'analyser les transactions sur les terrains non reliés aux phases I, II et III du projet Urbania ni les honoraires payés par Immobilier ou la demanderesse aux fins du présent litige.
[271] Le 22 juin 2009, au nom de RCGT, l'expert Fafard conclut, en substance, ce qui suit relativement aux dépenses reliées aux phases I, II et III :
- Des déboursés de 25 800 271,10 $ sur des déboursés totaux de 26 169 423,95 $ (98,6 %) ont été sujets à l'analyse ou au sondage de RCGT. Le reliquat s'élève à 365 143,71 $.
- Des éléments totalisant 500 296,32 $ ne sont pas appuyés par des pièces ni justifiés par les documents examinés. Ayant reçu des explications de la direction d'Immobilier, l'expert Fafard classe ces éléments dans le groupe des déboursés « Non supportés mais justifiés selon la direction ».
- Des éléments totalisant 48 797,36 $ ne sont pas appuyés par des pièces ni justifiés par les documents examinés. L'expert Fafard classe ces éléments dans le groupe des déboursés « Non justifiés ».
[272] La fiabilité de ces résultats n'est pas parfaite, mais elle est élevée.
[273] Le tableau en annexe III au présent jugement chiffre les constatations les plus pertinentes de l'expert Fafard.
[274] L'expert Fafard conteste l'affirmation de l'expert Schiller que les coûts d'Immobilier variaient en fonction des ventes et dans la même proportion que celles-ci, de sorte qu'ils pouvaient être réduits au gré de la direction. Il souligne, au contraire, que plusieurs coûts étaient fixes et que d'autres coûts (tels les frais de financement) variaient en fonction du temps et non des ventes.
[275] Il note également que l'expert Schiller ne discute ni des coûts fixes d'Immobilier ni de ses financements intérimaires à des taux extraordinaires ni de retards dans l'ouverture de la station de métro à Laval, etc.
Bilan et état actuel du projet Urbania
[276] En résumé, les bénéfices nets ou les pertes nettes non vérifiés d'Immobilier pour les exercices terminés le 31 décembre 2004 à 2007[129], 2008[130], 2009[131] et 2010[132] se chiffrent ainsi en dollars[133] :
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Total
176 513
202 339
(128 471)
(1 497 721)
158 188
(3 427)
47 206
(1 045 373)
[277] La perte nette dépasse un million de dollars.
[278] On prévoyait à l’origine la construction de plus de trois cents unités réparties dans douze bâtiments sur la parcelle C-1-1.
[279] À ce jour, 446 unités y ont été érigées par Construction, dont 120 ont été vendues par Immobilier et 316 ont été vendues par d'autres sociétés :
- Les phases I, II et III regroupent chacune 40 unités toutes vendues par Immobilier.
o La construction de la phase I débute en novembre 2003 et se termine en août 2004; celle de la phase II débute en décembre 2004 et se termine en août 2005; celle de la phase III, débutée en mars 2006, se termine en février-mars 2007[134].
o La vente de ces unités requiert près de 48 mois au total (phase I, 21 mois[135]; phase II, 34 mois[136]; phase III, 17 mois[137]) plutôt que 27 mois tel que convenu entre Fondim et Immobilier en vertu de l'annexe à la pièce D-13;
- Les blocs 4 et 5 (dans des édifices de huit étages) regroupent 104 unités qui sont vendues par Construction qui a acheté les terrains d'Immobilier.
o La construction des blocs 4 et 5 commence en juillet-août 2008 et les unités sont livrées à compter du printemps 2009.
Raymond Lessard affirme qu'il est normal de créer une nouvelle société pour chaque nouveau bâtiment. À compter du bloc 6, chaque nouveau bâtiment est l’œuvre d’une nouvelle société contrôlée par le groupe Lessard/Martel :
- Le bloc 6 (dans un édifice de 12 étages) compte 122 unités mises en vente par une première société autre qu'Immobilier ou Construction (à savoir 9197-0921 Québec Inc. qui devient « Société de développement Urbania 2003 Inc. »). La construction débute en 2009 et se termine en juillet 2010.
- Le bloc 7 (un édifice de 16 étages encore en construction) compte 130 unités, dont 60 restent à vendre par une troisième société autre qu'Immobilier ou Construction. Sa construction débute en septembre 2010. Ses unités sont vendues par « Société en commandite Urbania, Phase VII ».
- Le bloc 9 (un édifice de 10 étages), compte 100 unités mises en vente par une société autre qu'Immobilier ou Construction. La construction du bloc 9 débute en septembre 2008 et se termine en septembre 2009.
[280] 20 unités déjà construites dans les blocs 6 et 9 restent invendues.
[281] Le bloc 8 reste virtuel.
[282] La construction et la vente des blocs 4 et suivants dégagent des bénéfices. Raymond Lessard les estime à 15 000 $ par unité vendue.
[283] Le 16 juillet 2007 (11 839,71 $), 7 juillet 2008 (27 512,15 $), 19 janvier 2009 (4 645,94 $) et 5 janvier 2011 (15 579,98 $), les procureurs de la demanderesse facturent messieurs Vivian et Boughanmi un total de 59 577,78 $ pour leurs services rendus dans le présent dossier du 22 mai 2007 au 6 septembre 2010[138]. Une facture au montant de 133 460,57 $ pour services professionnels rendus et à rendre jusqu'au 30 mai 2011 complète leur facturation[139].
III- ANALYSE
1- La demanderesse a-t-elle été victime d'abus de la part des défendeurs?
[284] Immobilier ayant été constituée en vertu de la partie IA de la Loi sur les compagnies[140] (« LCQ »), ce sont principalement la LCQ et le Code civil du Québec qui déterminent les règles de conduite s'imposant à ses administrateurs, dirigeants et actionnaires jusqu'à l'entrée en vigueur de la Loi sur les sociétés par actions[141] (ci-après, la « LSAQ »).
[285] Ni la LCQ ni le Code civil du Québec ne prévoient toutefois de recours spécifique au redressement d'abus commis au détriment d'un actionnaire minoritaire.
[286] À l'appui de son recours, la demanderesse invoque d'abord l'art. 33 C.p.c. :
33. À l'exception de la Cour d'appel, les tribunaux relevant de la compétence du Parlement du Québec, ainsi que les corps politiques, les personnes morales de droit public ou de droit privé au Québec, sont soumis au droit de surveillance et de réforme de la Cour supérieure, en la manière et dans la forme prescrites par la loi, sauf dans les matières que la loi déclare être du ressort exclusif de ces tribunaux, ou de l'un quelconque de ceux-ci, et sauf dans les cas où la compétence découlant du présent article est exclue par quelque disposition d'une loi générale ou particulière.
[287] Elle invoque également la LSAQ dont l'entrée en vigueur en 2011 suit cependant de quelques années la quasi-totalité des faits en litige.
[288] La LSAQ, dont les articles 450 à 453 s'inspirent des articles 241 et suivants de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[142] (ci-après, la « LCSA ») accorde au tribunal de larges pouvoirs d'intervention lorsqu'une personne morale agit abusivement à l'endroit de ses actionnaires, administrateurs ou dirigeants ou encore lorsqu'elle se montre injuste à leur endroit et leur porte préjudice, entre autres, par la façon dont ses administrateurs exercent leurs pouvoirs (les articles 450 à 453 LSAQ sont reproduits en annexe au présent jugement).
[289] En principe, la conduite passée des défendeurs doit s'apprécier à la lumière des règles de droit en vigueur au moment de celle-ci et des principes juridiques alors applicables, car les lois nouvelles ne doivent pas être interprétées comme ayant une portée rétroactive à moins d'un texte explicite ou qu'une telle interprétation soit implicitement nécessaire[143].
[290] La LSAQ n'attribue pas explicitement un effet rétroactif aux articles 450 à 453. Aucune autorité soumise au Tribunal ne confirme la nécessité de conférer un tel effet aux articles 450 à 452 LSAQ (les seuls articles pertinents aux fins du présent jugement), d'autant moins qu'ils énoncent des règles substantives et non simplement procédurales[144].
[291] Les défendeurs ne contestent pas qu'indépendamment de la LSAQ, la Cour supérieure dispose de pouvoirs de redressements en vertu de sa compétence inhérente[145], même si leur portée est plus étroite[146].
[292] Cependant, contrairement aux recours en redressement créés par la LSAQ ou la LCSA qui reposent sur l'effet injuste de la conduite d'une société ou de ses administrateurs sur les intérêts de la personne qui s'en plaint, le recours de la demanderesse, qui demande à la Cour supérieure d'exercer le pouvoir de « surveillance et de réforme » prévu à l'art. 33 C.p.c., repose plutôt sur une conduite fautive[147], c'est-à-dire une « violation ou abus d'un droit »[148].
[293] Le succès du recours de la demanderesse exige ainsi la réunion de trois conditions : une faute, un préjudice et un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice[149].
[294] Les obligations de l'administrateur pertinentes au présent dossier sont codifiées aux articles 321 à 326 C.c.Q. :
- l'administrateur est considéré comme mandataire de la personne morale (art. 321);
- il doit agir, entre autres, avec honnêteté, loyauté et dans l'intérêt de la personne morale (art. 322);
- il ne peut confondre les biens de la personne morale avec les siens ni utiliser à son profit les biens de la personne morale ou l'information qu'il obtient en raison de ses fonctions (art. 323);
- il doit éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et ses obligations d'administrateur; il doit dénoncer à la personne morale tout intérêt qu'il a dans une entreprise susceptible de le placer en situation de conflit d'intérêts, cette dénonciation étant consignée au procès-verbal des délibérations du conseil d'administration (art. 324);
- il peut, même dans l'exercice de ses fonctions, acquérir des droits dans des biens qu'il administre ou contracter avec la personne morale, mais il doit alors signaler aussitôt le fait à la personne morale en indiquant la nature et la valeur des droits qu'il acquiert et demander que le fait soit consigné au procès-verbal; sauf nécessité, il doit s'abstenir de délibérer et de voter sur la question (art. 325);
- lorsque l'administrateur omet de dénoncer correctement et sans délai une acquisition ou un contrat, le tribunal peut, entre autres mesures, annuler l'acte ou ordonner à l'administrateur de rendre compte et de remettre à la personne morale le profit réalisé ou l'avantage reçu (art. 326).
[295] Se disant victime des manœuvres malhonnêtes de la part des défendeurs Lessard/Martel, la demanderesse plaide qu'ils l'ont écartée abusivement d'Immobilier, que les pertes d'Immobilier relativement aux phases I à III du projet Urbania résultent de dépenses exagérées autorisées illégalement et à leur propre bénéfice par ces défendeurs qui ont détourné vers d'autres sociétés qu'ils contrôlent les profits réalisés par des constructions subséquentes.
[296] En somme, la demanderesse plaide que les défendeurs ont agi de mauvaise foi et illégalement envers elle et qu'ils ont illégalement privilégié leurs intérêts personnels à ceux d'Immobilier, la privant de sa part proportionnelle des actifs d'Immobilier.
a) Messieurs Vivian et Boughanmi ont-ils été illégalement et sans droit démis de leur fonction d'administrateur le 20 janvier 2005?
[297] Messieurs Vivian et Boughanmi ont cessé d'être administrateurs d'Immobilier le 20 janvier 2005, n'ayant pas été réélus à cette charge.
[298] En principe, en vertu de l'art. 89 LCQ (applicable en vertu de l'art. 123.6 LCQ), les administrateurs sont élus annuellement à moins d'autres dispositions à cet égard dans l'acte constitutif ou les règlements de la compagnie.
[299] Les règlements d'Immobilier ne sont pas en preuve. L'acceptation du mandat d'administrateur des cinq partenaires (P-4) ne précise pas de terme à leur fonction.
[300] L'avis de convocation des actionnaires d'Immobilier à l'assemblée générale annuelle et extraordinaire du 2 décembre 2004 (P-8) vise explicitement « la nomination des administrateurs ».
[301] Ni la demanderesse ni ses représentants n'ont protesté cette convocation.
[302] La demanderesse plaide, en substance, que les défendeurs se sont engagés en 2003 à maintenir messieurs Vivian et Boughanmi dans des fonctions d'administrateur d'Immobilier pendant toute la durée du projet Urbania.
[303] Cela n'est pas prouvé.
[304] D'une part, les représentants de la demanderesse, des hommes d'affaires d'expérience et conscients de la réputation de Raymond Lessard, n'ont pas jugé nécessaire de conclure à ce sujet une convention d'actionnaires avec le groupe Lessard/Martel.
[305] D'autre part, le Tribunal accorde peu de crédibilité au témoignage de monsieur Vivian.
[306] Il n'est pas contesté que les partenaires du projet Urbania ont convenu que messieurs Vivian et Boughanmi occuperaient chacun initialement un siège au conseil d'administration d'Immobilier. Il ressort cependant de la preuve que le maintien en poste de tous les administrateurs d'Immobilier exigeait une élection en janvier 2005.
[307] La demanderesse plaide qu'il n'existait aucun motif valable de les écarter du conseil d'administration d'Immobilier et qu'ils en ont été écartés de mauvaise foi pour faire abusivement obstacle à leurs efforts légitimes d'obtenir plus informations relativement aux coûts afférents à la construction des unités et les frais d'administration facturés par Construction ainsi que pour favoriser les intérêts des actionnaires majoritaires au détriment d'Immobilier et à celui de la demanderesse. La demanderesse allègue également « le grand étonnement » de messieurs Vivian et Boughanmi lorsqu'ils furent écartés du conseil d'administration de la Société le 20 janvier 2005.
[308] Ces prétentions ne sont pas sincères.
[309] Les actionnaires majoritaires d'Immobilier ne reconduisent pas messieurs Vivian et Boughanmi à titre d'administrateurs pour des motifs légitimes.
[310] Leur décision survient quelques semaines après que la demanderesse ait dénoncé dans les procédures judiciaires publiques déposées dans le Dossier no. 1 « l'attitude déloyale, malhonnête et frauduleuse » de Raymond Lessard. Or, dans les procédures que la demanderesse dépose dans le présent dossier, elle passe entièrement sous silence l'institution du Dossier no. 1 et la saisie avant jugement pratiquée à son initiative en décembre 2004 dans le Dossier no. 1.
[311] La demanderesse plaide que messieurs Vivian et Boughanmi ont été démis « arbitrairement » et « illégalement » en janvier 2005 de leur fonction d'administrateur d'Immobilier, mais elle ne tient aucun compte du grave conflit déclenché par ses représentants et les opposant alors à leurs trois partenaires.
[312] Messieurs Vivian et Boughanmi étaient eux-mêmes responsables des deux causes de ce conflit : l'inexécution de leurs obligations à titre de partenaires au projet Urbania quant à la mise en marché et à la vente d'unités ainsi que leur torpillage public dans le Dossier no. 1 de Raymond Lessard, et ce, au préjudice du projet Urbania.
[313] À titre de partenaires du projet Urbania, messieurs Vivian et Boughanmi devaient faire plus que siéger à l'occasion au conseil d'administration d'Immobilier et cosigner ses chèques. Ils devaient également participer réellement à son administration, contribuer de façon prédominante à la vente d'unités et aux financements intérimaires requis pour la construction des bâtiments ainsi qu'agir loyalement envers Immobilier et leurs partenaires.
[314] Ils ont d'abord préféré adopter une attitude attentiste, cherchant à tirer profit des efforts de leurs partenaires. Ensuite, constatant que les profits espérés ne se matérialiseraient probablement pas, ils ont planifié d'attaquer personnellement Raymond Lessard, puis ils l'ont attaqué d'une manière qui excluait toute possibilité de collaboration future.
[315] L'institution du Dossier no. 1 creuse un fossé tel entre les deux groupes de partenaires qu'aucune forme de collaboration n'est plus envisageable. Cette démarche vise clairement à provoquer une dissociation à l'avantage de messieurs Vivian et Boughanmi, en position de force momentanée grâce à la saisie avant jugement pratiquée dans le Dossier no. 1.
[316] Si monsieur Vivian était réellement convaincu de la malhonnêteté de Raymond Lessard à compter du 2 août 2004, comme il l'affirme maintenant, il n'en a pourtant rien montré pendant des mois.
[317] Il incombera au juge du fond dans le Dossier no. 1 de trancher les prétentions de la demanderesse relativement à la conduite de Raymond Lessard à l'égard de la Parcelle A. Cela dit, la preuve présentée dans le présent dossier ne permet pas de conclure à première vue que la complète perte de confiance affichée par messieurs Vivian et Boughanmi envers Raymond Lessard et qui s'exprime par la poursuite de décembre 2004 dans le Dossier no. 1 était justifiée.
[318] Le pouvoir d'élire et de démettre l'administrateur d'une société fermée appartient aux actionnaires[150].
[319] A priori, ils jouissent d'une liberté décisionnelle complète à cet égard, mais ils peuvent limiter cette liberté par convention[151]. Une telle convention peut être verbale[152].
[320] Dans le cas présent, les actionnaires d'Immobilier ont convenu verbalement que ses administrateurs seraient initialement Raymond Lessard et Sébastien Lessard, madame Martel ainsi que messieurs Vivian et Boughanmi et que le maintien en poste de ces personnes relèverait d'élections ultérieures.
[321] La charge d'administrateur de société n'appartient ni à son titulaire ni à ses actionnaires. Il s'agit plutôt d'une responsabilité dont le titulaire doit pouvoir s'acquitter correctement dans l'intérêt de la société elle-même[153].
[322] Or, l'institution de la poursuite dans le Dossier no. 1, qui déclenchait un conflit public avec Raymond Lessard et, par le truchement d'Investissements, avec Sébastien Lessard et madame Martel, empêchait toute forme de collaboration future entre les deux groupes de partenaires.
[323] Dans ce contexte, il est difficile de croire que messieurs Vivian et Boughanmi auraient pu s'acquitter convenablement de leurs responsabilités d'administrateurs d'Immobilier alors qu'ils s'étaient déjà totalement retirés de toute implication au niveau des ventes et que même la signature de ses chèques leur pesait.
[324] De plus, la volonté de messieurs Vivian et Boughanmi de recevoir d'Immobilier sans justification suffisante des sommes importantes en guise de frais d'administration remet sérieusement en cause leur aptitude à veiller convenablement à ses seuls intérêts.
[325] Ainsi, monsieur Vivian témoigne que la demanderesse devait toucher 40 % des frais d'administration facturés à Immobilier, en raison du fait que la demanderesse détenant le même pourcentage d'actions du capital-actions d'Immobilier. Il affirme que la demanderesse devait recevoir d'Immobilier 12 000 $ par mois à titre de frais d'administration, somme que monsieur Boughanmi et lui acceptent ensuite de réduire à 10 000 $ par mois, dit-il, pour maintenir la bonne entente avec monsieur Lessard.
[326] Monsieur Vivian ajoute qu'il s'est initialement montré laxiste à l'égard des paiements à la demanderesse qu'il attendait de recevoir pour « l'administration » d'Immobilier, et ce, en raison des profits qu'il escomptait du projet Urbania. Puis, un jour dont il ne précise pas la date, il en a eu assez et a exigé (verbalement) le montant convenu. Aucun montant n'est jamais versé à la demanderesse à cet égard. Ni la demanderesse ni ses actionnaires n'adressent de demande écrite à Immobilier ni aux défendeurs à ce sujet. Cet élément n'est jamais mentionné dans les actes de procédures de la demanderesse ni dans les pièces qu'elle communique avant le procès.
[327] Une somme de 10 000 $ par mois payable à la demanderesse uniquement pour que ses représentants siègent au conseil d'administration d'Immobilier et contresignent ses chèques constitue une considération dont la légitimité paraît fort douteuse.
[328] L'intégrité personnelle de monsieur Boughanmi et, partant, son aptitude à veiller convenablement aux intérêts d'Immobilier, est davantage mise à mal par l'expert Schiller dans des circonstances exposées ci-après.
[329] Bien avant le 14 décembre 2004, messieurs Vivian et Boughanmi ne se souciaient plus de contribuer au succès du projet Urbania ni des intérêts d'Immobilier.
[330] Compte tenu de la contribution insuffisante de messieurs Vivian et Boughanmi au projet Urbania, il était prévisible que l'institution de la poursuite dans le Dossier no. 1 mette fin immédiatement au partenariat entre les deux groupes.
[331] En janvier 2005, l'exclusion du conseil d'administration d'Immobilier des membres du groupe Lessard/Martel était impensable, puisqu'ils étaient les uniques maîtres d'œuvres du projet Urbania et qu'ils représentaient les actionnaires majoritaires. Une telle exclusion aurait forcément mis immédiatement fin au projet Urbania qui était la raison d'être d'Immobilier.
[332] Au contraire, la non-réélection de messieurs Vivian et Boughanmi au conseil d'administration d'Immobilier le 20 janvier 2005 s'imposait pour lui permettre de poursuivre ses activités.
[333] La demanderesse l'a bien compris et accepté.
[334] Cette conclusion s'infère du fait qu'elle s'est abstenue de demander la liquidation d'Immobilier ou d'exiger le retour de ses représentants au conseil d'administration d'Immobilier et le droit de cosigner ses chèques.
[335] La demanderesse désirait plutôt tenir les défendeurs entièrement responsables de l'échec financier du projet si la tendance lourde se maintenait ou, si Immobilier parvenait à réaliser des bénéfices, à prendre 40 % de ceux-ci comme si messieurs Vivian et Boughanmi s'étaient en tout temps entièrement et correctement acquittés de leurs obligations.
[336] La demanderesse n'a donc pas été victime d'abus de la part des défendeurs du fait que ses actionnaires Vivian et Boughanmi ont été exclus du conseil d'administration d'Immobilier à compter du 20 janvier 2005.
[337] Enfin, il n'existe aucun lien causal démontré entre quelque irrégularité ayant pu être commise à l'égard de la non-réélection de messieurs Vivian et Boughanmi au conseil d'administration d'Immobilier et les préjudices pécuniaires allégués par la demanderesse.
b) Messieurs Vivian et Boughanmi ont-ils été illégalement et sans droit complètement exclus de toutes les opérations d'Immobilier à compter du 20 janvier 2005, y compris de la signature de tous les chèques?
[338] Le groupe Lessard/Martel a complètement écarté messieurs Vivian et Boughanmi de l'administration d'Immobilier à compter du 20 janvier 2005.
[339] La demanderesse plaide, essentiellement, que le groupe Lessard/Martel voulait ainsi s'approprier les profits d'Immobilier et la priver de sa juste part de ceux-ci, laissant entendre que le groupe Lessard/Martel n'avait aucun motif valable de les écarter à l'avenir de l'administration d'Immobilier.
[340] La preuve démontre, au contraire, que cette décision nécessaire résulte d'une rupture irrémédiable de la confiance élémentaire devant exister entre les deux groupes de partenaires, en l'absence de laquelle la poursuite commune de quelque entreprise s'avérait clairement utopique.
[341] La demanderesse allègue sans ménagement dans le Dossier no. 1 la malhonnêteté de Raymond Lessard.
[342] À première vue et, convient-il de le répéter, sans se prononcer sur le fond, cette grave allégation n'est pas établie.
[343] Il y avait donc impasse, car la co-signature de tous les chèques d'Immobilier conférait en quelque sorte un droit de veto aux représentants de la demanderesse.
[344] La demanderesse est injustifiée de se plaindre maintenant de ce qu'elle a elle-même provoqué puis tacitement accepté.
c) Les défendeurs ont-ils illégalement et sans droit empêché la demanderesse d'avoir accès depuis le 20 janvier 2005 à l'information financière d'Immobilier à laquelle elle avait droit?
[345] La demanderesse allègue que Raymond Lessard a feint de collaborer avec ses représentants alors qu'elle cherchait à faire effectuer une vérification comptable d'Immobilier en profondeur.
[346] La demanderesse cherchait ainsi des éléments de preuve à l'appui de la présente poursuite.
[347] Ces demandes d'accès n'étaient pas fondées sur les droits de messieurs Vivian et Boughanmi en qualité d'administrateurs d'Immobilier, car personne n'a recherché l'annulation de la décision du 20 janvier 2005 mettant fin à ce statut. Au contraire, les conclusions de la requête introductive de la demanderesse ont toujours reconnu ce statut aux seuls défendeurs Lessard et Martel.
[348] Par ailleurs, les droits personnels de messieurs Vivian et Boughanmi en qualité de partenaires du groupe Lessard/Martel, s'il en est, ne sont pas en cause puisqu'ils ne sont pas parties au présent litige.
[349] Quant à la demanderesse, sa qualité d'actionnaire d'Immobilier ne lui accordait qu'un accès limité à l'information concernant la compagnie[154]. Les livres comptables ne faisaient pas partie des documents auxquels elle pouvait exiger l'accès.
[350] Les démarches de la demanderesse à titre d'actionnaire d'Immobilier pour avoir accès à « toutes » les informations financières de la compagnie n'étaient donc pas fondées en droit.
[351] Elle a néanmoins obtenu les informations qu'elle exigeait dans le cadre du présent dossier, à la suite d'une entente intervenue entre les procureurs et entérinée par le juge Auclair.
[352] La demanderesse n'a pas jugé opportun de se prévaloir de la procédure d'inspection des affaires d'une compagnie prévue à l'art. 110 LCQ.
[353] Elle n'a pas droit à un dédommagement quant aux frais qu'elle a pu encourir dans le but d'obtenir de l'information qu'elle ne pouvait exiger légalement.
2- La demanderesse a-t-elle droit aux dommages-intérêts qu'elle réclame?
[354] La demanderesse chiffre désormais son préjudice total à 6 108 934,70 $ :
- 2 010 851 $ (pour les phases I à III du projet Urbania, soit 40 % des « irrégularités et illégalités » qu'elle impute aux défendeurs Lessard et Martel[155] et des dépenses excessives mises au compte d'Immobilier que ces défendeurs n'auraient pas dû autoriser, qu'elle chiffre à 5 027 129,26 $);
- 3 009 600 $ (pour les blocs 4 à 7 et 9, soit 40 % des profits réalisés par d'autres sociétés contrôlées par ces mêmes défendeurs sur des unités construites sur le terrain acquis par C.V.L. en 2003 pour le projet Urbania);
- 858 000 $ (pour le bloc 8, soit 40 % des profits réalisés par une autre société contrôlée par ces mêmes défendeurs sur des unités construites sur le terrain acquis pour le projet Urbania);
- 192 038 $ (honoraires extrajudiciaires de ses procureurs);
- 38 445 $ (frais de l'expert Schiller).
a) Phases I à III du projet Urbania
[355] La demanderesse identifie sept catégories de dépenses par Immobilier qu'elle dit injustifiées, que le groupe Lessard/Martel aurait illégalement et irrégulièrement autorisées et auxquelles messieurs Vivian et Boughanmi se seraient opposées s'ils avaient siégé au conseil d'administration d'Immobilier :
i) Frais d'administration 1 204 150,00 $
ii) Coûts de construction 2 367 205,00 $
iii) Sweat equity 480 000,00 $
iv) Balances de ventes 101 509,87 $
v) Avances à Construction 325 170,71 $
vi) Paiements non supportés 500 296,32 $
vii) Déboursés non justifiés 48 797,32 $
TOTAL : 5 027 129,26 $
[356] Malgré un long contre-interrogatoire, le témoignage précis, élaboré et sincère de l'expert Fafard, auquel le Tribunal accorde une grande force probante, n'accrédite que très partiellement les prétentions de la demanderesse à cet égard.
[357] Par ailleurs, messieurs Vivian et Boughanmi n'ont pas établi qu'ils se seraient opposés à ces dépenses s'ils avaient cru le projet rentable.
i) Frais d'administration (1 204 150 $)
[358] La demanderesse qualifie les frais d'administration payés par Immobilier à Construction relativement aux phases I à III du projet Urbania d'« excessifs », car ils s'éloignent exagérément, selon elle, des prévisions de rendement de 2003 et des « normes de l'industrie » selon l'expert Schiller.
[359] Au total, l'expert Fafard chiffre à 1 867 320 $ les versements par Immobilier à Construction relativement aux « honoraires de gestion »[156]. Selon la demanderesse, ce chiffre n'aurait pas dû dépasser 4 % des coûts de construction réels des 120 unités des phases I à III (16 579 248 $), soit 663 170 $. La demanderesse réclame la différence de 1 204 150 $.
[360] La demanderesse plaide, d'une part, que les frais d'administration facturés par Construction pouvaient être réduits, car il ne s'agissait pas essentiellement de frais fixes, contrairement à ce qu'affirme l'expert Fafard, les salaires de la direction de Construction (Raymond Lessard, Sébastien Lessard et madame Martel) étant compressibles. Ainsi, selon la demanderesse, lorsqu'il est apparu que les ventes d'Immobilier ne s'effectuaient pas au rythme prévu, ces trois défendeurs auraient dû réduire aussitôt le salaire que Construction leur versait afin de ramener les frais d'administration facturés par Construction aux prévisions de rendement de 2003.
[361] À tout événement, selon la demanderesse, Construction aurait dû facturer Immobilier conformément aux prévisions de 2003, soit au pro rata des coûts de construction réellement encourus pour les 120 unités des phases I à III.
[362] La demanderesse plaide par ailleurs que ces dépenses n'ont pas été régulièrement autorisées, faute de résolution en bonne et due forme les validant pour l'avenir, car les autorisations des représentants de la demanderesse en 2003 et 2004 n'étaient que « ponctuelles ». En effet, selon monsieur Vivian, il existait une entente verbale que les administrateurs d'Immobilier allaient rajuster ces frais d'administration pour l'avenir. Enfin, les défendeurs ne pouvaient adopter une telle résolution, étant alors en conflit d'intérêts.
10) Les frais d'administration payés par Immobilier pour les phases I à III du projet Urbania étaient-ils excessifs et les défendeurs étaient-ils tenus de les restreindre de façon à les ramener aux prévisions budgétaires de 2003?
[363] Les actionnaires d'Immobilier envisageaient en 2003 que les frais d'administration (liés à la construction et à la mise en marché des unités) du projet Urbania se chiffreraient à environ 4 % des coûts de construction de 32 M $ si le projet Urbania se déroulait selon leurs prévisions, entre autres, si ses ventes s'effectuaient au rythme prévu. Ils envisageaient également une dépense additionnelle de 551 232 $ pour la gérance de construction[157].
[364] Au total, on prévoyait donc que Construction facture à Immobilier plus de 1,8 M $ pour ses services, en vertu de l'une ou l'autre des hypothèses suivantes :
a) La prévision de rendement en 2003 « réaliste 30 mois » envisageait la construction de 320 unités au coût de 32 M $, y compris des coûts d'administration de « +- 4 % de 32 M $ » chiffrés à 1 105 000 $[158], ce qui correspond à 3,45 %.
b) La prévision de rendement en 2003 « conservatrice 36 mois » utilisait également la formule de « +- 4 % de 32 M $ », mais chiffrait néanmoins les coûts d'administration à 1 270 000 $[159], ce qui correspond à 3,96 %. Ainsi, dans le cas d'un projet réalisé en 36 mois plutôt que 30, les parties prévoyaient des coûts d'administration globalement plus élevés, malgré des coûts de construction identiques.
[365] L'argument de la demanderesse se concilie mal avec ces prévisions.
[366] En réalité, les 120 unités se sont vendues en presque 48 mois et non en 30 mois. Sur cette base, par la règle de trois (applicable lorsque les frais incompressibles, tels les salaires, s'accroissent linéairement avec le temps), le chiffre de 1 105 000 $ deviendrait 1 600 000 $ (sans tenir compte du coût additionnel de gérance de la construction)[160].
[367] Par ailleurs, contrairement à ce que plaide la demanderesse, Raymond Lessard, Sébastien Lessard et madame Martel n'étaient pas tenus de réduire le salaire qu'ils recevaient de Construction[161] en raison du fait que les ventes d'Immobilier ne s'effectuaient pas au rythme des prévisions de 2003.
[368] Ils n'avaient rien à se reprocher à l'égard des ventes qui étaient d'ailleurs du ressort principal de messieurs Vivian et Boughanmi.
[369] Construction a facturé à Immobilier 60 % de ses frais, dont les salaires de ses employés de bureau et de sa direction qui en représentaient eux-mêmes environ les deux tiers[162]. Les salaires facturés à Immobilier totalisaient environ 56 000 $ en 2004, 240 000 $ en 2005 et 270 000 $ en 2006[163].
[370] À titre illustratif, en 2005, alors qu'il est clair que messieurs Vivian et Boughanmi ne font plus partie du projet Urbania, Construction verse un salaire de 90 000 $ à Raymond Lessard, 70 000 $ à Sébastien Lessard et 80 000 $à madame Martel[164], dont 60 % est facturé à Immobilier.
[371] La demanderesse n'a pas démontré que ces salaires étaient exagérés ni que la part de ceux-ci facturée à Immobilier était exagérée.
[372] Par ailleurs, en limitant comme le plaide la demanderesse les frais d'administration facturés par Construction à Immobilier sur 30 mois à 4 % des coûts de construction de 120 unités (16 579 248 $), soit à 663 170 $, ces frais d'administration se seraient élevés à seulement 22 105 $ par mois.
[373] Pourtant, tel n'a jamais été le cas, même lorsque messieurs Vivian et Boughanmi faisaient partie du conseil d'administration d'Immobilier et qu'ils cosignaient ses chèques.
[374] En 2003 et 2004, la facturation par Construction à Immobilier des frais d'administration fluctue : le 27 novembre 2003, Construction facture 33 334 $ pour le mois d'octobre 2003; le 3 décembre 2003 elle facture la même somme pour les mois de novembre et de décembre réunis; le 10 décembre 2003 Construction facture 10 000 $ et le 19 décembre elle facture 33 332 $ pour les mois de janvier et février 2004.
[375] De janvier 2004 à mars 2006, Construction facture Immobilier 33 320 $ par mois à ce titre[165].
[376] Enfin, à compter d'avril 2006 jusqu'en septembre 2007 inclusivement, les factures mensuelles de Construction à Immobilier passent à 42 000 $.
[377] Le premier jour du procès, monsieur Vivian témoigne que son premier refus de signer un chèque d'Immobilier se rapporte aux frais d'administration facturés par Construction. Le lendemain, en réponse à une question du Tribunal, il admet qu'il n'a jamais refusé de signer un tel chèque. La preuve documentaire confirme que lui et monsieur Boughanmi acceptent sans réticence tous ces frais jusqu'en novembre 2004 inclusivement.
[378] Avant janvier 2005, messieurs Vivian et Boughanmi approuvent des paiements à Construction dont le total dépasse 500 000 $.
[379] En somme, ni monsieur Vivian ni monsieur Bouhanmi ne protestent les frais d'administration facturés par Construction à Immobilier tant et aussi longtemps qu'ils estiment avoir intérêt à les accepter, soit jusqu'à ce qu'ils cessent de croire dans la rentabilité du projet à la fin de l'année 2004.
[380] Il est difficile de prendre leurs doléances ultérieures à ce sujet au sérieux.
[381] La conduite des parties est pertinente pour apprécier le caractère excessif ou non des frais d'administration facturés à Immobilier.
[382] Il est difficile de prétendre que des frais d'administration mensuels de 33 200 $ (éventuellement augmentés à 42 000 $) sont exagérés considérant l'ensemble des tâches dévolues à Construction qui assumait toutes les responsabilités liées à la construction et à la mise en marché du projet Urbania.
[383] Lorsqu'il présente le projet Urbania à Solim, monsieur Vivian estime que des frais d'administration de l'ordre de 4 % de 32 M $ sur 30 mois (sans compter les frais de gérance de construction) sont raisonnables et que leur quantification à 1 105 000 $ est « réaliste ». Cela revient à plus de 36 800 $ par mois.
[384] Le chiffre mensuel de 42 000 $ ne s'écarte pas à ce point des prévisions de rendement de 2003 qu'il justifie une intervention judiciaire.
L'expert Ron Schiller
[385] L'expert Ron Schiller témoigne que les frais d'administration facturés à Immobilier sont excessifs, car ils s'écartent, selon lui, des normes de l'industrie.
[386] Le Tribunal n'accorde aucune crédibilité à cet expert qui admet avoir transmis une fausse facture (D-15D) à monsieur Boughanmi à la demande de ce dernier.
[387] L'expert Schiller affirme et réitère sous serment qu'il ne tient aucun compte de l'identité du payeur, pourvu que ses honoraires soient acquittés.
[388] L'expert Schiller admet que le descriptif des services de la facture D-15D constitue une pure invention de sa part. En outre, cette facture est adressée à 6816002 Canada inc. pour permettre à cette dernière d'acquitter sa facture P-53 (18 793,69 $ du 8 décembre 2008) à la demanderesse pour ses honoraires liés à la préparation du rapport d'expertise P-54. En conséquence de cette supercherie, 6816002 Canada inc. (et non la demanderesse) paye la facture D-15D au moyen du chèque 0188 du 29 décembre 2008 (P-53A).
[389] Il convient de situer le témoignage de l'expert Schiller dans son contexte.
[390] La demanderesse lui confie la tâche d'évaluer (sans rechercher de détournement d'actifs) si les profits qu'Immobilier déclare de 2004 à 2007 sont correctement inscrits à ses états financiers et s'ils sont raisonnables, et ce, afin d'évaluer les pertes subies par la demanderesse en conséquence des événements du 20 janvier 2005.
[391] Le 8 décembre 2008, l'expert Schiller conclut que même si les revenus d'Immobilier ont été correctement comptabilisés, ses revenus, ses coûts de construction et ses frais d'exploitation ne sont pas raisonnables, tenant compte des moyennes statistiques de l'industrie de la construction, de sorte que la demanderesse a subi une perte de 2 974 009 $ :
A) Perte pour les années 2003 à 2007 inclusivement………………………765 517 $
B) Perte au niveau des propriétés en voie de développement…………..1 292 400 $
C) Perte au niveau des propriétés à être développées……………………..827 136 $
D) Perte au niveau des honoraires payés par Immobilier…………………….20 956 $
E) Perte au niveau des honoraires payés par la demanderesse…………….68 000 $
F) Perte au niveau des parcelles 2 et 3…………………..………………………….n.d.
Perte totale de la demanderesse : 2 974 009 $
[392] Le 23 août 2010, après ses rencontres et échanges avec l'expert Fafard, l'expert Schiller réitère ce dernier chiffre.
[393] Le 23 mai 2011, dans la deuxième semaine d'instruction du procès, l'expert Schiller révise ses calculs sur la foi d'informations nouvelles, à savoir, le nombre d'unités construites, en construction et à construire, les états financiers d'Immobilier de 2008 à 2010 et des factures d'honoraires professionnels à jour des procureurs de la demanderesse.
[394] L'expert Schiller conclut dès lors que la perte de la demanderesse se chiffre réellement à 4 888 058 $[166], sans tenir compte de la valeur nominale des actions de catégorie A que la demanderesse détient dans le capital-actions d'Immobilier ni des avances par la demanderesse à Immobilier qui n'ont pas été remboursées :
A) Perte pour les années 2003 à 2010 inclusivement (phases I, II et III)…791 656 $
B) Perte au niveau des propriétés en voie de développement (maintenant construites ou en construction) (blocs 4, 5, 6, 7 et 9)……………………...3 008 292 $
C) Perte au niveau des propriétés à être développées (bloc 8)…………….857 627 $
D) Perte au niveau des honoraires payés par « Immobilier »……………… - $
E) Perte au niveau des honoraires payés par la demanderesse……………230 483 $
F) Perte au niveau des parcelles 2 et 3…………………..……………« non analysée »
Perte totale de la demanderesse : 4 888 058 $
[395] L'expert Schiller reconnaît que les revenus d'Immobilier ont été correctement comptabilisés aux états financiers[167], que les coûts ont été réellement encourus et payés et qu'il est presque impossible de conclure à un détournement à partir des livres d'Immobilier[168].
[396] Il ne conclut ni à la fraude ni à la malversation des défendeurs.
[397] Constatant que les ventes d'Immobilier n'étaient pas au rendez-vous, il affirme plutôt qu'elle aurait pu et dû comprimer ses dépenses de manière à réaliser les profits escomptés.
[398] Ce faisant, selon lui, pour la période 2003 à 2007 inclusivement, Immobilier aurait déclaré des bénéfices nets avant impôts de 1 906 293 $ plutôt qu'une perte de 1 247 332 $.
[399] La différence s'expliquerait par l'incapacité de la demanderesse d'exercer quelque contrôle à compter du 20 janvier 2005 relativement aux frais d'exploitation d'Immobilier, principalement les frais d'administration facturés par Construction dont les coûts directs et indirects n'étaient pas contrôlés, selon lui, messieurs Vivian et Boughanmi étant écartés d'Immobilier. Le Tribunal note que le mandat de monsieur Schiller ne portait pas sur Construction et qu'il n'a pas eu accès à ses livres comptables.
[400] À tout événement, selon l'expert Schiller, la mise à l'écart de messieurs Vivian et Boughanmi aurait entraîné des frais d'exploitation dont la disproportion aux revenus est déraisonnable et qui s'écartent comme suit de la moyenne statistique des frais d'exploitation dans l'industrie de la construction :
- Frais administratifs :……………………………………………7,1 %
- Coûts directs et indirects : …………………………………….5,6 %
- Frais financiers :……………………………………………….. 3,7 %
- Dépenses de ventes et marketing : ………………………….0,4 %
[401] L'expert Schiller s'inspire de trois sources pour établir ces moyennes statistiques : les résultats consolidés non vérifiés du Groupe Samcon pour l'année financière se terminant le 30 novembre 2006 (P-55), les données du NAHB publiées en 2004 et des données provenant de SMA Consulting.
[402] Le Tribunal ne reconnaît aucune valeur probante aux résultats consolidés non vérifiés du Groupe Samcon (P-55) à titre de « norme dans l'industrie de la construction », contrairement à ce que déclare l'expert Schiller. Il serait inconcevable d'accorder une quelconque valeur normative à des renseignements confidentiels tels que les données contenues dans la pièce P-55 dont le Tribunal a ordonné la mise sous scellés à la demande de l'expert Schiller lui-même.
[403] Il est d'ailleurs étonnant que l'expert Schiller, suite à son congédiement par Samcon en 2007, cherche à se servir sans l'autorisation de son ex-employeur des résultats P-55 dont il affirme le caractère confidentiel, ce qui constitue de son propre aveu un motif de « réprimande » par l'Ordre des comptables agréés du Québec auquel il appartient.
[404] De plus, l'expert Schiller n'a aucunement démontré qu'Immobilier pouvait se comparer au Groupe Samcon pendant l'année terminée le 30 novembre 2006.
[405] Au contraire, selon son témoignage, le Groupe Samcon était en 2008 « le plus important constructeur de condos de l'île de Montréal »[169]. En outre, Samcon avait déjà réalisé en 2000 un immeuble en béton de sept à neuf étages comprenant 80 unités en copropriété, avait réalisé de 2003 à 2006 six immeubles de huit étages totalisant 400 unités en copropriété et, en 2005-2006, un immeuble de 12 ou 13 étages.
[406] En comparaison, lorsque la construction du projet Urbania débute, les défendeurs ne comptent que quelques réalisations plus modestes.
[407] Les effectifs de contrôle des coûts déployés par Samcon et par Immobilier ne se comparent pas :
- Samcon employait une équipe comprenant le vice-président finances (monsieur Schiller), un contrôleur, un assistant-contrôleur, un comptable en chef, deux préposés aux comptes fournisseurs, deux préposés aux comptes clients et deux autres commis comptables juniors.
- En comparaison, Immobilier confiait sa comptabilité à un contrôleur et à une commis comptable (ce que l'expert Schiller estime d'ailleurs excessif).
[408] Enfin, l'expert Schiller n'a aucune rigueur. En voici deux exemples, le premier bénin et le deuxième beaucoup plus sérieux :
1) Contrairement à ce qu'il indique dans son rapport[170], les données contenues dans la pièce P-55 ne peuvent servir de statistiques « 2006-2007 » de l'industrie de la construction, puisqu'elles se rapportent à l'exercice terminé le 30 novembre 2006.
2) Se disant « spécialiste de la construction et de la vente de condos », l'expert Schiller lance la bombe suivante en contre-interrogatoire (dont il n'est nullement question dans son rapport d'expertise) : en raison du taux d'absorption, il était « impensable », selon lui, de vendre dans le cadre du projet Urbania plus de 60 unités par année ni plus de 180 unités en trois ans. La procureure de la demanderesse vient « démolir » (le mot est de l'expert Schiller) cette thèse en réinterrogatoire en se servant des résultats du projet Urbania et des constructions subséquentes (138 unités vendues par année, en moyenne). L'expert Schiller conclut lamentablement en déclarant qu'il n'est plus dans le domaine depuis 2008 et qu'il ignore si les taux d'absorption ont changé depuis.
[409] Bref, la comparaison avec Samcon ne tient pas.
[410] Le Tribunal n'accorde pas davantage de valeur probante aux statistiques tirées des deux autres sources auxquelles réfère l'expert Schiller parce qu'il se révèle un témoin expert partial qui épouse la cause de la demanderesse au point d'en perdre toute objectivité :
- L'expert Schiller ferme les yeux sans explication sur des faits importants dont il a connaissance. À titre d'exemple, il ne tient aucun compte dans son rapport de la dation en paiement des parcelles 2 et 3. Devant le Tribunal, il reproche plutôt péremptoirement aux défendeurs d'avoir utilisé d'autres compagnies qu'Immobilier pour le projet Urbania et affirme qu'il s'agissait là « d'une façon détournée de se foutre de ses partenaires et de mettre ses profits dans une autre compagnie ou dans d'autres compagnies ». Pourtant, l'expert Schiller déclare, par ailleurs, que Groupe Samcon « démarrait une nouvelle société pour chaque nouveau projet », sans alors remettre en question la légitimité de cette pratique.
- La partialité de l'expert Schiller est telle qu'il fait même un procès d'intention à l'expert Fafard. Ainsi, l'expert Schiller témoigne qu'en se fondant sur son « intuition » il a présumé que l'expert Fafard ne lui remettrait pas de documents « s'ils pouvaient m'être utiles ».
[411] De plus, le témoignage offert par l'expert Schiller est nettement insuffisant pour conférer une quelconque valeur probante aux deux autres sources de ses affirmations relativement aux statistiques du domaine de la construction :
- Comme deuxième source de ses normes statistiques, l'expert Schiller produit les pages 12 et 13 d'un document publié en 2004 par un organisme américain le « NAHB[171] Business Management & Information Technology Committee » sous le titre « Cost of Doing Business Study : The Business of Building Measuring Your Success »[172]. L'expert Schiller n'indique pas le nombre de pages du document original dont l'extrait est tiré, n'identifie pas ses auteurs, ne fournit aucun renseignement sur la méthodologie suivie pour établir les pourcentages mentionnés dans les extraits. Ainsi, il ne fournit aucun renseignement quant au nombre, à la taille et à la localisation géographique des constructeurs sur lesquels reposent ces chiffres et qui oeuvraient vraisemblablement aux États-Unis d'Amérique. Le lien entre ces pourcentages et des normes de rendements financier relativement à la construction d'unités en copropriété au Québec pendant les années pertinentes n'est pas établi.
- Comme troisième source, l'expert Schiller produit la copie d'une carte plastifiée non datée qui lui aurait été remise par SMA Consulting, un cabinet de Floride, lors d'une conférence à laquelle il a assisté aux États-Unis. Les commentaires précédents s'y appliquent également.
[412] En somme, le Tribunal n'accorde aucune force probante à l'expert Schiller lorsqu'il témoigne en faveur de la demanderesse, notamment quant à ses affirmations sur les statistiques financières qui seraient généralement applicables à la construction d'unités de copropriété au Québec et à Immobilier.
[413] Un dernier commentaire s'impose.
[414] Pour quantifier la perte de la demanderesse à laquelle il conclut, l'expert Schiller fait siennes les prévisions financières préliminaires « réalistes » de l'équipe de monsieur Lessard en mars 2003 envisageant la vente de 330 unités en 30 mois[173].
[415] Il postule ensuite deux choses : premièrement, puisque les ventes ne se matérialisaient pas dans le délai prévu, Immobilier devait et pouvait réduire sur-le-champ tous ses frais fixes et variables pour se conformer à la moyenne statistique dans l'industrie de la construction et, deuxièmement, Immobilier aurait probablement atteint ce résultat si messieurs Vivian et Boughanmi avaient continué de siéger sur son conseil d'administration et à cosigner ses chèques.
[416] L'expert Schiller assimile erronément Construction à Immobilier, ce que la preuve ne lui permet pas de faire. Construction avait en effet une existence distincte de celle d'Immobilier qui n'était d'ailleurs pas son unique client. La preuve ne permet pas de conclure que les dépenses facturées par Construction à Immobilier n'ont pas été engagées ou que les défendeurs auraient pu et dû les réduire substantiellement.
[417] Par ailleurs, en contre-interrogatoire, l'expert Schiller reconnaît que le rendement d'Immobilier si messieurs Vivian et Boughnami étaient demeurés en fonction est « très hypothétique ».
[418] Ainsi, ni l'un ni l'autre des deux postulats de l'expert Schiller ne sont prouvés.
[419] Par conséquent, la demanderesse n'a pas démontré qu'Immobilier a payé des frais d'administration excessifs à Construction ni que les défendeurs auraient dû comprimer ses propres dépenses (ou celles de Construction) de manière à rencontrer les prévisions de 2003.
20) Les administrateurs d'Immobilier ont-ils illégalement autorisé les frais d'administration facturés par Construction?
[420] La demanderesse plaide que les frais d'administration facturés par Construction à Immobilier pour les phases I à III du projet Urbania n'ont pas été régulièrement autorisés, faute de résolution en bonne et due forme et, à tout événement, que les défendeurs ne pouvaient adopter une telle résolution, car ils se trouvaient alors en conflit d'intérêts.
[421] En principe, l'administrateur d'une société doit veiller aux intérêts de celle-ci et éviter tout conflit d'intérêts[174].
[422] Selon la demanderesse, cette obligation est absolue. À la demande d'une personne intéressée, toute transgression entraînerait forcément la nullité de l'acte posé en situation de conflit d'intérêts.
[423] Le Tribunal n'est pas de cet avis.
[424] L'art. 325 C.c.Q. (qui déroge ainsi à la règle générale de l'art. 1312 C.c.Q.) permet au contraire expressément à l'administrateur de contracter lui-même avec la personne morale qu'il administre.
[425] De plus, l'art. 325 C.c.Q. prévoit que l'administrateur doit alors signaler le fait à la personne morale, indiquer la nature et la valeur des droits qu'il acquiert, demander de consigner ce fait au procès-verbal et, sauf nécessité, s'abstenir de délibérer et de voter :
325. Tout administrateur peut, même dans l'exercice de ses fonctions, acquérir, directement ou indirectement, des droits dans les biens qu'il administre ou contracter avec la personne morale.
Il doit signaler aussitôt le fait à la personne morale, en indiquant la nature et la valeur des droits qu'il acquiert, et demander que le fait soit consigné au procès-verbal des délibérations du conseil d'administration ou à ce qui en tient lieu. Il doit, sauf nécessité, s'abstenir de délibérer et de voter sur la question. La présente règle ne s'applique pas, toutefois, aux questions qui concernent la rémunération de l'administrateur ou ses conditions de travail.
(Le Tribunal souligne.)
[426] L'article 325 C.c.Q. est de droit nouveau. Dans ses Commentaires sur le Code civil du Québec, le ministre de la Justice indique que cet article « rappelle que l'intérêt de la personne morale exige que, dans certaines circonstances et à certaines conditions, ses administrateurs puissent contracter avec elle »[175].
[427] En vertu de l'art. 326 C.c.Q., le tribunal peut, entre autres mesures, annuler l'acte posé en contravention des règles énoncées à l'art. 325 C.c.Q.
[428] Dans le cas présent, les défendeurs n'ont rien noté au procès-verbal.
[429] Tous les membres du conseil d'administration d'Immobilier étaient cependant pleinement informés de la situation : la participation active de Construction et de ses dirigeants au projet Urbania était incontournable.
[430] Messieurs Vivian et Boughanmi, les seuls dirigeants et actionnaires de la demanderesse, étaient pleinement conscients dès 2003 des intérêts personnels des défendeurs dans Construction (qui est elle-même l'un des trois actionnaires d'Immobilier) et ils ont indéniablement accepté cet état de fait essentiel pour leurs partenaires à la double condition d'occuper initialement deux des cinq sièges du conseil d'administration d'Immobilier et de cosigner ses chèques.
[431] Cela étant, les défendeurs n'ont pas agi abusivement ni injustement à l'endroit des représentants de la demanderesse en janvier 2005 en constatant qu'ils n'agissaient plus en partenaires du projet Urbania et que ce projet devait se poursuivre sans eux.
[432] Relativement aux frais d'administration facturés par Construction, la demanderesse n'a surtout pas démontré que les défendeurs avaient déloyalement tiré avantage de leur fonction d'administrateur ni retiré des bénéfices personnels indus au mépris de leurs devoirs à ce titre et au détriment d'Immobilier ou de la demanderesse.
[433] Dans les circonstances, l'absence de dénonciation écrite du conflit d'intérêts et l'absence de résolution faisant suite aux décisions majoritaires des actionnaires d'Immobilier ne constituaient que de simples formalités dont l'inobservance n'a causé aucun préjudice réel à Immobilier ni à la demanderesse.
ii) Coûts de construction (2 367 205,00 $)
[434] La demanderesse plaide que les coûts de construction du projet Urbania se sont avérés trop élevés de 5 918 012,50 $ et qu'elle a droit à 40 % de cette somme à titre de dommages-intérêts en qualité de détentrice de 40 % du capital-actions d'Immobilier.
[435] Pour les motifs déjà énoncés, le Tribunal rejette entièrement la preuve offerte à ce sujet par l'expert Schiller.
[436] À défaut de preuve, la demanderesse accuse et insinue gratuitement.
[437] À titre d'exemple, selon elle, Raymond Lessard aurait vidé les coffres d'Immobilier et aurait peut-être financé la construction des blocs 4 et suivants grâce aux paiements effectués sans raison par Immobilier à Construction une fois terminée la construction des phases I à III du projet Urbania en 2007.
[438] La demanderesse n'a pas prouvé que les coûts de construction des phases I à III du projet Urbania se sont avérés trop élevés.
iii) « Sweat equity » (480 000,00 $)
[439] La demanderesse prétend que les défendeurs ont utilisé le « sweat equity » comme justification pour soutirer 480 000 $ des coffres d'Immobilier sans son consentement.
[440] La demanderesse qualifie le « sweat equity » d'« accommodation comptable ».
[441] En réalité, il s'agit plutôt de la quantification pécuniaire des travaux du groupe Lessard/Martel avant la signature de D-13, que toutes les parties intéressées ont reconnue, dont Fondim (société dont on ne peut douter de l'indépendance du groupe Lessard/Martel) et monsieur Vivian.
[442] Les projections financières accompagnant D-13 prévoient le remboursement à Immobilier en décembre 2005 du « sweat equity » de 480 000 $.
[443] La demanderesse se plaint de l'absence de résolution d'Immobilier à cet égard, du moment et de la manière dont le remboursement a été effectué.
[444] La demanderesse n'a pas établi en avoir subi préjudice, le droit au remboursement étant clairement accepté en vertu de la pièce D-13 et l'exploitation d'Immobilier s'étant avérée globalement très déficitaire.
[445] Cherchant à faire flèche de tout bois, la demanderesse invoque ensuite certaines constatations de l'expert Fafard (figurant déjà au rapport D-16 de juin 2009) pour justifier de nouvelles réclamations qu'elle ne formule que le 30 mai 2011.
[446] Ces réclamations concernent les « balances de ventes » d'unités, les avances par Immobilier à Construction, les déboursés non supportés, mais justifiés selon la direction d'Immobilier et les déboursés non justifiés.
iv) Balances de ventes (101 509,87 $)
[447] La demanderesse plaide qu'Immobilier a été injustement privée du plein prix des unités 107 et 108 vendues à Sébastien Lessard et Lucie Martel.
[448] Immobilier a reçu 101 509,87 $ de moins que le prix de vente convenu.
[449] L'expert Fafard explique que selon la direction d'Immobilier cette différence constitue une somme due par Construction[176]. Elle figure d'ailleurs à ce titre à l'annexe 3 du rapport D-16[177].
[450] Les états financiers d'Immobilier ne comportent aucune inscription à cet égard.
[451] La preuve est muette quant au motif pour lequel Construction assumerait envers Immobilier cette dette contractée par Sébastien Lessard et Lucie Martel.
[452] Grâce à ces ventes, Immobilier réduisait immédiatement sa dette. La preuve ne permet pas de conclure qu'Immobilier aurait pu vendre ces unités à des tiers et immédiatement percevoir le plein prix.
[453] À tout événement, la demanderesse n'a pas droit à 40 % de ce qui demeure un compte client, ce solde de prix de vente étant du reste très inférieur au bilan d'exploitation global d'Immobilier dont le déficit est nettement plus élevé.
v) Avances à Construction (325 170,71 $)
[454] L'expert Fafard mentionne[178] qu'Immobilier a consenti à Construction des avances totalisant 447 904,90 $ alors que Construction a consenti à Immobilier des avances totalisant 122 734,19 $.
[455] La demanderesse plaide que la différence de 325 170,71 $ constitue des avances injustifiées par Immobilier à Construction.
[456] Durant l'enquête, la demanderesse obtient communication de toutes les feuilles de travail de l'expert Fafard relativement à ces avances. Son contre-interrogatoire serré ne permet pas de conclure à la fraude ni au détournement de fonds, même si l'expert Fafard ne peut expliquer pourquoi certaines avances ne portaient pas intérêts.
[457] Il est clair que Construction était en manque chronique de liquidités.
[458] La demanderesse n'a pas prouvé que les avances consenties par Immobilier avant la fin de la construction des trois premières phases (février 2007) ne favorisaient pas ces travaux.
[459] Quant aux autres avances, Immobilier aurait été privée des intérêts, une somme relativement peu élevée.
[460] Le Tribunal note que Construction rembourse à Immobilier en 2007 des honoraires de gestion au montant de 33 320 $. Ce geste est incompatible avec l'hypothèse de la demanderesse de malversations tous azimuts.
[461] Même en supposant que les avances nettes consenties par Immobilier à Construction étaient irrégulières, la demanderesse n'a pas établi que les défendeurs les ont autorisées malhonnêtement ni de préjudice compensable en résultant.
vi) Paiements non supportés (500 296,32 $)
[462] La demanderesse plaide sans distinction que tous les montants que l'expert Fafard qualifie dans son rapport de « Déboursés non supportés mais justifiés selon la direction » constituent des détournements de fonds par les défendeurs.
[463] Le fardeau de le prouver lui incombe.
[464] La demanderesse ne peut pas s'appuyer sur la catégorisation « non supportés », car cette expression ne constitue pas une opinion de l'expert Fafard quant aux déclarations de la direction d'Immobilier mais signifie uniquement qu'aucun document ne les corrobore.
[465] Les principaux déboursés répertoriés sous cette rubrique sont :
- le remboursement du prêt consenti par Financement Duval (125 000 $);
- les escomptes accordés sur la vente d'unités (73 750 $);
- les diverses dépenses (71 849,93 $);
- des différences non expliquées sur les ventes (66 123,86 $);
- un remboursement d'avances consenties par les actionnaires (50 000 $);
- des commissions (49 437,80 $) et
- des remboursements de comptes de dépense (plus de 36 000 $ au total).
[466] La légitimité du remboursement du prêt de 125 000 $ consenti par Financement Duval a été établie par le témoignage non contredit de Sébastien Lessard.
[467] Les escomptes accordés sur la vente d'unités comprennent un escompte net de 23 750 $ accordé à Sébastien Lessard et à madame Martel relativement à l'unité 103 du bloc 3. L'expert Fafard rapporte que cet achat (en mars 2008) lui a été expliqué par les besoins financiers d'Immobilier. L'escompte à l'achat s'élevait à 48 750 $, mais Sébastien Lessard a remboursé 25 000 $ à Immobilier en août 2008. L'escompte net de 23 750 $ est injustifié.
[468] Immobilier a également accordé à Gabriel Aubry deux escomptes additionnels de 25 000 $ relativement à des unités du bloc 1. Ces escomptes inexpliqués sont également injustifiés. Toutefois, la preuve ne permet pas de conclure qu'ils ont profité à l'un ou l'autre des défendeurs.
[469] Le montant de 71 849,93 $ est formé de la somme de 56 849,93 $ (paiements de plus de 18 000 $ non supportés, mais justifiés selon la direction) plus 15 000 $ (paiements de moins de 18 000 $ non supportés, mais justifiés selon la direction)[179] :
o Immobilier payait directement certains prêts à partir de ses comptes de prêts. Quant au reste, Immobilier utilisait ses comptes bancaires. Après avoir analysé tous les paiements de plus de 18 000 $ à partir des comptes bancaires,[180] l'expert Fafard constate que des paiements totalisant 56 849,93 $ (sur 11 273 630,36 $) ne sont pas supportés, mais qu'ils sont justifiés selon la direction d'Immobilier, alors que des paiements totalisant 27 632,88 $ ne sont pas justifiés, pour un total de 84 482,81 $[181]. Sur la foi du témoignage non contredit de Sébastien Lessard, le Tribunal retient que le paiement de 38 297,57 $ à Promovert Paysagiste est justifié, de sorte que les paiements ni supportés ni justifiés malgré la direction s'élèvent à 18 552,36 $ plutôt qu'à 56 849,93 $. Il s'agit principalement d'un paiement de 18 800,41 $ effectué le 14 août 2008, alors que la construction du projet Urbania était terminée[182].
Les paiements totalisant 27 632,88 $ répertoriés par l'expert Fafard sous la rubrique « non justifiés » sont appuyés par des factures qui démontrent qu'ils visent les blocs 4 et 5 (24 784,13 $) et les blocs 8[183] et 9 (2 848,75 $), de sorte qu'ils ne se rapportaient visiblement pas au projet Urbania et qu'ils n'auraient pas dû être faits par Immobilier.
Ainsi, pour tous les paiements de plus de 18 000 $ effectués sur les comptes bancaires d'Immobilier quant aux blocs 1 à 3, le Tribunal retient que 18 552,36 $ plus 27 632,88 $ ne sont pas justifiés, soit 46 185,20 $.
o Quant aux paiements de moins de 18 000 $[184], l'expert Fafard et son équipe ont procédé par échantillonnage aléatoire (dont la fiabilité n'a pas été contestée) et retenu à cette fin 60 paiements. De ceux-ci, un paiement de 15 000 $ à Me Talbot est classé « non supportés mais sont justifiés selon la direction » et cinq paiements totalisant 11 755,01 $ sont classés « non justifiés »[185]. La demanderesse n'a pas démontré que le paiement de 15 000 $ à Me Talbot était injustifié. Le Tribunal retient toutefois que les autres paiements, qui totalisent 11 755,01 $ ne le sont pas.
[470] Bref, relativement à des paiements par chèque totalisant 16 856 259,49 $, 46 185,20 $ plus 11 755,01 $ soit 57 940,21 $ (0,0034 %) ne sont pas justifiés, mais la preuve ne permet pas de conclure que les défendeurs ont bénéficié de ces écarts qui reflètent apparemment pour la plupart de simples erreurs d'imputation comptable.
[471] Les différences non expliquées sur les ventes (66 123,86 $) sont constituées d'un écart de 28 081,22 $ entre le montant des ventes et des encaissements retracés aux comptes bancaires d'Immobilier plus un montant de 38 042,64 $ pour lequel la répartition par le notaire n'a pas été identifiée. Tenant compte du total des ventes d'unités (plus de 20 M $), du montant total encaissé par le notaire responsable de la transaction (plus de 17 M $) ainsi que des paiements directs à Immobilier par les acheteurs (plus de 3,2 M $) et malgré le fait que les différences non expliquées sur les ventes ne sont pas justifiées sur le plan comptable, la preuve ne permet pas de les imputer aux défendeurs ni de conclure qu'ils en ont bénéficié.
[472] Le remboursement d'avances consenties par les actionnaires (50 000 $) vise un paiement par Immobilier à Construction le 30 juillet 2003, alors que messieurs Vivian et Boughanmi cosignaient tous les chèques d'Immobilier. La demanderesse n'a pas établi par prépondérance que ce paiement était injustifié.
[473] Les commissions (49 437,80 $), qui sont incluses dans les dépenses de commissions présentées aux états financiers d'Immobilier, sont constituées de montants dont madame Martel (27 437,80 $) et Sébastien Lessard (22 000 $) ont bénéficié et que la direction d'Immobilier explique par leur travail relié à la vente d'unité pour l'ensemble du projet Urbania. La documentation pertinente dément cette explication que le Tribunal rejette.
[474] Les remboursements de comptes de dépense (plus de 36 000 $ au total) visent des montants payés à madame Martel (24 087,48 $) et à Sébastien Lessard (12 190,37 $). Des annexes au rapport (D-16) de l'expert Fafard détaillent ces dépenses.
[475] Certaines dépenses de madame Martel sont indéniablement personnelles (par exemple, un permis de conduire et trois paires de lunettes). Ces dépenses sont manifestement injustifiées et n'auraient pas dû être remboursées par Immobilier, mais le Tribunal note que leur objet apparaît aux factures pertinentes. Il en est de même en ce qui concerne Sébastien Lessard (par exemple, des pièces d'auto usagées).
[476] Il ne semble donc pas exister d'intention de tromper de la part de ces défendeurs, mais plutôt un contrôle comptable insuffisant.
[477] L'expert Fafard a imputé ces dépenses relativement mineures (1 535,24 $ pour madame Martel et 2 164,23 $ pour Sébastien Lessard) à la rubrique « non justifiés » et le Tribunal partage son avis. La demanderesse n'a pas établi que les autres remboursements de comptes de dépenses étaient injustifiés.
[478] Considérée dans son ensemble, la preuve se rapportant aux déboursés d'environ 500 000 $ répertoriés par l'expert Fafard comme « non supportés mais justifiés selon la direction » ne démontre pas de malversation systématique de la part des défendeurs, même si le Tribunal retient que les défendeurs Martel et Sébastien Lessard ont profité personnellement de rabais injustifiés à l'achat d'unités et reçu des commissions injustifiées.
[479] Les montants en jeu étant nettement inférieurs au déficit d'Immobilier, la demanderesse (qui n'intente pas la présente action pour Immobilier mais pour elle-même) n'en a pas subi préjudice.
vii) Déboursés non justifiés (48 797,32 $)
[480] Les paiements sous cette rubrique ne sont pas justifiés, principalement (39 387,89 $) parce qu'ils ont été erronément imputés au projet Urbania.
[481] S'y ajoutent des dépenses personnelles de Raymond Lessard (5 710 $), de madame Martel (1 535,24 $) et de Sébastien Lessard (2 164,23 $) tel que vu sous la rubrique précédente.
viii) Conclusion relativement aux « dépenses non supportées mais justifiées selon la direction »
[482] D'un point de vue global, le Tribunal constate que la comptabilité d'Immobilier était imparfaite, mais qu'il existe néanmoins une corrélation très étroite entre ses livres et la réalité, tel que constaté par l'expert Fafard.
[483] Les défendeurs ont utilisé les fonds d'Immobilier pour payer certaines dépenses personnelles. Les défendeurs Martel et Sébastien Lessard ont également profité de commissions et d'escomptes injustifiés.
[484] L'ensemble de ces constats ne suffit pas à prouver, comme le voudrait la demanderesse, qu'il y a eu malversation à grande échelle ni que la demanderesse a ainsi été privée de sa juste part de profits d'Immobilier dont elle postule l'existence.
[485] Même en supposant que les défendeurs aient également détourné un solde de prix de vente, qu'ils aient irrégulièrement consenti des avances à Construction, qu'ils aient autorisé des escomptes et des commissions injustifiées et qu'ils soient responsables de différences injustifiées sur les ventes ainsi que de débours injustifiés, le total de ces écarts ne suffirait pas à combler le déficit d'exploitation de plus de 1 M $ accumulé par Immobilier relativement aux phases I à III du projet Urbania.
[486] La demanderesse n'a donc pas droit à quelque compensation à ce titre.
b) Réclamation pour détournement allégué des profits réalisés par les défendeurs sur les unités des blocs 4 à 9 vendues par d'autres sociétés qu'Immobilier
[487] La demanderesse plaide essentiellement, d'une part, que les défendeurs ont malhonnêtement consenti à la dation en paiement des terrains non encore construits mais achetés en 2003 pour le projet Urbania afin de détourner les profits de ventes futures vers d'autres sociétés qu'ils contrôlaient et, d'autre part, que la demanderesse aurait réussi à éviter la dation en paiement si elle en avait été informée auparavant.
[488] La demanderesse plaide qu'elle a droit à 40 % des profits réalisés par les défendeurs sur les unités des blocs 4 à 9 vendues ou à être vendues par d'autres sociétés qu'Immobilier, car les défendeurs auraient détourné ces profits d'Immobilier en manœuvrant à son insu et illégalement afin de la priver de sa part.
[489] La demanderesse réclame 3 009 600 $ pour les unités des blocs 4 à 7 et 9 et 858 000 $ pour sa part des profits relatifs au bloc 8.
Bloc 8
[490] À l'évidence, la réclamation de la demanderesse relativement au bloc 8 est dépourvue de tout fondement puisque, selon la preuve, ce bloc est encore virtuel : les défendeurs n'ont donc réalisé aucune vente ni profit et Immobilier n'a subi aucune perte à cet égard.
Blocs 4, 5, 6, 7 et 9
[491] Rappelons qu'en vertu de l'art. 323 C.c.Q., l'administrateur ne peut utiliser à son profit les biens de la personne morale ni l'information qu'il obtient en raison de ses fonctions.
[492] La Cour d'appel a prononcé l'arrêt de principe en la matière dans Gravino c. Enerchem Transport inc[186]. Cet arrêt établit, entre autres, que la personne morale ne sera protégée en cas de détournement d'une occasion d'affaires que si celle-ci est en voie de réalisation et que la personne morale la poursuit activement[187].
[493] Tel n'est pas le cas dans le présent dossier.
[494] Au contraire, la preuve démontre clairement que la situation d'Immobilier était critique et qu'elle ne pouvait plus faire face à ses obligations financières découlant de l'achat de la parcelle 1 ni à ses obligations se rapportant au développement des parcelles 2 et 3. Financièrement et juridiquement, le groupe Lessard/Martel n'avait pas d'autre choix que de consentir à la dation en paiement ou la subir.
[495] Imposée par Fondim, la dation en paiement n'était, en réalité, nullement volontaire. Il ne s'agissait pas d'une manœuvre du groupe Lessard/Martel pour détourner des profits futurs hors d'Immobilier.
[496] Les conditions financières de l'achat par d'autres sociétés contrôlées par le groupe Lessard/Martel des parcelles données en paiement à Fondim ne sont pas en preuve. Rien ne permet de présumer que la considération payée ne correspondait pas à leur valeur marchande.
[497] En conséquence du règlement D-13, Immobilier n'a plus aucun droit ni aucune expectative de réaliser ses projets antérieurs ou d'autres projets de développement sur les parcelles 2 et 3 et rien n'oblige Fondim à lui revendre ces parcelles par la suite.
[498] Par ailleurs, le développement des parcelles 2 et 3 n'est certes pas en voie de réalisation au moment de la signature du règlement D-13.
[499] Immobilier est fortement déficitaire en 2007. Ce déficit important est en partie attribuable au règlement D-13, mais sans celui-ci, la faillite d'Immobilier semble inévitable. Immobilier ne peut donc pas poursuivre activement le rachat et le développement des parcelles 2 et 3.
[500] La preuve ne permet pas de conclure qu'Immobilier aurait pu racheter les terrains donnés en paiement à Fondim.
[501] Il s'écoule plus d'un an entre la conclusion du règlement D-13 (en mai 2007) et la première vente par Fondim (en juin 2008) d'un terrain à une société contrôlée par le groupe Lessard/Martel. La construction sur ce terrain débute en juillet-août 2008.
[502] Bref, les profits réalisés par le groupe Lessard/Martel sur la vente des unités des blocs 4 et suivants n'ont pas de lien prouvé avec le projet Urbania.
[503] Ces profits ne permettent pas d'inférer la malhonnêteté du groupe Lessard/Martel relativement à l'administration des phases I à III, puisque l'ouverture du métro à Laval en 2007 a certainement facilité les ventes ultérieures.
[504] La preuve ne permet donc pas de conclure que, du fait de leurs fonctions au sein d'Immobilier, les défendeurs Lessard/Martel ont réalisé un gain personnel illégitime en conséquence du rachat des terrains et de leur développement par des sociétés qu'ils contrôlent suite à la dation en paiement.
[505] Quant à la possibilité pour la demanderesse d'éviter la dation en paiement, le témoignage de monsieur Vivian n'est pas convaincant.
[506] Les résultats peu reluisants de monsieur Vivian relativement à l'obtention de financements intérimaires pour Immobilier permettent de conclure que la demanderesse ne serait probablement pas parvenue à éviter la dation en paiement.
[507] Ni la demanderesse ni ses actionnaires ne possédaient de liquidités. Monsieur Vivian ne précise pas comment il s'y serait pris pour réussir un tel tour de force.
[508] La demanderesse n'a pas établi que les défendeurs ont agi fautivement envers Immobilier ni envers elle. Ses prétentions à l'égard de sa perte de profit relativement aux phases 4 à 9 sont dépourvues de fondement.
c) honoraires extrajudiciaires d'avocats (192 038 $)
[509] Invoquant les dispositions de l'art. 54.1 et suivants C.p.c., la demanderesse réclame 192 038 $ à titre d'honoraires extrajudiciaires d'avocats.
[510] Étant déboutée sur l'ensemble de ses prétentions, la demanderesse n'a pas droit à cette somme ni à quelque partie de celle-ci.
d) les frais de l'expert Schiller (38 445 $)
[511] Pour les motifs précédemment exposés, la demanderesse n'a droit à aucun montant à ce titre.
Conclusion
[512] Monsieur Vivian affirme que sitôt obtenu le financement pour l'achat des parcelles 1 à 3, les défendeurs avaient déjà formé l'intention d'exclure la demanderesse du projet Urbania pour empocher seuls tous ses profits et que les défendeurs n'ont pas cessé d'œuvrer déloyalement dans ce but par la suite.
[513] Ces affirmations graves ne sont pas prouvées et procèdent plutôt de suppositions.
[514] Elles se concilient d'ailleurs difficilement avec le témoignage de monsieur Vivian qui déclare par ailleurs qu'il ne doute pas de la bonne foi de Sébastien Lessard ni de celle de madame Martel.
[515] Le groupe Lessard/Martel avait certainement tout intérêt à bénéficier de l'expertise de mise en marché et de vente de ses partenaires Vivian/Bougnami afin de rencontrer en tout temps les prévisions budgétaires convenues avec Fondim.
[516] Les ventes inférieures aux prévisions imposaient une pression accrue au groupe Lessard/Martel dont ils auraient sans doute apprécié être soulagés par leurs partenaires.
[517] La demanderesse recherche donc une part des profits qu'elle affirme avoir été réalisés par Immobilier en dépit du fait que ses propres représentants n'ont pas rempli leurs obligations essentielles envers leurs partenaires.
[518] La demanderesse n'a pas prouvé que les défendeurs avaient pris de mauvaise foi ou déraisonnablement les décisions qu'ils contestent, qu'Immobilier avait réalisé des profits pendant qu'elle était en exploitation, que son rendement déficitaire était attribuable à un détournement de fonds par les défendeurs ni qu'Immobilier aurait réalisé des profits si messieurs Vivian et Boughanmi étaient demeurés en fonction.
[519] En somme, la demanderesse n'a prouvé ni abus ni préjudice.
Les dépens
[520] La conduite des défendeurs n'a pas été irréprochable.
[521] Jusqu'à un certain point, ils ont indûment profité d'Immobilier. Raymond Lessard n'a pas toujours agi de bonne foi envers messieurs Demeule et Dicaire.
[522] Toutefois, ces inconduites n'ont pas eu d'incidence significative sur la rentabilité d'Immobilier.
[523] Les services de l'expert Fafard ont été requis en conséquence de la poursuite non fondée de la demanderesse.
[524] Il est juste et raisonnable de laisser ses frais à la charge d'Immobilier.
[525] Les dépens ne seront accordés ni de part ni d'autre.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
REJETTE la demande principale;
REJETTE la demande reconventionnelle;
Le tout, sans frais.
__________________________________
LOUIS-PAUL CULLEN, j.c.s.
Me Danielle Oiknine
Oiknine et associés
Procureurs de la demanderesse
Me Jean-François Désîlets
DONATI MAISONNEUVE, s.e.n.c.r.l.
Procureurs des défendeurs
Dates d’audience :
16 au 20, 24 au 27 et 30 mai 2011
ANNEXE II
LOI SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
§ 3. — Redressement en cas d'abus de pouvoir ou d'iniquité
450. Un demandeur peut s'adresser au tribunal en vue d'obtenir une ordonnance visant à redresser la situation lorsque, de l'avis du tribunal, la société ou une personne morale du même groupe agit abusivement ou s'apprête à agir abusivement à l'égard des détenteurs de valeurs mobilières de la société ou à l'égard de ses administrateurs ou de ses dirigeants, ou qu'elle se montre injuste ou s'apprête à se montrer injuste à leur égard en leur portant préjudice:
1° soit en raison de son comportement;
2° soit par la façon dont elle exerce, a exercé ou s'apprête à exercer ses activités ou par la façon dont elle conduit, a conduit ou s'apprête à conduire ses affaires internes;
3° soit par la façon dont les administrateurs exercent, ont exercé ou s'apprêtent à exercer leurs pouvoirs.
(Le Tribunal souligne.)
451. Le tribunal peut, à l'occasion d'une demande visée à la présente sous-section, rendre toute ordonnance qu'il estime appropriée. Ainsi il peut, notamment:
1° empêcher le comportement contesté;
2° nommer un séquestre;
3° réviser le fonctionnement de la société en modifiant les statuts ou le règlement intérieur ou en établissant ou en modifiant une convention unanime des actionnaires;
4° ordonner l'émission ou l'échange de valeurs mobilières;
5° faire des nominations au conseil d'administration, soit pour remplacer tous les administrateurs en fonction ou certains d'entre eux, soit pour en augmenter le nombre;
6° enjoindre à la société ou à toute autre personne d'acheter des valeurs mobilières d'un détenteur;
7° enjoindre à la société ou à toute autre personne de rembourser aux détenteurs la totalité ou une partie des sommes qu'ils ont versées pour leurs valeurs mobilières;
8° modifier, résilier ou annuler un contrat ou une opération auquel la société est partie et, le cas échéant, ordonner l'indemnisation de la société ou de toute autre partie à ce contrat ou à cette opération;
9° enjoindre à la société de lui fournir, ainsi qu'à tout intéressé, dans le délai qu'il fixe, les états financiers visés aux articles 225 et 226, ou ordonner qu'elle lui en fasse rapport sous la forme qu'il détermine;
10° ordonner l'indemnisation des personnes qui ont subi un préjudice;
11° ordonner la rectification des livres de la société conformément aux articles 456 et 457;
12° ordonner la dissolution de la société et sa liquidation lorsque celle-ci a des biens ou des obligations;
13° ordonner la tenue d'une enquête conformément à la section I;
14° condamner, non seulement dans un cas d'abus de procédure mais également dans tout autre cas où le tribunal le jugera approprié, toute partie aux procédures à payer, en tout ou en partie, les honoraires extrajudiciaires et autres frais de toute autre partie.
La société ne peut effectuer aucun paiement à un actionnaire en vertu des paragraphes 6° ou 7° du premier alinéa s'il y a des motifs raisonnables de croire qu'elle ne peut ou ne pourrait, de ce fait, acquitter son passif à échéance.
452. Malgré l'article 468 du Code de procédure civile (chapitre C-25), le tribunal peut, en vertu de l'article 451, rendre toute ordonnance qu'il estime appropriée, que cette ordonnance ait ou non été demandée par le demandeur. Dans le second cas, le tribunal doit toutefois donner aux parties l'occasion de faire leurs représentations sur le redressement qu'il envisage avant que l'ordonnance soit rendue.
453. Dans le cas où le tribunal, en vertu de l'article 451, ordonne des modifications aux statuts, au règlement intérieur de la société ou à une convention unanime des actionnaires, aucune autre modification ne peut y être apportée sans le consentement du tribunal, pour la période ou dans les conditions qu'il détermine.
Si le tribunal ordonne la modification des statuts, le conseil d'administration doit transmettre sans délai au registraire des entreprises une copie de cette ordonnance et les statuts de modification requis par la présente loi auxquels sont joints, le cas échéant, les documents exigés par la Loi sur la publicité légale des entreprises (chapitre P-44.1).
Les actionnaires ne peuvent, à l'occasion d'une modification des statuts qui résulte d'une ordonnance, exercer le droit au rachat d'actions prévu par le chapitre XIV.
ANNEXE III
EXTRAIT DU RAPPORT DE L'EXPERT FAFARD
Déboursés :
non analysés ou non inclus au sondage
non supportés mais justifiés selon la direction
non justifiés
UTILISATION DES FONDS
Dépenses
71 849,93
39 387,89
Achat de terrains
281 920,76
Montants versés à Construction
Remboursement d'avances consenties par les actionnaires
50 000,00
Remboursement du prêt financement Duval
125 000,00
Remboursement de frais payés par Construction pour la Société
16 676,84
Paiement de taxes scolaires et municipales
Pièces justificatives non retracées
3 030,00
3 030,00
Commission scolaire de Laval
1 552,45
1 552,45
Intérêts, honoraires de financement et frais bancaires
6 597,59
Remboursement de comptes de dépenses
Raymond Lessard
5 710,00
5 710,00
Lucie Martel
1 960,76
24 087,48
1 535,24
Sébastien Lessard
70 969,74
12 190,37
2 164,23
Escomptes accordés sur ventes d'unités
73 750,00
Commissions
49 437,80
Différence non expliquée sur les ventes
66 123,86
TOTAL UTILISATION DES FONDS
365 143,71
500 296,32
48 797,36
[1] Interrogatoire après défense de Raymond Lessard, 6 décembre 2007, p. 12.
[2] P-54, annexe 9.
[3] Interrogatoire après défense de Raymond Lessard, 6 décembre 2007, pp. 14-15.
[4] Dans un autre litige, la demanderesse réfèrera en décembre 2004 à plus de 200 poursuites (D-1A, paragr. 2).
[5] Réponse et plaidoyer à la demande reconventionnelle, paragr. 13 à 15.
[6] P-1.
[7] P-1A.
[8] P-4 et P-19, p. 3.
[9] Interrogatoire après défense de Raymond Lessard, 6 décembre 2007, p. 6.
[10] P-2.
[11] P-54, annexe 9, pp.1 et 5.
[12] Ibid., p. 9.
[13] Ibid., p. 14.
[14] Ibid., p. 14.
[15] Ibid., pp. 8 et 11.
[16] Plutôt que 1 280 000 $.
[17] Par ailleurs, dans les deux hypothèses, les coûts estimés de « publicité marketing » semblent erronés à première vue.
[18] L'annexe 9 au rapport de l'expert Schiller.
[19] P-46, p. 3.
[20] P-5.
[21] P-46, p. 13.
[22] Ce tableau reproduit l'annexe I du rapport D-16.
[23] P-19, p. 33.
[24] Ibid., p. 2.
[25] Ibid., pages 7 et 15.
[26] D-14.
[27] P-41. Monsieur Vivian n'est plus administrateur de 9133-3138 Québec Inc. (P-42).
[28] Ibid.
[29] P-46, p. 3.
[30] Ibid.
[31] Parcelle 1 = lot 2 922 349, Parcelle 2 = lot 2 922 348 et Parcelle 3 = lot 2 922 347.
[32] P-7, art. 7.1.
[33] Ibid., art. 8.0 et 9.0.
[34] Ibid., art. 6.7.
[35] Interrogatoire après défense de Raymond Lessard, 6 décembre 2007, p. 43.
[36] Ibid., pages 47-48.
[37] D-9, p. 5.
[38] Ibid.
[39] Interrogatoire après défense de Raymond Lessard, 6 décembre 2007, pp. 49-50.
[40] Réponse et plaidoyer à la demande reconventionnelle, paragr. 14.
[41] P-19, pages 28-29.
[42] Ibid., p. 31.
[43] P-29, p. 3.
[44] P19, p. 34.
[45] P-6.
[46] Ibid.
[47] Ibid.
[48] D-10.
[49] D-1A, paragr. 20.
[50] Ibid., paragr. 24 et 25.
[51] P-54, annexe 1, p. 1.
[52] D-11.
[53] P-30.
[54] P-8.
[55] D-1A.
[56] Au 21 octobre 2007, la demande s'élevait à 2 667 186,15 $ (D-1).
[57] D-1.
[58] D-1.
[59] P-9.
[60] Interrogatoire après défense de Raymond Lessard, 6 décembre 2007, pp. 50-51.
[61] D-13.
[62] P-9.
[63] D-6.
[64] Interrogatoire après défense de Raymond Lessard, 6 décembre 2007, pages 55-57.
[65] Ibid., p. 59.
[66] Requête introductive d'instance, paragr. 32.
[67] Le mot « phase », dans ce contexte, signifie « bâtiments ».
[68] Interrogatoire après défense de Raymond Lessard, 6 décembre 2007, pages 60, 66 et 71-72.
[69] Ibid., pages 61-62.
[70] Ibid., p. 64.
[71] Ibid., pages 66-67.
[72] P-10.
[73] P-15.
[74] D-2 et P-19, p. 54.
[75] Ibid., pages 19-20.
[76] P-11.
[77] P-12.
[78] Ibid.
[79] P-15.
[80] P-46, p. 5.
[81] P-14.
[82] P-16.
[83] P-13.
[84] P-19, p. 26.
[85] P-17.
[86] P-18.
[87] P-48.
[88] D-3.
[89] Ibid., pages 46-48 et D-19, pages 74 et suiv.
[90] P-46, p. 4.
[91] Ibid.
[92] Ibid.
[93] Ibid.
[94] P-46.
[95] Ibid., p. 8.
[96] Ibid., p. 9.
[97] P-46, p. 10.
[98] Ibid.
[99] Ibid.
[100] Ibid.
[101] P-46, p. 11.
[102] Ibid.
[103] Ibid.
[104] P-46, p. 12.
[105] Ibid., pages 12-13.
[106] Ibid., p. 14.
[107] P-29, pages 15 et 17.
[108] P-33.
[109] D-4.
[110] D-5.
[111] P-20.
[112] P-21.
[113] P-22.
[114] P-23.
[115] P-24.
[116] P-45.
[117] D-21.
[118] P-25.
[119] P-38.
[120] P-35 à P-37 et P-40.
[121] P-39.
[122] P-29, p. 4.
[123] Ibid., p. 6.
[124] Interrogatoire après défense de Raymond Lessard, 6 décembre 2007, p. 74.
[125] Ibid., p. 77.
[126] P-31.
[127] D-7.
[128] D-8.
[129] P-54, annexe 1.
[130] D-17, onglet 3.
[131] P-50.
[132] Ibid.
[133] Les résultats pour l'exercice terminé le 31 décembre 2003 sont inclus dans les états financiers de 2004 mais n'indiquent pas les ventes, s'il en est, ni les bénéfices ou les pertes.
[134] P-54A, p.3.
[135] La vente des 40 unités du bloc I débute à la fin du mois d'octobre 2003 et se termine en août 2005.
[136] La vente des 40 unités du bloc II débute en juillet 2004 et se termine en mai 2007.
[137] La vente des 40 unités du bloc III débute en mai 2006 et se termine en octobre 2007.
[138] P-28.
[139] P-52.
[140] L.R.Q., c. C-38.
[141] L.R.Q., c. S-31.1.
[142] LRC 1985, c C-44. À titre d'exemple, le paragraphe 241 (2) LCSA se lit comme suit : « Le tribunal saisi d’une demande visée au paragraphe (1) peut, par ordonnance, redresser la situation provoquée par la société ou l’une des personnes morales de son groupe qui, à son avis, abuse des droits des détenteurs de valeurs mobilières, créanciers, administrateurs ou dirigeants, ou, se montre injuste à leur égard en leur portant préjudice ou en ne tenant pas compte de leurs intérêts : a) soit en raison de son comportement; b) soit par la façon dont elle conduit ses activités commerciales ou ses affaires internes; c) soit par la façon dont ses administrateurs exercent ou ont exercé leurs pouvoirs. »
[143] Gustavson Drilling (1964) Ltd. c. M.R.N., 1975 CanLII 4 (CSC), [1977] 1 R.C.S. 271, 279.
[144] À ce sujet, voir : Sabbah c. Obadia Amar, 2011 QCCS 1704 (CanLII), paragr. 19 à 25.
[145] 9032-8818 Québec inc. (Magil Construction inc.) (Syndic de), 2005 QCCA 275 (CanLII), paragr. 43 et 45.
[146] La LSAQ introduit en effet de nouvelles règles concernant l'octroi d'honoraires extrajudiciaires (art. 451, 140) et l'ultra petita (art. 452).
[147] Me Paul MARTEL, La société par actions au Québec, Volume I, Les aspects juridiques, 2011, Éditions Wilson & Lafleur, Martel Ltée, no. 31-504 et 31-505.
[148] 9032-8818 Québec inc. (Magil Construction inc.) (Syndic de), 2005 QCCA 275 (CanLII), paragr. 45; Desjardins c. Desjardins, 2008 QCCS 4577 (CanLII), paragr. 168 à 185.
[149] Grant c. Dion, 2007 QCCS 4833 (CanLII), paragr. 43 et Desjardins c. Desjardins, 2008 QCCS 4577 (CanLII), paragr. 185. À titre analogique, voir : BCE Inc. c. Détenteurs de débentures de 1976, 2008 CSC 69 (CanLII), [2008] 3 R.C.S. 560, paragr. 90.
[150] Art. 88, 123.77 et 123.78 LCQ.
[151] M. et P. MARTEL, supra, note 144, p. 19-18.
[152] 1385 C.c.Q.
[153] Art. 321 et 322 C.c.Q. et 123.83 LCQ; M. et P. MARTEL, supra, note 144, pages 24-71 à 24-74.1.
[154] Art. 123.111 à 123.114 LCQ.
[155] Requête introductive ré-ré-ré amendée du 30 mai 2011, paragr. 78.2.9.
[156] D-16, p. 30.
[157] P-54, p. 14.
[158] Ibid.
[159] P-54, p. 15.
[160] [(1 270 000 $ - 1 105 000 $ = 165 000 $) / 6 mois = 27 500 $/mois] X [(48 mois – 30 mois) = 495 000 $] + 1 105 000 $ = 1 600 000 $.
[161] P-54, p. 9 et annexe 5.
[162] P-54, p. 9.
[163] Ibid., annexe 5.
[164] Ibid., p. 9.
[165] P-19, p. 32.
[166] P-54A.
[167] P-54B, pages 2 et 5.
[168] P-54B, p. 3.
[169] P-54, annexe 10, note de bas de page (a).
[170] Ibid.
[171] National Association of Home Builders.
[172] P-54, annexe 10.
[173] P-54, annexe 9, p. 14.
[174] Art. 324 C.c.Q.
[175] Ministère de la justice, Commentaires du ministre de la Justice: le Code civil du Québec, t. 1, Québec, Publications du Québec, 1993, à la p. 218.
[176] D-16, p. 20, premier paragraphe.
[177] L'avant-dernier chiffre sous la colonne « Bloc 3 ».
[178] D-16, p. 30, tableau 6.
[179] D-16, annexes 5 et 6.
[180] Il y en a 193 totalisant 11 273 630,36 $, soit 67 % des paiements de dépenses.
[181] D-16, annexe 5.
[182] Le Tribunal est conscient que les chiffres indiqués ne semblent pas concorder, mais il appert de l'annexe 5 de D-16 qu'Immobilier a reçu un remboursement dépassant de 271,52 $ le montant versé.
[183] Il y a là erreur de désignation puisque le bloc 8 demeure virtuel.
[184] Il y en a 2 197. Ces paiements totalisent 5 542 048,93 $, soit 33 % des paiements de dépenses.
[185] D-16, annexe 6.
[186] Gravino c. Enerchem Transport inc., 2008 QCCA 1820 (CanLII), [2008] R.J.Q. 2178 (C.A.).
[187] Ibid., paragr. 39.