Consultation rapide avec un avocat

1-877-MES-DROITS
1-877-637-3764

Services juridiques au Québec

Visitez notre page Facebook pour être au courant de nos chroniques et capsules! Aussi, possibilité d'obtenir une consultation rapide par la messagerie Facebook (messenger).

R. c. Sansfaçon-Kanaan, 2016 QCCQ 15194

no. de référence : 2016 QCCQ 15194

R. c. Sansfaçon-Kanaan
2016 QCCQ 15194
COUR DU QUÉBEC

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
GATINEAU
LOCALITÉ DE
GATINEAU
« Chambre criminelle et pénale »
N° :
550-01-088156-155

550-01-090930-167
550-01-090931-165
550-01-089901-153

DATE :
14 décembre 2016
______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE
L’HONORABLE
LYNNE LANDRY, J.C.Q.
______________________________________________________________________

LA REINE
Poursuivante
c.
ANGÉLIQUE SANSFAÇON-KANAAN
Accusée

______________________________________________________________________

DÉCISION SUR LA PEINE
______________________________________________________________________

[1] Le tribunal doit déterminer la peine à imposer à l’accusée qui a reconnu sa culpabilité à 9 chefs d’accusation dans 4 dossiers, à savoir :
- En date du 3 juillet 2015, a fait défaut d’obtempérer à un ordre donné par un agent de la paix;
- En date du 28 septembre 2015, a, par négligence criminelle, causé des lésions corporelles à Denis Giroux, en conduisant un véhicule à moteur, et à la même date a conduit un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies par l’effet de l’alcool ou d’une drogue, et a causé par là des lésions corporelles à Denis Giroux;
- En date du 29 janvier 2016, a eu en sa possession de la cocaïne, et a volontairement entravé un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions en donnant un faux nom lors de son arrestation,
- En date du 29 janvier 2016, a brisé 4 conditions de son engagement signé le 5 décembre 2015.
Le contexte factuel des infractions

[2] Le 3 juillet 2015, madame Sansfaçon-Kanaan est interceptée pour une infraction au Code de la sécurité routière. Les policiers constatent des symptômes d’ébriété. Ils somment madame de se soumettre à un test de détection approuvé. Elle refuse catégoriquement de souffler dans l’ADA.

[3] Le 28 septembre 2015, madame Sansfaçon-Kanaan a le mal de vivre en raison d’une rupture amoureuse. Elle consomme de l’alcool et des drogues, et elle écrit sur son compte Facebook « bye life ». Vers 14 h, elle prend le volant de son véhicule, une BMW blanche de l’année 2011, et s’engage sur l’autoroute 50 en direction est.

[4] À l’approche de la sortie Montée-Paiement, elle prend le demi-tour réservé aux véhicules d’urgence pour prendre l’autoroute 50 en direction ouest, mais dans le sens contraire à la circulation. Elle s’engage sur l’autoroute en sens inverse de la circulation, accélère à vive allure et circule sur une distance de près d’un kilomètre dans la voie de droite, et fonce vers un véhicule récréatif qui donne un coup de volant, mais la BMW percute la partie arrière de celui-ci, et le véhicule se renverse sur le côté. À la suite de l’impact, la BMW frappe de plein fouet le véhicule qui suit le véhicule récréatif dans lequel prend place la victime, Monsieur Giroux.

[5] Les accidents sont causés alors que madame est intoxiquée par une combinaison d’alcool et de drogue et tente de s’enlever la vie.

[6] Les deux occupants du véhicule récréatif subissent des blessures mineures et n’en conservent aucune séquelle.

[7] Monsieur Giroux subit plusieurs fractures, à l’avant-bras droit, au sternum, à deux doigts et quatre côtes. Il en conserve des séquelles importantes.

[8] À la suite de l’accident, madame subit des fractures aux deux chevilles, des lésions internes, des fractures aux côtes, et un poumon perforé. Elle est hospitalisée plusieurs semaines de sorte que les policiers ne peuvent intervenir. Le 12 novembre 2015, elle est transférée au Centre de réadaptation La Ressource ou elle entreprend un processus de réhabilitation.

[9] Le 4 décembre 2015, madame est mise en état d’arrestation pour les infractions du 29 septembre. Le 5 décembre, elle est libérée sur engagement de verser la somme de 500 $ à titre de caution, de ne pas consommer de l’alcool et toute drogue, s’engager dans une thérapie concernant sa problématique de drogue et d’alcool, ne conduire aucun véhicule à moteur, et enfin un couvre-feu lui est imposé.

[10] Le 29 janvier 2016, madame est passagère dans un véhicule qui est intercepté pour un contrôle routier. Elle est intoxiquée. Elle s’identifie volontairement, mais elle donne un faux nom. Après vérification de l’identité, l’agent constate que madame est sous le coup d’un engagement et qu’elle contrevient à 4 de ses conditions soit, celle de garder la paix et avoir une bonne conduite, s’abstenir de consommer toute boisson alcoolique et des drogues, et celle d’être à sa résidence entre 21 h et 7 heures. Elle est mise en état d’arrestation. Elle offre une résistance, elle s’agite, se débat, ne veut pas être arrêtée. Lors de la fouille, 0,3 gr de cocaïne est trouvée dans ses effets personnels.

[11] Le 5 février 2016, madame Sansfaçon-Kanaan signe un nouvel engagement dont l’une des conditions est de s’engager dans une thérapie au Centre d’aide Alcoolique Toxicomanie Sentier du nouveau jour.

[12] Le 15 mars 2016, madame est expulsée de sa thérapie pour non-respect des règlements, alors qu’elle est trouvée en possession d’un cellulaire. Elle est accusée à St-Jérôme pour non-respect des conditions de son engagement.

[13] Le 24 mars 2016, l’engagement est modifié afin de permettre à madame d’entreprendre une thérapie en milieu fermé à la Maison Hamford pour vaincre sa toxicomanie. Le 26 avril 2016, elle est expulsée de la maison de thérapie dans un contexte de relations intimes avec un membre du personnel.

[14] Le 28 avril 2016, elle plaide coupable à St-Jérôme à des accusations de bris d’engagement. Elle reçoit une peine de détention de 2 jours considérant une détention préventive de 5 jours. Elle est détenue de façon continue depuis.

[15] En mai 2016, une évaluation sur la responsabilité criminelle est ordonnée. Le 13 juin 2016, le rapport d’évaluation effectué par le Dr Olivier Triffault, psychiatre, est produit.

[16] Dans son rapport, on apprend que madame a été hospitalisée à 4 reprises pour des tentatives suicidaires en 2009, 2013, 2014 et 2015, à chaque fois dans un contexte d’abus de substances, de violence conjugale et/ou de rupture amoureuse. À chaque hospitalisation, madame est référée en thérapie qu’elle n’a jamais entreprise.

[17] Le Dr Triffault retient les diagnostics suivants : trouble de la personnalité limite, trouble de la personnalité histrionique, trait de la personnalité narcissique, et trait de la personnalité antisociale. Il ajoute que le problème de toxicomanie de madame vient alourdir ses difficultés personnelles, « d’autant qu’elle le reconnaît mal et le minimise ». Il note qu’en 2015, les manifestations d’anxiété et de dépression de madame étaient fortement liées à sa consommation (suivi de sevrage) de cocaïne et d’alcool. Il est d’avis que l’état de madame le jour des événements est surtout expliqué par une intoxication volontaire, mixte et importante. Il conclut que madame ne remplit pas les critères d’une défense de non-responsabilité criminelle selon l’article 16 (1) Ccr.

[18] Lors de l’évaluation présentencielle, l’agente fait ressortir la fragilité de l’accusée sur le plan affectif. Elle provient d’un environnement familial éclaté et dysfonctionnel, où elle est témoin et victime de violence familiale. Elle se maintient dans un mode de vie oisif axé sur la satisfaction de ses besoins, sur la consommation de stupéfiants et la fréquentation de personnes criminalisées et toxicomanes. La toxicomanie semble avoir répondu à un besoin de s’évader de sa réalité. Sur le plan conjugal, elle a connu des relations qui se sont avérées malsaines, empreintes de violence et de consommation de psychotropes. Elle présente des difficultés certaines à gérer les ruptures amoureuses ce qui la rend à risque de gestes suicidaires. Ces comportements destructeurs sont jumelés à une intoxication à l’alcool et à la drogue.

[19] Madame débute sa consommation vers l’âge de 18 ans. Outre les deux tentatives de thérapies ordonnées par la Cour en 2016, madame n’a jamais entrepris de suivi en ce sens.

[20] L’agente est d’avis que les accusations sont en lien avec sa désorganisation sur le plan de la santé mentale et la toxicomanie. Elle ajoute « sur le plan criminologique, les passages à l’acte découlent directement d’une problématique de toxicomanie, lacunes quant à la gestion de ses émotions et d’une faible capacité quant à la résolution de problèmes. De plus des valeurs laxistes, une insouciance et des traits de personnalité immature sont aussi des facteurs contributifs au délit ».

[21] En ce qui a trait aux présentes accusations, l’agent note que bien que madame verbalise des regrets, « sa réflexion entourant les événements est peu réfléchie. Elle tend à sa déresponsabiliser en projetant la faute sur les affects dépressifs ressentis à ces moments ou sur les policiers qui l’ont arrêtée. Elle démontre peu d’introspection et elle semble davantage centrée sur elle-même. Ainsi, madame nous apparaît peu conscientisée ».

[22] En regard du projet de réinsertion sociale de madame de retourner aux études, et de s’impliquer dans un suivi psychologique, l’agente écrit « le projet présenté est incomplet et irréaliste à certains égards. En effet, il répond partiellement à ses besoins criminogènes. Nous pensons qu’elle devrait stabiliser ses sphères de vie avant d’entreprendre des études. De plus, il s’avère essentiel qu’elle entreprenne une démarche thérapeutique liée à sa problématique de consommation ainsi qu’un suivi thérapeutique »

[23] Elle ajoute « De plus, nous constatons que le présent processus judiciaire n’a pas eu l’effet dissuasif escompté. Nous relevons différentes récidives et des bris de conditions depuis 2015. Outre ses affects dépressifs qu’elle met de l’avant, elle ne reconnaît pas sa problématique de toxicomanie, difficulté au cœur de sa problématique. Son milieu social présente peu de personnes pour la soutenir dans sa réinsertion sociale, outre sa mère. Pour toutes ces raisons, nous considérons que madame présente un risque de récidive élevé. »

[24] Elle conclut comme suit « en regard de tout ce qui précède, nous pensons que madame devrait être confrontée aux conséquences de ses gestes. Elle aurait intérêt à entreprendre une réflexion sur les causes inhérentes à sa criminalité et à remettre en question son mode de vie »

[25] L’agent identifie madame comme nécessitant un suivi psychiatrique et une thérapie en toxicomanie pour éviter toute récidive.

[26] Lors de l’audition sur la sentence qui s’est tenue le 26 octobre 2016, madame Sansfaçon-Kanaan s’est fait entendre. Elle lit une lettre à la victime, dans laquelle elle lui présente des excuses, et lui manifeste des regrets de l’avoir impliquée dans son désespoir et de l’avoir blessée. Elle évoque comme cause de l’accident, sa maladie mentale omniprésente, son mal de vivre si intense « que je n’y voyais plus clair, j’ai passé à l’acte ». Elle parle longuement des blessures qu’elle a subies lors de l’accident, de sa réhabilitation, de ses limitations, de son désir de retourner aux études, et de travailler, bref de retrouver une vie plus saine et normale.

[27] Elle déclare qu’elle est sobre depuis son incarcération le 28 janvier 2016. Elle a participé à des réunions NA et AA alors qu’elle était en détention. Elle a également une marraine qu’elle peut contacter au besoin. Elle envisage d’assurer un suivi psychiatrique, et psychologique à l’externe. Relativement à ses problèmes de toxicomanie, elle se décrit comme une consommatrice et une dépendante « récréationnelle » plutôt qu’une toxicomane. Elle entend poursuivre les rencontres NA et AA.

[28] Elle projette retourner aux études dans le domaine dentaire, soit comme hygiéniste ou assistante, et travailler à temps partiel dans son domaine d’études, en coiffure et maquillage.

[29] Elle veut reprendre une meilleure routine de vie. Elle se sent mieux supportée par sa famille.

[30] Madame Gantous, cousine de l’accusée, a témoigné. Elle est propriétaire d’un salon de coiffure et d’esthétique. Elle avait pris ses distances de l’accusée en raison de sa consommation et de son mode de vie qu’elle ne partage pas. Elle a repris contact avec elle après son incarcération. Elle l’a visité à 5 ou 6 reprises en détention. Elle soutient qu’il s’agit d’une fille généreuse qui mérite une deuxième chance. Elle lui a pardonné. Elle est prête à l’accueillir à sa sortie de détention et à lui offrir un emploi à temps partiel.
Témoignage de la victime

[31] Lors de son témoignage, monsieur Giroux fait état des multiples séquelles engendrées par l’accident.

[32] Outre les conséquences physiques telles que, fracture de 4 côtes, du sternum, de deux doigts de la main gauche, et à l’avant-bras droit, il parle des douleurs importantes associées aux fractures des côtes et aux chirurgies aux doigts. Il est toujours en attente d’une rencontre en neurologie associée aux douleurs à la main gauche.

[33] Il parle avec beaucoup d’émotion des blessures aux doigts qui lui ont laissé une perte de dextérité faisant en sorte qu’il ne peut plus jouer du piano et s’adonner comme avant à sa passion qui est de jouer de la guitare qui lui rapportait un revenu d’appoint. Outre les séquelles financières, il a aussi fait état des séquelles psychologiques, et émotionnelles qui sont toujours bien présentes dans sa vie notamment sa peur de conduire, et les images de l’impact et du ressenti sur son corps lors de l’accident qui ne l’ont jamais quitté.

Position des procureurs
[34] Soulignant la gravité des infractions et les conséquences de celles-ci, la poursuite suggère au tribunal une peine de pénitencier entre 4 et 5 ans.

[35] Il attire l’attention du tribunal sur la conduite délibérée et téméraire de l’accusée. Il qualifie le rapport présentenciel de négatif surtout en regard du manque d’empathie et de remords de l’accusée, de l’absence de remise en question, et de la négation de sa problématique de toxicomanie.

[36] Tout en reconnaissant la gravité des infractions, Me Labrosse souligne les circonstances atténuantes et le fait qu’on ne peut dissocier la conduite de l’accusée de son état de détresse psychologique, les démarches faites par madame en détention pour gérer ses problèmes, ses projets de sortie. Il estime que l’accusée pourrait se voir imposer une peine de 18 mois.

Principe de détermination de la peine

[37] En plus de contribuer au respect des lois et au maintien d’une société juste, paisible et sure, l’imposition d’une peine doit tendre à dénoncer le comportement illégal, dissuader le délinquant et quiconque de commettre des infractions, isoler, au besoin, le délinquant du reste de la société, favoriser la réinsertion sociale des délinquants, assurer la réparation des torts causés aux victimes et à la collectivité, et susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort causé aux victimes et à la société.

[38] Rappelons que la peine est un processus individualisé et doit être proportionnelle à la responsabilité criminelle du délinquant.

[39] La peine doit aussi être évaluée en tenant compte des facteurs aggravants et atténuants.
Décisions soumises par les procureurs

[40] Le tribunal a également pris connaissance des décisions soumises par les procureurs et en a consulté plusieurs autres.

[41] Dans la décision soumise par le poursuivant, R. c Brewer[1], l’accusé a reconnu sa culpabilité à deux chefs de négligence criminelle dans la conduite d’un véhicule automobile ayant causé des lésions corporelles à deux personnes.

[42] À la même date, il plaide coupable à une accusation de conduite dangereuse dans le contexte d’une poursuite policière survenue en 2012, sans lien avec les accusations précédentes, et à un bris d’engagement en conduisant un véhicule automobile à l’encontre d’une condition.

[43] Après avoir consommé de l‘alcool et des drogues, l’accusé a pris le volant d’un véhicule moteur et dans l’intention de s’enlever la vie a donné un coup de volant, heurtant plusieurs véhicules venant en sens inverse de la circulation et causant des blessures sérieuses à deux personnes.

[44] Il est condamné à 4 ans et demi de pénitencier sur chacun des chefs de négligence criminelle causant des lésions, à un an consécutif sur le chef de conduite dangereuse, à trois mois concurrents sur le chef de bris d’engagement. Le tribunal lui impose également une interdiction de conduire de 10 ans.

[45] Le juge fait siens les propos de la Cour d’appel de l’Ontario dans R. c. Linden[2], qu’il convient de reproduire :
« (52) The only principle that can be stated with assurance concerning this offense is that, where the offense involves not only driving conduct but the consumption of alcohol, the sentences have tended to increased severity over the past twenty years. Otherwise, the particular offense is very much driven by individual factors, especially the blameworthiness of the conduct. The more that the conduct tends toward demonstrating a deliberate endangerment of other users of the road and pedestrians, the more serious the offense and more likely that a lengthy prison term will be required. »

[46] Le juge énumère certains facteurs à prendre en considération dans ce type d’infraction soit l’âge de l’accusé, les circonstances de l’accident, la durée de la conduite déficiente, les antécédents judiciaires, le degré d’aberration dans la conduite par rapport à la norme, les particularités de la route, l’usage d’alcool ou de drogue, comme autant de facteurs qui jouent sur la culpabilité morale de l’accusé et la sentence à imposer.

[47] Il cite plusieurs jugements qui révèlent une fourchette des peines variant entre 6 mois et 4 ans et demi d’emprisonnement.

[48] Le juge note qu’il y a peu de circonstances atténuantes outre le plaidoyer de culpabilité et l’absence de condamnations antérieures en semblable matière. Il retient comme facteurs aggravants, la vitesse excessive, la conduite délibérée et aberrante, le haut degré de risque auquel l’accusé a soumis les deux victimes et les occupants des autres véhicules impliqués. Il ajoute qu’il ne s’agit pas d’une erreur de jugement, ou d’une inadvertance. Il considère que ces facteurs aggravants augmentent la culpabilité morale de l’accusé, à un niveau plus élevé.

[49] La défense a soumis de la jurisprudence qui a imposé des peines en dessous de celle soumise par la poursuite variant de 9 mois à 18 mois.

[50] Dans R. c. Duval[3], l’accusé reconnait sa culpabilité à des accusations de négligence criminelle causant la mort, de négligence criminelle causant des lésions et de conduite dangereuse.

[51] L’accusé consomme de l’alcool et prend le volant de son véhicule. À la sortie du bar, il fait crisser ses pneus. Des policiers le prennent en poursuite. Il accélère et atteint une vitesse dépassant 200 km/h sur une distance d’environ 3 kilomètres. Il perd la maîtrise de son véhicule et deux passagers sont en sont éjectés. L’une des victimes décède et l’autre subit des blessures graves. L’accusé assume l’entière responsabilité des gestes posés et des conséquences. Il en éprouve beaucoup de regrets. Le rapport présentenciel est très favorable. L’agent est d’avis que les risques de récidive sont peu probables et que le manque de jugement et les conséquences désastreuses constituent une triste erreur de parcours.

[52] Il est condamné à une peine de 2 ans moins 1 jour sur le chef d’avoir causé la mort par négligence criminelle et à 18 mois concurrents sur les autres chefs de négligence criminelle ayant causé des lésions et de conduite dangereuse.

[53] Le juge est d’avis, après avoir pris connaissance de nombreuses décisions, qu’une peine globale de 30 mois pourrait être envisagée, cependant il ajoute « l’accusé qui n’avait que 18 ans au moment de la commission des délits, avait alors une conduite irréprochable et il a eu, depuis les événements un comportement exemplaire. Le tribunal doit en tenir compte et ne peut ignorer le critère de réhabilitation qui, dans le présent cas, ne fait aucun doute. »

[54] Dans R. c. Landry[4], l’accusé s’est reconnu coupable d’un chef de facultés affaiblies causant des lésions corporelles. Il est condamné à 18 mois d’emprisonnement. L’accusé consomme de l’alcool chez un ami puis dans un bar. Peu après, il heurte un véhicule circulant en sens inverse et blesse très sérieusement le conducteur. L’accusé n’a aucun souvenir des événements. Son taux d’alcool est très élevé. Il est aussi blessé dans l’accident. Le tribunal considère le taux élevé d’alcool, la responsabilité entière de l’accusé, et les conséquences désastreuses pour la victime. Il retient que l’accusé a 22 ans, sans antécédent judiciaire, est un bon travailleur, il plaide coupable, le rapport présentenciel est positif, et il est prêt à indemniser la victime.

[55] Dans R. c. Pétrin[5], le juge impose une peine d’emprisonnement de 9 mois à l’accusé qui se reconnaît coupable de conduite dangereuse causant des lésions corporelles et d’entrave. Dans cette affaire, en raison de la vitesse excessive, l’accusé perd le contrôle de son véhicule qui se retrouve à la renverse dans un fossé. La passagère est blessée. L’accusé, âgé de 19 ans, avait un permis probatoire et avait consommé de l’alcool.

[56] Le juge retient comme facteur atténuant le jeune âge de l’accusé, l’absence de condamnations antérieures, ses regrets, sa stabilité dans toutes les sphères de sa vie, le faible risque de récidive.

[57] Dans R. c. Gilbert[6], le tribunal impose une peine de 12 mois à un jeune conducteur de 18 ans, qui circule à une vitesse excessive pour essayer sa nouvelle voiture, perd le contrôle de son véhicule sur une route enneigée pour ensuite frapper un lampadaire. Le juge tient compte des facteurs aggravants suivants : le niveau élevé d’insouciance et de témérité; la vitesse excessive, les lésions importantes à la victime. Il retient les facteurs atténuants suivant : la reconnaissance de sa culpabilité, son jeune âge, l’absence d’antécédents judiciaires, les regrets sincères, sa prise de conscience sur la conduite automobile, l’acceptation de son acte répréhensible, les séquelles du traumatisme qu’il subit, le rapport présentenciel favorable.

[58] Le Tribunal rappelle le passage suivant de l’arrêt Proulx[7], où le juge Lamer, à propos d’une infraction de conduite dangereuse, écrit :
« De plus, il est possible que la conduite dangereuse et la conduite avec les facultés affaiblies soient des infractions à l’égard desquelles il est plus probable que l’infliction de peines sévères ait un effet dissuasif général. Souvent ces crimes sont commis par des citoyens qui respectent la Loi, qui sont de bons travailleurs et qui ont un conjoint et des enfants, il est possible de supposer qu’il s’agit là des personnes les plus susceptibles d’être dissuadées par la menace de peines sévères. »

Analyse
[59] Les infractions de négligence criminelle causant des lésions et de facultés affaiblies causant lésions sont objectivement graves et comportent des peines maximales de 10 ans d’emprisonnement.

[60] La gravité objective est aussi à souligner. En l’espèce, il s’agit d’un crime commis avec une insouciance téméraire sans respect pour la vie et la sécurité d’autrui.

[61] La faute de l’accusée réside d’abord dans le fait de consommer de l’alcool et des drogues au point d’affaiblir sa capacité de conduire et de prendre le volant dans cet état, mais aussi d’avoir délibérément conduit son véhicule de façon telle que la mort ou à tout le moins des blessures graves allaient nécessairement en découler.

[62] Plus grave encore est la conduite de l’accusée en conduisant dans la voie inverse d’une autoroute sans autre raison que la négligence de ce faire en attendant en quelque sorte l’impact fatal.

[63] Les gestes de l’accusée démontrent clairement une insouciance grossière et déréglée pour la vie et la sécurité d’autrui. Un conducteur ne s’attend pas à une conduite comme celle de l’accusée et ne peut se prémunir contre un danger aussi foudroyant.

[64] Comme l’a spécifié le juge Corry de la Cour suprême du Canada dans R. c. Bernshaw[8], se référant à l’arrêt Galaske c. O’Donnel[9] :
« Conduire un véhicule automobile n’est ni un droit naturel ni un droit constitutionnel. Il s’agit d’un privilège qui tient plutôt à la possession d’un permis. À chaque droit correspond des obligations et des responsabilités. C’est le cas du droit d’un conducteur de faire preuve de diligence raisonnable dans la conduite de son véhicule et plus précisément, de conduire de façon à ne pas mettre le public en danger »

[65] En l’occurrence, l’accusée ne s’est pas acquittée de ses obligations et responsabilités. Elle a fait fi de la sécurité des autres et de la sienne en prenant le volant alors qu’elle n’était manifestement pas dans un état de conduire correctement et sans danger.

[66] Bien que la preuve révèle que madame était dans un état de détresse, voulant mettre fin à ses jours, cet état était manifestement exacerbé par la consommation volontaire de drogue et d’alcool.

[67] Par conséquent, l’état de détresse de l’accusée causée par la rupture amoureuse atténue très peu à la gravité de la situation, car il s’agit de crimes commis avec une insouciance téméraire et déréglée, sans respect pour la vie et la sécurité d’autrui. On ne peut parler d’un accident, d’une erreur de conduite ou d’une simple négligence, mais au contraire d’un geste délibéré pour rechercher l’impact fatal.



[68] Le tribunal retient les facteurs aggravants suivants :
• L’état d’intoxication volontaire de l’accusée par l’alcool et la drogue ainsi que la conduite automobile négligente et inconsciente face aux conséquences pour autrui;
• La responsabilité entière de l’accusée;
• Les conséquences physiques, émotionnelles et financières pour la victime;
• Le rapport présentenciel plutôt défavorable concluant aux chances élevées de récidive;
• Le fait que l’accusée ne reconnaît pas sa problématique de toxicomanie « au cœur de sa dynamique » selon l’agente de probation, et l’absence réelle de remise en question de l’accusée, qui après sa remise en liberté en décembre 2015, contrevient à 4 de ses conditions, et est expulsée de deux Centres de thérapie;
• Les antécédents judiciaires de l’accusée en matière de conduite avec les facultés affaiblies en 2012, et le fait que lors de l’infraction de négligence criminelle et de facultés affaiblies causant lésions en décembre 2015, madame avait un dossier pendant en matière de conduite automobile.

[69] Pour ce qui est des facteurs atténuants, le tribunal prend en considération :
• Le plaidoyer de culpabilité;
• Bien que tardifs, les remords exprimés pour la victime lors de l’audition sur la peine et qui paraissent sincères;
• La détresse psychologique;
• L’accusée a aussi subi des séquelles de l’accident;
La peine appropriée

[70] Considérant les circonstances des infractions commises, le degré de faute de l’accusée qui est entier, les conséquences difficiles pour la victime qui sont toujours présentes et qui résultent des gestes téméraires et insouciants posés par l’accusée pour la vie et la sécurité d’autrui, les antécédents judiciaires en matière de conduite automobile, le rapport présentenciel peu favorable, les risques de récidive en grande partie causés par le fait que l’accusée minimise sa problématique de toxicomanie, le tribunal est d’avis que les facteurs personnels à l’accusé, et les remords exprimés par celle-ci en octobre dernier, ne compensent pas le besoin de dissuasion personnelle et de réprobation sociale devant l’ampleur des circonstances aggravantes.

[71] En l’espèce, tout comme l’a souligné l’agente de probation, les facteurs de dissuasion, et de prévention doivent primer sur la réhabilitation et la réinsertion sociale de l’accusée.

[72] L’ensemble de tous ces facteurs distingue la présente affaire de celles soumises par la défense pour appuyer sa position d’une peine de 18 mois, et du jugement soumis par le poursuivant, alors que l’accusé avait fait deux victimes, bien que l’affaire présente de grandes similarités au niveau factuel.

[73] Après avoir considéré l’ensemble des circonstances, et tous les facteurs applicables, et après études des jugements soumis par les procureurs, le tribunal en arrive à la conclusion qu’une peine d’emprisonnement totale de 31 mois est une peine juste, équitable et appropriée dans les circonstances.

[74] En regard de la détention préventive, le tribunal tient compte du temps passé en thérapie malgré que l’accusée en ait été expulsée à deux reprises puisqu’elle a été privée de sa liberté durant ces périodes. L’accusée est donc détenue depuis le 29 janvier 2016, soit une période de 317 jours (3 jours en janvier, 300 jours de février à novembre, et 14 jours en décembre) calculés à taux et demi pour un total de 476 jours.

POUR CES MOTIFS :

[75] Dans le dossier 550-01-089901-153, condamne l’accusée à une peine d’emprisonnement de 30 mois sur le chef de négligence criminelle causant des lésions et de 30 mois sur le deuxième chef de facultés affaiblies causant des lésions, à être purgée de façon concurrente à la première peine. Le tribunal déduit du chef de négligence criminelle la détention préventive de 476 jours.

[76] Dans le dossier 550-01-088156-155, condamne l’accusée à une peine consécutive d’un mois sur le chef de refus d’obtempérer à un ordre d’un agent de la paix.

[77] Dans le dossier 550-01-090931-165, condamne l’accusée à une peine de 1 mois concurrent sur chacun des chefs.

[78] Dans le dossier 550-01-090930-167, condamne l’accusée à une peine de 1 mois concurrent sur chacun des chefs.

[79] Prononce une interdiction de conduire un véhicule moteur au Canada pour une période de 5 ans commençant au terme de l’incarcération;

[80] Interdit à l’accusée d’avoir en sa possession les armes à feu mentionnées à l’article 109(1)a) du Code criminel pour une période de dix ans;

[81] Dispense des frais, mais condamne l’accusée au paiement d’une suramende compensatoire;