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Syndicat de l'enseignement de l'Ouest de Montréal c. Commission scolaire Marguer

no. de référence : 2016 QCCA 1600

Syndicat de l'enseignement de l'Ouest de Montréal c. Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys
2016 QCCA 1600
COUR D'APPEL

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No :
500-09-025208-158

(500-17-079608-132)


PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE


DATE :
Le 30 septembre 2016

CORAM : LES HONORABLES
MANON SAVARD, J.C.A.
JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A.
MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

APPELANT

AVOCAT


SYNDICAT DE L’ENSEIGNEMENT DE L’OUEST DE MONTRÉAL


Me MICHEL DAVIS présent)     
(Rivest, Schmidt)

INTIMÉE

AVOCATE


COMMISSION SCOLAIRE MARGUERITE-BOURGEOYS


Me MARIE-JOSÉE SIGOUIN (absente)     
(Avocats Le Corre & Associés)


MIS EN CAUSE




PAUL CHARLEBOIS, ès qualités d’arbitre de griefs     




Requête pour permission d’appeler d’un jugement rendu le 26 mars 2015 par l’honorable Marie-France Courville, de la Cour supérieure, district de Montréal et déférée à une formation de la Cour d’appel, le 19 août 2015 par l’honorable Marie St‑Pierre, J.C.A.

(Art. 26, alinéa 2 et 494 a.C.p.c.)



NATURE DE L'APPEL :

Révision judiciaire – grief - prescription     

Greffière d’audience : Marcelle Desmarais

Salle : Antonio-Lamer






AUDITION


9 h 30

Suite de l’audition du 26 septembre 2016



Arrêt déposé ce jour – voir page 4.






































Marcelle Desmarais

Greffière d’audience



PAR LA COUR


ARRÊT

[1] Le 30 septembre 2013, après 12 jours d’audition et un délibéré de près de 3 ans, l’arbitre Paul Charlebois rejette le grief déposé par le requérant, le Syndicat de l’enseignement de l’ouest de Montréal, au motif que celui-ci n’a pas été déposé dans le délai prescrit à la convention collective. Ce faisant, l’arbitre ne se prononce pas sur le fond du grief contestant notamment la décision de l’intimée, la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys, voulant que l’enseignante, Madame Lapierre, soit incapable de faire son travail.

[2] Le Syndicat échoue dans sa tentative de faire casser cette décision par la Cour supérieure qui, le 26 mars 2015, rejette la requête en révision judiciaire de cette sentence arbitrale[1].

[3] Le Syndicat sollicite la permission d’appeler de ce jugement[2]. S’il est autorisé à ce faire, il demande à la Cour d’infirmer ce jugement, d’annuler la sentence arbitrale et de retourner le grief contestant l’inaptitude de la plaignante à effectuer son travail à un autre arbitre afin qu’il en décide sur le fond.

[4] Il est acquis que la juge de première instance a correctement identifié la norme de contrôle applicable à la sentence arbitrale, soit celle de la décision raisonnable. Le pourvoi ne soulève donc qu’une seule question, soit celle de déterminer si elle s’est conformée à cette norme en rejetant la requête en révision judiciaire du Syndicat (ou le pourvoi en contrôle judiciaire selon l’expression en usage dans le nouveau Code de procédure civile (RLRQ, c. C-25.01)).

[5] La Cour est d’avis que la juge de première instance aurait dû donner raison au Syndicat et casser la sentence arbitrale attaquée. Celle-ci est déraisonnable puisque l’arbitre, ayant erré dans l’identification et l’application des règles interprétatives du grief, a erronément identifié son objet, viciant ainsi la prémisse fondamentale de son raisonnement. Une interprétation du grief respectueuse des principes jurisprudentiels et une analyse de la preuve soumise au dossier démontrent que le litige relatif à la capacité de l’enseignante à effectuer son travail n’était pas prescrit et que l’arbitre avait compétence pour disposer du fond de cette question.

* * *

[6] Un bref survol des faits s’impose.

[7] Depuis de nombreuses années, Madame Lapierre occupe un poste d’enseignante à la Commission scolaire. À la suite de divers événements lors desquels son comportement suscite des interrogations, la Commission scolaire demande à ce que l’enseignante subisse une évaluation médicale par le Dr Gingras, un de ses médecins-conseils, afin d’évaluer sa capacité à occuper ses fonctions. Le 4 novembre 2008, dans l’attente de cette évaluation, l’enseignante est retirée de ses fonctions, avec plein salaire.

[8] Une semaine plus tard, le 13 novembre 2008, l’enseignante rencontre le Dr Gingras qui ne peut identifier une pathologie invalidante, mais suggère qu’elle soit vue par un psychiatre pour permettre un diagnostic plus précis. Il obtient également l’autorisation de l’enseignante pour obtenir une copie de son dossier médical complet. À compter de cette date et dans l’attente de l’expertise demandée auprès du psychiatre Dr Gauthier par la Commission scolaire, cette dernière verse à l’enseignante les prestations d’invalidité prévues à la convention collective, représentant 75 % de son traitement habituel.

[9] Le Dr Gauthier examine l’enseignante le 9 décembre 2008. La Commission scolaire reçoit son rapport le 5 janvier suivant. Il estime que sa condition médicale n’est pas incompatible avec un travail d’enseignante, mais recommande (1) une aide psychothérapeutique et un soutien dans le cadre de son travail; et (2) une évaluation neuropsychologique avant un retour au travail.

[10] Dans les jours suivant la réception de cette expertise, la Commission scolaire reçoit également le dossier médical complet de l’enseignante, tel que requis aux termes de l’autorisation d’accès signée précédemment. À la lumière des informations qu’il contient, elle demande à l’enseignante de voir à nouveau le Dr Gauthier. La lettre de convocation, datée du 13 février 2009, précise que cette demande s’inscrit « [d]ans le cadre du processus d’évaluation de votre état de santé ». Il y est également indiqué que « cet examen se fait en conformité avec votre convention collective ». Cette seconde expertise auprès de Dr Gauthier doit avoir lieu le 23 février 2009.

[11] Entre-temps, le 20 février 2009, le Syndicat dépose un grief au nom de l’enseignante dont le libellé est au cœur du litige entre les parties. Nous y reviendrons.

[12] Entre les mois de novembre 2009 et septembre 2010, l’arbitre Charlebois entend les parties. En tout début d’audience, la Commission scolaire soulève une objection préliminaire alléguant que le grief aurait été déposé hors délai et requiert son rejet pour ce seul motif. Elle soutient ainsi que le grief n’a pas été déposé dans le délai de rigueur de 40 jours ouvrables prescrit à la convention collective. L’arbitre prend ce moyen préliminaire sous réserve et, conformément aux enseignements de la Cour, entend la preuve sur le fond du grief. Au cours des 12 jours d’audience, l’arbitre entendra 14 témoins, dont 3 témoins experts, l’un d’eux étant maintenant décédé, entre autres sur la décision de la Commission scolaire de retirer l’enseignante du travail et sa capacité à occuper son poste. Plus de 75 pièces sont déposées.

[13] Le 30 septembre 2013[3], l’arbitre rend sa sentence arbitrale et, comme mentionné en introduction, rejette le grief sur la seule base de la prescription, sans émettre, de façon subsidiaire, son opinion sur la capacité de travail de l’enseignante[4].

* * *

[14] Nul ne conteste que, conformément à l’article 9-1.07 de la convention collective liant les parties, le délai pour soumettre un grief est de rigueur et qu’aucune entente n’est intervenue entre les parties pour le prolonger. Selon l’article 9-1.03[5], l’avis de grief devait donc être transmis « dans les 40 jours de la date de l’évènement qui a donné naissance au grief », les jours étant définis comme ceux compris dans le calendrier scolaire.

[15] Le litige ici repose sur le libellé du grief, qu’il convient de reproduire :

La Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys contrevient aux conditions de travail en vigueur, particulièrement, mais non limitativement aux articles 5-10.00 et 14-3.00 et aux clauses 5-10.27, 5-10.34 et 14-3.02 ainsi qu’aux articles 1, 4 et 5 de la Charte des droits et libertés de la personne et aux articles 2085 et 2087 du Code civil du Québec.

En effet, à compter du 4 novembre, 2008 la Commission retirait unilatéralement Mme Lapierre du travail afin de lui faire subir une expertise médicale. Ainsi, du 4 novembre 2008 au 12 novembre 2008, Mme Lapierre était empêchée d’exécuter ses fonctions et elle a été rémunérée à 100% de son traitement.

Toutefois, et à compter du 13 novembre 2008 et jusqu’à ce jour, Mme Lapierre est rémunérée à 75% de son traitement comme si elle était en invalidité au sens de la clause 5-10.27 des dispositions nationales.

La Commission scolaire enfreint les dispositions en vigueur et la Loi en ne permettant pas â la plaignante d’exécuter sa prestation de travail. Par ailleurs, en plus de porter atteinte aux droits fondamentaux de Mme Lapierre, incluant son droit à la dignité et â la vie privée, la Commission viole les dispositions nationales puisque celles-ci ne permettent d’exiger un examen médical qu’en cas d’absence pour invalidité.

CORRECTIFS REQUIS

Nous demandons à la Commission :

1. De reconnaître la violation des articles et clauses précités de la Loi et des dispositions en vigueur;

2. En conséquence, de réintégrer Mme Lapierre dans ses fonctions, avec tous ses droits et privilèges;

3. De verser à Mme Lapierre le traitement qui lui est dû suite à l’application erronée de la clause 5-10.27;

4. de verser à Mme Lapierre une somme équitable en regard des dommages subis, incluant les dommages moraux et les dommages punitifs, et ce, avec les intérêts prévus au Code du travail.

[Soulignement ajouté.]

[16] On note que, conformément aux exigences de l’article 9-1.03 de la convention collective, le Syndicat y énonce les faits à l’origine du grief, de façon chronologique, les dispositions pertinentes de la convention collective et, en termes généraux, les correctifs recherchés. Il réfère notamment à l’article 5-10.27 de la convention collective, qui porte sur la prestation (75 % du salaire) à laquelle une enseignante a droit « pour toute période d’invalidité durant laquelle elle […] est absent[e] », de même qu’à l’article 5‑10.34 qui encadre, entre autres, le droit de la Commission scolaire d’exiger un certificat médical ou un examen médical.

[17] Par contre, malgré un libellé passablement détaillé, il est indéniable que la facture du grief aurait pu être plus précise et que le Syndicat aurait eu avantage à préciser les décisions de la Commission scolaire qui y sont ici contestées, les correctifs recherchés y étant énoncés en termes généraux, sans lien avec les premières.

[18] L’arbitre Charlebois retient que les trois « éléments de reproche » formulés par le Syndicat dans son grief sont circonscrits à des dates précises, toutes à plus de 40 jours du dépôt du grief : (1) le retrait de travail de l’enseignante le 4 novembre 2008, (2) le début de son invalidité le 13 novembre 2008 et (3) l’expertise médicale du Dr Gauthier du 9 décembre 2008. Après avoir énoncé la position des parties, l’arbitre écrit :

Avec déférence, il nous est impossible d’abonder dans ce sens qui ne tient aucunement compte du libellé du grief qui nous est soumis et qui, nous le rappelons, est la pièce introductive et restrictive du droit allégué par la Plaignante.

Le grief, tel que libellé et déposé au Tribunal, réfère explicitement à deux éléments de reproche clairement identifiés soient : le retrait du travail situé le 4 novembre 2008 et la mise en congé d’invalidité située au 13 novembre 2008. Ces deux dates sont manifestement hors délai.

Le troisième reproche adressé à l’Employeur n’est pas daté mais, en analysant son libellé, juste avant la liste des correctifs demandés, nous en venons à la conclusion qu’il ne peut s’agir que de l’exigence faite à la plaignante de rencontrer le Dr Gauthier et cette rencontre en expertise se situe le 9 décembre 2008. Le grief conteste bel et bien l’exigence d’un examen médical et non la réception d’un rapport médical. Le dossier démontre sans doute possible que cet examen s’est effectué le 9 décembre 2008 et que cette date est manifestement hors délai.

[Soulignement ajouté.]

[19] L’arbitre rejette aussi l’argument du Syndicat voulant que la décision de la Commission scolaire ne se soit cristallisée que le 5 janvier 2009 à la suite de la réception du rapport du Dr Gauthier qui était le premier à se prononcer sur la capacité de l’enseignante d’occuper son poste et que ce soit cette date qui doit être considérée comme point de départ de la prescription.

[20] L’arbitre estime qu’on ne peut trouver à cette prétention une assise dans le grief à moins d’en modifier substantiellement le libellé, ce qui altérerait la nature et la portée du grief et aurait pour effet de permettre la rédaction d’un tout nouveau grief. De surcroît, l’arbitre précise que le libellé mentionne expressément que la décision définitive de la Commission scolaire de considérer l’enseignante en invalidité a été prise le 13 novembre 2008, ce qui contredit de plein fouet la prétention du Syndicat. Il rejette finalement l’argument voulant qu’il s’agisse ici d’un grief continu.

[21] La juge de première instance y voit là une décision raisonnable. Elle note que le Syndicat reconnaît que le libellé du grief n’est pas suffisamment précis et que, pour l’essentiel, elle doit déférence à l’interprétation retenue par l’arbitre qui a agi dans le cadre de sa compétence spécialisée puisque celle-ci « s’inscrit dans les issues probables ».

* * * * *

[22] Avec égards, l’interprétation du grief retenue par l’arbitre repose sur une erreur de droit qui, à la lumière des faits de l’espèce, vicie son raisonnement et rend sa justification déraisonnable. Ce faisant, l’arbitre fait montre d’un rigorisme excessif, contraire aux règles interprétatives autrement applicables, qui conduit au rejet du grief pour une question de délai plutôt que sur son bien-fondé[6]. Nulle interprétation raisonnable du grief ne saurait y aboutir. La Cour supérieure aurait dû intervenir, la décision ne faisant pas partie des issues raisonnables au regard des faits et du droit[7].

[23] Dans l’arrêt Parry Sound, la Cour suprême reprend la règle maintes fois énoncée voulant que le libellé d’un grief doit recevoir une interprétation libérale de sorte que le « grief véritable puisse être tranché et que la réparation appropriée soit accordée afin de régler les questions qui ont donné lieu au grief »[8].

[24] Déjà, en 1992, le juge LeBel, alors à la Cour, écrit au nom de la majorité que l’arbitre doit rechercher l’intention du plaignant lors de l’interprétation du libellé d’un grief :

Les griefs sont en principe des actes simples. Les rédigent habituellement des plaignants ou des représentants syndicaux qui, le plus souvent, ne possèdent pas de formation juridique. Il faut chercher à retrouver l’intention du plaignant et à faire primer celui-ci sur le texte.[9]

[Soulignement ajouté.]

[25] Dans l’arrêt Syndicat des salariés du meuble Caron Montmagny, la Cour déclare qu’ « [o]n doit éviter le formalisme en relations de travail dans l’interprétation du libellé de grief et [que] l’arbitre doit considérer le but visé par ce dernier en allant au-delà du sens littéral des mots »[10].

[26] Par ailleurs, dans l’arrêt Syndicat unifié du Littoral-Sud FSSS-CSN, la Cour précise que « […] lorsqu’il est appelé à se prononcer sur sa compétence, l’arbitre ne doit pas se limiter aux seules allégations contenues au libellé de grief, il doit aussi se référer au contexte de la contestation »[11].

[27] Encore tout récemment, la Cour, sous la plume de la juge Bich, reprend ces enseignements alors qu’elle écrit ce qui suit dans l’arrêt Syndicat du préhospitalier (FSSS-CSN) c. Corporation d’Urgences-Santé :

[55] Concédons tout de suite que le texte du grief n'est pas détaillé et ne précise pas les tenants et aboutissants de la mésentente. Cela, toutefois, n'est pas surprenant, mais s'accorde plutôt aux pratiques des milieux régis par une convention collective : les griefs sont notoirement libellés de manière succincte et n'ont rien de la requête introductive d'instance régie par le Code de procédure civile. Le contexte fait que, généralement, les parties savent à quoi s'en tenir – et c'est du reste le cas ici, alors que le grief permet « de saisir suffisamment l'objet de la contestation ou demande de manière à ce que l'autre partie puisse exercer, s'il y a lieu, son droit de défense et aussi, pour que l'on puisse, de toutes parts, circonscrire le débat ». De toute façon, ce n'est pas le libellé du grief qui, à lui seul, détermine la nature du litige, mais plutôt les « faits entourant le litige qui oppose les parties » et que celles-ci, en l'occurrence, connaissent bien.

[56] Les faits en question sont relatés dans les Admissions dont les parties ont convenu et complétés par une preuve administrée devant l'arbitre : c'est l'ensemble de ces faits qui importe ici et qui permet de définir la véritable nature du litige, dont le texte du grief ne donne qu'un aperçu.[12]

[Soulignement ajouté et renvois omis.]

[28] En l’occurrence, l’arbitre énonce erronément la règle de droit devant guider son interprétation du libellé du grief, tel qu’il appert d’un extrait de ses motifs reproduits au paragraphe [18], supra, que nous reproduisons à nouveau :

Avec déférence, il nous est impossible d’abonder dans ce sens qui ne tient aucunement compte du libellé du grief qui nous est soumis et qui, nous le rappelons, est la pièce introductive et restrictive du droit allégué par la Plaignante.

[Soulignement ajouté.]

[29] Cette règle de droit erronément énoncée, sous-jacente à son raisonnement, vicie son analyse. L’arbitre s’en tient à une lecture restrictive du grief, s’attardant pour l’essentiel aux seules dates qui y sont mentionnées afin de cerner la nature véritable du grief, plutôt qu’aux « faits entourant le litige qui oppose les parties ». Il s’attarde à la lettre du grief, sans faire le lien avec les correctifs recherchés. En procédant ainsi, l’arbitre identifie erronément le fait générateur du grief et commet une erreur déraisonnable dans la prémisse fondamentale de son raisonnement sur la prescription du grief. Il omet de tenir compte du contexte évolutif de la situation de l’enseignante et occulte une partie du grief. Nulle interprétation raisonnable du grief ne saurait justifier pareil résultat.

[30] À la lumière du contexte factuel, il ne fait aucun doute que le litige opposant les parties porte sur les décisions entourant la capacité ou non de l’enseignante à occuper son emploi, dont l’évaluation évolue dans le temps. Alors que le 4 novembre 2008, la Commission scolaire suspend l’enseignante aux fins d’évaluer sa capacité de travail et qu’elle lui verse des prestations d’invalidité à compter du 13 novembre 2008, ce n’est que le 5 janvier 2009 qu’elle obtient une première opinion médicale sur cette question. Et même à cette date, l’analyse de la Commission scolaire n’est toujours pas complétée en ce que, après avoir reçu son dossier médical complet, elle convoque à nouveau l’enseignante le 13 février 2009 à une autre expertise auprès du Dr Gauthier, laquelle s’inscrit « [d]ans le cadre du processus d’évaluation de votre état de santé », comme mentionné plus haut.

[31] Les faits entourant le litige relatif à la capacité de travail de l’enseignante permettent certes à l’arbitre de conclure raisonnablement que le 20 février 2009, le Syndicat est hors délai pour contester la décision de la Commission scolaire du 4 novembre 2008 de suspendre l’enseignante pour fins d’évaluation et celle du 13 novembre 2008 de lui verser des prestations d’invalidité.

[32] Par ailleurs, les décisions prises par la Commission scolaire de maintenir l’enseignante en invalidité à la lumière de l’expertise de Dr Gauthier reçue le 5 janvier 2009 et de la convoquer à une nouvelle expertise le 13 février 2009 sont toutes deux des décisions prises dans les 40 jours précédant le dépôt du grief. Elles s’inscrivent dans le cadre du libellé du grief lorsque interprété de façon libérale et non en faisant preuve d’un rigorisme excessif contraire aux enseignements jurisprudentiels et aux règles interprétatives applicables.

[33] En conséquence, la requête pour permission d’appeler est accueillie au motif qu’elle soulève l’existence d’une erreur de droit donnant lieu à une injustice flagrante[13]. Quant au pourvoi, il est également accueilli. Par ailleurs, après vérifications, les parties informent la Cour que l’arbitre Charlebois serait dans l’impossibilité de reprendre ce dossier pour des raisons de santé. Il convient donc de retourner le dossier à l’arbitre que les parties auront choisi conformément aux dispositions de la convention collective pour qu’il soit statué sur le volet du grief qui n’est pas prescrit.

[34] La Cour estime par ailleurs opportun de souligner qu’il aurait certes été préférable que l’arbitre Charlebois, qui a entendu la preuve notamment sur la capacité de l’enseignante d’occuper son poste lors des 12 jours d’audition, se prononce sur le fond du grief, même de façon subsidiaire. Une telle approche, bien que plus fastidieuse pour le décideur, aurait évité de devoir retourner le dossier devant un arbitre, plus de six ans après la dernière journée d’audience, pour qu’il se prononce sur la question. Rappelons qu’il s’agit ici d’un dossier portant sur l’absence du travail d’une enseignante depuis 2008. Un tel délai additionnel ne peut être que contraire aux intérêts des parties et à une saine administration de la justice. D’ailleurs, les parties auraient tout intérêt à mettre rapidement un terme à ce dossier qui dure depuis de trop nombreuses années. Une telle approche s’inscrirait sans contredit dans le cadre de saines relations de travail.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[35] ACCUEILLE la requête pour permission d’appeler, sans frais de justice;

[36] ACCUEILLE l’appel, avec les frais de justice en faveur de l’appelant;

[37] INFIRME le jugement de première instance et, procédant à rendre le jugement qui aurait dû être prononcé le 26 mars 2015;

[38] ACCUEILLE la requête en révision judiciaire;

[39] CASSE la sentence arbitrale prononcée le 30 septembre 2013;

[40] PERMET au Syndicat de l’enseignement de l’ouest de Montréal de soumettre à l’arbitrage son grief du 20 février 2009 en ce qui a trait aux questions non prescrites, devant l’arbitre choisi par les parties conformément aux dispositions de la convention collective;

[41] Avec dépens.






MANON SAVARD, J.C.A.



JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A.



MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.