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Boilard c. R.

no. de référence : 2016 QCCA 1296

Boilard c. R.
2016 QCCA 1296
COUR D’APPEL

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE

QUÉBEC
N° :
200-10-003235-160
(200-36-002225-159) (13CC010640)

DATE :
8 août 2016


SOUS LA PRÉSIDENCE DE
L'HONORABLE
CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.


MARTIN BOILARD
REQUÉRANT – accusé
c.

SA MAJESTÉ LA REINE
INTIMÉE – poursuivante


JUGEMENT


[1] Je suis saisi d’une demande d’autorisation d’appeler d’un jugement de la Cour supérieure du district de Québec, prononcé le 24 février 2016, accueillant en partie un appel d’une décision de la Cour municipale de Québec du 22 juillet 2015 qui déclare le requérant coupable de voies de fait simples (art. 265 C.cr.) sur un plaignant ainsi que sur les chefs d’agression armée et d’agression causant des lésions corporelles commises sur un second plaignant.
[2] Le requérant plaide essentiellement que les motifs du jugement entrepris sont à ce point insuffisants qu’ils constituent une erreur de droit révisable. L’insuffisance prétendue serait le résultat du défaut du juge de traiter des questions de droit relatives à la légitime défense (art. 34 C.cr. (ancien)) et à la défense des biens (art. 38 et 41 C.p.c. (anciens)) qu’il avait pourtant soumises au juge de la Cour supérieure oralement et par écrit.
[3] Le requérant soutenait en effet que (1) l’analyse de la preuve faite en première instance était lacunaire et truffée d’erreurs déterminantes découlant de l’omission du juge d’apprécier les éléments qui lui étaient favorables, (2) que le juge a eu tort d’écarter son témoignage et de ne pas considérer qu’il était une victime menacée de violence par des intrus.
[4] Dans l’exposé écrit soumis à la Cour supérieure, il ajoutait que le juge de première instance a erré dans son interprétation des justifications prévues aux articles 34, 38 et 41 du Code criminel.
[5] Le document met alors l’accent sur les éléments suivants :
(1) le fardeau de preuve indu imposé au requérant par le juge d’instance;
(2) contrairement aux exigences des articles 38 et 41 C.cr., le juge lui a imposé l’obligation de démontrer que l’usage de la force était la seule alternative s’offrant à lui;
(3) il était inapproprié d’évaluer le moyen fondé sur la légitime défense avant celui de la défense des biens; l’analyse juridique faite sans respecter la séquence des événements était à l’origine de la conclusion erronée selon laquelle le requérant est l’agresseur et l’artisan de son malheur;
(4) le juge d’instance a omis d’appliquer la règle prohibant les condamnations multiples énoncée dans l’arrêt R. c. Kienapple, 1974 CanLII 14 (CSC), [1975] 1 RCS 729.
* * *
[6] Soulignant que le jugement de première instance est essentiellement fondé sur des déterminations factuelles, notamment sur l’absence de crédibilité du requérant, ainsi que la grande déférence qu’il doit accorder aux conclusions du premier juge à cet égard, le juge de la Cour supérieure confirme le bien-fondé des verdicts de culpabilité. Puis, en application de la règle prohibant les condamnations multiples, l’arrêt des procédures est ordonné sur le chef d’accusation reprochant au requérant la perpétration d’une agression ayant causé des lésions corporelles.
[7] Toutefois, le jugement entrepris ne discute aucunement des autres questions soulevées par le requérant.
[8] L’intimée soutient pour sa part que toutes les questions litigieuses devant la Cour supérieure dépendent d’une appréciation de la preuve et qu’elles sont résolues par les conclusions de la décision attaquée.
* * *
[9] La permission sollicitée est accordée uniquement si le pourvoi envisagé est fondé sur un moyen comportant une question de droit (art. 839 C.cr.) importante ou qu’elle comprend des circonstances particulières ou un motif qui nécessite l’intervention de la Cour d’appel[1].
[10] Ce sera notamment le cas si la question soulevée a des répercussions qui transcendent le sort du pourvoi et sont susceptibles d’avoir une incidence sur l’administration de la justice[2]. L’autorisation peut aussi être accordée si les motifs d’appel sont sérieux[3].
* * *
[11] Après l’audition, le requérant a produit une « Requête amendée demandant l’autorisation d’appeler d’une décision de la Cour supérieure siégeant en appel ». Outre la précision apportée au moyen relatif à l’insuffisance de motifs soutenant le jugement entrepris, le requérant ajoute un nouveau moyen selon lequel le juge de la Cour supérieure aurait omis de considérer que le verdict prononcé par le premier juge était déraisonnable. Il me réfère à son exposé écrit (p. 9 à 13), produit à la Cour supérieure, où il discute des erreurs factuelles commises par le juge d’instance en appréciant la preuve et duquel il me demande d’inférer qu’il invoquait ainsi implicitement que le verdict était déraisonnable. La lecture des représentations orales du 24 février 2016 me convainc que l’erreur de droit que constitue un verdict déraisonnable n’a pas été plaidée (oralement ou par écrit) devant la Cour supérieure. Le reproche fondé sur l’absence de considération accordée à ce moyen ne peut, à ce stade de la procédure, être soulevé pour servir de fondement à une demande d’autorisation formulée en vertu de l’article 839[4] C.cr.
[12] En première instance, le moyen de défense de l’article 34 C.cr. (ancien) dépendait essentiellement du témoignage du requérant qui, en raison de son absence de crédibilité, a été écarté. Il ressort clairement du jugement entrepris que la conclusion du premier juge, selon laquelle le requérant était l’agresseur, ne souffre pas d’une erreur manifeste et déterminante et explique adéquatement le rejet de l’appel en ce qui concerne les moyens relatifs à l’interprétation de la preuve, à l’omission de considérer certains éléments de preuve, à l’importance accordée à l’appel 911 ainsi qu’à la légitime défense.
[13] Tel n’est cependant pas nécessairement le cas pour les moyens fondés sur les articles 38 et 41 C.cr. (anciens) qui peuvent trouver appui dans la preuve qu’a retenue le juge d’instance.
[14] Bien que des motifs détaillés ne soient pas toujours exigés, j’estime que ceux de la décision attaquée méritent d’être examinés par une formation de la Cour pour déterminer leur suffisance relativement au moyen de défense des biens meubles et immeubles contre la menace d’intrus.
POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :
[15] ACCUEILLE partiellement la requête modifiée pour permission d’appeler.




CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.

Me Suzy Guylaine Gagnon
Gagnon, Proulx
Pour le requérant

Me François Dugré
Giasson & Associés
Pour l’intimée

Date d’audience :
4 août 2016