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R. c. Beaudoin

no. de référence : 2016 QCCA 1241

R. c. Beaudoin
2016 QCCA 1241

COUR D'APPEL

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE QUÉBEC

No :
200-10-003233-165

(415-01-027138-146) (415-01-027142-148) (415-01-027848-157)


PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE


DATE :
2 août 2016

CORAM : LES HONORABLES
GUY GAGNON, J.C.A. (JG1348)
CLAUDE C. GAGNON, J.C.A. (JG1843)
ÉTIENNE PARENT, J.C.A. (JP1892)

PARTIE APPELANTE
AVOCAT

SA MAJESTÉ LA REINE


Me LOUIS-CHARLES BAL (AZ3953)
(Procureur aux poursuites criminelles et pénales)

PARTIE INTIMÉE
AVOCAT

STÉPHANIE BEAUDOIN


Me DENIS LAVIGNE (AL6366)
(Lavigne, Anctil)


En appel d'un jugement rendu le 8 février 2016 par l'honorable Bruno Langelier de la Cour du Québec, district d'Arthabaska.


NATURE DE L'APPEL :

1. Requête pour permission d'appeler déférée à la formation
2. Introduction par effraction dans un dessein criminel (39 chefs) – Introduction par effraction pour voler une arme à feu – Contravention des règlements (2 chefs) – Possession non autorisée d'une arme à feu (3 chefs) – Complot

Greffière : Rose-Marie Rousseau (TR1540)
Salle : 4.33




AUDITION


9 h 38
Observations de Me Bal;
9 h 41
Me Bal dépose un cahier de sources au cours de son argumentation;

Observations de la Cour;

Me Bal poursuit;
10 h 12
Suspension;
10 h 18
Reprise;

Observations de Me Lavigne;

Me Lavigne concède que l'ordonnance de probation aurait dû faire état d'un délai maximal de 18 mois afin de réaliser les travaux communautaires;
10 h 19
Suspension;
10 h 20
Reprise;

La Cour mentionne que les motifs seront déposés au dossier;
10 h 21
Arrêt.



(s)
Greffière audiencière


PAR LA COUR


ARRÊT


POUR LES MOTIFS QUI SERONT DÉPOSÉS AU DOSSIER, LA COUR :

[1] ACCUEILLE la requête modifiée pour permission d'appeler de la peine;
[2] ACCUEILLE le pourvoi à la seule fin de modifier l’ordonnance de probation pour prévoir que les travaux communautaires devront être exécutés dans un délai maximal de 18 mois.





GUY GAGNON, J.C.A.



CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.



ÉTIENNE PARENT, J.C.A.


R. c. Beaudoin
2016 QCCA 1241
COUR D’APPEL

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE

QUÉBEC
N° :
200-10-003233-165
(415-01-027138-146)
(415-01-027142-148)
(415-01-027848-157)

DATE :
2 août 2016


CORAM :
LES HONORABLES
GUY GAGNON, J.C.A.
CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.
ÉTIENNE PARENT, J.C.A.


SA MAJESTÉ LA REINE
APPELANTE - poursuivante
c.

STÉPHANIE BEAUDOIN
INTIMÉE - accusée


MOTIFS D’UN ARRÊT PRONONCÉ
SÉANCE TENANTE LE 2 AOÛT 2016


[1] L’intimée a plaidé coupable à 46 chefs d’accusation dont 39 lui reprochent de s’être, entre le 21 juin et le 5 août 2014, introduite par effraction dans des maisons d’habitation de Victoriaville et de Plessisville dans l’intention d’y commettre une infraction dans certains de ces cas et dans d’autres d’y avoir perpétré des vols, ainsi qu’un chef d’introduction par effraction et vol d’armes, l’acte criminel prévu à l’article 98(1) C.cr.
[2] Le juge (l’honorable Bruno Langelier, j.c.q.) lui a imposé, le 8 février 2016, 90 jours d’emprisonnement discontinus (à raison de deux jours chaque semaine), l’a soumise à une ordonnance de probation d’une durée de 30 mois comportant diverses conditions, notamment celle d’exécuter 200 heures de travaux communautaires dans un délai de 24 mois, et lui a ordonné de rembourser 5 000 $ à deux des victimes ainsi qu’à se soumettre au prélèvement des échantillons de son A.D.N.
* * *
[3] Lorsque l’aîné des trois adolescents complices (11, 13 et 17 ans) a vu son permis de conduire lui être retiré, il s’est retrouvé sans moyen de transport pour perpétrer des vols de résidence avec ses deux compagnons. Il a alors demandé à l’intimée de les conduire sur les lieux des délits. Elle a non seulement consenti, mais elle s’est également introduite avec eux dans les maisons pour y dérober divers objets.
[4] Le quatuor pénétrait de jour et profitait de l’absence des résidents pour forcer une fenêtre ou une porte afin de voler du matériel électronique, des bijoux, des armes de chasse ou autres objets de valeur.
[5] Le 25 juillet 2014, un citoyen communique aux policiers la description d’un véhicule Mitsubishi muni de jantes roses dont les occupants font du repérage de cibles pour leurs méfaits.
[6] Après avoir fait des recherches et effectué une surveillance physique, les policiers identifient l’intimée comme étant la propriétaire de l’automobile décrite par le plaignant.
[7] Des perquisitions effectuées dans le véhicule de l’intimée, de même qu’à la résidence de ses parents ainsi qu’à celle de son ami de cœur, permettent la saisie de 7 000 $ en numéraires, de bijoux et de trois armes à feu.
[8] Entre le 21 juin et le 5 août 2014, l’intimée et ses complices ont ainsi dérobé des objets valant entre 50 000 $ et 80 000 $ et causé aux résidences des plaignants des dommages évalués à 5 625 $ en raison des effractions.
[9] L’intimée est arrêtée le 6 août 2014 pour n’être mise en liberté que deux jours plus tard sous diverses conditions, notamment celle d’être constamment à son domicile, sauf pour l’exercice d’un travail légitime ou la participation à un programme académique reconnu.
[10] L’assignation à domicile sera atténuée par la suite à deux reprises, soit le 17 novembre 2014, pour être restreinte chaque jour à la période entre 21 h et 7 h et, la seconde fois, le 16 novembre 2015, à la période entre 23 h et 7 h.
* * *
[11] La peine serait, de l’avis de l’appelante, le résultat d’une appréciation lacunaire des facteurs aggravants et atténuants et s’écarterait à ce point de la fourchette des peines normalement imposées en pareilles circonstances qu’elle serait manifestement non indiquée. Elle ajoute que l’ordonnance d’exécution de travaux communautaires contrevient à l’alinéa 732.1(3)f) C.cr.
* * *
[12] La norme d’intervention est bien connue, sans doute parce qu’elle est souvent répétée : une cour d’appel n’intervient pour modifier la peine infligée en première instance que si elle est manifestement non indiquée ou si elle découle d’une erreur de principe, de l’omission de considérer un facteur pertinent ou une insistance trop grande sur les facteurs appropriés[1], si l’erreur commise a une incidence sur la détermination de la peine[2].
[13] Une peine est manifestement non indiquée notamment lorsqu’elle s’écarte de façon marquée et substantielle des peines normalement imposées aux délinquants similaires qui ont commis des crimes similaires.
1. L’ANALYSE DES FACTEURS AGGRAVANTS ET ATTÉNUANTS
[14] L’appelante reproche au juge de ne pas avoir pris en compte le discours contradictoire de l’intimée qui aurait déclaré dans un premier temps n’avoir rien retiré des vols alors que les saisies démontraient qu’elle était en possession d’objets volés. Le témoignage qu’elle rend ne soutient cependant pas l’argument :
Q. Les objets qui étaient dérobés, qui est-ce qui s’occupait de… de liquider ces objets là?

R. Moi j’avais rien… Le recel, là, vous parlez?

Q. Oui le contrôle des objets qui étaient volés, là. Qui est-ce qui…

R. Non, j’ai jamais rien vendu. Puis je crois que la personne de dix-sept ans l’a confirmé que c’est tout lui qui s’occupait de ça, là. Moi, non j’ai jamais rien revendu puis…

Q. Qu’est-ce que vous receviez, vous?

R. Ben, rien.[3]

[15] Ce qui se dégage de cet extrait est essentiellement que l’intimée n’a rien perçu des ventes d’objets volés conclues par ses complices. Elle admet, par ailleurs d’emblée, la possession d’objets volés qu’elle n’a pas utilisés et dont elle ne s’est pas départie avant son arrestation. Elle ne s’est donc pas contredite elle-même et ne l’a pas été non plus par d’autres témoins. Le reproche est en conséquence infondé.
[16] L’appelante soutient de plus que l’intimée minimise sa responsabilité criminelle lorsqu’elle affirme que les adolescents commettaient déjà des vols lorsqu’elle s’est jointe au groupe. Or, l’appelante avait sous la main les éléments pour la contredire si le témoignage de l’intimée était inexact ou faux. Comme elle a choisi de ne pas le faire, elle est bien mal venue de s’en plaindre maintenant.
[17] L’appelante souligne également que le juge n’a pas considéré la tardiveté des remords exprimés par l’intimée lors de l’audition sur la peine, si tant est que ceux-ci soient sincères.
[18] Les rédactrices des rapports psychologiques et prépénaux indiquent, en effet, que l’intimée a de la « difficulté d’appropriation et de responsabilisation de ses gestes », du « …mal à cerner sa responsabilité », et ressent « peu de remords véritables ».
[19] Loin de faire abstraction de ces éléments, comme le suggère l’appelante, le juge souligne que l’analyse délictuelle de l’intimée est lacunaire et que, bien qu’au début des procédures cette dernière ne voyait pas sa responsabilité comme étant entière, son cheminement a évolué au point de réaliser maintenant la gravité de son comportement fautif.
[20] Ce constat trouve appui dans la preuve, notamment le témoignage de l’intimée, que le juge retient comme étant crédible et qui fait état de son inquiétude face aux torts causés à ses victimes et à l’influence néfaste qu’elle a eue sur son jeune cousin complice.
[21] L’appelante fait également grief au juge d’avoir passé sous silence le facteur aggravant du caractère prémédité des délits. La transcription de la décision sur la peine démontre le contraire. On peut, en effet, lire aux pages 53 et 54 de l’exposé de l’appelante que le juge s’exprime ainsi à cet égard :
Certainement les crimes sont très graves par leur nature et par leur nombre. Ils ont été planifiés et réalisés pour un bon nombre de ceux-ci, avec la participation de mineurs.

[Nous soulignons]

[22] Bien que reconnaissant la réalité des troubles psychologiques de l’intimée, l’appelante plaide que ceux-ci ne justifiaient pas de « reléguer en sourdine » les objectifs de dénonciation et de dissuasion. Elle cible ainsi l’extrait suivant de la décision :
La Cour d’appel reconnaît que les facteurs de dissuasion et de réprobation peuvent être appréciés en second plan dans le cas d’un accusé atteint de troubles émotionnels ou mentaux, que ceux-ci aient ou non ouvert la porte à une défense de cette nature […].[4]

[23] L’arrêt Antonelli[5], qui reprend l’extrait suivant de R. c. Chan, confirme la position du juge à cet égard :
En cas de maladie mentale, les critères usuels du sentencing ne sont pas d’une grande utilité; la jurisprudence révèle que dans ces cas, on s’est écarté beaucoup de la norme; les facteurs de l’exemplarité et de punition sont d’une importance beaucoup réduite.[6]

[24] Le juge a certes accordé aux troubles qui affligent l’intimée une place importante, mais qui n’occulte pas pour autant les facteurs et objectifs pertinents à la détermination d’une peine juste et appropriée. Soulignons au passage que la décision sur la peine fait mention à quatre reprises de l’importance des objectifs de dissuasion et de dénonciation.
[25] L’appelante plaide, en outre, que le juge a erronément considéré que la médiatisation de l’affaire constituait un facteur atténuant. Elle a raison.
[26] Sans minimiser l’importance de la médiatisation dont a fait l’objet l’intimée en raison de ses crimes et de ses activités continues sur les réseaux sociaux, cette publicité n’est pas à ce point abusive ou démesurée pour qu’elle puisse être considérée comme étant, en l’espèce, un facteur atténuant[7].
[27] Malgré cette erreur, il ressort du jugement entrepris que cette circonstance particulière n’occupe pas une place centrale dans la pondération des facteurs aggravants et atténuants effectuée par le juge et que l’erreur n’a pas un effet déterminant sur la peine infligée. Il n’y a donc pas lieu à une intervention fondée sur ce seul motif.
2. LA PEINE EST-ELLE MANIFESTEMENT NON INDIQUÉE?
[28] Pour l’appelante, cette question appelle une réponse affirmative puisque la peine imposée déroge à la fourchette des sentences infligées aux délinquants sans antécédents judiciaires commettant des introductions par effraction multiples et qu’elle situe entre une et deux années de détention ferme.
[29] Le juge Wagner rappelle dans R. c. Lacasse que les fourchettes des peines, dont l’objectif est l’harmonisation de celles-ci, ne sont que des lignes directrices[8]. La dérogation à une fourchette de peines ne constitue pas une erreur de droit ou de principe. Ainsi, une peine se situant à l’extérieur de la fourchette peut être tout à fait indiquée alors qu’une autre se situant à l’intérieur de celle-ci peut être manifestement non indiquée.
[30] Les peines en matière d’introduction par effraction varient de manière si significative qu’il est difficile de cerner les tendances avec précision[9], car ces dernières sont tributaires des circonstances propres à chaque affaire. Plusieurs auteurs notent, à cet égard, qu’en dépit de la gravité objective de l’infraction prévue à l’article 348(1)d) C.cr., les peines infligées sont fréquemment clémentes[10].
[31] Les frontières de la fourchette des peines sont, en conséquence, diffuses et difficiles à définir. En l’espèce, la peine est, à n’en pas douter, clémente mais elle prend en compte que les infractions sont graves et nombreuses et qu’elles ont été commises sur une courte période de temps (45 jours) par une délinquante, sans antécédents judiciaires, et atteinte de troubles psychologiques loin d’être anodins.
[32] Les risques de récidive sont, en conséquence, faibles si l’intimée suit les traitements appropriés. En tenant compte de tous les facteurs aggravants et atténuants pertinents et en gardant à l’esprit que l’objectif de la réhabilitation demeure une considération importante dans le cas de jeunes délinquants tels que l’intimée, la peine imposée en l’espèce n’est pas nettement déraisonnable ni entachée d’une erreur de principe, d’une omission de prendre en compte un facteur pertinent ou d’une insistance trop grande sur un tel facteur.
3. L’ORDONNANCE RELATIVE À L’EXÉCUTION DE TRAVAUX COMMUNAUTAIRES
[33] C’est cependant à bon droit que l’appelante souligne que l’ordonnance relative à l’exécution par l’intimée de 200 heures de travaux communautaires sur une période de 24 mois déroge à la limite prévue à l’alinéa 732.1(3)f) C.cr. qui est de 18 mois. Il convient, en conséquence, d’intervenir à la seule fin de remédier à cette erreur de droit qui entache la légalité de la peine.
* * *
[34] Ce sont pour ces motifs que la Cour a accueilli, séance tenante, la requête amendée pour être autorisée à appeler de la peine ainsi que le pourvoi à la seule fin de modifier l’ordonnance de probation pour prévoir que les travaux communautaires devront être exécutés dans un délai maximal de 18 mois.




GUY GAGNON, J.C.A.





CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.





ÉTIENNE PARENT, J.C.A.

Me Louis-Charles Bal
Procureur aux poursuites criminelles et pénales
Pour l’appelante

Me Denis Lavigne
Lavigne, Anctil
Pour l’intimée

Date d’audience :
2 août 2016