Consultation rapide avec un avocat

1-877-MES-DROITS
1-877-637-3764

Services juridiques au Québec

Visitez notre page Facebook pour être au courant de nos chroniques et capsules! Aussi, possibilité d'obtenir une consultation rapide par la messagerie Facebook (messenger).

Montréal (Ville de) c. Cie d

no. de référence : 996-052-643

DATE : Le 15 mai 2009







SOUS LA PRÉSIDENCE DE : L’HONORABLE SOPHIE BEAUCHEMIN





Ville de Montréal

Poursuivante



c.



La Cie d’Administration de Stationnement Populaire inc.



et



9090-6421 Québec Inc.



et



Masdev Capital Inc.

Défenderesses




JUGEMENT





Me Serge Cimon et Me Gaétane Martel

Pour la poursuite



Me Marc-André Fabien

Pour les défenderesses

La Cie d’Administration de Stationnement Populaire inc. et 9090-6421 Québec inc.



Me Louis Beauregard

Pour la défenderesse Masdev Capital inc.





[1] La Ville de Montréal poursuit les défenderesses pour avoir occupé illégalement ou autorisé l’occupation illégale de lots qui forment la partie nord d’un vaste parc de stationnement extérieur situé en face du Centre Bell, délimité au nord par le boulevard René-Lévesque (autrefois boulevard Dorchester), au sud par la rue de la Gauchetière, à l’ouest par la rue de la Montagne et à l’est par la rue Drummond.



[2] Ce quadrilatère est bordé notamment par la Tour IBM, l’hôtel Sheraton et la Tour CIBC.



[3] Les défenderesses ont admis les éléments essentiels de chacune des infractions reprochées. Elles prétendent toutefois avoir des droits acquis à l’occupation de ces terrains comme terrains de stationnement, et le présent jugement portera sur cette question, les droits des défenderesses étant réservés de plaider des arguments supplémentaires sur l’inopposabilité du règlement de zonage et en arrêt des procédures, le cas échéant.



[4] Les constats d’infraction ont été émis à diverses dates à l’égard des défenderesses, mais une seule audition eut lieu, la défense générale de droits acquis s’appliquant à l’ensemble des dates d’infraction.



[5] Deux (2) plans sont joints en Annexe 1, le premier démontrant les anciens lots et le second, les lots rénovés (P-7 et P-8). La Cie d’Administration de Stationnement Populaire Inc. (ci-après « Stationnement Populaire ») est locataire du lot 1 851 391 dont 9090-6421 Québec inc. est propriétaire. Masdev Capital Inc. est propriétaire du lot 1 851 391. Le lot 1 851 391 regroupe les anciens lots 602, 603, 604, 1925, P594 et P595. Le lot 1 851 392 est l’ancien lot 592-2.





I. QUESTIONS EN LITIGE



[6] Les défenderesses ont-elles réussi, selon le fardeau de la prépondérance des probabilités, à prouver qu’elles bénéficiaient de droits acquis à un parc de stationnement extérieur ?



[7] Y-a-t-il lieu de distinguer entre un garage public dans un bâtiment et un parc public de stationnement extérieur, en termes d’usage ?



[8] La Ville de Montréal est-elle forclose de poursuivre les défenderesses, vu le long délai écoulé entre la première constatation de l’illégalité et les présentes procédures, vu le paiement de diverses taxes par les défenderesses et vu l’émission de permis ? En d’autres termes, la théorie de la forclusion ou préclusion telle qu’énoncée par le juge Rochon dans l’arrêt de la Cour d’appel de Ville de Montréal c. Chapdelaine[1] s’applique-t-elle en l’instance ?



[9] La description du lieu de l’infraction apparaissant aux constats est-elle indivisible et permet-elle aux défenderesses d’être acquittées dès que le tribunal reconnaît qu’une portion du lieu de l’infraction est protégée par droits acquis ?





II. RÉGLEMENTATION MUNICIPALE PERTINENTE



[10] Débutons par l’analyse de la réglementation municipale applicable à ce secteur de la Ville de Montréal, de manière à repérer les dates charnières à retenir aux fins de l’analyse des droits acquis.



[11] Le 29 mars 1951, le Règlement concernant l’établissement temporaire de terrains de stationnement pour automobiles, no 2022, était adopté. Il fut alors décrété :



« ARTICLE 1. – Pour les fins de l’interprétation du présent règlement :



1. l’expression TERRAIN DE STATIONNEMENT et le mot TERRAIN signifient tout terrain vague, servant au stationnement temporaire d’automobiles, à l’exclusion des camions et des remorques, et mis à la disposition de clients ou d’employés d’établissements de toutes sortes, ou du public en général, ou servant de poste de taxis;





ARTICLE 2. – Nonobstant toute disposition contraire des règlements municipaux, le Comité exécutif peut, sur demande faite par écrit et après recommandation expresse des directeurs des Services d’urbanisme et de la Police, accorder, sujets aux dispositions du présent règlement, des permis pour l’établissement temporaire de terrains de stationnement dans les parties de la Ville où les terrains de stationnement ne sont pas permis.





ARTICLE 3. – Ces permis ne peuvent être accordés que pour une période n’excédant pas douze (12) mois ; mais cette période écoulée, ils pourront être renouvelés. D’autre part, le Comité exécutif ou le Conseil, par résolution, peut les révoquer en tout temps, après avis préalable de trente (30) jours.





ARTICLE 6. – Seuls les bâtiments ou abris temporaires permis par le règlement no 1922 peuvent être érigés sur ces terrains, pourvu toutefois que soient remplies les exigences dudit règlement. »



[12] Le premier règlement qui interdit le stationnement dans la zone qui nous concerne est celui du 1er décembre 1960, Règlement de zonage du boulevard Dorchester, no 2583 :



« Article 1 – Domaine d’application »



Les dispositions du présent règlement s’appliquent :



« 1° à tout le territoire formé par deux bandes de terrain de cent cinquante (150) pieds de largeur chacune, comprises entre la rue Guy et l’avenue de Lorimier, et situées, l’une en bordure de la rue Dorchester du côté nord, et l’autre en bordure de la même rue du côté sud ; »





« Article 6 – Occupations défendues.



A. Lots non bâtis, cours et courettes :



Il est défendu d’utiliser un lot non bâti ou la partie non construite d’un lot pour les fins suivantes : (…)



7° pour y établir et exploiter un parc public de stationnement, un poste de taxis ou d’automobiles de louage, ou un poste de lavage d’automobiles. »





B. Bâtiments :



Il est défendu de construire, d’agrandir, de modifier, d’utiliser ou d’occuper un bâtiment pour les fins suivantes :



7° magasins de bric-à-brac, garages publics et ateliers de réparation de meubles, de moteurs ou de machinerie ; »



[13] Ce règlement fut modifié notamment le 1er janvier 1963 par le règlement no 2809, Règlement modifiant le règlement 2583, comme suit :



« Il est décrété et statué comme suit :



ARTICLE 1. – L’article 6 du règlement no 2583, règlement de zonage du boulevard Dorchester, tel qu’il a été modifié par les règlements no 2673, 2737 et 2769 est de nouveau modifié en y ajoutant à la fin du sous-paragraphe 7° du paragraphe « A », l’alinéa suivant :



« En exception aux dispositions qui précèdent, il est permis d’établir et d’exploiter un parc public de stationnement à l’arrière de tout édifice, à condition que le terrain utilisé à cette fin n’ait pas d’accès au boulevard Dorchester pour les automobilistes dont l’entrée et la sortie se font par une ruelle ou une voie desservant ledit terrain à l’arrière, ou par une voie transversale audit boulevard. » »



[14] Il fut de nouveau modifié par le règlement no 5415 du 17 décembre 1979 à son article premier :



« 1- L’article 1 du règlement concernant le garage du boulevard Dorchester (2583, modifié) est remplacé par le suivant :



« Les dispositions du présent règlement s’appliquent à tout le territoire formé par deux bandes de terrain de 45 m de largeur chacune, situées de chaque côté du boulevard Dorchester, entre les rues Guy et Sanguinet. » »



[15] Ensuite, le 12 décembre 1980, est adopté le Règlement interdisant les parcs de stationnement et modifiant les règlements de zonage à cette fin, no 5591 dont l’article 2 stipule :



« 2. – Sous réserve des règlements 2241, 2268 et 2269, et sous réserve des pouvoirs du comité exécutif en vertu de l’article 649a de la Charte, il est interdit d’aménager ou d’exploiter un parc de stationnement dans le territoire de la ville de Montréal, sauf dans les zones ou secteurs réservés exclusivement à l’industrie par les règlements de zonage. »



[16] Voici les dispositions pertinentes de la Charte de la Ville de Montréal (L.R.Q. c. C-11.4) alors en vigueur :



« Section 9

Garages et parcs de stationnement

(1980, c. 40, a. 29)



649. Si les règlements de zonage permettent l’exploitation d’un parc de stationnement ou si le comité exécutif accorde une autorisation en vertu de l’article 649a, les garages pour le remisage des véhicules automobiles et les parcs de stationnement appartenant à la ville, de même que les immeubles qu’elle acquiert pour l’établissement de tels garages et parcs de stationnement, peuvent être loués ou vendus aux personnes qui s’engagent à les utiliser à ces fins.

(1980, c. 40, a. 30)



La vente est autorisée par résolution du conseil, sur rapport du comité exécutif ; la location est autorisée par résolution du comité exécutif qui fixe les conditions et les taux pour les espaces de stationnement.

(1962, c. 59, a. 61)



Les personnes qui exploiteront les immeubles ainsi loués ou vendus pourront, pourvu que les règlements de la ville les y autorisent, exercer les activités connexes tels que l’achat et la vente de la gazoline, de l’huile, des pneus et des batteries, le lavage et la lubrification des véhicules, la vérification des bougies et des freins, le dépannage et les réparations mineures.



Toutes les conditions se rapportant à l’établissement et à l’exploitation des parcs de stationnement et des garages ainsi loués ou vendus, de même que le prix que le locataire ou l’acheteur aura le droit de charger aux automobilistes pour le stationnement, peuvent être déterminés par le bail ou l’acte de vente.

(1958-59, c. 52, a. 9)



La ville peut, de plus, par contrat approuvé par son conseil, autoriser une ou des personnes à construire, établir et exploiter les garages ou parcs de stationnement souterrains prévus au paragraphe 18° de l’article 528; dans ce cas, les dispositions des deux alinéas précédents s’appliquent, mutatis mutandis.

(300, par. 163a; 1959-60, c. 101, a. 2, ptie)



La ville ne peut construire, établir et exploiter des garages et parcs de stationnement prévus aux paragraphes 17° et 18° de l’article 528 que conformément aux règlements de zonage en vigueur, à moins que ceux-ci ne comprennent une disposition d’exception à cet effet en faveur de la ville.

(1960-61, c. 97, a. 33)



649a. Malgré tout règlement de zonage et aux conditions qu’il impose dans chaque cas, le comité exécutif peut, après consultation des services compétents, accorder une autorisation personnelle et non transférable d’aménager ou d’exploiter un parc de stationnement. Le comité exécutif peut révoquer cette autorisation, en tout temps, après qu’un avis écrit de trente jours a été donné à l’exploitant par le greffier.

(1980, c. 40, a. 31; 1982, c. 71, a. 38) »



[17] Le 8 août 1994, le Règlement d’urbanisme de la Ville de Montréal, no 94-077 (R.R.V.M., c.U.-1), est décrété par le Conseil. On lit à l’article 248 qui concerne les usages conditionnels associés autorisés dans la catégorie C.4 qui nous occupe :



« 248. Sont associés à la catégorie C.4 les usages conditionnels suivants :



1° (…)

2° les usages :

a) (…)

b) (…)

c) Stationnement intérieur »



On y lit aussi :



« PERTE DE DROITS ACQUIS



704. Une construction dérogatoire détruite ou devenue dangereuse ou ayant perdu au moins 75 % de sa valeur par suite d’un incendie ou quelqu’autre cause doit être reconstruite en conformité avec les dispositions du présent règlement. »



[18] C’est le 24 novembre 1997, lors de l’adoption du Règlement sur les autorisations d’aménager une aire de stationnement ou de l’exploiter comme parc de stationnement, no 97-206 (R.R.V.M. c. A-6), qu’apparaît la notion d’aire de stationnement. On l’y définit comme suit :



« 1. Dans le présent règlement, les mots suivants signifient :



« aire de stationnement » : un emplacement qui ne fait pas partie du domaine public, aménagé à des fins de stationnement de véhicules routiers au sens du Code de la sécurité routière (L.R.Q., chapitre C-24.2), y compris l’aménagement d’une seule unité de stationnement ; »



[19] On y définit nouvellement aussi les notions de parc de stationnement commercial et privé :



« « parc de stationnement commercial » : une aire de stationnement exploitée commercialement ;



« parc de stationnement privé » : une aire de stationnement non exploitée commercialement, aménagée sur un terrain autre que celui pour lequel des unités sont fournies. » »



[20] Ce règlement no 97-206 prévoit la possibilité d’aménager une aire de stationnement lorsque cet aménagement n’est pas autorisé par le Règlement d’urbanisme, moyennant l’obtention d’une autorisation personnelle et non transférable émanant du comité exécutif.



[21] Le 29 juin 1998, le conseil modifie le Règlement d’urbanisme (R.R.V.M. c. U-1) pour intégrer les définitions ci-dessus à l’article 5. Il modifie également l’article 248 de ce même règlement et, font désormais partie des usages conditionnels associés autorisés dans la catégorie C-4, l’usage parc de stationnement commercial intérieur ainsi que l’usage parc de stationnement privé intérieur.



[22] Peu de changements interviennent jusqu’à l’adoption de l’actuel Règlement d’urbanisme de l’arrondissement Ville-Marie no 01-282, le 17 décembre 2001. Les notions de parc de stationnement commercial et privé sont demeurées les mêmes. Les articles 227 et suivants décrivent les usages autorisés dans la catégorie C-4 et le stationnement comme usage associé est disparu. C’est plutôt l’article 609 qui prescrit les normes d’aménagement d’une aire de stationnement qui s’appliquent à l’ensemble du territoire de l’arrondissement Ville-Marie, comme suit :



« 609. Dans l’arrondissement Ville-Marie, une aire de stationnement doit être aménagée à l’intérieur du bâtiment qu’elle dessert. Toutefois, une aire de stationnement peut être aménagée à l’extérieur du bâtiment qu’elle dessert lorsque ce bâtiment remplit l’une des conditions suivantes :



1° il est occupé exclusivement à des fins résidentielles par au plus 6 logements ;

2° il est situé dans un secteur où est autorisée, comme catégorie d’usages principale, la catégorie C.6, C.7, I.4, I.5, I.6 ou I.7 ;

3° il est occupé à des fins autres que résidentielles et a une superficie de plancher égale ou inférieure à 1 000 m2. »



[23] Les dates charnières à retenir aux fins de l’analyse des droits acquis pour les lots qui nous concernent sont donc les suivantes :



¾ Avant le 1er décembre 1960, absence d’interdiction de l’activité stationnement ;



¾ À compter du 1er décembre 1960, interdiction d’utiliser un lot non bâti ou la partie non construite d’un lot comme parc public de stationnement ainsi qu’un bâtiment comme garage public dans la lisière de 150 pieds de largeur située en bordure du boulevard Dorchester du côté sud (qui nous concerne).



¾ À compter du 1er janvier 1963 et par exception à ce qui précède, autorisation d’établir un parc public de stationnement dans la lisière de 150 pieds, à l’arrière de tout édifice, à la condition que ce parc n’ait pas d’accès direct au boulevard Dorchester.



¾ À compter du 17 décembre 1979, la lisière de terrain où l’établissement d’un stationnement est interdit est de quarante-cinq (45) m.



¾ À compter du 12 décembre 1980, interdiction d’aménager un parc de stationnement sauf dans les zones industrielles et sauf sur autorisation personnelle et non transférable accordée par le comité exécutif en vertu de l’article 649a) de la Charte de la Ville de Montréal.



¾ À compter du 8 août 1994, autorisation d’aménager un stationnement intérieur comme usage conditionnel associé à la catégorie C-4 qui nous concerne.



¾ À compter du 29 juin 1998, autorisation d’aménager un parc de stationnement commercial ou privé intérieur comme usage conditionnel associé à la catégorie C-4.



¾ À compter du 17 décembre 2001, autorisation d’aménager une aire de stationnement à l’intérieur du bâtiment qu’elle dessert et interdiction d’aménager une aire de stationnement extérieure, puisque les conditions de l’article 609 du règlement actuel ne sont pas rencontrées.



[24] Voyons maintenant les dispositions règlementaires relatives aux droits acquis. Le Règlement d’urbanisme de l’arrondissement Ville-Marie prescrit :



« Chapitre I

USAGES DÉROGATOIRES PROTÉGÉS PAR DROITS ACQUIS



SECTION I

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

664. Un usage dérogatoire est une utilisation non conforme au présent règlement d’un terrain, d’un bâtiment ou d’une construction, soit en raison de l’usage exercé, soit en raison de ses exigences d’implantation.



665. Un usage dérogatoire est protégé par droits acquis si à un moment de son existence il était conforme à la réglementation en vigueur.



668. Un usage dérogatoire d’un espace extérieur ne peut être agrandi.



679. Les droits acquis à un usage dérogatoire se perdent dans les situations suivantes :



1° lorsqu’il est remplacé par un usage conforme en vertu du titre III ;

2° lorsqu’il a été abandonné, a cessé ou a été interrompu pour une période de 12 mois.



CHAPITRE III

CONSTRUCTIONS DÉROGATOIRES PROTÉGÉES PAR DROITS ACQUIS



SECTION I

DISPOSITIONS GÉNÉRALES



695. Une construction dérogatoire est une construction non conforme au présent règlement.



696. Une construction dérogatoire est protégée par droits acquis si, à un moment de son existence, elle était conforme à la réglementation en vigueur.



698. Les travaux visant à réparer, maintenir ou entretenir une construction dérogatoire sont autorisés.



699. Une construction dérogatoire peut être agrandie conformément au présent règlement.



708. Une construction dérogatoire détruite ou devenue dangereuse ou ayant perdu 75 % de sa valeur par suite d’un incendie ou d’une autre cause doit être reconstruite en conformité avec le présent règlement. »





III. LES FAITS





Témoignage de M. Jonathan Besner



[25] M. Jonathan Besner, né le […] 1958, est l’actuel président de deux (2) compagnies de stationnement : Safeway Parking Canada Ltd (ci-après « Safeway ») et Stationnement Populaire.



[26] Safeway fut fondée par son père vers 1950. L’entreprise opère aujourd’hui trente-cinq (35) terrains de stationnement à Montréal.



[27] Stationnement Populaire fut fondée en 1994 par son frère Charles. Elle opère dix (10) terrains de stationnement à Montréal.



[28] En 1966, le jour de ses huit (8) ans, Jonathan Besner a un vif souvenir d’avoir été amené, par son père, au garage alors exploité par Safeway, situé sur l’ancien lot P-595 au coin nord-ouest du quadrilatère. L’intendant, ayant appris que c’était le jour de son anniversaire, lui avait offert un suçon (« lollipop »).



[29] Les deux (2) entrées du garage (autrefois appelé garage Burke, et à cette époque Trizec) étaient situées sur la rue de la Montagne.



[30] Il était abrité par un bâtiment de deux (2) étages à partir du sol et contenait environ cent (100) unités de stationnement commercial. Le bâtiment fut démoli en 1995 (D-11). En 1993, un permis pour garage de stationnement public avait été émis (D-10).



[31] En 1978, le lot P-595 était toujours occupé par le garage de deux (2) étages. Le lot 596-2 était vacant, de même que les lots P597, 598, 599, 600, 601, 601-1, 602, 603, 604, 605 et 1925. Les lots 596-3, 596-6, P596, 596-8 et 596-9 étaient occupés par un édifice, propriété de Bell Canada.



[32] Les lots vacants du quadrilatère étaient utilisés comme stationnement.



[33] Au coin nord-est du quadrilatère, sur l’ancien lot 1925, M. Besner dit que Safeway y a opéré un stationnement extérieur à compter de 1979.



[34] Il ajoute que son père s’était montré intéressé à exploiter un stationnement extérieur sur des lots avoisinants appartenant à S.B. McLaughlin & Associates (ci-après « McLaughlin »), qu’il conclut une entente à cet effet avec eux et organisa la démolition des bâtiments qui s’y trouvaient. Divers contrats datant de 1979 ont été déposés sous la cote D-26.



[35] Aujourd’hui, le stationnement exploité occupe tout l’îlot et comporte 1 000 places. Il ne s’y trouve plus aucun bâtiment depuis 1995.



[36] Tout le long des années d’occupation, Stationnement Populaire et Safeway ont versé à la Ville de Montréal des sommes d’argent pour différents types de taxes municipales (taxes d’affaires, taxes d’eau, taxes spéciales pour stationnement).



[37] Des permis d’occupation ont par ailleurs été octroyés à Safeway entre 1985 et 1994 pour les lots P596-2, P597 à P601, 602 à P604, et en 2002 pour une superficie de 10 906 m2 (D-30).



[38] En 2004, 9090-6421 Québec inc. et un autre propriétaire de lots avoisinants présentèrent à la Ville de Montréal une demande d’approbation d’un projet particulier, soit un permis d’opération de stationnement public, laquelle fut refusée vers le début d’octobre 2004.



[39] M. Besner, intéressé dans cette demande, n’y voyait qu’un moyen de régulariser rapidement la légitimité des opérations de stationnement sur l’ensemble du quadrilatère, puisque la Ville de Montréal prétendait que cette activité était illégale sur certains des lots.



[40] Présentement, Safeway est locataire des lots P594, P595, 1925, 605, 604, 603 et 602 appartenant à 9090-6421 Québec inc., en vertu d’un bail (D-20) expirant en 2010.



[41] Relativement au lot 596-2, propriété de Masdev, M. Besner se souvient qu’en 1979, lorsque l’entreprise a étendu ses opérations de stationnement aux lots avoisinants, ce lot était vacant et faisait partie des lots appartenant à McLaughlin sur lesquels l’activité de stationnement avait cours.



[42] Le 19 novembre 1979, un « relevé de parking » (D-40) de la Ville confirme ce fait.





Témoignage de M. Marc Perreault



[43] M. Marc Perreault, agent technique principal à la Ville de Montréal, a été mis à contribution vers les années 1997-1998 pour identifier les stationnements illégaux au centre-ville. Le stationnement qui nous occupe a retenu son attention.



[44] Le 2 juin 2004, il adresse une lettre à Stationnement Populaire (P-6) dans laquelle il écrit avoir constaté l’exploitation illégale de terrains de stationnement sur les lots 1 851 391, 1851392, 1851398 et sur les lots 2160015, 2160016 et 2160017 (ces trois (3) derniers étant des ruelles appartenant à la Ville). Il reconnaît par ailleurs dans ce même écrit, des droits acquis à l’usage stationnement à l’égard des lots 1851400, 1851406 et une portion du lot 1 851 391, soit celle correspondant aux anciens lots 602 et 603.



[45] Il poursuit sa lettre en indiquant que le certificat d’occupation émis le 13 décembre 2002 (D-17) comporte une erreur grossière en ce que la superficie mentionnée devrait être de 3 402 m2 au lieu de celle de 10 906 m2 indiquée qui excéderait les limites du quadrilatère.



[46] On aura noté qu’à l’occasion de cette lettre du 2 juin 2004, M. Perreault ne mentionnait aucun droit acquis sur le lot 1 851 392 (ancien 596-2).



[47] Depuis, il a modifié son opinion. Il croit qu’une portion de ce lot devrait bénéficier de droits acquis, soit celle située au sud de la ligne qui délimite la bande de 150 pieds à partir de René-Lévesque et à l’est d’un bâtiment qui a existé jusqu’en 1974 (D-32).



[48] Il confirme que des permis d’occupation, notamment d’une partie du lot 596-2 comme terrain de stationnement, ont été émis par la Ville à chaque année entre 1985 et 1994 (D-30).



[49] Sur le plan d’utilisation du sol émanant de la Ville et daté de janvier 1975 (D-7), on voit qu’il n’y a plus de bâtiment sur l’ancien lot 596-2. Ce bâtiment était présent en 1962, tel qu’il appert d’un certificat de localisation déposé en page 33 de la pièce D-11.



[50] Sur un plan de 1977-78, pour le même lot, on lit l’inscription « parking 12 autos » (D-33).



[51] M. Perreault a eu plusieurs communications avec l’avocat de Masdev, procureur au dossier, Me Louis Beauregard. Son opinion a varié avec le temps, suivant les documents qu’il a réussi à retracer à la Ville aussi bien que ceux soumis par Me Beauregard. Si bien que le 27 août 2004, il se disait prêt à reconnaître des droits acquis à l’usage stationnement sur la totalité de l’ancien lot 596-2 (D-34).



[52] Le garage Trizec aurait été démoli entre septembre et décembre 1996 selon un extrait du dossier de suivi de la Ville (P-16).



[53] Sur une photographie aérienne émanant de la Ville, on voit, sur un cliché pris en 1958, qu’il y a du stationnement au nord-est du quadrilatère (D-32), soit sur le lot 1925.



[54] Une résolution du 9 décembre 1960 (D-37) donne instruction aux avocats de la Ville de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser l’exploitation, sans permission, de terrains de stationnement, dont celui situé « à l’angle sud-ouest de la rue Drummond et du boulevard Dorchester ». Il s’agit du stationnement situé sur le lot 1925.



[55] En 1972, par résolution du 14 mars (D-10), la Ville refuse la permission à l’exploitant de l’époque d’établir un terrain de stationnement sur le lot 1925. En 1991 et en 1996, par résolution, la Ville réitère son refus, notamment quant à ce lot (P-13 et P-15).



[56] La station d’essence située au coin nord-ouest du quadrilatère n’apparaît plus sur les photos aériennes (D-32) à compter de 1966.



[57] La démolition du garage Trizec fut autorisée en 1995 et fut suivie immédiatement d’une autorisation personnelle et non transférable d’exploiter un terrain de stationnement pour une période de soixante (60) mois (D-12).



[58] Cette autorisation couvre les lots P-594 et P-595.



[59] Dans ce quadrilatère, il y a des ruelles versées dans le domaine public qui occupent les lots P-596, 1943 et 601-1 (D-2). La ruelle sur le lot 601-1 semble avoir été déplacée vers le nord, suivant un plan de 1940 (D-4).



[60] En 2005, la Ville, pour affirmer la souveraineté de son territoire, fait installer des blocs de béton reliés par une chaîne, après avoir fait arpenter le terrain. En 2006, on a constaté que ces blocs avaient été déplacés, que les chaînes avaient disparu et les bornes d’arpentage aussi, puisque le terrain a été réasphalté. Il appert toutefois qu’un événement, dans le cadre du Grand Prix de Montréal, prit place sur l’îlot en juin 2006, autorisé par la Ville de Montréal (D-44), incluant le pavage du sol.



[61] Sur la photo aérienne de 1974 (D-32), on voit que le lot 1925 est en excavation. Il en était de même en janvier 1975 et en mai 1977 d’après les plans d’utilisation du sol émanant de la Ville (D-7 et D-33).



[62] Sur le plan d’utilisation du sol de janvier 1975, on ne voit aucune indication que le lot P594 était utilisé comme stationnement (D-7). C’est la même situation sur le plan de 1990 (D-8).



[63] Il en est de même pour le lot 596-2, pour ces deux (2) mêmes années.



[64] Une résolution du 25 février 1958 autorisait de façon générale l’aménagement de stationnements temporaires conformément au règlement 2022.



[65] Selon le dossier d’occupation (P-36), des permis d’occupation ont été émis pour fins de parc de stationnement sur les lots P596-2, P597 à P601, et 602 à P604 entre 1985 et 1994. Une nouvelle demande avait toutefois été présentée en 1990, couvrant cette fois les lots P604, 605, P596-2 et 1925, laquelle fut refusée.



[66] M. Perreault en déduit que c’est pour l’autre partie du lot 596-2 que la demande de permis fut refusée.





Témoignage de M. Charles Besner



[67] M. Charles Besner, frère de Jonathan, né le […] 1960, fut le président de Safeway de 1987 à 1993. Il fonda, avec son beau-frère David Marshall, Stationnement Populaire en 1994.



[68] Son père opérait le garage de deux (2) étages bien avant l’année de sa naissance, en 1960.



[69] Le lot P594 était utilisé comme stationnement d’aussi loin qu’il se souvienne (fin des années 60). Il en était de même du lot 1925, jusqu’à ce qu’il y ait des travaux de construction sur ce lot. Ces travaux n’aboutirent jamais et le propriétaire de l’époque, McLaughlin, pris entente avec l’entreprise de son père pour que cette dernière y opère un terrain de stationnement.





Témoignage de M. Normand Fortier



[70] M. Normand Fortier est directeur du développement chez Stationnement Populaire depuis 2003. Il est géographe de formation.



[71] À son arrivée dans l’entreprise, il a fait l’inventaire des permis et constaté qu’elle détenait des permis pour tous les stationnements, dont celui pour l’îlot du Centre Bell (D-17).





Témoignage de M. Martin Boisvenue



[72] M. Martin Boisvenue a témoigné en sa qualité d’expert géographe en photo-interprétation. Il a utilisé des photographies aériennes archivées provenant de trois (3) sources différentes : le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral et l’entreprise privée.



[73] Il a eu recours, pour certaines photos, à la technique de stéréoscopie grâce à laquelle il peut examiner une photographie aérienne en trois (3) dimensions, en jumelant deux (2) photos voisines sous un appareil appelé un stéréoscope.



[74] Il peut ainsi témoigner de certains détails difficilement décelables autrement.



[75] Il explique notamment qu’en examinant la photo de 1958 de D-32, le seul accès au stationnement situé au coin nord-est de l’îlot (lot 1925) est situé sur la rue Drummond.



[76] Une photographie aérienne du gouvernement fédéral datant du 19 novembre 1960 fut agrandie quinze (15) fois pour cibler le quadrilatère qui nous concerne. Cet agrandissement rend évidemment la photo floue. Néanmoins, M. Boisvenue voit qu’un petit bâtiment présent sur le lot 1925 en 1958 a été démoli. Des véhicules sont garés dans cet espace.



[77] Il témoigne aussi voir au moins deux (2) véhicules garés dans une espèce de cour intérieure entre les édifices, au centre de l’îlot, dans sa partie nord. L’accès se fait par la rue Drummond dans un axe ouest-est, environ au centre de l’îlot ou par la ruelle accessible de la rue de la Montagne.



[78] Sur la photo de 1963 de D-32, il n’y a pas de changement. Il n’y a pas de véhicule dans la cour intérieure.



[79] Sur la photo de 1966 de D-32, un autre petit bâtiment a été détruit à côté du stationnement du coin nord-est. Le stationnement s’est agrandi. Entre outre, un bâtiment qui ressemble à une cabane est maintenant présent, du côté de la rue Drummond. Le seul accès demeure sur la rue Drummond. Il n’y a qu’une auto stationnée.



[80] On voit facilement sur cette photo plusieurs véhicules garés dans la cour intérieure avec accès par les rues de la Montagne et Drummond.



[81] En 1966, le bâtiment situé au centre de l’îlot et donnant sur Dorchester a disparu.



[82] Des obstacles, probablement des blocs de ciment, sont posés tout le long de la rue Dorchester et débordent sur les deux (2) rues perpendiculaires, empêchant un accès par la rue Dorchester.



[83] Sur la photo de 1968 de D-32, on aperçoit un muret blanc qui borde le terrain du nord-est de l’îlot; l’accès se fait toujours par la rue Drummond, mais la petite cabane a disparu. Il y a toujours quelques véhicules garés dans la cour intérieure. Un seul dans le terrain du coin nord-est, qui semble le même que sur la photo de 1966.



[84] Sur la photo de 1971 de D-32, il n’y a pas de changement, ni sur l’agrandissement d’une photo aérienne du gouvernement du Québec datant de 1972.



[85] Sur la photo de 1974 de D-32, on aperçoit évidemment l’excavation du côté du la rue Drummond. Plusieurs bâtiments y ont été détruits.



[86] Autre changement important : le bâtiment sur le lot 596-2 a été démoli. Ce qu’on voit sur la photo, ce sont deux (2) boîtes de camions, de quarante (40) ou cinquante (50) pieds de long qui sont situées l’une derrière l’autre. Ce pourrait aussi être des roulottes de chantier, mais pas un bâtiment.



[87] Sur une photographie du gouvernement du Québec de 1977 (D-56), on voit toujours l’excavation. On aperçoit clairement qu’il n’y a plus de bâtiment sur le lot 596-2, et M. Boisvenue voit des véhicules garés à cet endroit.



[88] Sur une photographie (D-58) du gouvernement du Québec du 19 juin 1979, on a toujours l’excavation qui est présente, mais on voit que le remblayage a débuté. Des véhicules sont garés sur le lot 596-2.



[89] Sur une photographie (D-59) du gouvernement du Canada datée du 17 mai 1980, on voit un immense stationnement pavé en lieu et place de l’excavation d’autrefois. Un bâtiment situé au coin de la Montagne et de la Gauchetière a été démoli et a fait place à un grand stationnement. Pour ces deux (2) terrains, les entrées semblent situées sur de la Gauchetière et de la Montagne, puisque sur René-Lévesque, l’accès est bloqué par un muret et qu’il semble y avoir des obstacles tout le long de la rue Drummond. On n’y voit que quatre (4) véhicules stationnés.



[90] Des véhicules sont garés sur le lot 596-2.



[91] M. Boisvenue déclare qu’il est peu probable que ce que l’on voit sur le lot nord-ouest sur les photos de 1958 et 1963 soient des pompes à essence : la forme est trop grosse, ce serait plutôt un véhicule, une camionnette peut-être, vu l’ombre projetée. Mais il se pourrait que ce soit un bâtiment de pompiste.





Objection à la preuve



[92] La poursuite a formulé une objection au dépôt des pièces D-16, D-17 et D-19 au motif qu’elles ne sont pas pertinentes. Le tribunal rejette cette objection quant à la pièce D-17, le certificat d’occupation émis à Safeway en 2002, et quant à la pièce D-19, la demande d’approbation d’un projet particulier déposée en 2004, ces deux (2) pièces étant pertinentes au litige.



[93] Toutefois, en ce qui concerne la pièce D-16, des lettres écrites par diverses personnes intéressées à ce que les défenderesses continuent d’opérer leurs activités de stationnement, l’objection sera maintenue, puisque le contenu de ces lettres constitue des considérations étrangères et non pertinentes au litige. L’opportunité « politique » de maintenir ou non le stationnement extérieur opéré par les défenderesses relève de la Ville et non des tribunaux.





IV. LE DROIT



[94] La défense dite de droits acquis a pour effet de rendre inapplicable à une situation, un règlement de zonage.



[95] Le professeur Jacques L’Heureux enseigne plus particulièrement qu’ :



« Un règlement ne peut […], sauf disposition contraire de la loi, toucher une situation juridique déjà existante au moment de son entrée en vigueur, le bénéficiaire d’une telle situation étant considéré avoir un droit acquis à celle-ci. En conséquence, un règlement ayant pour objet d’adopter ou de modifier un règlement d’urbanisme ne s’applique pas à une construction, à une utilisation ou à un lotissement déjà existant au moment de son entrée en vigueur, sauf disposition contraire de la loi. » [2]



[96] Les conditions d’existence des droits acquis sont bien décrites dans l’affaire de Huot c. L’Ange-Gardien (Municipalité de)[3] :



« Les principales conditions d’existence des droits acquis sont bien connues, maintes fois exposées en doctrine et en jurisprudence.



a) Les droits acquis n’existent que lorsque l’usage dérogatoire antérieur à l’entrée en vigueur des dispositions prohibant un tel usage était légal.



b) L’usage existait en réalité puisque la seule intention du propriétaire ou de l’usager ne suffit pas.



c) Le même usage existe toujours ayant été continué sans interruption significative.



d) Les droits acquis avantagent l’immeuble qui en tire profit. De tels droits ne sont pas personnels mais cessibles, suivant l’immeuble dont ils sont l’accessoire.



e) Ils ne peuvent être modifiés quant à leur nature et parfois quant à leur étendue bien que les activités dérogatoires peuvent être intensifiées en certains cas.



f) La seule qualité de propriétaire ne suffit pas quant aux droits acquis. »



[97] Si l’usage est modifiée, la reconnaissance de droits acquis sera maintenue si le test décrit dans l’affaire de St-Romuald (Ville de ) c. Olivier[4] est rencontré :



« (C) Résumé de la démarche



Voici donc la façon dont j’aborderai la question des limitations au droit acquis des intimés :



1. Il faut d’abord qualifier la fin visée par l’usage préexistant (Central Jewish Institute, précité). La fin à laquelle les lieux ont été utilisés (c.-à-d. « l’usage ») est déterminée par la nature des activités réellement exercées sur le site avant l’entrée en vigueur des restrictions édictées dans le nouveau règlement.



2. Lorsque l’usage actuel correspond simplement à une intensification de l’activité préexistante, il pourra rarement être contesté. Toutefois, il se peut qu’il ne soit plus protégé si l’intensification est telle qu’elle n’est plus une question de degré, mais qu’elle entraîne, quant à ses effets sur la collectivité, un changement dans le genre d’activité exercée (…).



3. Dans la mesure où le propriétaire foncier étend ses activités au-delà de celles auxquelles il se livrait auparavant (comme lorsqu’un atelier d’encadrement sur commande a tenté d’ajouter une activité d’aménagement paysager dans Nepean (City) c. D’Angelo (1998), 49 M.P.L.R. (2d) 243 (C. Ont. (Div. Gén.))), les activités ajoutées peuvent être jugées trop éloignées des activités antérieures pour être protégées par l’usage dérogatoire. Dans un tel cas, les activités ajoutées ne sont tout simplement pas incluses dans quelque définition équitable que ce soit de l’usage préexistant et il n’est pas nécessaire d’évaluer les « effets sur le voisinage ».



4. Dans la mesure où des activités sont ajoutées ou modifiées dans les limites des fins originales (c.-à-d. des activités accessoires ou étroitement liées aux activités préexistantes), notre Cour doit soupeser l’intérêts du propriétaire foncier en regard de l’intérêt de la collectivité en tenant compte de la nature de l’usage préexistant (p. ex. la mesure dans laquelle celui-ci est incompatible avec l’usage des terrains voisins), du degré de proximité (plus la nouvelle activité se rapproche de l’activité originale, moins le droit acquis est contestable) et des nouveaux effets ou de l’aggravation des effets sur le voisinage (p. ex. l’ajout d’un concasseur de pierres dans un quartier résidentiel risque de déranger davantage le voisinage que l’ajout d’un télécopieur). Plus la perturbation est grande, plus la définition de l’usage préexistant ou du droit acquis sera restrictive. Cette démarche ne prive le propriétaire foncier d’aucun droit. Par définition, la limitation ne s’applique qu’aux activités ajoutées ou modifiées.



5. À moins qu’ils ne soient évidents, les effets sur le voisinage ne doivent pas être présumés ; la partie qui les invoque doit en faire la preuve.



6. La qualification résultante du droit acquis (ou de l’usage dérogatoire légal) ne doit pas être générale au point de libérer le propriétaire des contraintes découlant de ce qu’il a fait réellement, ni être restrictive au point de le priver d’une certaine souplesse dans l’évolution raisonnable de ses activités antérieures. Le degré de souplesse peut varier selon le type d’usage. En l’espèce, par exemple, l’usage préexistant est l’exploitation d’un cabaret qui, de par sa nature, requiert du renouveau et du changement. Dans des limites raisonnables, il faut permettre ce changement.



7. Même si la définition des droits acquis comportera toujours un élément subjectif, les critères susmentionnés constituent une tentative d’asseoir la décision de notre Cour sur des faits objectifs. L’issue de l’analyse visant à qualifier l’usage ne doit pas reposer sur des jugements de valeur personnels (…). »





[98] Le fardeau de la preuve en matière de droits acquis appartient à celui qui les invoque à qui il revient de les prouver par prépondérance des probabilités[5].







[99] Toutefois, il incombe à la Ville, le cas échéant, de faire la preuve qu’il y a eu extinction de tels droits[6].



[100] Cette preuve peut être faite en établissant que l’usage a été interrompu pendant une durée et dans des circonstances « permettant de conclure à une intention d’abandonner l’usage pour l’avenir et de renoncer à invoquer un droit acquis »[7].



[101] Selon une interprétation jurisprudentielle récente, le régime des droits acquis doit être interprété de manière restrictive[8].



[102] Cela s’explique par la nature dérogatoire de la doctrine des droits acquis, en regard de la réglementation d’urbanisme adoptée dans l’intérêt public.



[103] L’aspect déterminant pour la reconnaissance de droits acquis, c’est la légalité de l’usage réellement fait. Le fait d’avoir obtenu ou non un permis pour l’exercice de l’usage n’a pas d’incidence sur les droits acquis[9].



[104] À l’inverse, si un permis a été émis illégalement, il ne confère pas de droits acquis[10]. La jurisprudence est au même effet en ce qui concerne le paiement et la perception de taxes[11].



[105] Par ailleurs, ces deux (2) éléments, soit l’émission d’un permis et la perception de taxes, de même que la tolérance d’une municipalité à l’égard d‘une situation existante, constituent des facteurs qui peuvent être pris en considération avec d’autres pour évaluer si la Ville est forclose d’invoquer la dérogation au règlement d’urbanisme. L’énoncé qui suit, tiré du jugement du juge Rochon dans l’arrêt de la Cour d’appel de Montréal (Ville de) c. Chapdelaine[12] expose la théorie de la forclusion ou préclusion :



«[51] La préclusion en droit public[23] permet aux tribunaux, dans des circonstances particulières et exceptionnelles, d'user de leur discrétion et de refuser le recours. Soit dit avec égards, le fondement de cette discrétion ne se situe ni dans le texte de l'article 227 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme ni dans la discrétion inhérente au pouvoir de contrôle et de surveillance de la Cour supérieure. En l'espèce, il ne s'agit pas d'invalider un règlement, mais d'en refuser l'application. En matière d'urbanisme, le législateur a accordé une discrétion essentiellement politique aux administrations municipales dans le cas de dérogations mineures. Manifestement, l'article 227 L.A.U. ne confère pas cette discrétion aux tribunaux. Ces derniers auront discrétion uniquement pour substituer à la demande en démolition des mesures autres.

[52] Sans élaborer une théorie générale sur le sujet, je retiens que les tribunaux refuseront la demande de la municipalité si nous retrouvons l'ensemble des éléments suivants :



• Il doit s’agir de circonstances exceptionnelles et rarissimes.



• L’intérêt de la justice doit commander le rejet du recours.



• La personne en contravention de la réglementation municipale doit avoir été diligente et de bonne foi. Elle ne doit pas avoir connu la contravention préalablement.



• L’effet du maintien de la contravention ne doit pas avoir une conséquence grave pour la zone municipale touchée.



• Il doit y avoir existence d’un délai déraisonnable (généralement plus de 20 ans) et inexcusable de la part de la municipalité.



• Il doit y avoir eu un acte positif de la municipalité (émission de permis, perception de taxes).



• La situation dérogatoire ne doit pas avoir pour effet de mettre en danger la santé ou la sécurité publique, l’environnement et le bien-être général de la municipalité. »





V. L’ANALYSE



[106] Il est approprié de procéder à l’analyse par l’étude de l’utilisation des anciens lots regroupés ainsi : lots P594 et P595, lots 1925, 604 et 605, et lot 596-2.





Lots P-594 et P-595



[107] La preuve est non équivoque sur le fait qu’il y eut un bâtiment de deux (2) étages abritant un garage de stationnement commercial sur le lot P-595 avant 1960 (D-5, D-52) et jusqu’en 1995 ou 1996 lorsqu’il fut démoli (P-6 et D-12).



[108] Avant 1960, cet usage est légal, puisqu’aucune disposition ne l’interdit.



[109] En 1960, lors de l’entrée en vigueur du règlement 2583, ce bâtiment sur le lot P-595 bénéficie de droits acquis à l’usage « garage public » qui est désormais interdit dans la lisière de 150 pieds. L’expression est tirée de l’article 6B)7° du règlement 2583. Elle est distincte de l’expression « parc de stationnement » utilisée à l’article 6A)7°, puisque la disposition décrit les occupations défendues d’une part sur les lots non bâtis, cours et courettes (6A) et d’autre part, à l’égard des bâtiments (6B).



[110] Entre 1960 et 1980, le même usage se poursuit, sans interruption.



[111] L’interdiction générale d’aménager ou d’exploiter un parc de stationnement extérieur décrétée en 1980 par le règlement 5591 ne s’applique pas au lot P-595 dont l’usage est toujours protégé.



[112] Qu’advient-il lors de la démolition du bâtiment en 1995-1996 ?



[113] Cette démolition fut immédiatement suivie par l’exploitation d’un terrain de stationnement extérieur en vertu d’une autorisation personnelle et non transférable, donnée en vertu de l’article 649a) de la Charte. Cette autorisation semble avoir été accordée précisément parce que le règlement de zonage alors en vigueur (le règlement 94-077) ne permettait pas cet usage.



[114] On peut en effet lire sur le document de travail du Comité exécutif rattaché à l’autorisation (D-12) :



« La présente demande s’inscrit dans les orientations de la Ville en ce qu’elle implique la réduction du nombre de stalles existantes de 78 à 51, de même que la perte des droits acquis reliés au stationnement étagé existant suite à sa démolition. »



[115] L’usage stationnement extérieur était-il dérogatoire ? La démolition du garage a-t-elle fait perdre les droits acquis à l’usage stationnement ?



[116] Il faut d’abord préciser que l’autorisation personnelle et non transférable ne peut pas avoir été créatrice de droits[13].



[117] Seul l’examen de l’usage réel en regard de la situation juridique peut mener à la réponse recherchée.



[118] Le règlement 94-077 en vigueur lors de la démolition permettait, à titre d’usage conditionnel associé à la catégorie C.4, le stationnement intérieur. En cette matière, ce qui n’est pas permis est prohibé[14]. C’est donc dire que le stationnement extérieur n’est pas permis sur ce lot.



[119] Mais comme l’usage « garage public » était protégé par droits acquis jusque-là, les défenderesses peuvent-elles étendre cette protection à l’usage stationnement extérieur qu’elles exercent désormais ?



[120] L’activité commerciale réellement exercée sur le lot P-595 demeure la même, soit du stationnement public. Cela suppose l’entrée et la sortie de véhicules, leur stationnement moyennant un tarif, la présence d’un ou de plusieurs préposés, etc.



[121] Mais là où le bât blesse, c’est lorsqu’on analyse la réglementation. Le législateur municipal a toujours distingué l’activité stationnement intérieur qui requiert nécessairement la présence d’un bâtiment, de l’activité stationnement extérieur.



[122] Cette distinction existe au moins depuis 1960, alors que dans le règlement 2583, on distingue un parc public de stationnement (6A7°) d’un garage public (6B7°).



[123] Que le législateur l’ait nommé « garage public », « stationnement intérieur » ou « parc de stationnement commercial intérieur » au fil du temps, ne change rien à la nature de l’usage.



[124] Comme un stationnement intérieur est nécessairement abrité par un bâtiment, il est assujetti à de nombreuses dispositions législatives imposant une multitude de normes de natures diverses qui ne s’appliquent pas aux stationnements extérieurs.



[125] En outre, les droits acquis rattachés à un bâtiment se perdent lors de sa démolition[15].



[126] Le législateur l’a d’ailleurs spécifiquement prévu à l’article 704 du règlement 94-077 alors en vigueur, sous le titre Perte de droits acquis, lorsqu’il édicte qu’une construction dérogatoire détruite doit être reconstruite en conformité avec les nouvelles normes réglementaires.



[127] Le tribunal est d’avis que la démolition du garage en 1995-1996 a provoqué la perte des droits acquis à l’usage stationnement intérieur et que cette protection ne pouvait s’étendre à l’usage stationnement extérieur qui était alors interdit dans ce secteur.



[128] Voyons maintenant ce qui concerne le lot P-594.



[129] Sur ce lot, en 1960, il y avait une station d’essence (D-32 photo de 1958, D-5 et D-9 a) et b)).

[130] Les bâtiments particuliers à une station d’essence s’y trouvent au moins jusqu’en 1963 (D-32 photo de 1963).



[131] Le lot P-594 n’était pas utilisé comme terrain de stationnement avant 1960.



[132] Entre 1960 et 1980, toutes les photographies démontrent qu’aucun véhicule n’est garé sur ce lot (D-32, D-55 à D-59). En outre, deux (2) plans d’utilisation du sol (D-7 en 1975 et D-33 en 1977) indiquent qu’aucune activité « stationnement » n’a lieu sur ce lot.



[133] L’affirmation de M. Charles Besner à l’effet contraire ne satisfait pas le tribunal, vu l’ensemble de la preuve.



[134] Il en est de même après 1980 (photo 1981 de D-32, et D-8 plan d’utilisation du sol de 1990) et jusqu’en 1995-1996. Par la suite, l’autorisation personnelle et non transférable octroyée à l’égard du lot P-595 couvre également le lot P-594 (D-12) et y autorise le stationnement extérieur jusqu’en l’an 2000.



[135] Toutefois, en ce qui concerne le lot P-594 qui n’avait jamais été utilisé comme terrain de stationnement avant 1995-1996, il ne bénéficie pas de droits acquis à cet usage. L’autorisation personnelle et non transférable (D-12) octroyée par la Ville n’est pas créatrice de droits.



[136] En conséquence, les lots P-594 et P-595 ne sont plus, aux dates des infractions, protégés par des droits acquis à l’usage stationnement commercial extérieur.





Lots 1925, 604 et 605



[137] Ces lots sont situés au nord-est de l’îlot.



[138] Peu avant le 1er décembre 1960, le lot 1925 était vacant. Le plan d’utilisation du sol de 1957 (D-5) l’indique, mais il n’y a pas d’indication de stationnement.



[139] En 1958, sur la photo D-32, on aperçoit plusieurs véhicules garés sur ce lot. Il en est de même en 1960, sur la photo D-54.



[140] Les deux (2) témoins Besner étant de tout jeunes enfants à cette époque, leur témoignage sur ce sujet est de peu de valeur probante.



[141] Une résolution du comité exécutif datée du 9 décembre 1960, soit huit (8) jours après l’adoption du règlement 2583, donne instruction aux avocats de la Cité, de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser l’exploitation, sans permission, des terrains de stationnement situés « (…) et à l’angle sud-ouest de la rue Drummond et du boulevard Dorchester » (D-37). Il s’agit du lot 1925.



[142] Cette résolution jumelée aux photos mentionnées ci-haut, constitue une preuve satisfaisante, selon la prépondérance des probabilités, que le lot 1925 était utilisé comme stationnement avant l’adoption du règlement 2583.



[143] Il bénéficiait donc de droits acquis à cet usage en 1960.



[144] Toutefois, après 1960, toutes les photographies du lot (D-32, D-55 et D-56) démontrent aucun, un ou deux (2) véhicules garés à cet endroit. Ce ne peut être le fruit du hasard, puisque les terrains de stationnement avoisinants sur ces photos sont remplis, eux, de véhicules garés (D-32).



[145] Ici encore, le témoignage de Charles Besner à l’effet que ce lot était utilisé comme terrain de stationnement avant qu’il ne soit excavé, n’est pas accepté considérant l’ensemble de la preuve.



[146] En outre, en 1972, le comité exécutif de la Ville refuse à Stationnement Rapide Ltée d’établir un terrain de stationnement sur le lot 1925 (P-10).



[147] Puis, entre 1974 et 1979, le lot 1925, le lot 605 et d’autres lots ayant front sur la rue Drummond sont en excavation, soit pendant plus de cinq (5) ans.



[148] M. Jonathan Besner a expliqué que la compagnie McLaughlin, propriétaire notamment des lots 605 et 1925, avait fait construire l’hôtel Sheraton du côté nord-ouest de l’intersection Drummond et René-Lévesque, à temps pour les Jeux olympiques de 1976.



[149] L’entreprise planifiait faire un nouveau développement sur ces lots, mais a abandonné ce projet. De toute évidence, on avait renoncé à l’usage stationnement extérieur.



[150] M. Besner père s’est par la suite montré intéressé à aménager et exploiter un terrain de stationnement sur ces lots.



[151] Toutefois, le non-usage pendant plus de dix (10) ans jumelé à une excavation en suspens pendant plus de cinq (5) ans ont fait perdre les droits acquis au stationnement extérieur sur ce lot.



[152] La très longue durée de l’interruption de l’activité de stationnement permet de conclure à l’intention d’abandonner cette activité pour l’avenir et de renoncer à invoquer un droit acquis. L’unique demande de permission en 1972 est insuffisante pour en conclure autrement. La poursuite s’est déchargée de son fardeau de prouver, par prépondérance des probabilités, l’abandon de l’usage stationnement extérieur.



[153] Lorsque le terrain est asphalté et aménagé en stationnement extérieur vers octobre 1979, il ne faut pas perdre de vue que le lot se trouve dans la bande de quarante-cinq (45) m où l’établissement d’un stationnement est interdit (règlement 2583, article 1 (1°) et 6 B) 7°) et règlement 5415, article 1).



[154] Par exception à cette règle, si le terrain de stationnement est situé à l’arrière de tout édifice et sans accès au boulevard Dorchester, il est permis de l’exploiter (art. 1, règlement 2809).



[155] La défense plaide que le terrain est situé derrière le garage Trizec situé sur le lot P-595. Ce bâtiment est identifié comme portant les adresses civiques 1260, boulevard Dorchester, et 1075 et 1077 de la Montagne. Il n’y a aucun accès au terrain de stationnement par le boulevard Dorchester.



[156] Que doit-on comprendre du règlement 2809 qui prévoit qu’on peut exploiter un terrain de stationnement à l’arrière de tout édifice ?



[157] Lorsqu’il s’agit d’interpréter l’intention du législateur municipal, « il faut se référer au contexte et à la justification de ce règlement puis au bon sens »[16].



[158] Il importe donc d’analyser l’intention du législateur lorsqu’il a édicté le règlement 2583. L’objectif de ce règlement est de restaurer et d’améliorer l’apparence des bordures du boulevard Dorchester. Cela ressort clairement des articles 1 et 6. En effet, les occupations défendues par l’article 6 ont trait à des activités susceptibles de détériorer l’aspect visuel desdites bordures.



[159] L’exception prévue au règlement 2809 doit s’analyser dans ce contexte. Lorsqu’il édicte qu’un terrain de stationnement peut être aménagé à l’arrière de tout édifice, on doit comprendre que le stationnement ne peut pas border cette rue. Cela se confirme lorsqu’on considère l’autre condition imposée : il ne doit même pas y avoir d’accès par le boulevard Dorchester.



[160] En outre, l’article 5 du règlement 2583, intitulé : « Dispositions déclaratoires et interprétatives » contient une définition du terme « lot » dont il est impératif de tenir compte. Un « lot » est défini en ces termes :



« 10) b) « lot » : un lot distinct sur le plan officiel du cadastre ou sur un plan de subdivision fait et déposé conformément à la loi.



Lorsque plusieurs lots sont utilisés pour la construction d’un même bâtiment, ces lots doivent être considérés comme un seul et même lot pour les fins du présent règlement ; »



[161] Examinons de nouveau les dispositions des règlements à interpréter :







« Article 6 – Occupations défendues.



A. Lots non bâtis, cours et courettes :



Il est défendu d’utiliser un lot non bâti ou la partie non construite d’un lot pour les fins suivantes : (…)



7° pour y établir et exploiter un parc public de stationnement, un poste de taxis ou d’automobiles de louage, ou un poste de lavage d’automobiles. »



(règlement 2583)



« Article 1 – (…)



En exception aux dispositions qui précèdent, il est permis d’établir et d’exploiter un parc public de stationnement à l’arrière de tout édifice, à condition que le terrain utilisé à cette fin n’ait pas d’accès au boulevard Dorchester pour les automobilistes dont l’entrée et la sortie se font par une ruelle ou une voie desservant ledit terrain à l’arrière, ou par une voie transversale audit boulevard. »

(règlement 2809)



[162] En relisant ces dispositions dans leur ensemble, il apparaît que le législateur a voulu que le stationnement qu’il autorise par exception soit situé sur le même lot que l’édifice à l’arrière duquel il est autorisé. C’est là l’interprétation logique à donner au texte, puisqu’un lot y est défini comme étant un lot distinct. Un terrain de stationnement, même situé à l’arrière d’un édifice mais sur un autre lot, n’est pas autorisé.



[163] En conséquence, le terrain de stationnement aménagé en 1979 n’est pas situé à l’arrière de tout édifice au sens du règlement et dès lors, son aménagement est dérogatoire.



[164] Postérieurement à 1980, deux (2) résolutions viennent confirmer le refus de la Ville d’autoriser l’aménagement et l’exploitation d’un parc de stationnement sur le lot 1925, soit en 1991 (P-13) et en 1996 (P-15).



[165] Par ailleurs, sur les lots 604 et 605, il y avait des bâtiments en 1960 (D-32). Ils ont été détruits après 1960, mais l’usage stationnement extérieur était alors dérogatoire, puisque le lot 605 et partie du lot 604 étaient situés dans la bande de 150 pieds au sud du boulevard Dorchester.



[166] Lorsque ces lots sont aménagés en terrain de stationnement extérieur en octobre 1979 conjointement avec le lot 1925 et d’autres lots, ils ne sont pas eux non plus, situés à l’arrière de tout édifice.



[167] L’utilisation de la portion du lot 604 situé hors de la lisière de quarante-cinq (45) m pourrait être légale. Mais la preuve n’est pas prépondérante que telle utilisation eut lieu avant l’entrée en vigueur du règlement 5591 en 1980.



[168] Il n’y a jamais eu de droits acquis à l’usage stationnement sur les lots 604 et 605.



[169] Aux dates d’infractions, les lots 1925, 604 et 605 n’étaient pas protégés par droits acquis à l’usage stationnement extérieur.



[170] Quelques mots sur le stationnement en « cour intérieure ». M. Boisvenue a déclaré voir quelques véhicules (très peu nombreux) garés dans la « cour intérieure » formée par l’ancien garage Burke ou Trizec, le bâtiment de Bell Canada et d’autres édifices. Il situe cette cour intérieure au centre du quadrilatère.



[171] Le tribunal est convaincu, d’une part, qu’une partie de cette « cour intérieure » correspond aux ruelles de l’îlot. D’autre part, les observations de M. Boisvenue sont insuffisantes pour conclure que sur les lots 1925 et 605, l’usage stationnement avait cours comme usage principal[17].





Lot 596-2



[172] Le lot 596-2 ou 1 851 392 appartient à Masdev depuis le 7 février1997 (D-47).



[173] Tel qu’il appert d’un certificat de localisation du 3 février 1997 (D-46), ce lot est situé en front de la rue de la Montagne et il mesure 27 pieds de large par 124,2 pieds de long (123,75 selon le cadastre). Sa superficie totale est donc de 3 353,4 pieds2 (3 341,25 pieds2 selon le cadastre).



[174] Un bâtiment était érigé sur ce lot jusqu’en 1973 ou 1974. Cela apparaît des rôles d’évaluation pour les années 1972-73 (D-50) et 1973-74 (D-51) et d’une photographie aérienne de 1974 (D-32). Le témoignage de M. Boisvenue sur cette photo à l’effet qu’il n’y a plus de bâtiment est convaincant compte tenu de l’ensemble de la preuve sur cette question.



[175] Postérieurement à la démolition de l’immeuble, la preuve est prépondérante à l’effet que le lot a été utilisé comme stationnement avant 1980. Les plans d’utilisation du sol de 1975 (D-7) et de 1990 (D-8) ne comportent aucune indication que du stationnement avait cours sur ce lot, mais celui de 1977 (D-33) indique « parking 12 autos », et un « relevé de parking » de novembre 1979 (D-40) mentionne ce lot. Le témoignage de M. Boisvenue est au même effet au sujet des photographies de 1979 (D-58) et de 1980 (D-59) : il y a des véhicules garés sur ce lot.



[176] Cette occupation de la totalité du lot par un terrain de stationnement était-elle légale avant le 12 décembre 1980 lors de l’entrée en vigueur du règlement 5591 ?



[177] Pour répondre à cette question, il faut voir si, d’une part, le terrain est situé dans la lisière de 45 m au sud du boulevard Dorchester (règlement 5415 du 24 décembre 1979) et dans l’affirmative, vérifier si l’exception prévue au règlement 2809 peut s’appliquer, c’est-à-dire s’il est situé à l’arrière d’un édifice (le garage Trizec) et s’il n’y a pas d’accès au boulevard Dorchester.



[178] Il appert que la limite sud de la lisière de 150 pieds coupait en deux (2) le lot 596-2, selon un plan annexé à la lettre du 22 octobre 2004 de M. Perreault (D-31) et que seule la portion sud, mesurant 3,55 m de large sur toute la longueur du lot, bénéficiait de droits acquis.



[179] Or, la mesure qui aurait dû être utilisée est celle de 45 m et non plus de 150 pieds.



[180] Le facteur de conversion d’un pied en mètre est de 0,3048[18].



[181] L’ancienne mesure de 150 pieds équivaut à 45,7 m. Il y a donc lieu d’ajouter 0,7 m à la portion sud protégée par droits acquis parce qu’elle est située en dehors de la limite de 45 m où l’exploitation d’un stationnement extérieur était interdite avant 1980. La portion protégée est donc de 4,25 m de large, sur toute la longueur du lot.



[182] La défenderesse a remis en question la façon de mesurer la distance de 45 m, soit à partir de l’emprise de la rue, sans toutefois justifier pourquoi il aurait dû en être autrement. Le tribunal considère que les mesures ont été prises comme il se doit.



[183] Qu’en est-il par ailleurs de la portion nord du lot ? Peut-elle bénéficier de l’exception prévue au règlement 2809 ?



[184] La réponse est non, pour les motifs exprimés plus haut quant à l’interprétation à donner à cette exception, considérant que le stationnement est situé sur un autre lot que le garage Trizec.



[185] L’usage stationnement extérieur est donc dérogatoire sur la partie nord du lot 596-2 et cet usage n’est pas protégé par droits acquis.



[186] La défenderesse Masdev plaide qu’à l’égard du lot 1851392, le règlement de zonage 01-282 est confiscatoire et déraisonnable et que par conséquent, il lui est inopposable.



[187] Cet argument a été soulevé en plaidoirie et aucune preuve ne fut offerte pendant l’instruction sur ce sujet. Aucun préavis ne fut donné à la poursuite qui n’a pas pu se préparer en conséquence.



[188] Cet argument est soulevé tardivement et n’est fondé sur aucune preuve. Pour ces motifs, il est rejeté.





L’indivisibilité des lieux de l’infraction



[189] À l’égard des défenderesses Stationnement Populaire et 9090-6421 Québec inc., les constats d’infraction sont rédigés comme suit :



« avoir occupé ou autorisé l’occupation d’un lot dans un secteur d’usage C-4 à des fins autres que celles prévues par règlement et ce au : 99999, boulevard René-Lévesque ouest, anciens lots 594, 595, 1925, 604 et 605, nouveau lot 1851391. »



[190] Sur certains constats, une autre adresse civique est indiquée, mais l’argument soulevé par la défense concerne la description du lot.



[191] Elle prétend que si le tribunal reconnaissait des droits acquis sur un ancien lot, par hypothèse le lot 595, elle devrait acquitter les défenderesses puisque le lieu de l’infraction est décrit comme un tout indivisible. En d’autres termes, outre le cas où le tribunal ne reconnaîtrait pas de droits acquis sur aucun des anciens lots, elles devraient être acquittées.



[192] Le tribunal ne partage pas cette analyse.



[193] La poursuite a l’obligation de décrire le lieu d’une infraction alléguée le plus précisément possible pour permettre à la défense de bien savoir ce qu’on lui reproche et d’exercer son droit à une défense pleine et entière.



[194] La numérotation des lots a été modifiée. Aujourd’hui, un seul lot, le lot 1 851 391, regroupe plusieurs anciens lots qui sont énumérés au constat pour fins de précision.



[195] Bien que seule la mention du « nouveau » lot eût suffit, la mention des anciens lots n’ajoute pas au fardeau de la poursuivante.



[196] La question à laquelle le tribunal doit répondre est : y-a-t-il eu occupation illégale du lot 1 851 391 ? Que l’occupation illégale ait lieu sur 10% du lot, 50% du lot ou 100% du lot importe peu. Dès que le tribunal est satisfait qu’il y a eu occupation illégale sur le lot 1 851 391, l’infraction est prouvée.



[197] Il en est de même à l’endroit de la défenderesse Masdev. Dans la mesure où le tribunal est satisfait qu’il y a eu occupation illégale sur le lot 1851392, quelle que soit la superficie de cette occupation, l’infraction est prouvée.



[198] Les défenderesses ayant admis tous les éléments essentiels des infractions aux dates d’infraction indiquées (P-20, P-21, P-23, P-30 et P-31), leur argument tiré de la description du lieu de l’infraction doit être rejeté.





La préclusion



[199] C’est dans l’arrêt de la Cour d’appel du Québec, de Montréal (Ville de) c. Chapdelaine, déjà cité (note 1), que le juge Rochon applique la théorie de la préclusion.



[200] Pour leur part, les juges Chamberland et Lemelin ont considéré qu’il n’était pas essentiel de déterminer le fondement de la discrétion judiciaire dans l’application de l’article 227 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme. Le juge Rochon est le seul à avoir appliqué la théorie de la préclusion pour en arriver au même résultat, à savoir le rejet de la requête en cessation d’usage.



[201] Préalablement à l’arrêt Chapdelaine, dans Centre hospitalier Mont-Sinaï c. Ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec[19], les juges McLachlin et Binnie ont apporté une importante réserve à l’application de cette théorie en face d’une disposition claire de la loi. Ils énoncent :



« La préclusion en droit public exige clairement que l’on détermine l’intention que le législateur avait en conférant le pouvoir dont on cherche à empêcher l’exercice. La loi est suprême. Des circonstances qui pourraient par ailleurs donner lieu à la préclusion peuvent devoir céder le pas à un intérêt public prépondérant exprimé dans le texte législatif. Comme le juge Rand l’a affirmé dans l’arrêt St. Ann’s Island Shooting and Fishing Club Ltd c. The King, [1950] R.C.S. 211, p. 220 : [TRADUCTION] «il ne peut pas y avoir préclusion face à une disposition explicite d’une loi » (je souligne). Voir également The King c. Dominion of Canada Postage Stamp Vending Co., [1930] R.C.S. 500. »



[202] En matière pénale statutaire, le tribunal n’a pas de discrétion : une fois que les éléments essentiels de l’infraction sont prouvés hors de tout doute raisonnable et que la défense proposée est rejetée, il doit trouver le défendeur coupable.



[203] La doctrine en matière de droits acquis enseigne par ailleurs que ni l’obtention d’un permis émis en contravention de la réglementation municipale, ni les inconvénients causés par le respect des règlements, ni le paiement d’une taxe, ni la tolérance de la municipalité, ne confèrent de droits[20].



[204] Dans la présente instance, la municipalité a certes toléré la situation et perçu des taxes.



[205] Elle a émis des permis en bonne et due forme, sauf un qui est entaché d’une erreur grossière que la municipalité a corrigée. Les avis changeants de M. Perreault n’ont pas créé de droits aux défenderesses.



[206] Les inconvénients majeurs causés aux défenderesses qui devraient cesser leur activité commerciale là ou elle est dérogatoire n’ont pas priorité sur l’intérêt public.



[207] Cela étant dit, les défenderesses et leurs auteurs ne sont pas sans reproches, puisqu’ils savaient ou devaient savoir, depuis 1972, que l’usage stationnement était interdit.



[208] Plusieurs de leurs demandes ont en effet été refusées par la municipalité au fil des années. La prétention des défenderesses est qu’elles ont agi ainsi en étant convaincues qu’elles possédaient des droits acquis. De toute évidence, la municipalité ne l’entendait pas ainsi et ce, à leur connaissance. Elles ont, elles aussi, laissé écouler le temps, tout en continuant à opérer leur activité commerciale.





VI. CONCLUSION



[209] CONSIDÉRANT l’admission des défenderesses que tous les éléments essentiels des infractions ont été prouvés par la poursuivante hors de tout doute raisonnable ;



[210] CONSIDÉRANT QUE les défenderesses Stationnement Populaire et 9090-6421 Québec inc. n’ont pas prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’elles bénéficiaient de droits acquis sur aucun des anciens lots P-594, P-595, 1925, 604 et 605 (nouveau lot 1851591);



[211] CONSIDÉRANT QUE la défenderesse Masdev a prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’elle bénéficiait de droits acquis sur la portion sud seulement du lot 1851392, mesurant 4,25 m de large sur toute la longueur du lot;



[212] CONSIDÉRANT QUE dès qu’une partie d’un lot est utilisé de façon dérogatoire, l’infraction d’avoir occupé ou autorisé l’occupation d’un lot à des fins autres que celles prévues au règlement, est commise ;



[213] LE TRIBUNAL rejette la défense de droits acquis présentée par chacune des trois (3) défenderesses et réserve sa décision sur la culpabilité jusqu’à ce que les parties aient présenté leur preuve sur l’inopposabilité du règlement de zonage et en arrêt des procédures, requêtes déjà annoncées par les défenderesses.









____________________________________

Sophie Beauchemin, j.c.m.v.m.