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Giagnotti c. Anania

no. de référence : 500-09-024438-145

Giagnotti c. Anania
2016 QCCA 914
COUR D’APPEL

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE

MONTRÉAL
N° :
500-09-024438-145
(540-17-005748-123)

DATE :
30 mai 2016


CORAM :
LES HONORABLES
PAUL VÉZINA, J.C.A.
MARIE ST-PIERRE, J.C.A.
JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A.


ROSANNA GIAGNOTTI
TONY CONTRINO
APPELANTS – demandeurs
c.

ANTONIO ANANIA
ELSA ABATE ANANIA
INTIMÉS – défendeurs


ARRÊT


[1] Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 14 avril 2014 par la Cour supérieure, district de Laval (l’honorable Pierre Béliveau), qui a rejeté leur action en dommages-intérêts pour vice caché.

[2] Pour les motifs du juge Vézina, auxquels souscrivent les juges St-Pierre et Émond, LA COUR :

[3] ACCUEILLE l’appel avec frais de justice.

[4] CASSE le jugement attaqué et remplace son dispositif par le suivant :

- ACCUEILLE l’action des demandeurs;

- CONDAMNE les défendeurs à payer aux demandeurs la somme de 52 678,67 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle depuis l’assignation;

- Avec dépens incluant 9 508,32 $ de frais d’experts.





PAUL VÉZINA, J.C.A.





MARIE ST-PIERRE, J.C.A.





JEAN-FRANÇOIS ÉMOND, J.C.A.

Me Sofia Olivia Mercier
Spiegel Sohmer, inc.
Pour les appelants

Me Philippe Vaillant
Colby Monet
Pour les intimés

Date d’audience :
9 mars 2016




MOTIFS DU JUGE VÉZINA


[5] À l’automne 2011, les appelants (les Acheteurs) acquièrent la résidence des intimés (les Vendeurs), une maison unifamiliale, construite en 1984, d’un seul étage, sous lequel se trouve un garage attenant à un sous-sol entièrement aménagé. Le prix est de 375 000 $.

[6] Auparavant, ils l’ont visitée à trois reprises et ils ont obtenu un rapport positif d’inspection préachat. Confiants, ils emménagent dans ce « great château-bungalow », selon l’expression de leur inspecteur en fin de visite.

[7] À peine six semaines plus tard survient une infiltration d’eau au sous-sol. Inquiets, les Acheteurs font appel à des spécialistes qui pratiquent des ouvertures dans le revêtement des murs du sous-sol et découvrent que la maison recèle un vice, ils constatent l’infiltration d’eau par des fissures dans la fondation et la présence de moisissure dans cet espace clos.

[8] Le vice existait au jour de la vente, nul ne le conteste. Il est grave, le coût des réparations est de plus de 53 000 $.

[9] Le Juge conclut que le vice était apparent, c’est-à-dire qu’il pouvait « être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert » (C.c.Q., art. 1726, 2e al.).

[10] Il conclut aussi à l’absence de toute faute de la part des Vendeurs à l’occasion de la mise en vente de leur résidence et par la suite lors des visites des Acheteurs et de leur inspecteur.

[11] Au contraire, il discrédite les Acheteurs « que l’on ne saurait certainement pas croire » concernant la disponibilité d’un autre rapport d’inspection préachat datant de 2004, que les Vendeurs avaient eux-mêmes obtenu avant d’acquérir leur résidence. Assez curieusement, le Juge en traite dans une note de bas de page alors que cette question de crédibilité imprègne tout le jugement. J’en traiterai en premier lieu.

[12] Le Juge rejette l’action des Acheteurs, sans frais de justice. Ils en appellent.

[13] Selon eux, le vice était caché. Le Juge place la barre trop haute pour évaluer leur conduite avant l’achat et conclure que, s’ils avaient agi en « acheteurs prudents et diligents », ils auraient constaté ce vice, qu’il qualifie donc de vice apparent.

[14] Ils reprochent aussi au Juge d’avoir conclu à une « attitude irréprochable » de la part des Vendeurs qui ont omis de leur faire part de ce vice caché dont ils avaient connaissance.

[15] À mon avis, l’appel est fondé, le vice était caché. Les appelants ont droit au coût des réparations pour le corriger et à des dommages-intérêts additionnels car les Vendeurs connaissaient le vice.

[16] Voici mon analyse en quatre points :

1- La crédibilité des Acheteurs et le rapport préachat de 2004

2- Un vice caché

3- Un vice caché, connu des Vendeurs

4- Le coût des réparations et les dommages-intérêts

1- La crédibilité des Acheteurs et le rapport préachat de 2004
[17] Les Vendeurs ont eux-mêmes acquis l’immeuble en 2004. À cette occasion, ils ont obtenu un rapport d’inspection préachat qui fait état de fissures et de moisissure. On y trouve deux constats au sujet des fondations :

Béton. Légères fissures de tassement observées. Quoique généralement non problématiques, nous recommandons de les réparer et de les sceller afin d’éviter des dommages causés par l’infiltration d’eau.

Fissures de tassement observées. Nous recommandons de les réparer et de les sceller afin d’éviter des dommages causés par infiltration d’eau.

avec deux réserves significatives :

Crépi récent observé. Ceci pourrait nous empêcher de percevoir certains symptômes antérieurs.

Réparation observée; impossible de déterminer la qualité ni l’efficacité du travail. […]

Et un autre constat au sujet des murs du sous-sol :

Signe d’humidité (moisissure) constaté. Incapable de déterminer la cause. Nous recommandons de démanteler cet endroit, de déterminer la source, de corriger et de remplacer toutes les composantes affectées afin d’éviter des dommages supplémentaires.

plus un « commentaire » :

Toute trace ou tout risque de condensation, d’humidité ou d’infiltration d’eau identifiés dans ce rapport peuvent avoir provoqué l’apparition de moisissures derrière les finis apparents de l’immeuble…

[18] Les Vendeurs, devenus propriétaires, ne donnent pas suite aux recommandations du rapport. Ils ne font pas sceller les fissures. Plus tard, ils revêtent les murs de la fondation d’un nouveau crépi qui, en masquant les fissures, enjolive l’apparence de la maison. Quant à la moisissure dans les murs du sous-sol, ils laissent porter malgré la mise en garde contre une aggravation possible du problème.

[19] Il peut y avoir bien des raisons pour lesquelles les Vendeurs n’investissent pas pour suivre ces recommandations; ils n’y sont pas obligés. Mais force est de constater qu’ils sont avertis du problème, qui, comme chacun sait, ne disparaît pas tout seul, mais au contraire, s’aggrave sans intervention correctrice. Ils ont choisi de le laisser perdurer.

[20] Lorsqu’ils mettent en vente leur résidence, sept ans plus tard, les Vendeurs ont toujours en main ce rapport de 2004, disponible pour les Acheteurs, à qui ils ne le communiquent toutefois pas. Pourquoi? parce que ceux-ci ne l’ont pas demandé, répondent-ils. Et ceux-ci de rétorquer ne pas l’avoir demandé parce qu’on les a informés de sa non-disponibilité.

[21] Était-il disponible ou pas? Peut-on trancher qui dit vrai?

[22] Les Vendeurs complètent d’abord le formulaire habituel de « Déclaration du vendeur d’un immeuble » de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. Ils le signent le 25 avril 2011. Ils en produiront plus tard une copie comme pièce D-1 au soutien de leur défense.

[23] Ils y déclarent, entre autres, l’existence du rapport de 2004 et sa disponibilité à la question suivante :

D13 RAPPORTS D’INSPECTION OU TOUTE AUTRE EXPERTISE EXISTANTS

À votre connaissance, y a-t-il ou y a-t-il déjà eu :

D13.1 Un ou des rapports d’inspection sur l’immeuble? oui non

[…]
D13.3 Ces rapports, tests ou expertises, sont-ils disponibles? oui non

[24] Puis, ils remettent leur Déclaration à leur courtière qui la transmet le 28 août au courtier des Acheteurs qui eux-mêmes la produiront comme pièce P-2 au soutien de leur action.

[25] Mais voilà le hic, la pièce P-2 des Acheteurs, une photocopie de la pièce D-1 des Vendeurs, comporte trois ajouts avec initiales, dont l’un à la question D13.3 où la réponse est changée et devient « non », indiquant donc que le rapport antérieur n’est pas disponible.

[26] Les deux autres ajouts sont :

- À la question : Quelle est l’année de construction du bâtiment? Sur D-1, il est inscrit « 198 »; sur la photocopie, on a complété « 1984 »;

- À la question : « Avez-vous fait des travaux importants à l’immeuble ou des rénovations autres que ceux déjà mentionnés? » Sur D-1, la réponse est « non », sur la photocopie P-2, on l’a changée en « oui ».

[27] Voici maintenant la note de bas de page in extenso où le Juge traite de ces faits et conclut à un manque de crédibilité de la part des Acheteurs :

Les [Acheteurs] ont plus ou moins tenté de faire valoir qu’ils n’ont pas demandé d’obtenir le rapport d’expert de 2004 parce que ce document n’était pas disponible. À cet égard, notons que la version de la déclaration des vendeurs qui est signée par les demandeurs (P-2), document qui est une photocopie de celui signé par les défendeurs (D-1), indique que le document n’est pas disponible. Toutefois, on peut voir que l’on a modifié la version originelle qui indiquait que le document était disponible. Le procureur des [Vendeurs] a tenté de faire valoir que les [Acheteurs] avaient falsifié le document, mais il n’a pu faire entendre toute la preuve disponible à cet effet parce que certains témoins n’étaient pas disponibles et que le temps imparti pour entendre la cause ne permettait pas d’aller plus loin. Cela étant, force est de constater que l’on peut sérieusement s’interroger sur la conduite des [Acheteurs] à cet égard, Pour les fins des présentes, qu’il suffise de dire que l’on ne saurait certainement pas croire que ceux-ci se sont abstenus de demander aux [Vendeurs] de leur remettre une copie du document parce qu’ils le croyaient non disponible.

[28] Ainsi, le Juge ne croit pas « que [les Acheteurs] se sont abstenus de demander aux [Vendeurs] de leur remettre une copie du [rapport de 2004] parce qu’ils le croyaient non disponible ».

[29] Soit dit avec égards, le Juge fait erreur. La preuve démontre que les Acheteurs sont informés que le rapport n’est pas disponible. Et, de la preuve incomplète des Vendeurs sur la provenance des ajouts sur P-2, le Juge ne pouvait inférer un manque de crédibilité de la part des Acheteurs.

La preuve de l’information de non-disponibilité du rapport
[30] Les Vendeurs assurent avoir remis la Déclaration D-1 à leur courtière, sans ajout, et les Acheteurs, avoir reçu P-2 de leur propre courtier, avec les ajouts. Le courtier et la courtière ont témoigné.

[31] Le courtier des Acheteurs témoigne le premier. Il rapporte que la copie de la Déclaration reçue le 23 août est la pièce P-2, avec les ajouts :

R. …si vous remarquez sur l’inspection, [les Vendeurs] avaient mis qu’il y a un rapport d’inspection, après, ils ont coché non, ils ont mis les initiales.

[…]

R. …Donc moi, la copie que j’ai reçue [de la déclaration des Vendeurs], c’est telle que… c’est eux qui ont fait ça […]

[32] Il rapporte encore s’être informé auprès de la courtière des Vendeurs qui lui confirme la non-disponibilité du rapport :

R. …quand j’ai parlé avec le courtier inscripteur [la courtière des Vendeurs], je lui ai mentionné, ce qu’il m’a dit… c’est mes clients qu’ils ont dit qu’ils ont pas de rapport inspection et ils ont mis les initiales.

Q. C’est le courtier vendeur [la courtière des Vendeurs]…

R. Exactement.

[33] Confrontés à cette déposition, les Vendeurs font entendre leur courtière le lendemain. On lui exhibe la pièce P-2 et on lui demande pour chacun des trois ajouts :

Q. Reconnaissez-vous ces initiales-là?

R. Non.

[34] Et c’est tout. On ne l’interroge pas sur la conversation avec le courtier des Acheteurs, rapportée la veille par celui-ci, dont le témoignage demeure dès lors non contredit.

[35] Ainsi, il y a prépondérance de preuve que les Acheteurs sont informés de la non-disponibilité du rapport; ils n’ont jamais su avant l’achat qu’ils n’avaient qu’à le demander pour l’obtenir.

La provenance des ajouts.
[36] La tentative des Vendeurs de prouver leur allégation d’ « annotations manuscrites ayant eu pour effet de falsifier certaines de leurs réponses à D13.3 et D14.1 » prouve seulement qu’ils les attribuent aux Acheteurs. Ceux-ci, pour leur part, n’ont pas prouvé l’origine des ajouts. Au final, l’énigme des ajouts demeure. On sait que les Acheteurs reçoivent la Déclaration avec les ajouts, mais on ignore qui a transformé D-1 en P-2 et qui y a apposé ses initiales.

[37] Avant de tirer quelque inférence de cette vaine tentative de preuve des Vendeurs, le Juge se devait d’être prudent puisque, comme il le note lui-même, « toute la preuve disponible » n’a pu être apportée « parce que le temps imparti pour entendre la cause ne permettait pas d’aller plus loin. »

[38] L’inférence du Juge ne saute pas aux yeux. On peut comprendre les Vendeurs d’attribuer aux Acheteurs les ajouts sur leur document D-1 (devenu P-2) et, de même, comprendre les Acheteurs de croire que les ajouts proviennent des Vendeurs puisque c’est leur déclaration. Que chacun y voit une manœuvre de l’autre, rien de surprenant. Mais, faute de preuve pour trancher, le Juge ne peut inférer que la prétention de l’un dénote un manque de crédibilité de l’autre, ou vice-versa.

[39] Par ailleurs, il est invraisemblable que les Acheteurs ne demandent pas aux Vendeurs de leur remettre le rapport s’ils le croient disponible. Ils ont la prudence de payer pour un rapport d’inspection préachat alors qu’ils peuvent, sans frais additionnels, en obtenir un second. C’est dans leur intérêt d’obtenir le plus d’information possible sur l’état de la maison. Les Acheteurs ne précipitent pas l’achat, la pièce P-2 leur est remise le 28 août et la vente sera signée le premier octobre; ils auraient eu le temps de prendre connaissance du rapport et de le transmettre à leur inspecteur.

[40] Le discrédit du Juge à l’égard des Acheteurs est encore perceptible plus loin :

[47] PRENANT ACTE que les défendeurs ont tous deux affirmé que les demandeurs ne leur ont pas demandé de leur transmettre le rapport d’inspection de l’année 2004, affirmation qui n’a pas été contredite et qui est conforme au fait qu’ils n’ont même pas daigné prendre contact avec leur expert après que celui-ci les ait mis en garde contre les dangers d’infiltration; [Je reviens ci-après sur cette dernière remarque.]

[48] PRENANT ACTE que dans ce contexte, on peut parfaitement comprendre que les défendeurs n’aient pas pensé à transmettre le document aux demandeurs;

[…]

[63] PRENANT ACTE que, dans la mesure où les demandeurs étaient dans un état de déni qui les a amenés à ne pas tenir compte du rapport de leur propre expert, il est à toute fin pratique certain que leur attitude n’aurait pas changé si les défendeurs les avaient avisés du contenu du rapport de l’année 2004, étant au contraire davantage confortés dans leur conviction qu’il s’agissait d’un risque qui ne se matérialiserait pas, puisque rien ne s’était produit depuis;

[41] La remarque du Juge, sur la réaction des Acheteurs, s’ils avaient eu connaissance du rapport de 2004, est surprenante. Un constat de « moisissure » dans un rapport d’inspection préachat est de nature à rendre nerveux et craintif tout acheteur potentiel. Le château-bungalow aurait perdu de ses attraits ou, à tout le moins, il est probable que les Acheteurs auraient cherché à en savoir plus sur l’étendue du problème et sur le coût pour y remédier. En outre, il n’y a aucune preuve directe sur cette réaction; la contestation liée n’en fait pas état et les Acheteurs n’ont pas été interrogés sur cette éventualité.

[42] Dans les circonstances, le Juge devait constater l’insuffisance de la preuve pour trancher qui était l’auteur des ajouts et il ne pouvait mettre en doute la crédibilité des Acheteurs, à cause de la tentative de preuve des Vendeurs, ni inférer plus particulièrement « que l’on ne saurait certainement pas croire que ceux-ci se sont abstenus de demander aux défendeurs de leur remettre une copie du document parce qu’ils le croyaient non disponible. »

2- Un vice caché
[43] Lors des visites, ni les Acheteurs ni l’inspecteur ne constatent l’infiltration d’eau par les fondations et la moisissure derrière le revêtement des murs du sous-sol. Certes, ils voient des fissures dans les fondations, mais l’inspecteur les considère non problématiques.

[44] Le Code civil établit la norme pour déterminer si un vice est apparent :

Art. 1726. […]

…est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

Art. 1726. […]

…an apparent defect is a defect that can be perceived by a prudent and diligent buyer without the need to resort to an expert.
[45] La Cour suprême précise[1] :

51. Le caractère caché du vice s’apprécie selon une norme objective, c’est-à-dire en évaluant l’examen fait par l’acheteur en fonction de celui qu’aurait fait un acheteur prudent et diligent de même compétence : P.-G. Jobin, « Précis sur la vente », dans La réforme du Code civil (1993), vol. 2, 359, p. 466; M. Pourcelet, La vente (5e éd. 1987), p. 149. Autrement dit, on ne s’interroge pas simplement sur l’ignorance du vice; on cherchera aussi à déterminer si un acheteur raisonnable placé dans les mêmes circonstances aurait constaté le vice.

[46] Précisons que les Acheteurs n’ont pas de compétence particulière en matière de construction. Ils sont comme monsieur et madame Tout-le-Monde qui magasinent une résidence de banlieue.

[47] La Cour suprême enseigne aussi que la distinction est une question de droit[2] :

35. …la Cour d’appel a confirmé que la nature juridique de la distinction entre un vice caché et un vice apparent est …une question de droit : […]

37. […]

Cette conclusion ne viole pas le principe de retenue judiciaire à l’égard de la détermination des faits par le juge de première instance. Il s’agit plutôt d’un problème de qualification juridique, donc d’une question de droit. Par conséquent, la Cour d’appel avait le pouvoir de modifier la conclusion du juge de première instance sur l’existence d’un vice caché…

[48] La Cour d’appel traite de l’inspection préachat et rappelle que c’est la conduite de l’acheteur et non celle de l’inspecteur qui doit être examinée[3] :

[20] Notre Cour rappelle que selon les termes de l’article 1726 in fine C.c.Q., il existe une seule norme applicable, celle qui examine la conduite de l’acheteur prudent et diligent. Le juge de première instance ne peut écarter cette règle en appréciant la conduite de l’inspecteur et en imputant à l’acheteur, en l’absence de signes annonciateurs d’un vice potentiel, ce qu’il considère un manque de prudence et un manquement aux règles de l’art de la part de l’inspecteur. Le test de l’article 1726 C.c.Q. est celui de l’acheteur prudent et diligent et non pas celui de l’expert tatillon sur qui reposerait une sorte d’obligation de résultat.

[21] Par ailleurs, l’inspection pré-achat n’est pas une expertise. En principe, cet examen doit être attentif et sérieux quoique plutôt rapide et non approfondi. En l’absence d’un indice révélateur, l’acheteur ou l’inspecteur n’a pas à ouvrir les murs ou creuser autour des fondations.

[49] Le Juge conclut, malgré le recours à un inspecteur, que les Acheteurs ne sont pas prudents et diligents et que, s’ils l’avaient été, ils auraient décelé le vice qu’il qualifie donc d’apparent.

[50] Voici l’argumentation du juge, que j’analyse par la suite :

[5] PRENANT ACTE que MM. Dalebozik et Ducharme, les experts retenus par les demandeurs [les Acheteurs] et les défendeurs [les Vendeurs] respectivement, ont tous deux indiqué que les fuites d’eau dans deux des pièces du sous-sol, soit le garage et la chambre froide, ont été causées par les fissures dans le béton de la fondation;

[6] PRENANT ACTE que les demandeurs ont, au moment de l’achat de leur résidence, décrit l’immeuble comme un «château-bungalow»;

[7] PRENANT ACTE que les photographies de la résidence prises au moment du transfert de propriété permettent de constater que la maison était effectivement dans un état impeccable et que d’aucune manière, on ne pouvait croire que des dégâts étaient survenus auparavant ou étaient sur le point de survenir;

[8] PRENANT ACTE que des fissures dans la fondation étaient cependant apparentes au moment des trois visites des lieux effectuées par les demandeurs, dont une accompagnée par l’expert dont ils avaient retenu les services;

[…]

[13] PRENANT ACTE que la Cour rejette la prétention des demandeurs que les défendeurs ont posé du crépi dans l’escalier extérieur menant au sous-sol dans le but de masquer des fissures qui s’y trouvaient, alors que ceux-ci voulaient, comme ils l’ont fait partout dans leur résidence durant les sept ans où ils l’ont habitée, effectuer les améliorations nécessaires qui en ont fait un «château-bungalow»;

[14] PRENANT ACTE que tous les experts entendus ont indiqué que la présence d’une fissure dans une fondation n’implique pas nécessairement qu’il y a eu infiltration d’eau;

[15] PRENANT ACTE que M. Forest, l’expert retenu par les demandeurs au moment de l’inspection de l’immeuble, leur a signalé, dans son rapport, plusieurs fissures et dangers d’infiltration d’eau et qu’il leur a suggéré d’effectuer des travaux pour éviter l’accumulation d’eau et des pressions latérales;

[16] PRENANT ACTE que l’expert retenu par les demandeurs au moment de l’inspection de l’immeuble leur a recommandé de consulter un contracteur;

[17] PRENANT ACTE que les demandeurs ont tous deux reconnu qu’ils n’ont pas donné suite à ces recommandations, ne daignant même pas rappeler l’expert qu’ils avaient retenu;

[18] PRENANT ACTE qu’il est clairement apparu, durant le témoignage de Mme Giagnotti, que cette dernière aimait la maison et qu’elle a choisi de l’acheter car elle ne voyait pas de traces d’infiltration d’eau, préférant en fait ignorer le risque encouru;

[19] PRENANT ACTE que le demandeur a admis, à la fin de son témoignage, qu’il a réalisé qu’il y avait un danger, qu’il pouvait y avoir de l’eau mais dans le futur;

[20] PRENANT ACTE qu’un acheteur prudent n’ignorera pas le risque que cause une fissure dans la fondation d’une maison;

[21] PRENANT ACTE que les experts sont divisés quant à la question de savoir s’ils auraient acheté la maison alors qu’il y a des fissures dans les fondations;

[22] PRENANT ACTE que M. Demers, l’expert qui avait examiné la maison lorsque les défendeurs l’ont achetée en 2004, a indiqué qu’il aurait fait effectuer des réparations s’il en avait été le propriétaire;

[23] PRENANT ACTE que M. Demers est apparu à la Cour comme un témoin crédible;

[24] PRENANT ACTE que M. Forest, qui a examiné la maison avant son acquisition par les demandeurs, a indiqué qu’il n’était pas nécessaire de faire les réparations mais que, lors de son contre-interrogatoire, il a reconnu que le problème était sérieux;

[25] PRENANT ACTE que M. Dalebozic [l’expert des Acheteurs] a indiqué qu’une fissure indique un risque réel d’infiltration, mais qu’il aurait pu acheter de toute manière dans la mesure où les défendeurs avaient indiqué qu’il n’y avait pas eu d’infiltration d’eau dans le passé;

[26] PRENANT ACTE que M. Ducharme [l’expert des Vendeurs] a indiqué qu’il suffisait, pour s’assurer qu’il n’y a pas d’infiltration d’eau, d’effectuer avec une seringue une piqure hydro-thermique dans le bois au lieu où arrive la fissure, ce qui est une intervention très peu intrusive qui coûte environ 100$;

[27] PRENANT ACTE que cette affirmation n’a pas été contredite;

[…]

[29] CONSIDÉRANT, en tenant compte de tous ces facteurs, qu’un acheteur minimalement prudent à qui on a suggéré de pousser plus loin les vérifications, aurait suivi ce conseil;

[51] L’existence du vice n’appelle pas de commentaire (paragr. 5). La présence de fissures dans les murs de la fondation est admise (paragr. 5, 8 et 15).

[52] Je répartis les autres paragraphes en cinq points :

a) l’état général de la maison, intérieur et extérieur;

b) les reproches du Juge à l’adresse de l’inspecteur des Acheteurs;

c) les recommandations aux Acheteurs et leur non-suivi;

d) les remarques de l’inspecteur de 2004;

e) la problématique des fissures.

a) L’état général de la maison, intérieur et extérieur
[53] À l’intérieur, tout est beau.

[54] Le Juge souligne « l’état impeccable de la maison » (paragr. 7).

[55] Les Vendeurs n’y voient aucun problème :

[54] PRENANT ACTE que les défendeurs ont affirmé qu’ils n’ont eu aucun problème d’infiltration d’eau ou de moisissure durant le temps où ils ont occupé la maison,…

[56] Les Acheteurs, au cours de leurs trois visites, ne soupçonnent rien. L’inspecteur de 33 ans d’expérience ne décèle aucun indice révélateur.

[57] Le Juge note l’opinion d’un expert que le problème était pratiquement imperceptible :

[50] PRENANT ACTE que M. Dumont, un expert entendu à la demande des défendeurs, a indiqué que la moisissure importante que l’on peut voir dans la salle de bain et les odeurs qui se dégageaient ont explosé lorsque l’on a enlevé les matériaux, alors qu’il est fort plausible que rien ne pouvait être percevable auparavant;

[58] À l’extérieur, les Vendeurs font apposer un crépi sur la fondation qui embellit l’apparence de la maison en dissimulant à la vue les fissures constatées en 2004 et non réparées par la suite. Le Juge retient que l’objectif des Vendeurs n’était pas de dissimuler les fissures. Soit! mais l’effet est le même comme c’était déjà noté dans le rapport de 2004 : « Crépi récent observé. Ceci pourrait nous empêcher de percevoir certains symptômes antérieurs. »

b) Les reproches du Juge à l’adresse de l’inspecteur des Acheteurs
[59] L’inspecteur voit des fissures dans les murs de fondation, mais elles ne l’inquiètent pas outre mesure, d’où sa conclusion générale : « a great château-bungalow ».

[60] Le Juge lui adresse des reproches :

[24] PRENANT ACTE que M. Forest, qui a examiné la maison avant son acquisition par les demandeurs, a indiqué qu’il n’était pas nécessaire de faire les réparations mais que, lors de son contre-interrogatoire, il a reconnu que le problème était sérieux;

[…]

[26] PRENANT ACTE que M. Ducharme [le témoin-expert des Vendeurs] a indiqué qu’il suffisait, pour s’assurer qu’il n’y a pas d’infiltration d’eau, d’effectuer avec une seringue une piqure hydro-thermique dans le bois au lieu où arrive la fissure, ce qui est une intervention très peu intrusive qui coûte environ 100$;

[61] Quant au premier reproche, que l’inspecteur ait reconnu que la présence de fissures constituait un « problème sérieux », ce n’est pas lui, mais l’avocat, en contre-interrogatoire, qui qualifie par deux fois le problème de sérieux. Mais le témoin n’y acquiesce pas dans ses réponses, réitérant simplement que « l’information qu’on essaie de leur transmettre, c’est … on devrait faire réparer les fissures ».

[62] Quant au second reproche, l’omission de procéder à « une l’intervention très peu intrusive », soit « d’effectuer avec une seringue une piqûre hydro-thermique », on ne peut certainement pas adresser un tel reproche à un acheteur profane. Peut-on en faire grief à un inspecteur?

[63] Le rapport précise que l’inspecteur procède à « a visual examination of the readily accessible systems and components of the building. »

[64] La preuve n’établit pas que le test avec une seringue constitue une règle de l’art. Par contre, le rapport mentionne « It is possible that the inspector may use a TRAMEX moisture meter during the inspection ». À l’audience, l’inspecteur explique pourquoi il ne l’a pas fait :

R : Ici, comme il n’y avait pas de trace de moisissure, pas d’infiltration…

[…]

On n’est pas tenu de l’utiliser […]

Quand il y a pas de signe d’infiltration d’eau, on n’est pas supposé de l’utiliser.

[65] Le Juge fait reproche à l’inspecteur de ne pas pousser plus loin son investigation. Même s’il avait raison, il se trompe en retenant ce grief pour évaluer si les Acheteurs ont agi avec prudence et diligence, c’est leur conduite à eux qu’il doit examiner.

c) Les recommandations aux Acheteurs et leur non-suivi
[66] Le Juge écrit :

[15] PRENANT ACTE que M. Forest, l’expert retenu par les demandeurs au moment de l’inspection de l’immeuble, leur a signalé, dans son rapport, plusieurs fissures et dangers d’infiltration d’eau et qu’il leur a suggéré d’effectuer des travaux pour éviter l’accumulation d’eau et des pressions latérales;

[16] PRENANT ACTE que l’expert retenu par les demandeurs au moment de l’inspection de l’immeuble leur a recommandé de consulter un contracteur;

[17] PRENANT ACTE que les demandeurs ont tous deux reconnu qu’ils n’ont pas donné suite à ces recommandations, ne daignant même pas rappeler l’expert qu’ils avaient retenu;

[…]

[29] CONSIDÉRANT, en tenant compte de tous ces facteurs, qu’un acheteur minimalement prudent à qui on a suggéré de pousser plus loin les vérifications, aurait suivi ce conseil;

[67] Quelles recommandations l’inspecteur adresse-t-il aux Acheteurs? Voici ce qu’il écrit dans son rapport :

Step#

Component

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113

Exposed Foundation

Concrete. Small settling cracks noted. Although not generally problematic, we recommended repairing and sealing these cracks to prevent damages caused by water infiltration. Therefore, we recommend consulting a licensed contractor to evaluate and correct this situation. See photo annexe #3, #4, #7.

[68] L’inspecteur a déjà fait cette recommandation aux Acheteurs de vive voix lors de la visite des lieux. (Voir l’extrait de sa déposition ci-dessus citée.)

[69] La recommandation de sceller et de réparer les fissures et celle de consulter un « contracteur » pour ce faire ne commandent pas, par leur nature même, un suivi avant l’achat. Faire sceller des fissures ne s’inscrit pas dans la démarche d’un acheteur pour constater si un vice existe. Le suivi consiste à faire faire un travail d’entretien ou de réparation une fois devenu propriétaire.

[70] Le Juge ne peut faire grief aux Acheteurs de ne pas avoir suivi ces recommandations « ne daignant même pas rappeler leur expert » (paragr. 17).

[71] C’est à tort que, dans sa conclusion (paragr. 29), le Juge qualifie ces recommandations postachat de « vérifications » préachat par un acheteur minimalement prudent.

[72] L’inspecteur, au terme de son inspection, ne recommande aux Acheteurs aucune démarche préachat additionnelle.

d) Les remarques de l’inspecteur de 2004
[73] Le Juge fait aussi référence au rapport de 2004 de l’inspecteur Demers :

[22] PRENANT ACTE que M. Demers, l’expert qui avait examiné la maison lorsque les défendeurs l’ont achetée en 2004, a indiqué qu’il aurait fait effectuer des réparations s’il en avait été le propriétaire;

[23] PRENANT ACTE que M. Demers est apparu à la Cour comme un témoin crédible;

[74] On sait que les Acheteurs n’ont pas pris connaissance de ce rapport avant la vente. Il n’y a pas de lien entre la déclaration de l’inspecteur Demers qui « aurait fait effectuer des réparations » à la suite de ses constats en 2004 et la conduite des Acheteurs dans leurs démarches préachat en 2011.

[75] Certes, les deux inspecteurs, Demers en 2004 et Forest en 2011, recommandent la réparation des fissures, mais ce n’est pas à partir des mêmes constats. Le premier a constaté la présence de moisissure alors que le second ne voit que des « cracks… non generally problematic ». Le premier constate en 2004 un problème actuel, à corriger, alors que le second n’y voit en 2011 qu’un problème éventuel, à prévenir.

e) La problématique des fissures
[76] Quid des fissures? Permettent-elles de constater le vice des fondations, cause de l’infiltration d’eau et de la moisissure au sous-sol?

[77] Le juge en traite, mais sans vraiment conclure. Il note que :

[14] PRENANT ACTE que tous les experts entendus ont indiqué que la présence d’une fissure dans une fondation n’implique pas nécessairement qu’il y a eu infiltration d’eau;

mais ajoute :

[20] PRENANT ACTE qu’un acheteur prudent n’ignorera pas le risque que cause une fissure dans la fondation d’une maison;

Et il enchaîne que l’impact de leur présence sur la décision d’acheter n’est pas unanime :

[21] PRENANT ACTE que les experts sont divisés quant à la question de savoir s’ils auraient acheté la maison alors qu’il y a des fissures dans les fondations;

[…]

[25] PRENANT ACTE que M. Dalebozic [l’expert des Acheteurs] a indiqué qu’une fissure indique un risque réel d’infiltration, mais qu’il aurait pu acheter de toute manière dans la mesure où les défendeurs avaient indiqué qu’il n’y avait pas eu d’infiltration d’eau dans le passé;

[78] Pour compléter cette dernière opinion, notons que, de fait, les Vendeurs dans leur Déclaration D-1 (non modifiée sur ce point) ont répondu par la négative à la question : « y a-t-il ou y a-t-il déjà eu infiltration d’eau au sous-sol? » Le Juge note dans le même sens :

[54] PRENANT ACTE que les défendeurs ont affirmé qu’ils n’ont eu aucun problème d’infiltration d’eau ou de moisissure durant le temps où ils ont occupé la maison, […]

[79] Les Acheteurs ne s’inquiètent pas des fissures. En ce faisant, ils réagissent comme les Vendeurs qui, eux-mêmes, en 2004 constatent des fissures et « occultent » le problème par la suite (le mot est du Juge), et ce, même si leur inspecteur va plus loin et fait état de moisissure en plus des fissures.

[80] L’inspecteur des Acheteurs ne s’inquiète pas lui non plus. Dans son témoignage, il s’explique :

R. Bien, en condition générale, on n’avait pas de signe d’infiltration d’eau, j’avais pas de dommage, des fissures, on en voit dans quatre-vingt-dix-sept pour cent (97%) des cas, ça fait qu’il y a quatre-vingt-dix-sept pour cent (97%) des bâtisses au Québec qui sont fissurées, ça veut pas dire que parce qu’on a une fissure que nécessairement qu’il y ait infiltration d’eau.

Quant j’ai fait le tour de la bâtisse puis on n’a pas constaté de signe de moisissure, signe d’infiltration d’eau ou quoi que ce soit, c’est sûr que les recommandations sortent quand même de faire réparer des fissures, ça sort… que ça coule ou que ça coule pas, on recommande des travaux de prévention.

[…]

Q. Puis si les fissures étaient… n’avaient pas une particularité telle à l’examen visuel?

R. Non. Puis c’était pas des fissures qui étaient sérieusement inquiétantes, là.

[81] En présence de divergences d’opinions entre experts, on ne saurait faire grief aux Acheteurs, qui ne voient aucun problème eux-mêmes, de se fier à un inspecteur d’expérience qui les rassure.

[82] Comme l’a souligné l’avocate des Acheteurs à l’audience, les Vendeurs ne plaident pas simplement que le vice était apparent et donc que les Acheteurs pouvaient le constater, ils vont plus loin et plaident en défense l’absence de vice dans l’immeuble : « Les défendeurs n’y ont jamais constaté le vice allégué dans [l’action des demandeurs] ». En quelque sorte, pour eux, qui vivent dans la maison, le vice est non visible alors que pour les Acheteurs, qui y font une visite de trois heures, il était apparent.

[83] Les faits pertinents pour qualifier le vice sont – tels que constatés par le Juge :

- les Acheteurs visitent l’immeuble à trois reprises et ne constatent rien d’anormal;

- leur inspecteur ne décèle aucun indice d’un vice, les fissures lui paraissent non problématiques;

- l’expert des Vendeurs (déjà cité) confirme un problème « non percevable »;

- la maison des Vendeurs est dans un « état impeccable »;

- le crépi masque certaines fissures constatées en 2004;

- le vice des fondations n’est constaté qu’après l’achat, lors des ouvertures pratiquées dans les murs en janvier 2012.

[84] Le Juge n’écrit-il pas lui même :

[7] PRENANT ACTE que les photographies de la résidence prises au moment du transfert de propriété permettent de constater que la maison était effectivement dans un état impeccable et que d’aucune manière, on ne pouvait croire que des dégâts étaient survenus auparavant ou étaient sur le point de survenir;

[85] De ces faits, il découle qu’en droit, le vice doit être qualifié de vice caché et non de vice apparent.

3- Un vice caché, connu des Vendeurs
[86] Le Code civil prévoit :

Art. 1728. Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l'ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de réparer le préjudice subi par l'acheteur.

Art. 1728. If the seller was aware or could not have been unaware of the latent defect, he is bound not only to restore the price, but also to make reparation for the injury suffered by the buyer.
[87] Le Juge retient la vision des Vendeurs :

[46] PRENANT ACTE que le fait qu’aucune infiltration ne soit survenue durant les sept ans où les demandeurs ont occupé leur maison a certainement été de nature à relativiser l’importance du problème à leurs yeux, voire à l’occulter;

[88] Il ajoute :

[62] CONSIDÉRANT que l’attitude des défendeurs durant les négociations relatives à la vente de leur maison a été irréprochable, de sorte que cela ne modifie en rien la conclusion de la Cour relative au caractère apparent des vices qui affectaient leur résidence;

[89] « Relativiser[[4]] l’importance d’un problème », ça implique qu’on le connaît même si on en diminue l’importance dans un contexte donné. « Occulter » un problème, c’est le « cacher à l’esprit, rendre obscur, dissimuler »[5]; là encore, on connaît le problème même si on préfère ne pas s’en soucier.

[90] Avec égards, je ne peux partager la déduction du Juge à partir des faits prouvés. À mon avis, les Vendeurs connaissent le vice et induisent en erreur les Acheteurs par leur réticence.

[91] En 2004, les Vendeurs sont informés, par le rapport d’inspection préachat, de l’existence du problème. Leur inspecteur y signale, en outre des fissures dans les fondations, des « signes d’humidité (moisissure) » dans le bureau, au sous-sol, qu’il leur recommande de « démanteler et de remplacer toutes les composantes affectées ».

[92] Les Vendeurs ne scellent pas les fissures ni ne procèdent au démantèlement du bureau et au remplacement des composantes affectées au sous-sol. En laissant porter, ils savent que le problème est toujours là. Seule la « pensée magique » permet de croire que des problèmes de cette nature se règlent sans intervention matérielle.

[93] Leur conduite aurait été impeccable s’ils avaient communiqué aux Acheteurs le rapport préachat de 2004. Certes, il y a eu l’imbroglio de P-2 vs D-1, et on ne peut conclure à une faute de leur part.

[94] Par contre, leur Déclaration du vendeur (D-1) est dolosive. La question relative au sous-sol est doublement précise : « y a-t-il ou y a-t-il déjà eu… la présence de fissures de fondation, pourriture ou autres problèmes affectant le sous-sol? Leur réponse négative est fausse.

[95] Le Vendeur est interrogé au sujet des fissures et de la moisissure signalées dans le rapport de 2004 :

Q. …Ça, c’est votre inspection pré-achat de deux mille quatre (2004). Elle fait état de certains éléments, dont la présence de moisissures à 113 et des présences de fissures importantes à 211, 213, 253, ce qu’on a vu plus tôt.

Avez-vous, vous, de votre souvenir, communiqué qu’il y avait une présence de moisissures aux acheteurs dans votre déclaration de vendeur ou à tout autre moment? […]

[…]

R. Non. Moi, c’était pas à moi à dire à [l’Acheteuse] qu’il y avait une fissure là. C’est à l’inspecteur de les mettre au courant, pas moi. Moi je savais qu’il y avait une fissure, ça m’a jamais dérangé.

[…]

Q. Vous faites des travaux avec monsieur…, avec le crépi…

R. Oui.

Q. …en deux mille neuf (2009), si je ne m’abuse. Deux mille… On va regarder. Deux mille neuf (2009), été. Est-ce que vous avez informé [les Acheteurs] de ces fissures-là que vous avez recouvertes?

R. Non, parce que j’ai jamais eu affaire au sujet des fissures avec madame [l’Acheteuse].

[96] Dans la défense, les Vendeurs plaident : [Soulignement ajouté]

Or et en toute connaissance de cause, les demandeurs ont opté d’acquérir la propriété selon une avenue à caractère, certes, facile, simple et économique soit celle a) de se fier à la déclaration des défendeurs selon laquelle la propriété n’avait fait l’objet d’aucune infiltration d’eau sans y requérir leur rapport d’inspection préachat pourtant disponible et b) d’ignorer le rapport d’inspection préachat de M. Forest y compris ses recommandations liées à l’item 113 qui impliquaient nécessairement un coût et un délai additionnel;

[97] C’est le monde à l’envers, les Vendeurs reprochent aux Acheteurs de s’être fiés à eux! L’inspection préachat n’est pas un jeu de cache-cache. L’acheteur est en droit de prêter foi aux déclarations du vendeur et de croire à l’absence de problème si le vendeur le lui confirme.

[98] À mon avis, les Vendeurs, qui soignent les apparences, savent que le vice des fondations, non corrigé, est toujours présent même s’il n’est pas apparent.

4- Le coût des réparations et les dommages-intérêts
[99] Il faut savoir gré au Juge d’avoir évalué le quantum du préjudice subi par les Acheteurs :

[69] PRENANT ACTE que les travaux à effectuer s’élèvent à 53 348,34$, taxes incluses;

[70] PRENANT ACTE qu’il y a lieu de tenir compte des travaux des demandeurs et de fixer à 20% le taux de dépréciation, ce qui amène à fixer les dommages-intérêts à 42 678,67$;

[71] PRENANT ACTE que les contractants ont indiqué, lors de leur témoignage, que les prix proposés seront révisés à la hausse pour tenir compte du coût de la vie;

[72] PRENANT ACTE que l’intérêt et l’indemnité additionnelle compensent ce dernier facteur;

[73] PRENANT ACTE que les demandeurs réclament une somme de 10 000$ à titre de dommages moraux et perte de jouissance de la vie;

[74] PRENANT ACTE que les demandeurs ont décrit les inconvénients et les souffrances qu’ont entraîné les avaries qu’ils ont subies;

[75] CONSIDÉRANT que la somme de 10 000$ serait tout à fait justifiée dans les circonstances;

[76] CONSIDÉRANT que la valeur du préjudice subi par les demandeurs est de 52 678,67$;

[100] Cette évaluation des dommages-intérêts s’appuie sur la preuve.

[101] Il précise encore relativement aux frais de justice :

[83] PRENANT ACTE que les demandeurs ont encouru des frais d’expertises d’une valeur de 6 508,32$, somme dont les défendeurs ont, à juste titre selon la Cour, admis le caractère raisonnable;

[…]

[85] PRENANT ACTE que ce dernier montant ne comprend pas les honoraires relatifs à la présence en Cour des experts, qui pouvaient s’élever à environ 3 000$ et dont la preuve devait être soumise lors de l’argumentation;

[86] PRENANT ACTE qu’en principe, il y aurait lieu de condamner les demandeurs au paiement des entiers dépens incluant les expertises;

[102] Pour ces motifs, je suis d’avis que la Cour :

- accueille l’appel avec dépens;

- casse le jugement attaqué et remplace son dispositif par le suivant :

- accueille l’action des demandeurs;

- condamne les défendeurs à payer aux demandeurs la somme de 52 678,67 $ avec intérêts et l’indemnité additionnelle depuis l’assignation;

- avec dépens incluant 9 508,32 $ de frais d’experts.




PAUL VÉZINA, J.C.A.