Consultation rapide avec un avocat

1-877-MES-DROITS
1-877-637-3764

Services juridiques au Québec

Visitez notre page Facebook pour être au courant de nos chroniques et capsules! Aussi, possibilité d'obtenir une consultation rapide par la messagerie Facebook (messenger).

Protection de la jeunesse — 161921

no. de référence : 235-41-000007-167

Protection de la jeunesse — 161921
2016 QCCQ 3017
COUR DU QUÉBEC

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
[...]
LOCALITÉ DE
[...]
« Chambre de la jeunesse »
N° :
235-41-000007-167



DATE :
22 avril 2016
______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE
MONSIEUR LE JUGE
EMBERT WHITTOM, C.Q.
______________________________________________________________________

X,
Née le [...] 2001

[INTERVENANTE 1], en sa qualité de personne autorisée par la Directrice de la protection de la jeunesse,
Requérante
-et-

A (décédée),
B,
Parents
______________________________________________________________________

JUGEMENT
______________________________________________________________________



MISE EN GARDE : La Loi sur la protection de la jeunesse interdit la publication ou la diffusion de toute information permettant d’identifier un enfant ou ses parents. Quiconque contrevient à cette disposition est passible d’une amende (art. 11.2, 11.2.1 et 135 L.P.J.).
[1] Le Tribunal est saisi d'une déclaration aux fins de protection relativement à l’adolescente X, née le [...] 2001. La Direction de la protection de la jeunesse demande à ce que sa sécurité et son développement soient déclarés compromis au sens de l’article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse.

[2] À l’audience, l’adolescente et son père sont présents, assistés de leur procureur respectif.

[3] Les parties admettent que l’ensemble de la situation alléguée à la déclaration justifie de conclure à la situation de compromission. L’adolescente nie certaines allégations en lien principalement avec la capacité de son père d’assumer sa garde et les incidences des séjours dans le milieu familial d’une amie sur sa situation actuelle. Le père nie principalement les allégations concernant ses aptitudes parentales et l’absence d’interventions auprès de sa fille afin de remédier à ses difficultés. Ainsi, le père et sa fille contestent la mesure d’hébergement en famille d’accueil recommandée par la requérante et demande qu’elle soit maintenue dans le milieu familial.

[4] La preuve est complétée par le dépôt d’un rapport psychosocial, d’un rapport de la Polyvalente A et d’un rapport médical pour valoir le témoignage de leur auteur respectif.

[5] Il appert de cette preuve qu’un signalement a été retenu le 17 décembre 2015 concernant une situation de négligence sur le plan éducatif.

[6] La mère de l’adolescente est décédée au mois de décembre 2014. L’adolescente est la seule enfant de ce couple. Lors d’unions précédentes, le père a eu trois autres enfants et la mère, deux autres enfants.

[7] À la suite du décès de sa mère, la garde de l’adolescente a été assumée par son père. Toutefois, depuis le début de l’année scolaire 2015-2016, l’adolescente a séjourné chez une de ses amies, Y et sa mère, madame C, pour des périodes plus ou moins longues selon les témoignages. Dans la requête, l’intervenante sociale, madame [intervenante 1], allègue des périodes de quelques jours à des semaines entières. Dans le rapport de la Polyvalente A, les signataires précisent que « X demeurait presque à temps plein chez une amie ». Ces renseignements ont été transmis par le père lors d’une rencontre tel qu’il apparaît à ce document. Au cours de son témoignage, l’adolescente mentionne des périodes de trois ou quatre jours. Sans quantifier exactement le nombre de jours au cours desquels l’adolescente résidait chez son amie, il apparaît évident de l’ensemble de la preuve qu’il y avait une grande exagération. Pour motiver cette situation inhabituelle, le père a mentionné que sa fille était malheureuse avec lui et qu’il ne pouvait la consoler. La famille vivait alors un deuil, la mère et la grand-mère de l’adolescente étaient décédées dans un laps de temps assez court. Le père a admis que la tâche était lourde et qu’il avait de la difficulté à répondre aux besoins de sa fille. C’est dans ce contexte qu’il aurait accepté que X fasse de longs séjours chez son amie, chez qui elle semblait plus heureuse. Il a d’ailleurs mentionné « vouloir confier sa fille à long terme à madame », soit la mère de Y. Or, madame C n’est aucunement intéressée à collaborer avec la Direction de la protection de la jeunesse et c’était essentiel pour la Direction de la protection de la jeunesse. Elle a d’ailleurs demandé de mettre fin aux communications entre la Directrice de la protection de la jeunesse et X quand celle-ci était à son domicile.

[8] En raison de ce contexte particulier, le père a été invité à suggérer un milieu alternatif pour assumer la garde de sa fille, parce qu’en réalité, il était trop peu impliqué pour remédier à la situation qui faisait l’objet du signalement. Il n’a pas donné suite à cette demande.

[9] Au niveau scolaire, l’adolescente fréquentait la Polyvalente A. Elle présente un problème d’absentéisme scolaire important : une absence en septembre, 15 au mois d’octobre, 27 au mois de novembre et 25 au mois de décembre. Toutes ces absences sont motivées par le père. Le problème d’absentéisme a été abordé lors d’une rencontre avec le père au mois de janvier. Il connaissait la situation, mais, de toute évidence, ne s’en inquiétait guère. Il a mentionné croire sa fille quant aux motifs invoqués pour s’absenter de ses cours. D’ailleurs, le jour de cette rencontre, la jeune fille était couchée chez son amie, se disant malade. Après cette intervention, le père a cessé de motiver les absences mais le problème est demeuré entier puisqu’il n’est pas intervenu pour remédier à cette problématique d’absentéisme scolaire.

[10] Durant l’été 2015, une visite médicale n’avait pas permis d’identifier quelque maladie ou blessure qui pourrait expliquer les symptômes rapportés par l’adolescente pour refuser de se présenter à la polyvalente. Malgré une demande au père pour prendre un rendez-vous chez le médecin pour une évaluation médicale, il n’a pas fait les démarches nécessaires de telle sorte que l’intervenante sociale a dû elle-même prendre un rendez-vous pour l’adolescente. Le médecin, Steve Breton, confirme dans son rapport du 31 mars dernier des symptômes de reflux gastro-oesophagien qui seraient exacerbés par le contexte émotionnel vécu par la jeune fille. Il conclut à un « trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive en amélioration actuelle ».

[11] Au-delà de ses absences, l’adolescente n’a manifesté aucun intérêt dans le milieu scolaire. Selon le rapport de la Polyvalente A, elle refusait de se soumettre aux directives du personnel enseignant autant au niveau de la discipline que des travaux scolaires. Elle est en échec dans toutes ses matières avec une moyenne de 48 % à la première étape et 37 % à la deuxième étape. C’est dans ce contexte que la jeune fille a été suspendue de l’école pour une durée indéterminée. Dans son témoignage, l’intervenante sociale a précisé que le personnel de la polyvalente attendait un changement dans l’attitude de l’adolescente avant d’envisager une réintégration. Il est toutefois bien évident que son année scolaire est un échec.

[12] Dans le rapport provenant du milieu scolaire, on signale une très faible collaboration du père et de la jeune fille. De plus, on précise que son amie Y a un taux d’absentéisme très élevé et, concernant son milieu familial, on émet une « grande réserve quant aux habitudes de vie saine ».

[13] Dans son témoignage, le père exprime avoir de bonnes intentions. Il promet de prendre rendez-vous avec le médecin la journée même sans trop savoir pourquoi, sauf pour avoir une place disponible dans le futur. Il ignorait qu’il pouvait communiquer avec l’école, ce qu’il promet de faire. Il ignore quand sa fille a été suspendue de l’école. Il ignore pourquoi il n’a pas suivi les recommandations de l’intervenante en lien principalement avec l’absentéisme de X. Il ignore également l’occupation du temps de sa fille chez son amie. On comprend mieux son inaction quand il mentionne ne pouvoir donner des conséquences à sa fille parce qu’il ne veut pas se la « mettre à dos ».

[14] L’adolescente reconnaît en partie la situation et se dit maintenant intéressée à fréquenter le milieu scolaire et suivre les directives de son père dans l’avenir. Toutefois, interrogée quant à son intérêt pour un suivi social, elle mentionne que parfois c’est négatif, mais que cette intervention pourrait être bonne pour son père. Elle a aussi de la réticence pour l’intervention d’un éducateur dans le milieu familial, mais reconnaît que ce serait bénéfique pour son père.

[15] Il est bien évident que les décès successifs de sa mère et de sa grand-mère ont perturbé l’adolescente. Dans ce contexte difficile, la contribution du père aurait été importante pour supporter l’adolescente et l’aider dans son cheminement. Il a abdiqué ses responsabilités et les conséquences sont lourdes pour l’adolescente.

[16] Le Tribunal conclut donc qu’en raison de l’ensemble de cette situation, le développement et la sécurité de l’adolescente sont compromis.

[17] Dans l’ensemble, les mesures proposées par la déclarante sont appropriées à la situation et aux besoins de l’adolescente. Toutefois, comme le père et sa fille X manifestent de bonnes intentions pour remédier à la situation, le Tribunal réduit la période des mesures au 30 décembre 2016. Un premier semestre sera alors complété dans le milieu scolaire et les résultats témoigneront de l’implication et de l’attitude de l’adolescente et du sérieux de ses engagements. Quant aux contacts physiques entre l’adolescente et son père, la formule envisagée laisse une certaine latitude qui ne peut être que bénéfique pour l’adolescente. Il faut comprendre que ces contacts doivent en priorité être avec le père, et non dans un autre milieu familial. Ces contacts doivent servir à remédier à une situation problématique dans le milieu familial et en principe, ils devraient favoriser le retour de l’adolescente dans ce milieu.

[18] CONSIDÉRANT la preuve faite à l’audience, les admissions et consentements des parties, l’intérêt de l’adolescente;

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[19] ACCUEILLE la présente demande en protection;

[20] DÉCLARE la sécurité et le développement de X compromis au sens de l’article 38 de la Loi sur la protection de la jeunesse;

[21] ORDONNE que l’adolescente soit confiée à une famille d’accueil jusqu’au 30 décembre 2016;

[22] ORDONNE que les contacts physiques entre l’adolescente et son père aient lieu selon entente entre les parties et à défaut d’entente, à raison d’une fin de semaine sur deux, du vendredi au dimanche;

[23] ORDONNE que l’adolescente reçoive les soins et services de santé requis par sa situation, notamment qu’elle poursuive les évaluations médicales débutées et applique les recommandations qui en découlent, dont un suivi en pédopsychiatrie, si recommandé;

[24] ORDONNE que l’adolescente fréquente l’école assidûment;

[25] RECOMMANDE au père de participer à une démarche de clarification de projet de vie pour l’adolescente;

[26] ORDONNE qu’une personne oeuvrant pour un organisme ou un établissement apporte à l’adolescente ainsi qu’à sa famille, aide, conseils et assistance jusqu’au 30 décembre 2016;

[27] CONFIE la situation de X à la Directrice de la protection de la jeunesse pour l'exécution du présent jugement;

[28] ORDONNE aux personnes visées par la présente ordonnance de s’y conformer.





[29] Le tout sans frais de justice.



__________________________________
Embert Whittom, J.C.Q.

Me Nathalie Diguer
Procureure de la D.P.J.

Me Fannie Côtes
Procureure de l’adolescente

Me Thomas Bastille-Lavigne
Procureur du père

Date d’audience :
19 avril 2016