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Lussier Dale Parizeau inc. c. Robitaille

no. de référence : 500-17-093639-162

Lussier Dale Parizeau inc. c. Robitaille
2016 QCCS 2041
JC2050

COUR SUPÉRIEURE


CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
MONTRÉAL

N°:
500-17-093639-162



DATE :
3 mai 2016
______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L’HONORABLE
CLAUDE CHAMPAGNE, J.C.S.
______________________________________________________________________

LUSSIER DALE PARIZEAU INC.
Demanderesse
c.
ALEXANDRE ROBITAILLE
et
JEAN-FRANÇOIS PAQUET
et
BFL CANADA RISQUES ET ASSURANCES INC.
Défendeurs
______________________________________________________________________

JUGEMENT
______________________________________________________________________

INTRODUCTION

[1] Lussier Dale Parizeau inc. (LDP) demande à cette Cour qu’elle prononce une ordonnance d’injonction provisoire contre Alexandre Robitaille (Robitaille), Jean-François Paquet (Paquet) et BFL Canada risques et assurances inc. (BFL).

[2] Cette demande s’inscrit dans le contexte décrit sommairement ci-après.

CONTEXTE FACTUEL

[3] LDP est une entreprise oeuvrant dans le domaine du courtage d’assurances. Elle offre également des services en matière de planification financière.

[4] BFL exerce des activités similaires à celles de la demanderesse. Il s’agit donc de compétiteurs directs.

[5] Robitaille a travaillé pour le compte de LDP du mois de juin 2005 jusqu’au mois de janvier 2016. À la fin de son emploi, le défendeur occupait le poste de Directeur - Ventes, Entreprises, Groupes et associations. Robitaille a remis sa démission chez LDP le 5 janvier dernier.

[6] Le contrat d’emploi de Robitaille en vigueur lors de sa démission contenait la clause de non-sollicitation suivante :

« 6. OBLIGATION DE NON-SOLLICITATION DE CLIENTS

6.1 L’Employé s’abstiendra, au cours de son emploi et pour une période de douze (12) mois après la date de cessation de son emploi avec la Compagnie, pour son propre compte ou pour le compte de toute Personne, directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, seul, par ou en relation avec toute autre Personne à accepter les affaires ou à solliciter tout Client ou Client Potentiel de la Compagnie, sur toute partie du Territoire, dans un but qui serait en concurrence avec les activités de la Compagnie. »

[7] Quant à lui, Paquet, a travaillé chez LDP à compter du mois d’août 2006 jusqu’au mois de janvier 2016. Il occupait le poste de Courtier, Service à la clientèle, Assurance des entreprises. Il a remis sa démission le 28 janvier dernier.

[8] Au moment de son départ, le défendeur était lié par un engagement de confidentialité et de non concurrence dont la partie pertinente se lit comme suit :

« Pendant son emploi ainsi que pendant une période de douze (12) mois suivant la fin de son emploi auprès de l’employeur, l’employé s’engage à ne pas, à travers la province de Québec, directement ou indirectement, seul ou conjointement avec toute autre personne, société ou corporation, à quelque titre que ce soit (par exemple à son compte, comme employé, consultant, mandant, mandataire, associé ou actionnaire), pour son compte ou celui d’un tiers :

i. Solliciter, tenter de solliciter ou aider qui que ce soit à solliciter un client et/ou un prospect de l’employeur afin de lui vendre, en tout ou en partie, des produits ou services d’assurance de la ou les mêmes catégories de disciplines dans laquelle ou lesquelles l’employé travaillait pour le compte de l’employeur au jour de la fin d’emploi de l’employé (ex : assurance de dommages de particuliers, assurance de dommages des entreprises, assurance de dommages de personnes, assurance collective de personnes, etc.);

ii. Faire des affaires d’assurances avec ses clients ou les clients de l’employeur qui sont connus de l’employé.

[9] Peu de temps après que Robitaille et Paquet eurent quitté leur emploi auprès de LDP, des assurés importants qu’ils représentaient pour la demanderesse sont soudainement devenus des clients de BFL dans les circonstances décrites aux paragraphes 21 et suivants de la demande en justice. Celle-ci est d’ailleurs soutenue par plusieurs pièces et surtout par les déclarations sous serment de trois (3) employés cadres de LDP.

[10] Ce qui précède constitue donc le contexte ayant mené à la demande d’émission d’une injonction provisoire.

DROIT APPLICABLE

[11] L’article 511 du Code de procédure civile contient les règles applicables à l’émission d’une injonction interlocutoire. Il se lit comme suit :

511. L'injonction interlocutoire peut être accordée si celui qui la demande paraît y avoir droit et si elle est jugée nécessaire pour empêcher qu'un préjudice sérieux ou irréparable ne lui soit causé ou qu'un état de fait ou de droit de nature à rendre le jugement au fond inefficace ne soit créé.

Le tribunal peut assujettir la délivrance de l'injonction à un cautionnement pour compenser les frais et le préjudice qui peut en résulter.

Il peut suspendre ou renouveler une injonction interlocutoire, pour le temps et aux conditions qu'il détermine.

[12] Le deuxième aliéna de l’article 510 C.p.c. prévoit que le Tribunal, dans les cas d’urgence, peut prononcer une injonction interlocutoire provisoire dont la durée est limitée à dix (10) jours. En l’occurrence, il s’agit de ce que demande maintenant LDP.

[13] En plus de faire la preuve d’une situation d’urgence immédiate et apparente, la partie qui demande une ordonnance d’injonction interlocutoire provisoire doit établir l’existence de certains critères fondamentaux, soit :

a) L’apparence de droit;

b) Un préjudice sérieux ou irréparable;

c) La prépondérance des inconvénients.

APPLICATION À L’ESPÈCE

[14] Face à la preuve toujours sommaire comme c’est habituellement le cas en cette matière et aux arguments des parties, le Tribunal applique comme suit chacun des critères requis afin d’émettre ou de refuser les ordonnances sollicitées.

[15] Selon cette Cour, LDP a démontré qu’il y a ici une urgence réelle et immédiate. En effet et sans l’émission d’une ordonnance d’injonction, Robitaille et Paquet continueront de solliciter les clients qu’ils représentaient pour le compte de la demanderesse. Ils pourraient ainsi faire perdre à LDP une partie importante de son actif le plus précieux, sa clientèle.

a) L’apparence de droit

[16] En ce qui a trait à l’apparence de droit, Robitaille et Paquet avaient conclu des ententes avec la demanderesse contenant une obligation de non-sollicitation (Robitaille) et un engagement de confidentialité et de non concurrence (Paquet). De plus, l’article 2088 du Code civil du Québec leur impose une obligation de loyauté.

[17] En raison de ce qui précède, il faut conclure ici que LDP possède à tout le moins une apparence de droit à l’injonction si ce n’est un droit clair.

b) Un préjudice sérieux ou irréparable

[18] Quant au préjudice sérieux et irréparable, la preuve sommaire administrée devant le soussigné révèle que la demanderesse a perdu jusqu’à ce jour plus de 125 000 $ en commissions. La clientèle d’une entreprise constitue son actif le plus important et la perte de celle-ci est un dommage difficile à évaluer.

c) La prépondérance des inconvénients

[19] Finalement, la balance des inconvénients joue nettement en faveur de la demanderesse puisque sans injonction, LDP continuera à subir un préjudice sérieux et irréparable à travers les agissements de Robitaille et Paquet au profit de BFL. D’ailleurs, une telle ordonnance d’injonction n’empêchera nullement Robitaille et Paquet de travailler auprès d’autres clients.

[20] Bien sûr, BFL engage sa responsabilité puisqu’elle n’est pas sans savoir que Robitaille et Paquet ne respectent pas les clauses de non-sollicitation et de non concurrence qui les liaient à la demanderesse. BFL en tire profit. Il y a donc lieu d’émettre l’injonction sollicitée à son endroit.

[21] CONCLUSIONS

[22] Vu ce qui précède, le Tribunal accueillera donc en partie la demande d’émission d’une injonction provisoire.

[23] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24] ACCUEILLE, en partie, au stade provisoire la demande de Lussier Dale Parizeau inc.;

[25] ÉMET une injonction interlocutoire provisoire pour valoir jusqu’au 13 mai 2016 à 17h;

[26] ORDONNE aux défendeurs, Alexandre Robitaille, Jean-François Paquet et BFL Canada risques et assurances inc., ou à toute autre personne ayant connaissance de l’injonction interlocutoire de CESSER immédiatement et de s’ABSTENIR de solliciter, d’aider ou d’accepter les affaires et de tenter de détourner à son profit et/ou au profit de la défenderesse BFL les clients de la demanderesse avec qui les défendeurs Jean-François Paquet et Alexandre Robitaille faisaient affaire lors de leur emploi auprès de la demanderesse;

[27] DISPENSE la demanderesse de fournir caution;

[28] PERMET à la demanderesse de signifier aux défendeurs le présent jugement en tout temps hors des heures légales de signification et durant les jours non juridiques, soit personnellement, soit à une personne raisonnable à leur domicile respectif, soit sous pli cacheté, soit sous l’huis de la porte, par courriel ou par télécopieur;

[29] ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel;

[30] FRAIS DE JUSTICE à suivre le sort du recours principal.




__________________________________
CLAUDE CHAMPAGNE, J.C.S.

Me Yves Turgeon
Me Alexandra Meunier
Faskin Martineau DuMoulin
Procureurs de la demanderesse

Me Patrick Galizia
Procureur des défendeurs
Norton Rose Fulbright

Date d’audience :
2 mai 2016