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A.M. c. Régie des rentes du Québec

no. de référence : SAS-M-113552-0602

Membres du Tribunal :

Hélène Beaumier, avocate

Dominique Marcil, médecin





A... M...



Partie requérante



c.



RÉGIE DES RENTES DU QUÉBEC



Partie intimée







DÉCISION

En matière de régime des rentes



[1] Il s'agit d'un recours formé à l'encontre d'une décision rendue en révision par l'intimée, la Régie des rentes du Québec, le 13 décembre 2005, confirmant un refus de reconnaître la requérante invalide au sens de l'article 95 de la Loi sur le Régime de rentes du Québec[1].



[2] Le 27 octobre 2004, au moment où la requérante introduit auprès de l'intimée sa demande de rente d'invalidité, elle est âgée de 57 ans.

[3] Dans sa demande, signée et datée du 2 août 2004, la requérante déclare:

· que sa dernière journée de présence au travail remonte au 19 septembre 1999;

· qu'elle a cessé de travailler en raison d'une douleur cervicale;

· qu'elle était opératrice de machines à coudre;

· qu'elle a cessé de travailler en raison de son état de santé le 18 octobre 1999;

· que la maladie ou la déficience qui l'empêche de travailler consiste en une douleur cervicale qui l'empêche de lever les paquets lourds et de faire des mouvements répétitifs;

· qu'elle ne peut pas être assise trop longtemps et qu'elle doit se déplacer à chaque 20 minutes au moins;

· que son médecin traitant est le docteur David Nemtean.

[4] À cette demande était joint un rapport médical du docteur Nemtean, en date du 20 juillet 2004.

[5] Dans ce rapport, le docteur Nemtean déclare:

· que la requérante est sa patiente depuis le 13 mai 2004;

· que les antécédents médicaux pertinents de la requérante consistent en un accident de travail en 1999 ayant causé une entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles;

· que les problèmes physiques ou mentaux actuels de la requérante consistent en une douleur progressive cervicale avec diminution de mouvements depuis son accident de travail de 1999 ainsi qu'en une discarthrose lombo-sacrée avec diminution de mouvements, sciatalgie gauche et douleur;

· que les signes cliniques liés aux principaux problèmes de santé de la requérante consistent en des diminutions de mouvements tant au niveau du rachis cervical que lombo-sacré;

· que le diagnostic qu'il retient en est un de discarthrose cervicale, de hernie discale et de discarthrose lombaire et que le pronostic est irréversible;

· que la requérante a la capacité mentale de gérer ses affaires;

· qu'elle est apte à conduire un véhicule automobile;

· qu'elle ne pourra reprendre son travail habituel en raison d'une douleur progressive;

· qu'elle ne pourra faire un autre travail parce qu'elle n'a qu'une cinquième année de scolarité [à l’étranger];

· qu'elle prend soin aussi de son garçon de 37 ans, sourd, muet et schizophrène, qui reste avec elle.

[6] Le 5 janvier 2005, l'intimée refuse la demande de rente d'invalidité présentée par la requérante.

[7] Le 1er juin 2005, la requérante produit auprès de l'intimée une demande de révision de la décision rendue le 5 janvier 2005. Dans sa demande de révision, la requérante écrit qu'elle est incapable de travailler en raison de sa hernie cervicale, des douleurs à la colonne et de l'arthrite à ses deux mains. Elle précise que sa hernie cervicale lui cause des douleurs atroces à la tête, ce qui occasionne des pertes de mémoire qui l'empêchent de poursuivre une formation pour continuer un autre travail.

[8] Le dossier est documenté par la suite du contenu du dossier de la requérante à la CSST, comprenant des renseignements médicaux ainsi que les diverses décisions rendues à son égard. On y apprend :

· que la requérante a été victime d'un accident de travail (entorse thoracique) le 28 septembre 1998 alors qu'elle transportait un sac de vêtements et tentait d'ouvrir la porte de son camion;

· qu’une seconde lésion professionnelle survenue le 18 octobre 1999 et ayant causé une entorse cervicale fut également reconnue le 26 septembre 2001 en appel devant la Commission des lésions professionnelles;

· que diverses décisions ont par la suite été rendues par la CSST portant sur le diagnostic, la date de consolidation, les traitements, l'atteinte permanente et les limitations fonctionnelles;

· que la requérante a contesté ces décisions;

· qu’en révision le 16 mai 2002, la CSST a confirmé :

- que le diagnostic à retenir était celui d'entorse cervicale,

- que la date de consolidation de la lésion était le 19 décembre 2001,

- que les traitements n’étaient plus nécessaires après cette date,

- qu'il demeurait des limitations fonctionnelles,

- que l'atteinte permanente était de 2% et

- que les indemnités de remplacement du revenu continuaient à être versées jusqu'à ce que la CSST se soit prononcée sur la capacité de la requérante d'exercer un emploi;

· que le 21 novembre 2002, la CSST a déterminé que la requérante pouvait occuper un emploi de commis vendeuse à temps partiel à compter du 21 novembre 2002 et que, dès que la requérante travail-lerait ou, au plus tard le 20 novembre 2003, l'indemnité serait réduite;

· une demande subséquente de remboursement des frais de déneige-ment à son domicile lui sera refusée tant en première instance qu'en révision par la CSST, la requérante étant jugée apte à effectuer cette activité elle-même.

[9] On retrouve par la suite au dossier la documentation médicale trans-mise par le médecin traitant de la requérante, le docteur Nemtean, compre-nant des notes de consultation s'échelonnant jusqu'au mois de janvier 2005.

[10] L'intimée demande alors que la requérante soit vue en expertise devant le docteur Claude Godin, chirurgien orthopédiste.

[11] Cette expertise est effectuée le 14 octobre 2005 par le docteur Claude Godin, orthopédiste, et a pour but de déterminer le diagnostic, le traitement, le pronostic ainsi que la capacité de travailler de la requérante.

[12] Dans son rapport, le docteur Godin reprend l'historique du dossier, référant notamment aux divers rapports et évaluations médicales contenus au dossier de la CSST. Au niveau de l'état actuel, la requérante mentionne qu'elle ne reçoit aucun traitement à ce moment et qu'elle prend à l'occasion du Tylénol ou du Celebrex. Elle se plaint des limitations au niveau de la colonne cervicale, de l'épaule droite et des poignets ainsi que de douleurs à la région lombaire basse. Elle mentionne également des céphalées sévères le matin. Au niveau de ses activités quotidiennes, elle mentionne faire ses tâches domestiques et écouter la télévision. Le docteur Godin conclut en disant qu'il n'y a pas d'autres plaintes alléguées par la requérante.

[13] Ayant procédé par la suite à l'examen physique de la requérante, le docteur Godin résume en disant :

· que la requérante présente un tableau d'arthrose cervicale et lombaire actuellement peu symptomatique;

· qu'elle a été traitée pour une tendinite avec déchirure du sus-épineux de l'épaule droite et que cette condition est actuellement peu symptomatique;

· que la requérante ne reçoit aucun traitement depuis plusieurs années; et

· que sa condition a été consolidée avec des limitations fonctionnelles et une atteinte permanente en relation avec une discarthrose symptomatique de la colonne cervicale.

[14] Le docteur Godin conclut que la requérante est apte à faire un travail léger ou sédentaire respectant certaines limitations fonctionnelles (similaires à celles déjà reconnues par la CSST) et qu'elle ne peut en conséquence être reconnue complètement invalide au sens de la Loi sur le régime de rentes du Québec.

[15] D'où la décision en révision de l'intimée visée par le présent recours.

[16] Dans le recours que la requérante introduit elle-même auprès du Tribunal, elle mentionne :

· qu'il lui est totalement impossible de faire un travail;

· que la hernie cervicale ne lui permet pas les mouvements normaux qu'elle devrait être en mesure d'exécuter; et

· que, le matin, le réveil est très difficile pour elle car, dit-elle, elle a énormément de raideur et beaucoup d'étourdissements.

[17] Suite à l'introduction du présent recours au Tribunal, la requérante est vue en expertise devant le docteur Gilles Roger Tremblay, à la demande de son procureur. Cette expertise a eu lieu le 31 août 2006.

[18] Dans son rapport, le docteur Tremblay reprend l'historique du dossier; l'examen subjectif est sensiblement le même que celui du docteur Godin. Après avoir examiné la requérante, le docteur Tremblay écrit :

· que cette dernière présente une discarthrose cervicale et une discarthrose lombaire avec une tendinite chronique de l'épaule droite;

· que la requérante est "très symptomatique à l'examen d'aujourd'hui mais, du point de vue strictement orthopédique, cette patiente présente encore un potentiel résiduel de travail dans à un emploi léger n'utilisant pas le membre supérieur droit."

[19] Le docteur Tremblay précise cependant qu'elle ne pourra jamais retourner à son emploi de couturière et qu'elle devrait en conséquence être éligible à la Régie des rentes du Québec à l'âge de 60 ans.

[20] Docteur Tremblay termine en suggérant de faire réévaluer la requérante en psychiatrie "car elle semble très déprimée et ceci peut influer beaucoup sur sa capacité d'exercer un emploi rémunérateur à temps plein."

[21] Ainsi donc, sur le plan orthopédique, l'expert retenu par la requérante, le docteur Tremblay, conclut dans le même sens que celui retenu par l'intimée, le docteur Godin, à savoir que la requérante peut effectuer un travail léger ou sédentaire respectant certaines limitations fonctionnelles et qu'elle ne peut en conséquence être reconnue invalide au sens de la Loi sur le régime de rentes du Québec suivant les critères applicables pour les personnes de moins de 60 ans.

[22] À la demande de son procureur, la requérante est alors vue en évaluation psychiatrique par le docteur Robert Labine, psychiatre. Cette évaluation a lieu le 27 décembre 2006.

[23] Après avoir procédé à la revue du dossier, le docteur Labine relate avec moult détails l'histoire de la maladie actuelle ainsi que les antécédents personnels et familiaux de la requérante. Ainsi, on peut lire:

«HISTOIRE DE LA MALADIE ACTUELLE :

Madame [la requérante] est une dame de 59 ans, qui n'a aucun antécédent d'hospitalisation ni de suivi en psychiatrie. Notons par ailleurs qu'elle décrit avoir connu un épisode de nature dépressive, vers l'âge de 37 ans, dans le contexte de conflits conjugaux. Elle mentionne qu'à ce moment-là, elle avait été en dépression pour une période d'environ 1 mois, mais n'avait reçu aucun traitement pharma-cologique ni psychothérapeutique. Elle ne s'était pas non plus retrouvée en arrêt de travail, mais notons qu'à l'intérieur d'un mois elle avait perdu 10 livres. Elle mentionne qu'elle se sentait passablement triste, mais elle précise que dans la vie il faut être fort pour aider les autres, et compte tenu que ses enfants étaient encore à la maison, elle mentionne qu'elle devait utiliser toute son énergie pour ces derniers.

Notons également que madame précise qu'elle aurait rencontré un psychiatre il y a environ 6 à 7 ans, mais elle ne peut pas vraiment préciser dans quel contexte ni pour quelle raison, sinon qu'il s'agissait possiblement d'une situation où un agent de la CSST l'aurait envoyé consulter en psychiatrie, mais cela n'est aucunement clair et madame ne se rappelle pas de détails en relation avec une telle visite. Il semble qu'à ce moment-là elle ne se sentait pas très bien, mais encore une fois elle a beaucoup de difficulté à le préciser de façon spécifique.

Durant cette rencontre d'évaluation psychiatrique, je dois noter que madame [la requérante] présente définitivement une problématique au niveau de la concentration, et il lui est souvent difficile de replacer certains événements dans le temps, tant en relation avec ce qu'elle a connu avant son accident de travail de septembre 1998, qu'après cette période-là. Elle attribue cette difficulté à un problème de concentration, qui s'est nettement développé de façon significative au cours des dernières années.

Madame [la requérante] précise les circonstances dans lesquelles elle connaissait un accident de travail en septembre 1998, mais comme elle le précise également elle avait déjà connu un accident de travail en 1990, au niveau de l'épaule gauche, et elle s'était retrouvée en arrêt de travail pour une période de 3 mois, avec des traitements de physiothérapie. Elle reprenait le travail de couturière par la suite, et elle semble dire que son évolution était assez satisfaisante.

En septembre 1998, madame devait effectuer un faux mouvement avec un sac, alors qu'elle était au travail, et c'est dans un tel contexte qu'elle présentait des douleurs importantes au niveau de l'épaule gauche, et c'est également dans un tel contexte qu'elle se retrouvait en arrêt de travail. Elle devait débuter des traitements de physiothérapie, pour une période de quelques mois, en mentionnant que cela l'a aidée, mais pas de façon significative. Comme cela a été décrit dans les documents consultés, madame devait reprendre le travail en septembre 1999, pour arrêter à nouveau 1 mois plus tard, compte tenu que lorsqu'elle soulevait une caisse, elle se blessait à nouveau à l'épaule et se retrouvait à nouveau en arrêt de travail. Par la suite, des traitements de physiothérapie étaient également effectués, et madame consultait également en chiropraxie. Madame [la requérante] mentionne assez clairement que les douleurs aux deux épaules ont toujours été présentes, et de telles douleurs sont encore là. Elle raconte également qu'aussitôt qu'elle fait certains efforts, si minimes soient-ils, elle présente également des douleurs au niveau des deux mains. Suite à un tel accident, elle a reçu des prestations de la CSST, mais elle semble dire que depuis environ 1999, de telles prestations sont à la moitié de ce qu'elle recevait auparavant. Elle ne peut pas élaborer de façon détaillée par rapport à cela, encore une fois avec de la difficulté à préciser les détails d'une telle situation. Sur le plan physique, madame mentionne qu'elle se sent passablement limitée, qu'elle ne peut plus être autonome comme elle l'était par le passé, et de telles douleurs ont souvent amené des difficultés au niveau du sommeil, et cela depuis l'accident de 1998.

Sur le plan psychologique, madame [la requérante] raconte assez clairement que durant les deux ou trois premières années suite à l'accident de travail de septembre 1998, elle ne se sentait pas déprimée comme telle, par ailleurs elle se sentait diminuée par le fait qu'elle ne pouvait pas travailler, ce qui pour elle a toujours été une source importante d'honneur, ainsi qu'une façon de demeurer autonome, sentiment qu'elle avait toujours eu jusqu'à ce qu'elle se retrouve en arrêt de travail. Par conséquent, en dehors d'un problème d'insomnie, il n'y avait pas d'autres symptômes pendant un certain temps, par contre, il semble que depuis environ 5 à 6 ans, sa condition psychologique s'est nettement détériorée. Pour utiliser ses mots, madame mentionne que depuis 5 à 6 ans, «ça déborde.» Elle mentionne également ceci : «Avant, j'avais de l'espoir que ma condition s'améliorerait, mais depuis 5 à 6 ans, cet espoir n'est plus présent. » Par conséquent, madame [la requérante] mentionne qu'au cours des dernières années elle a commencé à se sentir graduellement plus déprimée, avec une tristesse relativement constante, mais qu'elle n'a jamais vraiment montré à qui que ce soit, et elle n'en a pas parlé non plus. Lorsque nous précisons son histoire des dernières années, elle parle également d'une baisse d'appétit, mais son poids est demeuré stable, compte tenu qu'elle s'alimente tout de même relativement bien, mais de façon différente de ce qu'elle faisait par le passé. En effet, elle mentionne qu'elle a toujours aimé faire la cuisine, ce qu'elle ne fait à peu près plus. Elle parle également d'une baisse significative d'intérêt, de motivation, et ce pour quoi que ce soit. Elle parle également d'une baisse d'énergie, mais cela peut également être relié au fait que ses nuits de sommeil sont moins bonnes que par le passé. En ce qui concerne la diminution de l'intérêt, madame mentionne qu'elle n'a plus intérêt à se faire de la nourriture, et selon ce qu'elle précise, cela n'est pas nécessairement relié aux douleurs. Elle mentionne qu'actuellement, même s'il n'y avait plus de douleurs, elle a l'impression que l'intérêt ne reviendrait pas nécessairement à la normale. Elle s'est questionnée à savoir si elle était paresseuse, ayant de la difficulté à considérer qu'un tel symptôme peut en être un de dépression. Madame parle également d'une baisse significative de concentration, et cela lui apparaît comme étant passablement problématique. En effet, elle mentionne que lorsqu'elle était au travail, on se référait constamment à elle, pour se rappeler des informations, ce qu'elle n'a plus la capacité de faire. Elle mentionne que souvent elle peut se déplacer dans le sous-sol, pour aller chercher quelque chose, mais elle doit s'y reprendre à plusieurs reprises, car lorsqu'elle est au sous-sol, elle ne se rappelle plus ce qu'elle voulait. De la même façon, elle mentionne avoir beaucoup de difficulté à garder toute nouvelle information. Elle n'a jamais présenté d'idées suicidaires, ni au cours des dernières années, mais lorsque je la questionne sur cet aspect, elle semble dire qu'elle voudrait parfois s'endormir et ne jamais se réveiller. Elle se décrit comme quelqu'un qui n'est plus bonne à rien, qu'elle n'est plus utile, qu'elle ne sert à rien, et qu'elle n'a aucun intérêt, quel qu'il soit. Malgré le fait qu'elle ne dort pas bien la nuit, elle ne dort pas le jour. Concernant les repas, elle mentionne que parfois elle oublie de manger. Durant la journée, elle écoute la télévision, ne sort à peu près pas, et ne voit à peu près personne, sinon ses enfants et ses petits-enfants. Madame [la requérante] mentionne ceci : «J'ai perdu le contrôle de faire quelque chose, j'ai perdu le contrôle de moi-même. Quand on travaille, on est plus organisé, et je ne le suis plus.» Madame se dit déprimée car elle n'est plus autonome et elle doit constamment demander de l'aide, ce qui n'est pas nécessairement facile pour elle, comme elle le précise. Évidemment, les douleurs chroniques n'aident pas sa condition, et elle précise que lorsqu'elle se retrouve à l'air climatisé, lorsqu'elle effectue une sortie dans un centre commercial, les douleurs sont plus importantes, ainsi qu'à l'humidité de même qu'au froid. À ce moment-là, elle se sent d'autant plus déprimée, car elle se voit moins autonome, et encore une fois limitée à demander de l'aide.

Notons également que madame ne semble pas avoir souffert d'attaques de panique ni d'agoraphobie, mais elle précise tout de même qu'a différents moments au cours des dernières années, elle a connu des épisodes de palpita-tions, qui lui ont valu des visites chez le médecin, avec électrocardiogramme, pour préciser qu'il n'y avait aucun problème cardiaque. Par ailleurs, madame n'a jamais présenté de symptômes psychotiques ni hypomaniaques, et il n'y aurait jamais eu de symptomatologie de nature obsessionnelle-compulsive.

En résumé, madame [la requérante] est une dame de 59 ans, qui en dehors d'un épisode de dépression vers l'âge de 37 ans n'a aucun antécédent psychiatrique ou de difficulté psychologique particulière. Il s'agit d'une dame qui a toujours travaillé et qui a d'ailleurs toujours valorisé le travail de façon importante. Suite à un accident de travail en septembre 1998 et un second à l'automne 99, madame n'aurait pas d'emblée présenté de symptomatologie anxio-dépressive compte tenu qu'elle gardait espoir que sa condition s'améliorerait. Quelques années plus tard, vers 2001 ou 2002, madame mentionne qu'elle a commencé à réaliser que sa condition ne s'améliorerait pas, par conséquent c'est autour de cette période-là qu'elle a commencé à présenter une symptomatologie de nature anxio-dépressive, avec des épisodes de palpitations, et des symptômes dépressifs qui se manifestaient tels que décrits ci-dessus. Il est fort possible de croire qu'au début il s'agissait simplement d'un trouble de l'adaptation avec humeur dépressive, mais qui semble s'être transformé en dépression majeure, avec une tristesse relativement constante, une perte importante d'intérêt, de motivation et d'énergie, de même que d'une certaine baisse d'appétit. Sans qu'il n'y ait d'idées suicidaires, madame démontre un certain désir de mourir, n'ayant plus d'intérêt pour la vie, d'autant plus qu'elle se sent dépendante, honteuse, humiliée. De plus, elle présente d'importants problèmes de concentration, ce qui l'incommode passablement. Notons également qu'il s'agit d'une dame qui n'aurait mentionné à personne les symptômes qu'elle présentait, et il est par ailleurs possible de considérer que la symptomatologie est même plus importante que ce qu'elle décrit aujourd'hui. Il m'apparaît assez clair que madame [la requérante] présente une réticence à parler de ses symptômes dépressifs, et il y a possiblement un aspect culturel relié à cela. II n'en demeure pas moins qu'à mon avis, cette dame souffre d'une symptomatologie dépressive assez importante, qui nécessiterait une intervention psychothérapeutique et psychopharmacologique, ce face à quoi madame n'est pas nécessairement fermée.

Concernant l'aspect légal, mentionnons que madame [la requérante] a décidé de consulter maître Michel Cyr, afin de faire valoir ses droits en relation avec la possibilité d'obtenir les prestations de la Régie des Rentes du Québec. Elle ne peut pas préciser à quel moment elle a rencontré maître Cyr pour la première fois. Notons que c'est suite à la rencontre avec maître Cyr que ce dernier m'a demandé d'effectuer l'évaluation psychiatrique de madame [la requérante].

ANTÉCÉDENTS PERSONNELS ET FAMILIAUX :

Madame [la requérante] est originaire [de l’étranger], plus précisément dans la région [...]. Elle est la troisième d'une famille de quatre enfants, ayant deux sœurs et un frère. Elle parle d'une enfance et d'une partie de l'adolescence qui se sont assez bien déroulées, et elle mentionne que sur le plan scolaire de même qu'interpersonnel, elle ne présentait aucune difficulté particulière. Après avoir terminé sa cinquième année au primaire, alors qu'elle avait environ 12 ans, elle a cessé l'école, et elle a pris des cours de couture avec une dame, en privé. Par la suite, elle mentionne clairement que son père l'a mariée à 15 ans, avec un conjoint avec qui la relation n'a pas été facile, et durant les dernières années de sa vie commune, elle mentionne clairement que sa vie de couple n'était pas du tout satisfaisante. Notons également qu'en raison du fait qu'elle s'est mariée à 15 ans, elle n'a pas travaillé à cette période-là, en raison d'aspects culturels. C'est seulement lorsqu'elle est arrivée au Canada qu'elle a commencé à travailler sur une base très régulière, alors qu'elle avait environ 21 ans ou 22 ans. Notons que des membres de sa famille avaient émigrés au Canada avant elle, et madame devait suivre les autres membres de sa famille. Concernant ses parents, mentionnons que son père travaillait dans une entreprise où il vendait du matériel pour vêtement, et notons que lorsqu'il est venu à Montréal, il a travaillé à l'Hôtel [...] pour un certain temps, et dans la construction par la suite, madame ne com-prenant pas vraiment pourquoi un tel changement s'est effectué. Son père est décédé il y a 12 ans, à l'âge de 78 ans, d'un cancer des poumons. La mère de la patiente est décédée il y a 5 ans, d'un cancer du sein et généralisé, et ce à l'âge de 79 ans. Madame précise également que son père avait connu un accident aux yeux, vers l’âge de 60 ans, et c'est possiblement à cette période qu'il a cessé de travailler.

Concernant sa vie affective, madame [la requérante] mentionne donc qu'elle s'est mariée à l'âge de 15 ans, et elle a par ailleurs l'impression que sa vie s'est en quelque sorte terminée à ce moment-là, à tout le moins la vie où elle ressentait un certain bonheur et un certain plaisir. Sa relation de couple a été teintée par beaucoup de violence de la part de son conjoint, et c'est finalement madame qui a opté pour une séparation, à l'âge de 48 ans. À ce moment-là, elle s'est retrouvée avec son fils, avec qui elle demeure toujours. Notons que son ex-conjoint est décédé à l'âge de 64 ans, il y a de cela 5 ans, d'une maladie cardiaque. Notons également que madame est mère de quatre enfants, une fille de 42 ans, un garçon de 40 ans, et deux filles de 37 et 32 ans. Madame est également grand-mère de 7 petits-enfants. Madame [la requérante] précise également que lorsqu'elle a eu ses enfants, elle a été en arrêt de travail pour une période d'environ 1 an, surtout à la naissance de sa fille, la troisième de la famille, alors que les deux autres étaient nés [à l’étranger]. En dehors d'un tel arrêt de travail, madame mentionne qu'elle a toujours beaucoup travaillé et elle a d'ailleurs toujours valorisé le travail de façon importante. Elle a toujours travaillé comme couturière, dans des usines.

Concernant sa vie interpersonnelle, madame mentionne qu'elle n'a pas d'amies, et cela ne lui manque aucunement, compte tenu qu'elle est très proche de ses enfants, de ses petits-enfants, de même que ses deux sœurs et son frère. Tous les membres de la famille demeurent dans la même région.

Concernant l'histoire psychiatrique familiale, cette dernière est tout à fait négative, par ailleurs elle mentionne que son fils aurait connu un épisode dépressif.» (sic)

[24] Par la suite, après examen mental de la requérante, l'impression diagnostique retenue est la suivante:

«IMPRESSION DIAGNOSTIQUE :

Axe I : Épisode dépressif majeur, qui demeure en phase aiguë.

II est fort possible de considérer que madame a dans un premier temps développé un trouble d'adaptation avec humeur anxieuse mais surtout dépressive, qui s'est graduellement transformé en dépression majeure, compte tenu l'intensité de la symptomatologie dont elle me fait part. Comme je l'ai mentionné bien clairement ci-dessus, il est fort possible que des éléments culturels amènent madame à minimiser la symptomatologie dépressive qu'elle présente. Par conséquent, dans l'évolution qu'elle a connue au cours des dernières années, il est fort possible que cette dame ait présenté une dépression masquée.

Il n'y a aucune évidence de trouble anxieux.

Axe II: Il n'y a pas d'évidence de trouble de la personnalité.

Axe Ill : Douleurs chroniques, au niveau des deux épaules, dans le contexte de l'accident de travail qu'elle a connu en septembre 98 ainsi qu'en octobre 1999.

Axe IV : L'accident de travail qu'elle a connu, avec les douleurs qui ont persisté et son incapacité à travailler, sont à l'origine du trouble d'adaptation qu'elle a développé, et qui s'est finalement transformé en dépression majeure, qui demeure actuellement très active. Évidemment, les douleurs accentuent les symptômes dépressifs quoique madame semble également préciser que même lorsque les douleurs sont moins importantes, les éléments dépressifs demeurent assez significatifs.

Axe V : E.G.F.: Autour de 55.»

[25] Comme plan de traitement, le docteur Labine recommande une psychothérapie jouxtée à une médication anti-dépressive qui devrait selon lui être débutée assez rapidement et, qu'à cet égard, le médicament Wellbutrin XL, 150 mg, serait une avenue intéressante. Le docteur Labine demande donc au procureur de la requérante que son évaluation soit remise au médecin de famille de cette dernière afin que soit débuté le traitement pharmacologique. On peut lire :

«Dans un premier temps, je crois que madame [la requérante] pourrait définitive-ment bénéficier d’une psychothérapie d’orientation supportive et/ou introspective, à tout le moins à moyen terme, compte tenu la souffrance qui demeure assez importante, principalement dans le contexte d’une perte significative d’estime d’elle-même, en relation avec son incapacité à travailler. Par ailleurs, il m’apparaît bien clair que cette démarche thérapeutique devrait être défrayée par la CSST, compte tenu que la condition psychologique de madame est directement reliée aux conséquences des accidents de travail qu’elle a connus.

Sur le plan psychopharmacologique, je crois qu’il est définitivement justifié qu’une médication antidépressive soit débutée, que ce soit l’Effexor, le Cipralex, ou encore le Réméron, quoiqu’avec cette médication nous devons demeurer prudents quant à la possibilité d’une prise de poids. Notons que le Wellburtrin XL, 150 mg die, serait également une avenue intéressante, compte tenu la problématique d’énergie mais aussi de baisse de concentration. Par ailleurs, en relation avec la problématique du sommeil, je n’hésiterais aucunement à utiliser une médication hypnotique, que ce soit le Désyrel ou l’Imovane, ou encore le Seroquel, qui pourrait amener une amélioration du sommeil, une diminution de l’anxiété, et possiblement une potentialisation de la médication antidépressive qu’elle utiliserait, si tel était le cas. Je crois qu’il m’apparaît d’autant plus urgent qu’une médication antidépressive soit débutée, compte tenu que madame présente des symptômes dépressifs assez significatifs et ce depuis déjà quelques années, et nous savons très bien qu’un traitement tardif retarde définitivement la disparition des symptômes, et peut d’ailleurs rendre certains symptômes plus réfractaires au traitement. Je pense particulièrement au problème de concentration, qui semble s’accentuer au cours des dernières années, et nous savons très bien qu’un tel symptôme doit être traité le plus rapidement possible, afin d’éviter qu’une telle symptomatologie persiste à moyen ou à long terme. C’est dans un tel contexte qu’une médication antidépressive devrait être débutée assez rapidement. Dans un tel contexte, je mentionne d’ailleurs à madame [la requérante] qu’elle devrait demander à son avocat de faire parvenir un rapport de cette évaluation à son médecin de famille, qui pourrait débuter un traitement pharmacologique. Notons que madame [la requérante] est tout à fait consciente de l’importance qu’un traitement soit amorcé, car elle prend tout de même bien conscience de l’intensité de la symptomatologie, qui s’accentue au cours des dernières années et des derniers mois.»

[26] Poursuivant sur la capacité de travail de la requérante, le docteur Labine écrit:

«Dans un tel contexte, il m'apparaît également très clair que madame serait actuellement dans l'impossibilité de travailler, que ce soit pour son emploi ou tout autre emploi, compte tenu une condition psychologique passablement détériorée. De plus, même dans un contexte où l'humeur serait améliorée, il est fort probable que la problématique de trouble de concentration persiste encore pour quelques mois, sinon plus, compte tenu qu'un tel symptôme est déjà présent depuis déjà quelques années, et nous savons très bien que ce type de symptôme ne répond que très graduellement à la médication.»

[27] Enfin, sous le titre «Considérations médico-administratives», le docteur Labine écrit:

«Il m'apparaît bien clair, maître Cyr, que madame [la requérante] a développé un trouble de l'adaptation avec modification de la symptomatologie, de telle sorte que ce trouble de l'adaptation s'est transformé en épisode dépressif majeur, qui demeure toujours présent, et par rapport auquel madame est encore très symptomatique. Comme je l'ai bien clarifié ci-dessus, madame devrait recevoir un soutien psychothérapeutique et psychopharmacologique, et ce le plus rapidement possible, afin d'éviter une détérioration de sa condition, une chronicisation de certains symptômes, et comme nous le savons très bien, un traitement plus tardif peut prendre beaucoup plus de temps pour faire disparaître certains symptômes, qui deviennent alors beaucoup plus réfractaires, entre autres la problématique de concentration.»

[28] À l'audience, le Tribunal a entendu la requérante ainsi que le docteur Labine. Le Tribunal reviendra sur ces témoignages au besoin dans la motivation qui suit.

[29] Chacun des procureurs a par la suite présenté son argumentation.

[30] Le procureur de la requérante reconnaît qu’il n’y a pas d’invalidité en l’espèce sur le plan orthopédique. Il plaide que l’invalidité se situe sur le plan psychique et insiste sur le fait qu'une seule expertise psychiatrique apparaît au dossier, celle du docteur Labine, l'intimée ayant choisi de ne pas faire évaluer la requérante dans cette spécialité. Le procureur de la requérante met en garde chacune des signataires de la présente décision de rechercher une preuve scientifique plutôt qu'une simple prépondérance de preuve.

[31] La procureure de l'intimée souligne de son côté le fait qu'au moment où fut rendue la décision en révision ici contestée, soit en décembre 2005, il n'était nullement question de l'aspect psychique dans le dossier, ni les divers médecins ayant suivi la requérante dans le cadre du dossier de CSST, ni le médecin évaluateur de l'intimée, le docteur Godin et ni la requérante elle-même, n'ayant évoqué cet aspect.



MOTIFS

[32] Pour la solution du litige, le Tribunal doit déterminer si, au moment de rendre sa décision en révision le 13 décembre 2005, l'intimée était bien fon-dée de refuser la demande de rente d'invalidité présentée par la requérante.

[33] Or, pour les motifs ci-après exprimés, le Tribunal conclut que la décision en révision doit être confirmée.

[34] Le présent litige doit s'apprécier à la lumière de l'article 95 de la Loi sur le régime de rentes du Québec qui se lit comme suit:

«95. Une personne n'est considérée comme invalide que si la Régie la déclare atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée.

Une invalidité n'est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

En outre, dans le cas d'une personne âgée de 60 ans ou plus, une invalidité est grave si elle rend cette personne régulièrement incapable d'exercer l'occupation habituelle rémunérée qu'elle détient au moment où elle cesse de travailler en raison de son invalidité.

Une invalidité n'est prolongée que si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.

(…)»

[Emphase ajoutée]

[35] On peut constater qu'en vertu de l'article 95 précité, pour être déclarée invalide, une personne de moins de 60 ans, comme la requérante en l'espèce, doit être régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[36] Par ailleurs, l'invalidité doit être prolongée et non pas temporaire, ce qui signifie qu'elle doit durer indéfiniment, sans amélioration sensible, ou vraisemblablement entraîner le décès.

[37] En l’espèce, c’est sur le plan psychique que la reconnaissance de l’invalidité chez la requérante est recherchée, l’expert Godin retenu par l’intimée ainsi que l’expert Tremblay retenu par la requérante, reconnaissant chez cette dernière une capacité résiduelle de travail sur le plan orthopédique.

[38] Sur le plan médical, nous avons tout d’abord l’évaluation du médecin traitant de la requérante, le docteur Nemtean, lequel, dans le rapport qu’il soumet à l’intimée à l’appui de la demande de la requérante, indique que c’est en raison d’une scolarité de cinquième année que la requérante ne pourrait faire un autre travail que le sien. Il parle de diminution de mouvements sur le plan cervical et lombo-sacré. Médecin traitant de la requérante depuis plusieurs mois au moment où la demande est présentée à l’intimée, il ne fait aucune mention d’une quelconque symptomatologie dépressive chez sa patiente. Pourtant, celle-ci, comme elle le dira dans son témoignage, le voyait tous les mois.

[39] Il y a également le dossier de la requérante à la CSST, comportant il va sans dire de multiples évaluations médicales dans moult spécialités, à l’exception toutefois de l’aspect psychique.

[40] Il y a l’expertise du docteur Godin en octobre 2005 qui conclut à une capacité résiduelle de travail et ne décèle rien sur le plan psychique.

[41] Puis il y a le docteur Tremblay, en août 2006, qui conclut également à une capacité résiduelle de travail sur le plan orthopédique, mais trouve la requérante déprimée et recommande une évaluation en psychiatrie.

[42] D’où l’expertise du docteur Labine, psychiatre, qui la voit le 27 décembre 2006 et qui conclut à un diagnostic de dépression majeure en phase aiguë.

[43] Nullement le Tribunal ne mettra en question le diagnostic retenu par le docteur Labine, ni ne jugera de la sévérité de la condition de la requérante.

[44] Cependant, compte tenu que la symptomatologie rapportée en décembre 2006 au docteur Labine est de nature purement subjective et qu’il est difficile d’en préciser le début, il faut voir dans quelle mesure l’on peut faire remonter ce diagnostic, à tout le moins jusqu’à la date de la décision en révision ici contestée, soit le 13 décembre 2005.

[45] À cet égard, d’emblée, on peut s’interroger sur le fait qu’aucun des nombreux médecins consultés par la requérante avant le docteur Tremblay en août 2006 (y compris son médecin traitant) n’ait vu de problématique sur le plan psychique chez elle. Sans qu’ils ne se soient nécessairement prononcés sur la question, qu’est-ce qui explique qu’aucun d’eux n’ait relevé quoi que ce soit, contrairement au docteur Tremblay en août 2006 ?

[46] Et pourquoi la famille de la requérante (enfants, petits-enfants, frère et sœurs), de qui elle se dit si proche, n’a-t-elle rien remarqué ?

[47] La requérante elle-même n’en parle pas dans la demande de rente d’invalidité qu’elle adresse à l’intimée en octobre 2004.

[48] Toutefois, même en admettant que la condition décrite en décembre 2006 par le docteur Labine ait pu avoir été présente en décembre 2005, il faut aussi s’interroger sur le pronostic sur le plan psychique. En effet, qu’en est-il de la prévision de l’évolution de la maladie psychiatrique de la requérante ? Cette question revêt toute son importance compte tenu qu’au sens de l’article 95 précité, l'invalidité doit être prolongée et non pas temporaire, ce qui signifie qu'elle doit durer indéfiniment, sans amélioration sensible, ou vraisemblablement entraîner le décès.

[49] À cet égard, le docteur Labine, tant dans son témoignage à l’audience que dans son rapport d’expertise, ne pouvait se prononcer clairement sur la question, référant tout au plus à un pronostic réservé.

[50] Ceci étant, même en considérant que le pronostic ait été ou soit réservé, cela ne permet pas forcément de conclure à une permanence de la condition de la requérante, ou à une sévérité telle qu’elle entraînerait une reconnaissance d’invalidité. Le Tribunal ajoute que, même la sévérité de la condition de la requérante, telle que décrite par le docteur Labine, ne peut forcer la conclusion d’une invalidité chez celle-ci.

[51] Cela s’explique par le fait qu’il existe bel et bien un traitement, lequel est d’ailleurs décrit par le docteur Labine, à savoir une psychothérapie, jouxtée à une médication anti-dépressive, le Wellbutrin avec dose de départ à 150 mg ayant été spécifiquement identifié à cet égard et l’information dûment transmise au médecin traitant de la requérante pour assurer le suivi.

[52] Or, l’on sait du témoignage de la requérante à l’audience que celle-ci n’a pas suivi de psychothérapie; elle n’a donné aucune explication à cet égard.

[53] Par ailleurs, sur le plan pharmacologique, il est ressorti de la preuve offerte à l’audience, que la requérante est demeurée à la dose de départ de 150 mg pour le Wellbutrin, la requérante ayant même affirmé dans son témoignage qu’elle ne prenait pas toujours sa médication. Son médecin traitant, qui avait été avisé de la recommandation du docteur Labine, n’a donc pas apporté d’ajustement.

[54] Or, nous n’avons pas le suivi de ce médecin, depuis la tenue de l’expertise du docteur Labine, pour voir l’évolution de la condition psychique de la requérante en regard du traitement mis en place et obtenir les explications concernant sa réponse à ce traitement.

[55] Pour le docteur Labine, il était clair pourtant à l’audience que, selon les constatations de son examen, il devait y avoir ajustement de la médication.

[56] Force est donc de conclure que le traitement administré en l’espèce jusqu’à maintenant a été sous-optimal. Et nous n’avons aucune explication à cela.

[57] Rien ne permet donc de considérer qu’il y a, en l’espèce, échec du traitement, car ce traitement, pour une raison inconnue, n’a pas été ce qu’il aurait dû être.

[58] N’ayant jamais reçu le traitement optimal à date, il même permis de penser qu’en décembre 2005, date de la décision en révision à laquelle on doit se placer, le pronostic était meilleur que maintenant.

[59] Pour toutes ces considérations, le Tribunal ne saurait conclure en l’espèce, sur une balance des probabilités, que la condition de la requérante en décembre 2005 présentait un caractère de sévérité et de permanence au sens de l’article 95 précité, pour justifier une conclusion d’invalidité.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

- REJETTE le recours.

Hélène Beaumier



dominique marcil







4 octobre 2007











Me Michel Cyr

Procureur de la partie requérante



Me Odette Larochelle

Procureure de la partie intimée



/jg