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Agence du revenu du Québec c. Gilbert

no. de référence : 750-17-002646-150

Agence du revenu du Québec c. Gilbert
2016 QCCS 1412
JC2373


COUR SUPÉRIEURE

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
SAINT-HYACINTHE

N° :
750-17-002646-150



DATE :
31 mars 2016
______________________________________________________________________

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L’HONORABLE
LOUIS-PAUL CULLEN, J.C.S.
______________________________________________________________________


L’AGENCE DU REVENU DU QUÉBEC
Demanderesse
c.

DENIS GILBERT
Défendeur


______________________________________________________________________

JUGEMENT
______________________________________________________________________

[1] L’Agence recherche, principalement, une injonction permanente.

[2] Sa requête introductive est signifiée au défendeur le 29 mai 2015.

[3] Le 12 juin 2015, le défendeur comparaît personnellement.

[4] Le 2 juillet 2015, le défendeur signifie à l’Agence une requête en irrecevabilité ainsi qu’une requête pour obliger celle-ci à assumer ses frais d’avocat.

[5] Le 9 juillet 2015, le Tribunal ordonne la mise sous scellés des éléments au dossier jusqu’au 6 août 2015 et enjoint le défendeur de ne pas divulguer directement ou indirectement le contenu de ce qui est alors au dossier.

[6] Le 6 août 2015, la juge Courville rejette les requêtes du défendeur.

[7] Le 23 octobre 2015, le Tribunal fixe au 23 novembre 2015, à 16 h 30, l’échéance pour la production de la défense et de la demande reconventionnelle du défendeur. Devant le Tribunal, le défendeur reçoit alors une copie de la requête introductive amendée.

[8] Le défendeur fait défaut de produire sa défense et sa demande reconventionnelle dans le délai fixé.

[9] L’Agence inscrit pour procès par défaut de plaider.

[10] Avant le début de l’instruction, le défendeur demande au Tribunal de se récuser.

[11] Le Tribunal rejette cette demande, séance tenante, pour les motifs énoncés oralement.

[12] Après avoir été informé par le Tribunal qu’un jugement pouvait être prononcé contre lui conformément aux conclusions recherchées, le défendeur choisit aussitôt de quitter la salle d’audience.

I- LES FAITS
[13] Les dettes fiscales envers l’Agence que le défendeur personnellement et certaines de ses sociétés accumulent depuis 1998 totalisent plus de 600 000 $.

[14] De 2006 à 2015, les communications orales et écrites du défendeur aux employés de l’Agence, dont des employés de la Direction générale du recouvrement (DGR) de Brossard où sont traités les dossiers de recouvrement personnels du défendeur et ceux de ses sociétés, sont empreintes d’une hostilité inquiétante à leur endroit.

[15] Les propos que le défendeur adresse sans justification à plusieurs employés de l’Agence sont parfois injurieux et insultants, leur attribuent diverses inconduites criminelles, les menacent de plaintes, de poursuites civiles et pénales ainsi que d’atteinte à leur intégrité physique.

[16] Le 16 septembre 2011, dans le cadre d’un litige opposant le défendeur à des tiers, le juge Prévost prononce à Montréal une injonction permanente contre le défendeur lui ordonnant de cesser d’émettre ou de diffuser certains propos, de communiquer avec certaines personnes ainsi que d’intimider ou de menacer certaines personnes et ordonne que le dossier soit conservé sous scellés afin d’en empêcher la divulgation.

[17] Le défendeur inscrit en appel. Il soutient alors comme motif principal que le juge Prévost a fait preuve de partialité.

[18] Le 14 février 2012, sur requête en rejet d’appel, la Cour d’appel rejette l’appel du défendeur avec dépens.

[19] La situation s’aggrave.

[20] En juin 2012, le défendeur s’oppose physiquement à l’exécution par un huissier d’un bref de saisie-exécution mobilière. Il menace alors l’huissier et est immédiatement mis en état d’arrestation. Relativement à cet incident, le 20 octobre 2015, le défendeur est déclaré coupable d’entrave à la justice et d’entrave à un agent de la paix dans l’exécution de ses fonctions.

[21] Le 25 février 2013, le même huissier tente d’exécuter un bref de saisie au domicile du défendeur. Ce dernier laisse ensuite un message dans la boîte vocale d’un employé de l’Agence indiquant qu’il se présentera, le lendemain, à la DGR de Brossard.

[22] Pour assurer la sécurité et la sérénité de ses employés, l’Agence restreint pendant quatre jours le libre accès à la DGR de Brossard.

[23] Cet état de choses se répète en avril 2013 : après avoir laissé quelques messages menaçants dans la boîte vocale d’un employé de l’Agence, le défendeur l’informe de son intention de se présenter le lendemain à la DGR de Brossard. L’Agence restreint encore, pendant deux jours, le libre accès à la DGR de Brossard.

[24] Le défendeur propage ou laisse entendre qu’il propagera ses plaintes à des tiers, tels des ministres du gouvernement du Québec, le Protecteur du citoyen, les corps policiers et les journalistes.

[25] Le 3 janvier 2015, le défendeur dépose une plainte pour harcèlement criminel et méfait public auprès de la Sûreté du Québec contre l’un des employés de l’Agence. Cet employé témoigne devant le Tribunal de l’anxiété que provoquent en lui les incertitudes se rattachant à cette plainte sans fondement.

[26] Le 12 juin 2015, le défendeur met en demeure l’avocat qui représente l’Agence dans le présent dossier de lui « retourner intégralement les documents » qu’il demande à son domicile dans deux jours « car vous cacher des noms et faite entrave a la justice ».

[27] Le 19 juin 2015, le défendeur indique à une avocate qui représente l’Agence dans le présent dossier qu’il « se voit dans l’obligation de déposer une plainte contre vous au Barreau (…) ».

[28] Dans la requête du 2 juillet 2015 en irrecevabilité et pour la nomination d’un avocat afin d’assurer sa défense aux frais de l’Agence, appuyée de son affidavit, le défendeur nie en bloc les allégations de la requête introductive de l’Agence, se dit victime d’intimidation, multiplie les accusations sans fondement contre un employé de l’Agence, un procureur de l’Agence ainsi qu’un ministre et allègue, entre autres, que la Cour supérieure est un tribunal partial[1] :

15. Le Palais de justice de St-Hyacinthe est une succursale de Revenu Québec et abrite un country club partial envers les citoyens

16. Sans Me (…) pour assurer sa défense, le Défendeur victime sera victime de racisme juridique de la part d’un tribunal Partial :

a. Le temps de parole seras presque exclusif allouer a l’avocat de RQ

b. Quand le Défendeur victime tentera de s’exprimer, il se fera couper la parole constamment

c. Le Défendeur victime sera exposé a des sarcasmes de la part de l’avocat de RQ sans intervention du J.C.S.

d. L’avocat de RQ ne peut gagner cette cause sans l’aide du J.C.S. qui seras partial car il est payé par le gouvernement.

e. Le Défendeur victime seras dépouiller de ses droits par le J.C.S. et même si le tout est en contravention de la chartre des droits et libertés.

f. Selon le J.C.S. en chef l’honorable (…), 31% des citoyens se représente personnellement car ils n’ont pas accès financièrement a l’aide d’un avocat. Le taux de réussite en quête de justice est nul.

g. La bande sonore de l’audience sera non disponible pour le défendeur victime selon la méthode du Juge (…) J.C.S., un ennemi de la démocratie

h. Un citoyen n’a pas accès a la justice impartial face aux voleurs honnêtes, soit le Gouvernement du Québec, les banques, Hydro-Québec, les Pétrolières, les sociétés d’assurances et les Grandes sociétés. Le juge (…) J.C.S. est très bien traité par ceux-ci.

i. L’avocat de RQ aura l’aide inconditionnelle du J.C.S., car se serais un sacrilège, si un vulgaire citoyen comme le Défendeur victime gagnait cette cause contre un avocat, dont la carrière prendrait fin. Un Palmier miniature engager par RQ aurais gain de cause.

j. Le Défendeur victime pourrait être victime d’intimidation et de menaces dans une audience a Huit clos comme avec le Juge (…) J.C.S. qui était en état d’ébriété.

k. Même en cour d’appel du Québec, le Défendeur victime sera devant un tribunal Partial, influencé par le Juge en chef J.C.S. du Québec. Il est triste de voir les citoyens qui se représente personnellement déboutés a 100% au pied de 3 hiboux hautins et sans scrupules.

17. Le procès verbal de l’audience sera modifié pour cacher les éléments de preuves et arguments percutants du Défendeurs victime. La Juge (…) J.C.S. est une spécialiste dans ce domaine en étant sournoise et malhonnête.

[29] Le 16 juillet 2015, le défendeur transmet, par télécopieur, dix mises en demeure à la DGR de Brossard de lui communiquer divers renseignements à son domicile.

[30] Le 31 juillet 2015, le défendeur dépose une plainte à l’Agence contre un employé de la DGR et demande le congédiement de deux employés de la DGR.

[31] Le 5 août 2015, le défendeur transmet à l’Agence une requête pour permission de porter en appel les ordonnances interlocutoires rendues par le Tribunal le 9 juillet 2015. Le défendeur allègue alors que sans l’assistance de l’avocate qu’il recherche, il « sera victime de racisme juridique de la part d’un tribunal Partial » et demande au juge unique de la Cour d’appel de se récuser pour cause de partialité, entre autres, parce qu’il « est en conflit d’intérêt car rémunéré par le Gouvernement du Québec ». Cette requête est accompagnée de l’affidavit du défendeur et d’un avis de présentation le 11 septembre 2015.

[32] Le 1er septembre 2015, le défendeur transmet par télécopieur à quatre employés de la DGR deux mises en demeure leur réclamant plus de 4 200 000 $ au total.

[33] Le 10 septembre 2015, le défendeur informe par courriel l’avocate de l’Agence qu’il ne se présentera pas le lendemain à la Cour d’appel.

II- ANALYSE
[34] L’Agence doit prendre les mesures appropriées en vue de protéger la sécurité et la dignité de ses employés.

[35] Or, les faits prouvés sont accablants : le défendeur lance, depuis des années et sans justification, des propos diffamatoires et menaçants contre des employés de la DGR de Brossard, propos qu’il propage ou qu’il menace de propager à des tiers, portant ainsi atteinte, entre autres, à la réputation des employés ciblés, les privant fautivement d’un climat de travail sain et perturbant le fonctionnement normal de l’Agence.

[36] Cette inconduite prolongée, manifestement fautive et préjudiciable, justifie amplement les ordonnances recherchées, dont les ordonnances visant à encadrer les communications futures entre le défendeur et l’Agence, une interdiction de contact, une interdiction de propos et de comportements fautifs ainsi que la mise sous scellés et la non-divulgation du présent dossier.

[37] Considérant l’importance de mettre fin dès que possible aux agissements fautifs du défendeur, la signification par tout moyen de la présente ordonnance d’injonction permanente est également justifiée, et ce, même en dehors des heures légales et les jours non juridiques.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[38] PRONONCE une ordonnance d’injonction permanente en faveur de l’Agence du revenu du Québec;

[39] ORDONNE au défendeur, Denis Gilbert, de ne communiquer avec l’Agence du revenu du Québec que pour les fins et de la façon suivante :

39.1. uniquement pour un sujet d’ordre fiscal relevant de l’autorité de l’Agence du revenu du Québec et concernant uniquement le défendeur ou une société dont il est l’administrateur ou l’actionnaire;

39.2. uniquement par un écrit exempt de tout propos injurieux, intimidant, diffamatoire et menaçant transmis par la poste à la seule personne ci-après désignée et à l’adresse suivante :

Directeur régional
Direction générale du recouvrement – Montérégie
Agence du revenu du Québec
11A, rue Place-du-Commerce
Brossard (Québec) J4W 2T9
(« l’Ordonnance de communication »)

[40] ORDONNE au défendeur, Denis Gilbert, sous réserve de l’Ordonnance de communication, de cesser et de s’abstenir de contacter, par tout moyen et de quelque façon, tout employé de l’Agence du revenu du Q uébec;

[41] INTERDIT au défendeur, Denis Gilbert, de se présenter à tout bureau ou place d’affaires quelconque de l’Agence du revenu du Québec;

[42] ORDONNE au défendeur, Denis Gilbert, de cesser et de s’abstenir de menacer, d’intimider et de harceler, par quelque moyen et de quelque façon, tout employé de l’Agence du revenu du Québec;

[43] ORDONNE au défendeur, de cesser et de s’abstenir de communiquer à quiconque, de diffuser et de disséminer, par quelque moyen et de quelque façon, toute information ou propos concernant ou visant un employé de l’Agence du revenu du Québec;

[44] PERMET à l’Agence du revenu du Québec de signifier par tout moyen au défendeur, Denis Gilbert, la présente ordonnance d’injonction permanente, et ce, même en dehors des heures légales et les jours non juridiques;

[45] ORDONNE la mise sous scellés ainsi que la non-divulgation de l’intégralité du présent dossier, y compris de la preuve orale administrée devant le Tribunal, mais à l’exception du présent jugement;

[46] Le tout, avec les frais de justice.



__________________________________
LOUIS-PAUL CULLEN, J.C.S.

Mes Jean M. Leclerc et Karine Beaudry
LARIVIÈRE MEUNIER
Procureurs de la demanderesse

Denis Gilbert, non représenté

Date d’audience :
9 mars 2016


[1] La citation est reproduite verbatim, sauf les noms des juges qui sont omis.