Côté c. Écolait ltée
no. de référence : 750-17-001800-105
Côté c. Écolait ltée2016 QCCS 1307
JW0135
COUR SUPÉRIEURE
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE
ST-HYACINTHE
N° :
750-17-001800-105
DATE :
Le 24 mars 2016
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE :
L’HONORABLE ANDRÉ WERY, j.c.s.
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JEAN CÔTÉ
-et-
PASCALE CARDIN
-et-
FERME JEAN CÔTÉ
Demanderesse
c.
ÉCOLAIT LTÉE
Défenderesse
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JUGEMENT
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[1] Ce jugement traite d’une malheureuse affaire où les propriétaires d’une ferme d’élevage de veaux de lait n’ont pu, malgré leur travail, faire un succès de leur entreprise.
[2] Leur contrat de financement avec la défenderesse Écolait doit-il être considéré abusif en raison du fait que les demandeurs ne purent réussir à rentabiliser l’exploitation de leur ferme?
[3] Le tribunal estime que non.
LES FAITS
[4] Les demandeurs, les Jean Côté et sa conjointe Pascale Cardin, rêvent tous deux d’exploiter une ferme. Ils achètent un fond de terre avec résidence le 23 décembre 1997. Au début, ils louent leur terre puisqu’ils n’ont pas les moyens d’en assurer eux-mêmes l’exploitation. Durant ce temps M. Côté travaille comme homme de main sur d’autres fermes des environs. Quant à Madame Cardin, elle travaille comme serveuse dans un restaurant au salaire minimum.
[5] En 2002, M. Côté décide de réaliser son rêve. Il se renseigne ici et là dans quel genre de production il pourrait se lancer. Il opte enfin pour la production de veaux de lait. Son institution financière qui accepte de lui prêter les sommes nécessaires pour construire l’étable, mais elle ne peut le financer pour le reste de ce que représente l’exploitation envisagée. Elle le réfère donc à des entreprises spécialisées dans le financement de productions de veaux de lait.
[6] C'est ainsi que Jean Côté rencontre les représentants d’Écolait.
[7] Écolait est ce qu’on appelle un intégrateur. Cette société se spécialise dans la production de veaux de lait. Elle en fait directement elle-même, mais le gros de ses activités consiste à financer la production à des producteurs indépendants comme les demandeurs.
[8] Plusieurs approches sont proposées aux producteurs dont l’une pour les producteurs comme les demandeurs requiert un financement d’une grande partie de l’exploitation. C'est le mode « libre financé ».
[9] C'est dans ce contexte que les demandeurs Côté et Cardin signent un premier contrat intitulé « Contrat de fournitures d’aliments, de nourrissons et autres services » le 12 décembre 2002.[1]
[10] Durant la première année du contrat, c'est Jean Côté qui travaille seul à la ferme de 400 veaux. Il travaille fort, très fort. Durant cette période, sa conjointe travaille toujours comme serveuse et donne un coup de main le soir et les fins de semaine. Elle aussi travaille fort.
[11] En 2003, les demandeurs Côté et Cardin incorporent leur ferme sous le nom de Ferme Jean Côté inc. Ils en sont les seuls actionnaires (80% pour monsieur et 20% pour madame) et dirigeants. Le 27 août 2003, le premier contrat est remplacé par un nouveau contrat avec la Ferme Jean Côté inc.[2] Les modalités du contrat sont les mêmes que celles du contrat précédent.
[12] En vertu de ce contrat, une marge de crédit rotatif de 1,2 M$ est accordée aux demandeurs afin de financer la production de veaux de lait. En contrepartie, les demandeurs s’engagent à donner une exclusivité à Écolait au sujet de leur production et de passer exclusivement par eux pour l’achat de « tous aliments, des médicaments et des services techniques nécessaires à la production de veaux de lait »[3].
[13] C'est ainsi que les demandeurs s’engagent aussi à passer par l’entremise d’Écolait pour acheter les veaux nourrissons et à les revendre une fois le cycle d’élevage complété (les veaux gras) sur le marché[4].
[14] Essentiellement, l’exploitation de la ferme fonctionne de la façon suivante.
[15] La ferme achète les veaux alors qu’ils ne sont encore que des nourrissons. C'est Écolait qui achète les nourrissons et qui en charge le prix dans la marge de crédit qu’elle accorde à la ferme.
[16] Les demandeurs s’occupent de loger, de nourrir et de soigner les veaux pendant un cycle variant entre 140 et 155 jours jusqu’à ce qu’ils deviennent des veaux gras prêts pour l'abattoir.
[17] Tout ce qui est nécessaire à l'exploitation (nourriture, médicaments, vitamines, soins vétérinaires, équipement divers, etc.) passe par Écolait qui en charge les coûts à la marge de crédit.
[18] À la fin du cycle, les veaux gras sont alors vendus par l’entremise d’Écolait.
[19] Les sommes perçues par cette vente sont aussi versées au crédit des demandeurs dans leur marge de crédit.
[20] On assiste alors à un nouveau cycle de production où les opérations ci-dessus décrites se répètent.
[21] Comme selon ce plan les producteurs ne peuvent attendre la fin des cycles pour toucher leur argent, des avances sont accordées par Écolait basées sur un montant par tête de veau. Comme on le verra, une des questions en litige est de déterminer si ces avances constituaient plutôt un salaire versé au producteur.
[22] À la fin de chaque cycle, à l’égard de chaque lot, des rapports détaillés sont transmis par Écolait aux demandeurs. Ces rapports contiennent le détail de toutes les sommes perçues et de chaque dépense facturée à la marge de crédit.
[23] En 2006, les demandeurs estiment que leurs revenus ne sont pas satisfaisants. Ils concluent qu’ils doivent augmenter la grosseur de leur troupeau de 400 à 600 têtes. Pour ce faire, ils doivent agrandir le bâtiment de leur étable.
[24] Ils contactent leur institution financière qui accepte, mais qui exige un cautionnement de 185 000 $ de la part d’Écolait qui accepte.
[25] Les travaux sont effectués et le troupeau passe de 400 à 600.
[26] À cette occasion, le 11 juin 2007, les parties signent un nouveau contrat qui remplace celui signé originalement. En vertu de ce contrat intitulé « Convention de prêt sous forme de crédit rotatif pour les producteurs de veaux »[5], la marge de crédit est ramenée à 650 000 $ et le taux d’intérêt est réduit de 3% qu’il était en sus du taux préférentiel de la Banque Royale du Canada au taux préférentiel de la Banque de Montréal plus 1%[6].
[27] Quant aux autres clauses, elles sont essentiellement au même effet que celles qui existaient dans le premier contrat, c'est-à-dire que la marge de crédit doit servir uniquement à financer les achats autorisés par Écolait et toutes les sommes perçues par les demandeurs lors de la vente de leurs veaux gras ou en vertu du programme d’assurance stabilisation des prix du veau doivent servir à rembourser la marge de crédit en premier lieu. Un document de cession de créances est signé par les demandeurs en faveur d’Écolait à cet égard. De plus, Écolait se fait consentir une hypothèque de 2e rang sur l’étable des demandeurs.
[28] Malheureusement, les choses ne s’améliorent pas comme l’avaient espéré les demandeurs.
[29] En 2008, ils se prévalent du programme de médiation agricole pour en arriver à une entente avec son institution financière. Ils retiennent les services d’un conseiller pour les aider à en arriver à une entente.
[30] Selon le rapport de ce conseiller, la vente de la ferme est suggérée. Les demandeurs demeurent toutefois propriétaires de la résidence attenante à la ferme.
[31] Les demandeurs obtiennent donc une offre cachetée d'un tiers pour l'achat de la ferme. Ils se présentent à la séance de médiation avec l'institution financière et d’autres créanciers, dont Écolait. À cette séance, Écolait offre d’acheter la ferme des demandeurs pour 20 000 $ de plus que le prix de la soumission et indique aux demandeurs qu’elle serait prête à poursuivre leurs relations en leur louant celle-ci. Écolait leur fait part qu’éventuellement elle serait disposée à leur revendre la ferme pour le même prix, déduction faite de la partie en capital du loyer qui aurait alors été payé.
[32] Les demandeurs acceptent.
[33] En 2010, toutefois constatant que les choses ne s’améliorent pas. Les demandeurs abandonnent à la fin d’un cycle d’élevage.
[34] Jamais durant le contrat, les demandeurs ne soulèvent de difficultés avec l’application de celui-ci ou ne questionnent les rapports financiers que lui fournit Écolait à la fin de chaque lot.
[35] Les demandeurs intentent leurs procédures en dommages le 15 novembre 2010. Ces procédures seront par la suite amendées et ré-amendées à pas moins de neuf reprises dont deux à la suite du dépôt de la déclaration de dossier complet faisant passer la réclamation initiale de 520 000 $ à finalement 1 421 015 $.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[36] L’avocat des demandeurs prétend que les contrats P-4, Pièce D-1 et D-10 sont des contrats abusifs. Il demande qu’en conséquence, plusieurs sommes versées à Écolait en exécution de ces contrats soient remboursées à ses clients.
[37] Il plaide aussi que son client Jean Côté n’aurait jamais perçu, durant sept années, le salaire qu’Écolait se serait engagée verbalement à lui verser. Curieusement, aucune réclamation n’est incluse dans les procédures à cet égard. Il y aura toutefois lieu de s’attarder à cette question, car l'avocat des demandeurs en a longuement traité dans ses procédures et dans son argumentation écrite afin de possiblement établir la mauvaise foi d’Écolait.
[38] Nous examinerons donc les reproches faits à ces contrats afin de déterminer si ceux-ci sont abusifs et si certaines de leurs clauses doivent être annulées ou réduites dans les circonstances.
[39] Dans un deuxième temps. Il s'agira de déterminer la mesure de cette réduction, le cas échéant, et s’il y a lieu d’accorder des dommages punitifs dans les circonstances.
[40] Quant aux réclamations mutuelles au sujet du remboursement des honoraires et frais extrajudiciaires des avocats, elles furent retirées par les parties au moment du procès.
L’ARGUMENTATION ET L’ANALYSE
Les contrats en litige
[41] Avant de se pencher sur les arguments de l’avocat des demandeurs, il y a lieu d’examiner les contrats en cause.
[42] Comme on l’a vu, c'est le demandeur Jean Côté qui approcha Écolait afin d’obtenir un financement que la banque n’était pas disposée à lui accorder pour l’exploitation d’une ferme de veaux de lait. Il semble, en effet, que les banques ne financent pas le « vivant », c'est-à-dire les troupeaux. C'est pour cette raison que la Banque Nationale du Canada à qui le demandeur Côté demandait un prêt pour construire son étable le référa à Écolait pour le reste du financement.
[43] Écolait se spécialise dans ce genre d’exploitation et dans ce mode de financement. Elle finance plus de 80 producteurs de veaux de lait selon le mode libre financé qui est reflété par les contrats en litige.
[44] En vertu de ce type de contrat, intitulé Contrat de fourniture d’aliments, de nourrissons et autres services, les producteurs s'engagent à acheter tout ce dont ils ont besoin pour l’exploitation d'une ferme de veaux de lait exclusivement auprès de l’intégrateur c'est-à-dire ici Écolait.
[45] En échange de cette exclusivité accordée à Écolait, les demandeurs ont ici obtenu une marge de crédit rotatif de 1, 2 M$ « pour le financement de la fourniture des aliments, des nourrissons, des médicaments, des additifs, des services et des autres biens nécessaires ou utiles à l’élevage des veaux ».
[46] En vertu de ce contrat, les demandeurs accordent à Écolait la possibilité pour cette dernière de se rembourser par compensation pour toutes sommes dues par les demandeurs par le biais de différents engagements et garanties.
[47] C'est ainsi qu’en vertu de la clause 9 du contrat :
Le fournisseur (Écolait) pourra à sa discrétion, exercer pleine compensation légale avec l’éleveur (les demandeurs) pour toutes dettes dues par ce dernier au terme des présentes. Ainsi, les dettes existantes simultanément s’éteignent mutuellement jusqu’à concurrence de leur montant respectif.
(Les mots entre parenthèses sont ajoutés)
[48] Pour garantir leur dette, les demandeurs signent en faveur d’Écolait un « contrat de nantissement agricole »[7] à l’égard de tous les veaux présents ou à venir ainsi que tous les aliments présents ou à venir qu’ils achèteront d’Écolait.
[49] Une « hypothèque conventionnelle sur créances » est également consentie par les demandeurs à Écolait à l’égard de « toutes les sommes d’argent présentes et futures qui lui seront dues par La Financière Agricole du Québec concernant l’assurance stabilisation (A.S.R.A.) veaux de lait de même que tout compte stabilisation, revenus agricoles (C.S.R.A.) »[8].
[50] En vertu du nantissement, les demandeurs donnent spécifiquement « ordre à La Financière Agricole du Québec de payer directement à la créancière (Écolait) toutes les sommes dues présentement ou à venir au débiteur (les demandeurs) ».[9]
[51] Les demandeurs signent enfin un « contrat de transport et cession de créances » et un « contrat de cession de biens en stocks »[10]. En vertu du premier contrat, Écolait se fait céder et transporter toutes les sommes qui seront dues aux demandeurs par « toute personne à qui seront livrés ou vendus les veaux »[11].En vertu du deuxième, pour garantir des sommes dues par les demandeurs, Écolait se fait céder tous les veaux, les aliments et les médicaments présents ou à venir.
[52] Le profit espéré par l’éleveur viendra de la différence entre le prix de vente des veaux, une fois qu’ils auront été engraissés durant un cycle de plus ou moins 125 à 140 jours, moins le prix d’achat des nourrissons et le montant des dépenses effectuées pendant ce cycle.
[53] La preuve émanant du demandeur lui-même démontre qu’il avait bien saisi toutes les implications et les conséquences découlant de ces contrats. Son interrogatoire hors Cour du 16 février 2011 de même que son témoignage lors du procès sont éloquents à cet égard : il savait que l’argent pour lui permettre d’exploiter une ferme de veaux de lait lui était avancé par Écolait qui pouvait se rembourser à même les sommes auxquelles le demandeur pouvait retirer de son exploitation.
[54] Le demandeur avait reçu les informations nécessaires et avait disposé du temps utile pour considérer la proposition d’Écolait.
De plus, il n’est pas exact de dire, comme le font les demandeurs dans leurs procédures, que c'est Écolait qui les a « facilement convaincus »[12] de signer le contrat. En effet, c'est plutôt les demandeurs qui recherchaient l’appui d’Écolait puisque sans cette marge de crédit et les contrats qui en découlaient, il aurait été impossible pour eux de se lancer dans ce type d'exploitation.
[55] La preuve démontre qu’Écolait a procédé selon et de la façon prévue aux contrats.
[56] Malheureusement, après sept ans d'exploitation, les demandeurs décidèrent de mettre fin à l’exploitation de leur ferme en raison des procédures intentées par la Banque Nationale du Canada.
[57] Écolait ne fut informée de ce fait qu’une fois la décision prise par les demandeurs.
[58] À ce moment, la marge de crédit non remboursée était de 554 071 $.
[59] Écolait ne récupèrera rien de cette somme et ne tentera même pas de récupérer quoique ce soit des demandeurs.
[60] Selon l’avocat des demandeurs, ce contrat de financement constitue un contrat d’adhésion et qu’il serait abusif parce que sept années d’exploitation ont forcé ses clients à abandonner en les laissant avec une dette de plusieurs centaines de milliers de dollars envers Écolait. En somme, les faits parleraient d’eux-mêmes : les contrats doivent être abusifs vu le résultat que l’on connaît.
[61] Bien que le contrat de financement en soit un d’adhésion, le tribunal estime qu’il n’était pas abusif.
[62] Il faut d’abord savoir que les tribunaux ne peuvent pas habituellement s’immiscer dans un contrat mutuellement consenti par les parties.
[63] La loi prévoit que cela n’est possible que lorsqu’il s'agit d’un contrat d’adhésion.
[64] Or, l’article 1379 du Code civil du Québec prévoit que :
Le contrat est d'adhésion lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu'elles ne pouvaient être librement discutées.
[65] Les demandeurs avancent que les contrats P-4, D-1 et D-10 constituent des contrats d’adhésion parce que leurs dispositions n’étaient pas négociables.
[66] La preuve ne démontre pas que les parties aient négocié quoique ce soit à l’égard de ce contrat. La preuve n’établit pas par ailleurs qu’il aurait été impossible de le faire.
[67] Écolait pour sa part attire l’attention du tribunal sur la clause intitulée « Renouvèlement » (sic) qui prévoit que le contrat « sera renégocié annuellement ». Ainsi, selon Écolait, il s'agirait là de la preuve que le contrat n’en est pas un d’adhésion.
[68] Le tribunal estime que dans ce cas précis, le contrat doit être considéré comme un contrat d’adhésion. Si Écolait avait voulu confirmer qu’il ne s’agissait pas d’un contrat d’adhésion, elle aurait sûrement prévu à ce contrat une clause semblable à celle contenue dans son contrat nantissement agricole signé en même temps que le contrat Pièce P-4 et qui prévoyait spécifiquement ce qui suit :
Les parties déclarent et reconnaissent expressément que les dispositions du présent contrat n’ont pas été imposées par l’une ou l’autre d’entre elles, mais, au contraire, elles ont été librement discutées entre elles et qu’elles ont obtenu les applications (sic) (sans doute les explications) adéquates sur la nature et l’étendue de chaque disposition du contrat.
(les mots entre parenthèses sont ajoutés)
[69] Nous sommes donc en présence d’un contrat d’adhésion.
[70] Or, dans le cas d’un contrat d’adhésion, l’article 1437 du Code civil du Québec prévoit que le tribunal peut intervenir pour annuler ou réduire l’effet des dispositions jugées abusives :
La clause abusive d'un contrat de consommation ou d'adhésion est nulle ou l'obligation qui en découle, réductible.
Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi; est abusive, notamment, la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu'elle dénature celui-ci.
[71] C'est ainsi que dans avant que le tribunal puisse intervenir dans la liberté contractuelle des parties, il faut qu’il soit en présence de « pratiques véritablement choquantes »ou encore de stipulations qui s’écartent manifestement des pratiques contractuelles généralement acceptées par la société »[13].
[72] Pour reprendre la citation du professeur Pineau :
Il s’agit de la clause imposée par le fort et qui désavantage le faible de façon tellement excessive ou déraisonnable qu’il est permis de conclure qu’elle va à l’encontre de ce qui est généralement exigé pour que l'on considère qu’il y ait bonne foi.[14]
[73] Rien dans les contrats signés ou dans l’application de ces derniers ne démontre une situation si choquante qui se démarque de ce qui est accepté en société. Rien n’obligeait les demandeurs à signer avec Écolait.
[74] Le tribunal estime qu’on ne peut conclure qu’une stipulation exigeant le remboursement de sommes avancées à une partie est abusive uniquement parce que ce remboursement est important. En effet, si le remboursement exigé est important, c'est uniquement parce que les sommes avancées le sont tout autant. En fait, s’il fallait donner raison à l’avocat des demandeurs à ce sujet, ce serait indirectement dire que les demandeurs se plaignent qu’Écolait lui ait avancé trop d'argent.
[75] Il n’y a pas de preuve que le taux d’intérêt applicable à l’époque ait été abusif. Au contraire, ce taux se limitait au taux de base plus 3%. Il avait par ailleurs été réduit à 1% au moment de l’agrandissement de l’étable en 2007[15].
[76] Dans leur procédure, les demandeurs reprochent à Écolait que le contrat ne leur permettait pas de :
• Négocier le prix d’achat des nourrissons;
• Acheter ailleurs que chez Écolait d’autres animaux;
• Connaître le prix d’achat du lait lors de l’achat;
• Payer en argent comptant;
• Acheter ailleurs que chez Écolait la nourriture;
• Négocier le prix d'achat de la nourriture;
• Payer comptant cette nourriture;
• Bénéficier des escomptes secrets sur le prix de la nourriture pour les achats payés comptant;
• Choisir le vétérinaire de son choix;
• Négocier le prix des services rendus;
• Payer comptant pour ces services;
• Refuser la visite du représentant d’Écolait;
• Vendre les veaux au moment, au prix et à l’acheteur de son choix.
[77] Il est vrai que les demandeurs n’avaient pas la liberté de faire ce qui est décrit ci-dessus. Mais c'est parce qu’ils avaient signé une convention avec Écolait à cet égard.
[78] Selon l’avocat des demandeurs, les obligations décrites plus haut rendaient ce contrat abusif envers ses clients.
[79] Il convient d’abord de noter qu’il s'agit ici d’un contrat auquel les demandeurs ont librement consenti. La preuve démontre par ailleurs qu’ils auraient pu s’engager auprès d’un autre intégrateur compétiteur de la défenderesse Écolait. De plus, ils auraient pu choisir un autre type d’engagement que celui qui finançait entièrement les opérations de la ferme, mais les demandeurs optèrent pour un contrat qui leur accordait une marge de crédit rotatif qui finançait toutes leurs opérations.
[80] Il n’y a donc aucune preuve qui suggère que les demandeurs n’ont pas donné un consentement libre et éclairé à ce contrat. D’ailleurs, leur procédure ne remet pas ce consentement en cause.
[81] Voyons maintenant chacun de ces reproches faits par les demandeurs.
[82] L’avocat reproche que le contrat ne permettait pas à ses clients de négocier le prix d’achat des nourrissons. Or, selon la preuve, le prix des nourrissons n'est jamais négocié puisque l'achat se fait uniquement par encan. C'était comme ça pour tous les veaux de lait.
[83] L’avocat des demandeurs reproche au contrat d’avoir obligé ses clients à acheter la formule de lait pour nourrir les veaux par l’entremise d’Écolait. Or, la preuve établit qu’Écolait achetait ce lait chez un fournisseur et chargeait le prix payé aux demandeurs. Écolait ne prenait aucune marge de profit sur ce prix. De plus, les demandeurs n‘ont pas mis en preuve qu’ils auraient pu obtenir ce lait pour un meilleur prix. Il est permis d’en douter puisqu’Écolait achetait pour plus de 150 producteurs.
[84] L’avocat des demandeurs ajoute que le contrat était abusif en ce qu’il ne permettait pas aux demandeurs de choisir eux-mêmes leur vétérinaire. Or, rien dans la preuve n’indique qu’un autre vétérinaire aurait coûté moins cher. Ici encore, Écolait ne faisait que payer les services de vétérinaire pour ensuite transférer ce coût sur la marge de crédit des demandeurs. Jamais au cours des sept années de production, le demandeur Côté s’est-il plaint de la qualité ou du coût de ces services.
[85] L’avocat des demandeurs soulève un argument étonnant selon lequel le contrat ne permettait pas aux demandeurs de payer comptant. La preuve n’a pas traité de cette question et l’avocat n’a pas expliqué cette position lors de l’argumentation. On peut penser que les demandeurs auraient pu obtenir de meilleurs prix ou éviter le paiement des taxes en payant sous la table. Comme on peut le constater, l’argument ne mérite pas qu’on s’y attarde plus longtemps.
[86] L’avocat des demandeurs reproche enfin au contrat d’avoir empêché ses clients de vendre les veaux gras au moment de leur choix et à l’acheteur de leur choix et au prix de leur choix. Or, selon la preuve, ce prix ne pouvait dépendre ni d’Écolait ni d’un producteur indépendant. La preuve démontre que le prix de vente à l’abattoir était fixé par un comité paritaire selon une formule qui tenait compte de plusieurs facteurs fluctuant selon le marché.
[87] Quant au moment de la vente, qui pouvait varier entre 125 et 140 jours, jamais cette question ne fut soulevée par le demandeur Côté durant les sept années de l’exploitation de la ferme. La preuve révèle que le moment de cette vente est un exercice délicat qui tient compte du poids des veaux gras (les prix sont fixés à la livre sur carcasse) et le coût de la nourriture. Rien dans la preuve ne suggère que le moment de cette vente ait été abusif.
[88] En conclusion, aucun de ces reproches, pris individuellement ou collectivement, ne rend le contrat abusif.
[89] Quant aux autres dispositions qui obligeaient les demandeurs à s’approvisionner exclusivement par l’entremise d’Écolait pour les nourrissons et les autres fournitures nécessaires à l’exploitation de la ferme, il n’y a rien d’abusif dans le fait de cette exigence en échange de la marge de crédit accordée pour financer ces transactions. La preuve n’apporte aucun support à la prétention des demandeurs voulant que ces prix chargés par Écolait étaient abusifs.
[90] Pourquoi les demandeurs n’ont-ils pas vérifié auprès d'autres intégrateurs qu’Écolait? Pourquoi n’ont-ils pas voulu savoir les prix des services et des autres services des fournisseurs d’Écolait afin de vérifier si ceux-ci étaient compétitifs?
[91] Écolait ne se prenait pas aucune marge de profit sur les prix des équipements vendus aux demandeurs, ni sur le prix des veaux naissants, ni sur le lait sauf une somme forfaitaire pour le transport et la livraison de celui-ci chez le producteur. C'est la même chose pour le prix des antibiotiques ou médicaments ou vitamines prescrits par le vétérinaire ou encore sur les services de dernier.
[92] Le prix du veau acheté par Écolait était fixé selon une formule fixée par l’industrie chaque semaine. Ce veau est revendu au producteur au même prix, sans l'addition d’une marge de profit par Écolait.
*
* *
[93] En conclusion, malgré qu’il ait quitté l’école en 3e secondaire à l’âge de 15 ans, le demandeur Côté se débrouille étonnamment bien dans les différents contrats et conventions qu’il fut appelé à signer avec Écolait. Il avait compris l’essentiel de ces documents qui de son aveu même étaient les documents usuels signés par d’autres producteurs comme lui.
[94] Il n’a rien de tangible à reprocher à Écolait. Il ne lui reproche pas d’avoir exigé de lui des conditions déraisonnables pour profiter de la situation, tout ce qu’il exprime à ce sujet se limite à dire que s’il avait su qu’il ferait des déficits avec sa ferme, il n’aurait pas signé avec Écolait.
[95] Évidemment, cela ne veut pas nécessairement dire que les contrats signés avec Écolait étaient abusifs.
[96] Par ailleurs, M. Côté pouvait compter sur les conseils d’un comptable qui s’occupait de faire les états financiers de la ferme, chaque année. Il pouvait aussi compter sur un réseau d’éleveurs comme lui impliqués dans les veaux de lait qu’il fréquentait au moins chaque année lors de l’assemblée de la Fédération des producteurs de veaux lait du Québec.
[97] M. Côté reconnaît que les années dans ce domaine peuvent fluctuer. Une année ça va bien et une autre, ça va moins bien, dit-il. Le problème c'est que dans le cas de M. Côté, plusieurs de ces années ont été mauvaises.
[98] Or, au lieu de réviser son modèle d’affaires en 2006, il opta pour agrandir son troupeau de 400 à 600 bêtes. Et pour ce faire, il devait agrandir son étable et obtenir un autre financement. Le demandeur Côté a donc fait des démarches auprès de la Banque Nationale du Canada sans parler de ses intentions à Écolait qui fut ensuite sollicité pour ajuster la marge de crédit à 600 têtes. La banque et Écolait acceptèrent.
[99] Retenir l’argumentation des demandeurs aurait pour effet de faire d’Écolait leur conseiller financier et de faire de cette dernière l’assureur d’une grande partie des risques du modèle d’affaire des demandeurs.
[100] Lorsqu’ils se lancèrent en affaire, les demandeurs savaient quelle serait la majeure partie des dépenses associées à leur exploitation et ils connaissaient aussi le prix qu’ils obtiendraient leurs veaux. Les choses de ce côté étaient claires. Écolait ne lui a pas fait de fausses représentations.
[101] Les demandeurs ont-ils vu trop grand trop rapidement? Ont-ils mal évalué le risque? De toute évidence oui. Peuvent-ils aujourd’hui reprocher à Écolait de ne pas avoir fait de leur exploitation un succès? De toute évidence, non.
[102] Le demandeur Côté explique que s’il avait su qu’il ferait des déficits, il n’aurait jamais signé avec Écolait. Malheureusement, cette affirmation ne justifie pas l’annulation ou la réduction de l’effet d’un contrat. En effet, personne n’accepterait de signer un contrat s’il savait à l’avance que les circonstances ne lui permettraient pas d’honorer ses obligations et ses ambitions. Mais voilà, personne ne peut prédire l’avenir. C'est pour cette raison, lorsqu’on se lance en affaires – et l’exploitation d’une ferme de veaux de lait de 650 têtes est une très grosse affaire – on court un risque, le risque de ne pas réussir.
[103] Ici, les demandeurs ont pris ce risque et ils n’ont pas réussi malgré leurs meilleurs efforts. Cet échec est-il dû à une mauvaise planification de leur part, à un taux d'endettement trop élevé par rapport aux revenus générés, à un manque de rigueur financière ou comptable? Aucun expert n’est venu l’expliquer. On sait cependant que la crise de la vache folle a eu pour effet d'affaiblir le marché et que l’augmentation vertigineuse du prix du gaz propane a eu un effet négatif significatif tant sur les revenus que sur les dépenses en diminuant les premiers et en augmentant les seconds.
[104] Une chose est sure cependant, ce n’est pas à cause d’Écolait qui, elle aussi, il faut s’en rappeler, a perdu près de 775 000 $ dans l’opération.
[105] Durant le procès, la procédure en dommages des demandeurs fondée sur l’exercice de clauses prétendument abusives s’est transformée en une sorte de reddition de compte où les demandeurs semblent maintenant prétendre qu’Écolait n’aurait pas fait les remises appropriées.
[106] À cet égard, il n’y a pas de preuve d’expert, mais uniquement un exercice fait par l’assistante de l’avocat des demandeurs qui, selon le tribunal doit être mis de côté face au témoignage clair, rigoureux et convaincant de la chef comptable d’Écolait qui, à l’aide de très nombreux tableaux détaillés et précis eux-mêmes appuyés par la documentation pertinente, démontre clairement que tous les chiffres concordent.
[107] Compte tenu de cette conclusion, le tribunal se bornera à faire quelques commentaires sur les dommages.
Les dommages
[108] Les demandeurs réclament une somme totale de 1 585 525 $ à titre de dommages moins une somme de 10 391 $ pour les loyers des mois d’octobre et de novembre 2010 pour un solde de 1 421 015 $.
[109] Cette somme de 1 585 525 $ se détaille comme suit :
• 50 000 $ chacun en dommages punitifs pour le demandeur Jean Côté et sa conjointe Pascale Cardin « pour avoir détruit deux vies en leur laissant croire à des pertes monstrueuses et annuelles (sic), et en leur reprenant leurs avances »[16] ;
• 197 786 $ représentant les remboursements de TPS/TVQ;
• 460 000 $ perte sur la vente de la ferme;
• 573 620 $, pour avances et/ou salaire;
• 100 000 $ à titre de remboursement des honoraires extrajudiciaires de ses avocats en l’instance. Cette réclamation fut retirée au lors du procès;
Les dommages punitifs de 100 000 $
[110] Pour avoir droit à des dommages punitifs, il faut qu’une disposition de la loi le prévoie spécifiquement. C’est ce qu’on déduit de l'article 1621 du Code civil du Québec :
Lorsque la loi prévoit l'attribution de dommages-intérêts punitifs, ceux-ci ne peuvent excéder, en valeur, ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive.
[…]
(le tribunal souligne)
[111] Or, comme on le sait, la possibilité de réclamer des dommages punitifs est prévue à l'article 49 de la Charte des droits et des libertés de la personne :
Une atteinte illicite à un droit ou à une liberté reconnus par la présente Charte confère à la victime le droit d'obtenir la cessation de cette atteinte et la réparation du préjudice moral ou matériel qui en résulte.
En cas d'atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs.
(le tribunal souligne)
[112] Pour avoir droit à des dommages punitifs, il faut donc démontrer une atteinte illicite et intentionnelle à un droit reconnu par la Charte.
[113] Les demandeurs rattachent leur droit à des dommages punitifs à l’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne qui prévoit que :
Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens.
[114] Le tribunal estime que la créance des demandeurs ne jouit pas de la protection de l'article 6 de la Charte.
[115] La prétention des demandeurs aurait pour effet de faire bénéficier toutes les créances d’argent de cette protection sinon, selon le tribunal, ce serait là banaliser ce droit accordé par la Charte.
[116] En effet, dans l’arrêt Lambert, le juge Pelletier faisait siens les propos de la juge Duval-Hesler qui avait écrit :
Il faut éviter de banaliser les garanties et libertés fondamentales lesquelles, essence, visent à préserver la dignité et l’intégrité de l’individu et les valeurs d’un système libre et démocratique, plutôt qu’à régir les relations contractuelles. [17]
[117] C’est ce qui avait motivé le juge Senécal à écrire dans un jugement fouillé sur la question qu'un simple refus de payer une créance, par ailleurs due, n'est pas sanctionné par la Charte :
Les tribunaux ont jugé que le simple refus de payer une somme d’argent qui est due ne constitue pas une violation du droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens. L'article 6 de la Charte ne trouve pas alors application.[18]
[118] En effet, comme la Cour d'appel l’avait indiqué quelques années plus tôt :
Ce n’est évidemment pas priver quelqu’un de son bien que refuser ou négligé de lui payer sa créance.[19]
[119] Or, ici on n’a pas privé, de façon directe et immédiate, les demandeurs de la jouissance paisible et la libre disposition d’un bien.
[120] Le tribunal conclut donc que les demandeurs n’auraient pas eu droit à des dommages punitifs dans les circonstances et que leur réclamation de 100 000 $ qui y est rattachée aurait été par conséquent être rejetée.
[121] Quant à l’argument selon lequel la conduite d’Écolait aurait été empreinte de mauvaise foi, justifiant l’octroi de dommages punitifs, le tribunal estime qu’il doit être également rejeté vu les conclusions auxquelles il en est arrivé plus haut. Quant à la conduite d’Écolait qui, selon les demandeurs, aurait elle aussi empreinte de mauvaise foi, d’abus, de manœuvres déloyales, de fraude et de malice, il suffira de dire ce qui suit.
[122] Les faits soulevés par l'avocat des demandeurs pour illustrer cette mauvaise foi surprennent. C'est ainsi qu’il reproche à Écolait d’avoir accepté d’augmenter les avances faites aux demandeurs de 105 $ à 125 $ par tête de veau. Cela aurait eu pour but selon lui de réconforter les demandeurs et de leur faire croire qu’ils réussiraient.
[123] C’est pourtant les demandeurs qui le lui demandaient et qui insistaient.
[124] Ensuite, l’avocat des demandeurs avance qu’Écolait aurait été de mauvaise foi puisqu’elle savait à la signature du contrat que l’entreprise des demandeurs serait déficitaire.
[125] Il reproche aussi la rédaction du contrat de financement. Selon lui, cette rédaction sibylline serait la preuve de la mauvaise foi d’Écolait. Il pousse sa prétention jusqu’à dire qu’Écolait aurait été malicieuse parce qu’elle ne réclamait pas le remboursement immédiat des déficits des demandeurs sur chaque cycle, mais les reportait sur le cycle suivant.
[126] Or, la preuve démontre clairement que c'est Écolait qui, au premier chef, courrait les risques associés à l'exploitation de la ferme des demandeurs. En effet, c'est Écolait qui payait les dépenses de la ferme aux différents fournisseurs. C'est également Écolait qui faisait des avances de 105 $ à 125 $ par tête de veau au début du cycle de production. On connaît les poursuites contre les institutions financières pour avoir rappelé leur prêt de façon intempestive, mais ici, au contraire, on reproche à Écolait d’avoir continué à supporter les demandeurs.
[127] Ainsi, selon la preuve, Écolait a versé beaucoup d’argent en espérant être éventuellement remboursée par les demandeurs. Dans un tel contexte, Écolait avait tout intérêt à ce que la ferme des demandeurs soit rentable.
[128] De plus, la preuve démontre qu’à plusieurs reprises durant le contrat, Écolait posa des gestes dans le but d’aider les demandeurs à réussir. Parmi ces gestes, on compte les suivants :
• Le 19 juin 2006, Écolait accepta de signer un cautionnement de 185 000 $ auprès de la Banque Nationale du Canada afin de permettre aux demandeurs d’agrandir leur ferme, moyennant une hypothèque de 2e rang sur la résidence des demandeurs;
• Le 1er août 2006, Écolait fait une remise de dette de 225 694 $ aux demandeurs en raison de l’augmentation vertigineuse des coûts du gaz propane qui sert à chauffer leur étable;
• Écolait accorde deux prêts afin de permettre aux demandeurs de passer du chauffage au gaz propane au chauffage à bois;
• Écolait accepte au cours des ans de faire passer les avances versées au compte des demandeurs aussi de 105 $ à 125 $;
• Les avances faites aux demandeurs avant les travaux d’agrandissement furent en moyenne de 113 $ par rapport à la moyenne des avances faites aux autres producteurs alors qu’après les travaux d’agrandissement, cette moyenne fut de 125 $ par rapport à 116 $ pour l’ensemble des autres producteurs;
• Écolait offrit de racheter la ferme des demandeurs pour un prix de 20 000 $ supérieur à la seule autre soumission obtenue par eux;
• Grâce à ce rachat, la banque accepta de relever les demandeurs de leur cautionnement personnel au montant de 100 000 $ et radia l’hypothèque de 2e rang de celle-ci sur leur résidence;
• Écolait offrit aux demandeurs de continuer à financer ses opérations en leur louant la ferme et en lui offrant de la leur revendre pour le même prix, déduction faite de la portion en capital du loyer alors payé;
• Écolait acheta la résidence des demandeurs pour le prix demandé par ces derniers;
• Écolait n’a jamais poursuivi les demandeurs pour le solde de 554 071 $ qui lui était dû par les demandeurs à la suite aux avances qui leur furent faites ainsi qu’aux dépenses payées pour eux. Il s’agit, en effet, d’une politique d’Écolait qui radie toujours le prêt de production lorsque le producteur arrête toute production et une fois les garanties exécutées;
• Si on ajoute à cette somme le montant de 225 694 $ qui fit l’objet d’une remise de dette en août 2006, on arrive à un total de près de 775 000 $ qu’Écolait perdit dans l’opération.
[129] Il est difficile de déceler dans un tel contexte une volonté de nuire ou une intention malveillante d’Écolait.
[130] Bien qu’il reconnaisse les énormes sommes dues par ses clients à Écolait, l’avocat des demandeurs balaye du revers de la main les remises de ces dettes totalisant près de 775 000 $ en disant que de toute façon ses clients n’avaient pas les moyens de rembourser celles-ci et qu’il aurait été « gênant et impossible à exécuter » [20] un jugement contre ses clients. Soit, mais il faut néanmoins reconnaître qu’Écolait aurait pu légitimement obtenir un jugement valable pour 10 ans et mettre les demandeurs personnellement en faillite.
[131] Cela dispose donc des demandes de dommages punitifs.
197 786 $ et 573 619 $
[132] Les demandeurs réclament le remboursement de sommes de 197 786 $ et de 573 619 $. Il n’y a aucune preuve que ces sommes auraient été diverties par Écolait ou encore que ces sommes proviendraient d’erreurs de calcul d’Écolait.
[133] En effet, les rapports détaillés fournis par Écolait sont complets et transparents. D’ailleurs, jamais durant les sept années d’opération l’exactitude, l’authenticité et la légitimité des opérations reflétées par ces rapports ne furent questionnées ou contestées par les demandeurs.
[134] Or, en vertu du contrat, les demandeurs étaient présumés avoir accepté les paiements effectués et les dépenses facturées par Écolait. Ils avaient trente jours après la réception des rapports d’Écolait à la fin de chaque lot pour indiquer leur désaccord. La clause 15 du contrat prévoyait en effet que :
L’acheteur (les demandeurs) s'engage à confier au fournisseur (Écolait) la comptabilité et la tenue de ses livres, pour le suivi de ses comptes à payer en vertu du présent contrat. L’acheteur aura un délai de trente jours après chaque remise des documents ainsi confiés au fournisseur pour faire connaître toute erreur, désaccord ou contestation apparaissant aux documents ainsi confiés au fournisseur, après quoi, l'acheteur sera présumé les avoir accepté tel quel, et renonce par les présentes à tout autre recours ou contestation, pour toute comptabilité et tenue de ses livres pour le suivi de ses comptes à payer en vertu du présent contrat effectué à cette date.[21]
(les mots entre parenthèses sont ajoutés)
[135] Dans un tel contexte, il appartenait aux demandeurs d’expliquer pourquoi cette présomption devait être renversée sept ans plus tard. Or, cette preuve est inexistante. Personne (ni les demandeurs, ni leur comptable) durant sept ans n’a soulevé quoi que ce soit à l’égard des rapports financiers détaillés fournis par Écolait.
[136] Aucune preuve ayant pour effet de renverser cette présomption n’a été apportée. Même au procès, aucun expert n’est venu témoigner en faveur des demandeurs pour souligner une erreur dans les chiffres.
[137] L’avocat des demandeurs fonde, semble-t-il, sa demande de remboursement uniquement sur un tableau préparé par son assistante qui, selon lui, établirait que des sommes de 771 140 $ (197 786 $ + 573 619 $) n’auraient pas été versées à ses clients. Or, les rapports déposés en preuve démontrent que ces sommes, même s’il est vrai, ne furent pas versées en mains propres aux demandeurs, elles furent néanmoins versées à leur crédit en remboursement de la marge de crédit.
[138] L’avocat des demandeurs avance néanmoins qu’il était abusif pour Écolait d'agir de la sorte. Mais, comme on l’a vu, si Écolait a agi ainsi c'est parce que les contrats et les garanties signés par les demandeurs le lui permettaient. Avoir versé ces sommes directement aux demandeurs aurait eu pour effet d’augmenter la dette de la ferme envers Écolait sans dégager les demandeurs de leur obligation de rembourser ces sommes à Écolait.
[139] L'avocat des demandeurs avance que les obligations assumées par ses clients en regard de la clause 6 voulant qu’Écolait pouvait se faire rembourser les taxes TPS/TVQ payées à l’égard des achats faits par Écolait pour les défendeurs ainsi que d’autres sommes, entre autres pour le loyer et les prêts personnels, seraient « déraisonnables allant ainsi à l’encontre de ce qu’exige la bonne foi ». Il ajoute que cette clause est si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement un tel contrat qu’elle dénature celui-ci »[22].
[140] D’abord, aucune preuve ne démontre qu’une clause semblable soit déraisonnable ou que celle-ci s’écarte des règles habituelles de tels contrats dénaturant ainsi ce dernier. Pourtant, le président de la Fédération des producteurs de bovins du Québec qui fut appelé comme témoin ne fut pas questionné à ce sujet. Il avait pourtant indiqué que la Fédération possédait des modèles de contrats types qui auraient sans doute pu servir à l’avocat des demandeurs si sa prétention avait eu quelque fondement.
[141] Ensuite, le tribunal ne voit rien de déraisonnable dans une clause qui oblige les demandeurs à rembourser les taxes payées par Écolait pour des fournitures achetées pour eux et dont le détail apparaît à la Pièce P-24. On sait que les demandeurs pouvaient ensuite récupérer ces taxes en faisant les rapports appropriés auprès des autorités fiscales.
[142] La preuve démontre que toutes les sommes appartenant aux demandeurs lui furent effectivement versées ou furent appliquées à leur crédit sur leur marge de crédit.
460 000 $ - perte de valeur de la ferme
[143] L’avocat des demandeurs plaide que si Écolait avait versé les sommes dues à ses clients au moment où ces sommes étaient dues, ceux-ci n’auraient pas eu à se départir de leur ferme qu’il évalue à la somme de 860 000 $ (Pièce P-18) moins la somme versée par Écolait pour l’achat de la ferme (520 000 $) soit une somme de 340 000 $.
[144] Les avocats d’Écolait soumettent que la valeur de la ferme n’est pas de 860 000 $ comme l’évaluation de Yvon Desautels l’établit,[23] mais bien le montant payé par leur cliente soit 400 000 $ pour l’étable et le terrain et 120 000 $ pour les équipements. Ils soulignent que la valeur qu’il faut retenir est celle d’une vente faite dans un contexte de liquidation alors que l’évaluation de M. Desautels donne une valeur dans un contexte où le vendeur n’est pas contraint de vendre. C'était d’ailleurs à une somme de 504 700 $ que le conseiller des demandeurs pour la médiation avait évalué la ferme dans son rapport Pièces D-11 et P-14.
[145] Le tribunal estime que l’argument de l’avocat des demandeurs doit être considéré dans le contexte de l’évaluation de M. Desautels. En effet, si le tribunal avait conclu en la responsabilité d’Écolait, le dommage aurait dû être évalué dans un contexte de vente normale et non pas dans un contexte de vente forcée.
[146] Cela dit, nous sommes ici en présence d’un exemple classique de dommage indirect qui ne donne pas ouverture à une réclamation en dommages.
[147] Comme on le sait, la loi prévoit que seuls les dommages directs et immédiats peuvent être réclamés. De plus, en matières contractuelles, seuls les dommages prévisibles au moment du contrat peuvent donner ouverture à une réclamation.
[148] Or, ici la cause directe et immédiate de la perte de la ferme des demandeurs est le fait que la créance de la banque ne fut pas payée et que celle-ci intenta les procédures pour exercer sa garantie sur celle-ci. Les raisons pour lesquelles les demandeurs ne furent pas en mesure de payer cette créance ne sont donc pas en lien direct et immédiat avec une prétendue conduite abusive de la défenderesse Écolait.
Le remboursement des honoraires extrajudiciaires (100 000 $)
[149] Lors de l’argumentation, l’avocat des demandeurs a retiré verbalement sa réclamation de 100 000 $ au chapitre du remboursement des honoraires et frais extrajudiciaires.
L’argument d’un prétendu salaire impayé au demandeur Côté
[150] Le demandeur Jean Côté soutient qu’au moment de la signature du contrat (Pièce P-4), il y aurait eu un contrat verbal en vertu duquel il recevrait un salaire de 105 $ par tête de veau et que ce salaire ne lui fut jamais versé.
[151] Selon son avocat, cet engagement verbal n’avait pas été inclus dans l’entente écrite pour « tromper la Financière agricole du Québec qui ne verse pas de subventions aux salariés »[24] et parce que « ce qui est verbal est plus facile à nier, et à contredire par la suite »[25].
[152] Le tribunal estime qu’une explication, autre qu’une prétendue fraude d’Écolait envers la Financière Agricole, est plus plausible : c'est qu’un tel contrat verbal n’a jamais existé.
[153] On sait qu’il ne s’agit pas là d’une rémunération banale puisque cela aurait représenté une somme de plus de 30 000 $ par cycle de production. Comme il y avait 3 cycles de production par année, la rémunération du demandeur se serait donc établie à plus ou moins 100 000 $ par année, en sus des revenus générés par l’exploitation de la Ferme.
[154] Évidemment, la défenderesse nie l’existence d’un tel contrat verbal.
[155] Le tribunal estime que les circonstances considérées dans leur ensemble rendent cette la prétention des demandeurs invraisemblable.
[156] Le tribunal est d’avis que selon la preuve il est beaucoup plus probable que ce que l’on a dit à M. Côté était qu’en attendant la fin d’un cycle où les veaux seraient vendus, il pourrait compter sur une rémunération sous forme d'avances sur le prix de vente des veaux gras. C'est ce que les rapports détaillés fournis aux demandeurs à la fin de chaque lot indiquent clairement et c'est sur ce modus operandi que les parties ont fonctionné durant sept années.
[157] Le simple fait de prétendre que la défenderesse aurait accepté de verser un « salaire » de plus ou moins 100 000 $ par année à un producteur de veau de lait de surcroît néophyte en la matière a de quoi faire sourciller.
[158] L’étonnement passe à l’invraisemblance lorsqu’on constate que le demandeur Côté n’aurait jamais perçu son salaire de plus ou moins 100 000 $ par année durant sept ans sans jamais réclamer celui-ci à Écolait. Même lors de la médiation, alors que le demandeur est sur le point de perdre sa ferme, jamais ne soulève-t-il cette question. Pourtant, à ce moment en 2008, selon la théorie de l’avocat des demandeurs, Écolait lui aurait dû plus de 500 000 $ en salaire impayé. Or, non seulement cette question n’est pas soulevée, mais qui plus est, M. Côté accepte de vendre sa ferme à Écolait pour à peu près le salaire qui lui aurait été dû soit 520 000 $.
[159] Comme on peut le constater, si M. Côté n’avait pas compris qu’Écolait lui devait plus ou moins 500 000 $ de salaire, c'est qu’il savait qu’une telle somme ne lui était pas due. Sinon, il n’aurait certainement pas voulu continuer à faire affaire avec Écolait après que celle-ci ait acquis sa ferme.
[160] L’avocat des demandeurs plaide qu’Écolait versait cette somme (« salaire ») « sans dire qu’elle considérait ce salaire comme un prêt »[26]. Pourtant, ce prétendu salaire était au contraire désigné comme « Somme avancée à l’Éleveur » avec une précision additionnelle sur la ligne suivante qui indiquait que ce « montant [est] reporté au prêt de production »[27] dans les nombreux rapports financiers qu’il recevait d’Écolait à la fin de chaque cycle de production.
[161] Le demandeur Côté n’a certainement pas compris à l’époque ce que son avocat plaide aujourd’hui. Pas un seul producteur n’est venu supporter une telle affirmation. On ne voit pas pourquoi Écolait se serait engagé envers les demandeurs à lui verser le double des sommes avancées aux autres producteurs. En effet, l’argumentation de l'avocat du demandeur aurait aussi pour effet de faire en sorte que les demandeurs auraient bénéficié de l’équivalent de deux fois les avances par tête de veau versées aux autres producteurs.
[162] Les rapports détaillés d’Écolait aux demandeurs à la fin de chaque lot démontraient le contraire.
[163] Enfin, jamais la condition de salarié ou de rémunération à forfait du demandeur Jean Côté ne fut confirmée administrativement dans les faits, ni par Écolait, ni par le demandeur lui-même.
[164] L’avocat des demandeurs a tenté de jouer la carte du manque d’instruction de son client pour expliquer une telle conduite. Le tribunal estime, après avoir vu et entendu le demandeur que ce dernier aurait certainement été en mesure de se rendre compte d’une telle disparité dans les sommes promises. Ce n’est pas ici une question d’instruction, mais plutôt une question de jugement. Si le demandeur n’a jamais au cours de sept années soulevé cette question importante – on parle de plus ou moins 100 000 $ par année – c'est parce qu’il ne croyait pas que celle-ci représentait un salaire auquel il avait droit en sus des sommes prévues au contrat.
[165] On constate de plus que si le demandeur considérait ces sommes comme un salaire, il ne semble pas avoir traité de cette façon ces sommes dans les états financiers de la ferme. Il reconnaît aussi qu’il n‘était pas admissible à l’assurance chômage. Ces sommes ne pouvaient donc constituer un salaire.
[166] Les inquiétudes du demandeur Côté que l’exploitation de sa ferme n’allait pas bien sont incompatibles avec une personne qui, parallèlement aux opérations de la ferme, aurait tiré un revenu personnel de plus de 100 000 $ par année.
[167] Il semble enfin que ce n’est pas la première fois que l’avocat des demandeurs prétend que les avances versées au producteur constituent une rémunération plutôt qu’une avance. En effet, il avait soulevé un argument semblable – et sans plus de succès – dans l’affaire St-Onge[28] à l'égard d’un contrat semblable avec un autre intégrateur. La juge Matteau avait même écrit qu’elle trouvait surprenante l'argumentation qui lui avait été présentée à ce sujet. Ici, le tribunal n’hésite pas à trouver désolante cette nouvelle tentative. Surtout, que le demandeur Côté ne présente aucune réclamation salariale.
Conclusion
[168] Pour réussir dans ce genre de procédure, il faut prouver une conduite abusive empreinte de mauvaise foi de la part d’Écolait. Comme on l’a vu, la preuve n’établit pas une telle conduite.
[169] Rien ne démontre que les demandeurs auraient mieux réussi n’eut été du financement d’Écolait.
[170] Écolait avait au contraire tout intérêt à voir le demandeur réussir dans son exploitation. Elle courrait elle aussi un risque important en acceptant de financer le demandeur. La preuve établit qu’elle perdit près de 775 000 $ dans l'opération.
[171] La défenderesse Écolait n’avait pas l’obligation légale envers les demandeurs de leur assurer « une qualité de vie sereine »[29] comme le plaide leur avocat.
[172] Le tribunal estime donc que les demandeurs ne se sont pas déchargés de leur fardeau d’établir que les clauses du contrat de financement étaient abusives. Il semble que la Fédération des producteurs de veaux de lait du Québec avait des modèles de contrat type entre producteur et intégrateur. Ces modèles ne furent pas déposés par le demandeur. Si le contrat d’Écolait avait été abusif, on aurait vu des différences significatives avec le contrat modèle de la Fédération.
[173] Dans l’affaire St-Onge,[30] la juge Matteau était devant des modalités semblables à celles contenues dans le contrat liant Écolait aux demandeurs. L'avocat des demandeurs, qui était le même que celui du producteur dans l’affaire St-Onge, ne souleva pas l’argument du caractère abusif de dispositions contractuelles semblables. La juge Matteau, pour sa part, donna application aux mêmes dispositions.
[174] Les demandeurs n’ont donc pas réussi à démontrer que les dispositions du contrat d’Écolait étaient abusives ou encore qu’ils n’avaient pas été crédités des sommes qui leur revenaient.
[175] Quant à la demande reconventionnelle d’Écolait, les demandeurs n’en conteste pas le bien fondé.
Remarques finales
[176] En terminant, le tribunal ne peut malheureusement passer sous silence son étonnement que les demandeurs aient pu avoir été sous l’impression ou avoir été convaincus qu’ils avaient avoir droit à une somme de plus 3,4 M $ essentiellement parce que la défenderesse Écolait leur avait fait les avances qu’ils avaient requis d’elle afin qu’ils puissent exploiter une ferme d’élevage de veaux de lait.
[177] La procédure de leur avocat fut en effet amendée à pas moins de neuf reprises, passant de 570 000 $ en 2010 à 3,4 M $ en 2013 enfin pour revenir à 1,7 M $ la veille du procès. Cela représente près de 250 000 $ par année pour les sept années d’exploitation de leur ferme.
[178] Des procédures fondées sur le prétendu abus de droit et la mauvaise foi d’Écolait pour avoir couru le risque d’accorder aux demandeurs le financement qu’ils lui demandent pour l’exploitation de leur ferme et qui, en raison de ce financement, se trouva à subir des pertes de près de 775 000$ si on inclut la remise de dette de 225 000 $ accordée aux demandeurs en 2006. Évidemment, les demandeurs n’offrent pas de rembourser Écolait de sa perte de 554 071 $.
[179] Il est difficile de ne pas voir dans cette démarche une approche qui frise l’improvisation, l’exagération, voire la démesure.
[180] L'action des demandeurs sera donc rejetée avec les frais de justice tandis que la demande reconventionnelle de la défenderesse – qui n’est pas contestée – sera accueillie avec dépens pour la somme réclamée de 10 300 $.
[181] Compte tenu de ces conclusions, il n’est pas nécessaire que le tribunal se prononce sur l’argument de prescription de la réclamation des demandeurs, ni sur la demande de rejet de la procédure des demandeurs en vertu de l'article 54.1 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[182] REJETTE l'action des demandeurs;
[183] LE TOUT avec les frais de justice.
[184] ACCUEILLE la demande reconventionnelle de la défenderesse;
[185] CONDAMNE les demandeurs à payer à la défenderesse la somme de 10 300 $ avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis la date de la mise en demeure du 4 novembre 2010;
[186] LE TOUT avec les frais de justice.
__________________________________
ANDRÉ WERY, J.C.S.
Me Paul Biron
Avocat des demandeurs
Me Maryse Dubé
Sylvestre & Associés
Avocate de la défenderesse Écolait
Dates d'audition : 19, 20, 21 et 22 octobre 2015
Date de mise en délibéré : 22 octobre 2015.
[1] Pièce P-4.
[2] Pièce D-1.
[3] Clause 1 du contrat Pièce D-1.
[4] Clause 10 du contrat Pièce D-10.
[5] Pièce D-10.
[6] Clause 6.1 du contrat Pièce D-10 en liasse.
[7] Pièce D-2.
[8] Clause 2 de la Pièce D-2.
[9] Clause 7 du nantissement agricole Pièce D-2 en liasse.
[10] Pièce D-2 en liasse.
[11] Clause 2, 2e paragraphe, Pièce D-2 en liasse.
[12] Par. 4 f) de la requête introductive d’instance amendée du 14 octobre 2015.
[13] Baudouin et Jolin, Les Obligations, 6e édition, Les Éditions Yvon Blais, page 155, par. 111.
[14] J. Pineau, D. Burman et S. Gaudet, Théorie des obligations, 3e éd. Montréal, Éditions Thémis,1996,no 239, p. 351 cité par la Cour d'appel dans P.G. du Québec c. Kechichian, C.A.M. 2000 CanLII 7772 (QC CA), 500-09-000076-943, 21 juin 2000, à la page 11 au par. 52, jj. Baudouin, Nuss et Letarte.
[15] Pièce D-10.
[16] Paragraphe 23 c) de la requête introductive d'instance ré amendé du 14 octobre 2015.
[17] Lambert c. Macara et als., C.A.M. 2004 CanLII 76418 (QC CA), 500-09-011580-016, 15 septembre 2004, par. 89.
[18] Markarian c. Marchés Mondiaux CIBC inc., 2006 QCCS 3314 (CanLII), 2006, QCCS, 3314, par. 597.
[19] Shama Textiles inc. c.. Certain Underwriters at Lloyd’s, J.E. 2000-2152, par. 21.
[20] Paragraphe 4 q) de la requête introductive d'instance du 14 octobre 2015.
[21] Clause 15 du contrat Pièce P-4.
[22] Paragraphe 20 h) de la requête introductive d'instance du 14 octobre 2015.
[23] Pièce P-18.
[24] Au par. 45 a) i. de l’Argumentation et Plaidoirie du 14 octobre 2015 de l’avocat des demandeurs.
[25] Id.
[26] Au par. 45 a) iv. de l’Argumentation et Plaidoirie du 14 octobre 2015.
[27] Pièce P-24.
[28] St-Onge c. Les prémélanges Vigortone Ltée, C.S.M. 2015 QCCS 647 (CanLII), 750-17-002091-126, 20 février 2015, j. Matteau.
[29] C'est l’expression utilisée au par. 4 rs) de la requête introductive d'instance
[30] Précité, note 28.