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Kenol c. R.

no. de référence : 500-10-005428-139


Kenol c. R.
2016 QCCA 509
COUR D’APPEL

CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE

MONTRÉAL
N° :
500-10-005428-139
(500-01-046807-100)

DATE :
29 mars 2016


CORAM :
LES HONORABLES
ALLAN R. HILTON, J.C.A.
NICHOLAS KASIRER, J.C.A.
CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.



EDENS KENOL
APPELANT - accusé

c.

SA MAJESTÉ LA REINE
INTIMÉE - poursuivante




ARRÊT



[1] L'appelant se pourvoit contre le verdict de culpabilité du meurtre au premier degré prononcé le 16 mai 2013 par un jury de la Cour supérieure, district de Montréal, présidé par l'honorable juge Michael Stober.

[2] Pour les motifs du juge Hilton, auxquels souscrivent les juges Kasirer et Gagnon, LA COUR :

[3] REJETTE l'appel.






ALLAN R. HILTON, J.C.A.







NICHOLAS KASIRER, J.C.A.







CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.


Me Réginal Victorin
Rock Vleminckx Dury Lanctôt & Associés
Pour l'appelant

Me Christian Jarry
Directeur des poursuites criminelles et pénales
Pour l'intimée

Date d’audience :
3 février 2016




MOTIFS DU JUGE HILTON


I

L'INTRODUCTION

[4] Aux petites heures du matin du 17 octobre 2010, Edens Kenol a poignardé à mort Maria Altagracia Dorval, son épouse et la mère de ses trois enfants mineurs. Accusé de meurtre au premier degré avec préméditation et de propos délibéré (art. 231(2) C.cr.) et dans un contexte de harcèlement criminel (art. 231(6) C.cr.), il a subi son procès devant un jury présidé par l'honorable juge Michael Stober.

[5] Le 8 mai 2013, à la fin de la présentation de la preuve, durant laquelle l'appelant a témoigné, le juge a rendu un jugement oral fort élaboré[1].

[6] Il mentionne d'abord que les parties s'entendent que le jury devrait recevoir des directives fondées sur la diminution de la capacité de l'appelant de former l'intention nécessaire pour commettre l'infraction de meurtre en tenant compte de la preuve de son intoxication et de son état mental. Il décide aussi d'instruire le jury sur les deux voies possibles pour parvenir à un verdict de culpabilité sur l'un ou l'autre des deux articles du Code criminel ci-haut mentionnés, de soumettre au jury la défense de légitime défense, mais de ne pas soumettre le moyen de défense fondé sur la provocation.

[7] Le 16 mai 2013, le jury a prononcé un verdict de culpabilité de meurtre au premier degré, et le juge a immédiatement imposé à l'appelant la peine d'incarcération à perpétuité prévue au Code criminel[2].

[8] À la même date, mais après le prononcé du verdict et l'imposition de la peine, un incident inusité s'est produit. Une des constables spéciales qui avait la responsabilité de veiller à la sécurité et aux besoins des jurés durant leur séquestration, Caroline Beaudet, découvre dans la salle des jurés un guide à l'intention des policiers et des procureurs de la Couronne préparé par le ministère de la Justice du Canada portant sur le harcèlement criminel, dans lequel des extraits sont surlignés et des notes manuscrites sont apposées. Le juge est avisé de ce fait, et, le 29 mai, il convoque les avocats des parties, en présence de l'appelant, à une audition afin de faire la lumière sur la situation.

[9] Le juge remet une copie du document aux avocats. Les notes manuscrites sont caviardées. Il fait assermenter et interroge la constable Beaudet et sa superviseure, la sergente Nathalie Roy. Il permet aux avocats de poser leurs propres questions aux témoins. La constable Beaudet estime être en mesure d'identifier le membre du jury qui aurait apporté le document dans la salle des jurés, mais elle ne mentionne pas son nom, et ni le juge ni les avocats ne cherchent non plus à l'obtenir.

[10] Le juge ordonne que l'original du document, incluant les notes manuscrites, soit déposé au dossier dans une enveloppe scellée. Aucune demande spéciale ne lui est formulée pour obtenir plus amples informations, et l'audition se termine ainsi.

[11] L'appelant se pourvoit, demande par requête à cette Cour la production du document dans sa version caviardée que la constable Beaudet a trouvé dans la salle des jurés, et propose deux moyens d'appel. À l’audition du pourvoi, cette requête est accueillie.

II

LES FAITS

[12] La période pertinente qui a donné lieu aux évènements s'échelonne entre les mois d'août et octobre 2010. Le juge les a décrits de façon exhaustive dans son jugement ci-dessus mentionné. L'exactitude de ce récit n'est pas contestée. Les voici :

[7] Madame Dorval et l'accusé, monsieur Kenol, se sont mariés en 2007. Ils ont eu trois enfants. En 2010, le couple s'est séparé après onze ans de vie commune.

[8] Le 15 août 2010, madame Dorval appelle le 911 cinq fois. Lors du quatrième appel, selon la traduction du créole au français, elle dit :

Tu, tu, tu, tu, tu tu tiens un couteau dans tes mains pour me tuer, pour tuer mes enfants. Tu vas tuer mes enfants...Tu veux tuer mes enfants, tu veux me tuer avec le couteau que tu tiens... Tu, tu, tu, tu, tu, tu as pris un couteau pour me tuer, tu as pris un couteau pour me tuer. Tu as un couteau en mains et tu veux nous tuer mes trois enfants et moi, pour nous suicider (assassiner).

La communication coupe et le préposé la rappelle. Elle dit que c'est elle qui a raccroché, qu'elle a appelé le 911 pour une ambulance, parce qu'elle avait mal au ventre, qu'elle va boire quelque chose.

[9] Le 12 septembre 2010, madame Dorval appelle le 911 disant que :

[...] j'ai mon conjoint, O.K.? Il n'habite plus ici avec moi, O.K.? Parce que, parce que...la dernière fois, il essaie de me tuer. Et puis maintenant, là, je lui ai dit qu'il avait (inaudible) à venir chez moi, il n'arrête pas de venir chez moi, il n'arrête pas de frapper...et la personne en arrière de la porte. Il n'arrête pas de frapper, de cogner la porte, là. C'est devenu que [...] il a la clé [...]

En écoutant l'appel, on entend clairement cogner à la porte.

[10] Le 11 octobre 2010, madame Dorval appelle le 911 en donnant la mauvaise adresse sur la rue Valérie. Elle dit qu'elle est chez sa cousine, que son ex-conjoint est dehors, qu'il est dangereux. Par la suite, elle rappelle avec la bonne adresse sur la rue Antibes. Elle dit qu'elle appelle la police "à chaque fois", qu'il n'a pas le droit d'approcher devant la maison, de pénétrer chez elle, qu'il l'a suivi chez sa cousine, qu'il est parti.

[11] Les policiers arrivent sur la rue Antibes et en leur présence et suite à des questions posées, madame Dorval écrit une déclaration qui se lit :

le 16 - 08 - 2010 à minuit mon EX Pour edens KEnol, il à FraPPER à ma porte il est rentre il est rendu à la Cuisine, moi et mes enfants on était dans le salon il vien tout PRès de nous avec un Couteaux, il m'a dit tu veux me laisser tombée je lui aie dis je veux pas te laisser tombée Juste Pour qu'il me laisser tombée il commence encore à crié sur moi depuis une semaine je eu ça dans la tête je veux vous tuer vous et les enfants et après je veux me suicider Par ce que je veux Pas te Perde après je faire le 911 il a PRis le téléphone dans mes main il m'a dit je veux te laisser tremquile appel Pas la Police je veux Pas aller en PRisson, après il est Partir apres en mois de sep 7 il vient encore chez moi FRapper a ma porte encore violament je suis obligé applez la Police il est Partir il reste encore dans le coin Pour me surveille Tourjours, il m'appel à chaque jours 7 Fois la nuit 13 Fois appel bloquer Parfois il à laisser son numero apparêîte. le 6 oct à 2 h00 du Martin mon copin vient de laisser chez moi je vue par la fenêtre, il Parle à mon copin il dit à mon copin l' Haïtienne qui HAbitent ici c'es ma femme Ta pas le droit de coucher avec elle, mon lui a dit de quoi tu parles mon copin est Partir il a suivi il croise sa voiture mon est faïlle mourri après il lui demandes son numéro il la applez chaque jours Pour lui je veux pas tu parles avec elle.

[Transcrit tel quel]

[12] L'agent Sabourin s'occupe de la déclaration. Selon lui, elle n'est pas "verbomoteur", qu'elle est calme, pas craintive, pas en état d'ébriété, mais qu'elle est exaspérée de la situation. L'agent Sabourin doit poser beaucoup de questions avant qu'elle ne réponde. Elle répond de façon cohérente et précise, sans hésitation; les réponses ne sont pas longues. Elle veut porter plainte. Elle ne sait pas où se trouve l'accusé. L'agent Sabourin appelle le cellulaire de l'accusé, mais il est fermé. Madame Dorval refuse l'aide du Cavac, et d'un centre d'hébergement, mais elle accepte l'assistance du CLSC. Après vérification, l'agent Sabourin constate qu'il n'y a pas d'interdiction de communiquer. Madame Dorval ne veut pas identifier son copain. Elle ne sait pas où se trouve l'accusé. Elle ne démontre pas de la vengeance à l'égard de l'accusé. Il dit qu'elle parle beaucoup des questions de la garde des enfants. Elle est en contrôle et ne semble pas vivre un moment stressant.

[13] Monsieur Jean-Baptiste Fritzgérald est un ami de Génald Saintilus. Monsieur Saintilus reste occasionnellement chez lui sur la rue Valérie. Monsieur Saintilus a deux enfants avec Marguerite Pierre, la cousine de Maria Dorval. Monsieur Fritzgérald témoigne que le 11 octobre 2010, à la demande de monsieur Saintilus, il se rend chez madame Pierre sur la rue Antibes, afin de s'occuper de ses enfants. Il apprend que des policiers étaient chez lui, ayant reçu son adresse sur Valérie par erreur. Par la suite, il répond à la porte chez madame Pierre; deux policiers sont là pour voir madame Dorval.

[14] Monsieur Fritzgérald est à l'extérieur de la porte qui est entrouverte. Il entend madame Dorval dire aux policiers que son mari rend sa vie difficile, qu'il ne veut pas travailler, qu'il l'a suivi, qu'il est possessif et jaloux et qu'il ne voulait pas la laisser. Les policiers demandent si elle veut porter une plainte formelle et elle dit oui. Il n'a pas entendu parler de la garde des enfants, d'une visite de Maria au poste de police la veille ou si Maria a eu des ennuis avec la justice.

[15] Madame Dorval accompagne les policiers à leur véhicule. Environ 20 à 25 minutes plus tard, elle revient à la maison disant qu'Edens va être arrêté.

[16] Environ deux mois auparavant, monsieur Fritzgérald entend madame Dorval parler à sa famille, en créole, de ses chicanes avec son mari. Madame Dorval parle au groupe; elle ne lui parle pas directement. Selon monsieur Fritzgérald, elle dit qu'Edens la suit partout, qu'il veut la tuer, qu'il ne travaille pas. Il dit qu'il en est certain. Il dit que Maria ne se confiait pas à lui, qu'ils se parlaient quand ils étaient en groupe.

[17] Monsieur Frantz Avignon témoigne que la fin de semaine du 9 au 10 octobre 2010, il visite madame Dorval qu'il connaît depuis environ une semaine. Il se sent mal à l'aise parce qu'elle regarde par la fenêtre et que le téléphone n'arrête pas de sonner. Elle ne répond pas. Après environ 1 à 1,5 heures, il quitte. À l'intérieur de la porte fermée, les deux s'embrassent.

[18] Monsieur Avignon explique comment l'accusé - une personne qu'il connaissait d'un emploi précédent mais qu'il n'a pas vue depuis quelques années - l'approche dans son véhicule à l'extérieur de la résidence de madame Dorval, en lui disant : "tu viens de baiser ma femme." Par la suite, l'accusé le poursuit, les deux hommes conduisant leurs véhicules respectifs.

[19] Monsieur Avignon témoigne que l'accusé l'appelle tout le temps. Le vendredi 15 octobre 2010, l'accusé l'appelle constamment voulant savoir où il est et s'il est avec sa femme.

[20] Le 10 octobre, Evrade Jean voit l'accusé, un voisin à qui il a loué un appartement. L'accusé lui dit que sa femme l'a trompé la veille, que c'est une honte. Il dit qu'il suivait sa femme et qu'il a vu un gars sortir de chez sa femme. Après, il est allé à la porte de sa femme, mais elle ne voulait pas le laisser entrer. Elle l'a bousculé, elle a blasphémé, dit-il. Selon monsieur Evrade, l'accusé est bouleversé et pleure. L'accusé lui dit : "je vais la tuer et après je vais me suicider."

[21] Le 16 octobre 2010, au matin, l'accusé arrive chez Jean-Baptiste Belneau. L'accusé raconte ses problèmes avec sa femme et demande à monsieur Belneau d'intervenir auprès d'elle. Après le départ de l'accusé ce jour-là, monsieur Belneau parle au téléphone avec Maria mais c'est négatif et non productif. Il parle à l'accusé et lui demande un peu de temps afin de convaincre Maria. Vers 18h00, M. Belneau est de retour chez lui. Il a trois appels avec l'accusé. La voix de l'accusé change, son ton monte, surtout entre le 2e et le 3e appel. Entre le 2e et le 3e appel de l'accusé, monsieur Belneau appelle Maria. Monsieur Belneau est un peu paniqué. Il y a de l'agressivité dans la voix de l'accusé, comparativement au comportement de l'accusé chez lui le matin. L'accusé rappelle et monsieur Belneau lui dit : "on joue à la maison moi et mes amis, viens." Mais l'accusé dit non. L'accusé lui dit : "je sais quoi faire". Monsieur Belneau dit qu'il tente de le rappeler par la suite mais ne réussit pas à le rejoindre. Il n'est pas certain si c'est après le 2e ou 3e appel, qu'il (monsieur Belneau) appelle Maria et qu'il lui dit : "prends tes précautions". Après avoir vu le registre des appels, il dit que ce n'est pas après le 2e appel, mais que c'est après le 3e appel.

[22] Le dimanche 17 octobre, Johnny Pierre se réveille à 9h30; il a l'intention de prendre l'autobus de 10h52 pour aller à l'église. Vers 10 heures, il entend la porte d'entrée de la maison. L'accusé est là. Selon le témoignage de monsieur Pierre, l'accusé lui dit qu'il se cache, que: "Maria est morte". L'accusé lui dit qu'il a eu une chicane avec sa femme, qu'il était chez elle vers 3 heures le matin, qu'il l'attendait à sa maison, qu'elle a pris le couteau, qu'il a essayé de se défendre et que le couteau a tranché la gorge de sa femme. Monsieur Pierre ne voit pas de blessures, de sang ou quoi que ce soit sur l'accusé et il ne voit qu'un pansement sur l'annulaire de sa main droite. L'accusé est fatigué; il veut dormir; il veut rester chez monsieur Pierre. L'accusé lui dit de ne pas dire tout ça à ses parents, de le garder secret pour lui (Johnny Pierre). Il dit qu'il va parler à la mère de monsieur Pierre à son retour. Monsieur Pierre en parle à sa mère par la suite et les policiers sont avisés.

[23] En ce qui concerne la journée des événements, l'accusé dit que Maria lui demande de passer. Il voit la lumière allumée, la première porte en bas est ouverte. Il entre. Il cogne à l'autre porte. Elle l'ouvre; elle est au téléphone. Il est là pour parler des enfants et pour remettre les bagues qu'elle veut avoir. Il lui dit : "...comment je vais faire...qu'est-ce que je peux faire pour pour pour avoir les enfants ...je veux voir mes enfants." Il dit que lorsqu'il a parlé des enfants, le ton de Maria a changé.

[24] Dans son témoignage, l'accusé dit :

[...]... moi je veux voir mes enfants, je veux voir mes enfants. Elle dit ah tu as pas d'enfants, tu penses que ah tu as pas d'enfants, arrête là, là c'est là tout a commencé, vraiment là c'est comme peuf, ce moment (inaudible), je vois et elle venait sur moi, j'ai dit mais qu'est-ce que tu qu'est-ce que tu veux faire là, qu'est-ce que tu fais, des

[...]

Oui, elle dit tu as pas d'enfants, tu penses que tu es le père de mes enfants, mais j'ai dit de quoi de quoi tu parles, qu'est-ce que tu me dis là, c'est mes enfants là, c'est là, mais en tout cas, tout a dégénéré, puis euf.

[...]

... vraiment c'est tout ce que je me rappelle, est arrivée vers moi, comme moi j'ai dit aye arrête qu'est-ce que tu veux faire là, qu'est-ce que tu fais, j'ai dit arrête, là j'ai comme... (inaudible) m'a lancé le couteau et puis j'essaie de prendre le couteau avec ma main puis ça a déchiré ma peau et puis euf puis (inaudible) c'est comme tout a tourné à l'envers, puis je me souviens vraiment pas comment que ça a été fait, c'est pas quelque chose que vous j'ai vraiment fait, vraiment faire de ma de mon propre gré, c'était pas mon plan, de le détruire, de la tuer ...

... c'est là tout tout a commencé, puis le black out total, tout ça s'est arrivé, je sais pas comment ça s'est arrivé, je peux pas vous l'expliquer, je peux vraiment pas, je peux vraiment pas, ça s'est arrivé qu'est ce qui est arrivé vraiment, je suis comme peuf elle est morte oui je suis responsable de sa mort vraiment je suis responsable, en tout cas, c'est, je sais pas comment vous l'expliquez, c'est...

[...]

Mais moi aussi, j'ai dit quelques mots puis la fais qu'elle m'a traité, ah toi tu es un homme fou, tu es fou, tu as pas d'enfants, c'est pas toi le père, j'ai dit mais c'est moi le père des enfants, fais qu'elle commence a crier, comme elle vient vers moi, elle vient vers moi, elle vient vers moi, c'est comme d'un coup, elle arrive sur moi avec un couteau, puis moi j'ai dit pourquoi tu fais ça là, qu'est-ce que tu fais, là c'est comme j'essaie d'attraper le couteau, le couteau m'a déchiré la main et puis euf, bien, c'est pas parce que moi je veux pas me rappeler des choses, mais, euf, c'est vraiment ennuyant de ne pas se rappeler, comme, les choses quand c'est vraiment compliqué, fais que, là, je...on s'est battu, nous sommes battus ...

[25] L'accusé avait une blessure avec son sang à l'intérieur de sa paume gauche. Il ne sait pas combien de coups ont été portés. Après l'événement, il se rend chez Johnny Pierre.

[26] Dans la vidéo-testament faite par l'accusé dans les heures après la mort de madame Dorval, il dit :

[...]Puis elle m'a parlé de son ex-ami, qu'elle sortait avant en Haïti, puis elle décide de, elle me menace au téléphone comme quoi elle va reprendre avec. Ca veut dire, elle m'a dit durant la nuit du samedi au dimanche : "Le premier sera le dernier."

[...]

Puis elle m'a joué dans le dos, puis elle m'a trahi. Ca fait que, elle m'a beaucoup ruiné, ruiné matériellement et aussi dans l'autre sens, ca fait que je ne pouvais plus... je ne pouvais plus supporter cette misère.

[...]Je suis vraiment désolé parc que c'était plus fort que moi, c'est pas quelque chose que je voulais faire vraiment. Elle m'a poussé, elle m'a agacé, elle m'a joué dans le dos et puis elle m'a niaisé. Elle a joué avec mes sentiments.

... désolé, je vais le regretter mais j'ai pas le choix. Elle m'a agacé et puis j'ai fait légitime défense.

[27] Dans cette vidéo, l'accusé parle également de la distribution des assurances de madame Dorval et de lui-même. Le Tribunal souligne que dans la vidéo, l'accusé parle de son agent Philippe St-Jean. L'accusé spécifie son numéro de téléphone ([...]). L'accusé parle de monsieur St-Jean dans son témoignage et l'identifie devant le Tribunal. Dans son testament manuscrit du 17 octobre, l'accusé identifie Philippe St-Jean comme agent d'assurance.

[28] Le registre des appels du téléphone cellulaire de l'accusé démontre qu'il a appelé cet agent d'assurance à ce numéro de téléphone ([...]), le 15 octobre entre 18h07 et 18h09 (4 appels) et le 16 octobre à 21h01, avant la mort de madame Dorval le 17 octobre.

[29] L'accusé a écrit le document intitulé "surveillance accrue" qui décrit quelques allées et venues de madame Dorval et de ses enfants durant le mois de septembre 2010.

[30] L'accusé appelle également, à plusieurs reprises, Génald Saintilus le 16 octobre 2010 à 20h09, et par la suite. C'est monsieur Saintilus qui amène madame Dorval à une fête le 16 octobre.

[31] Selon monsieur Saintilus, l'accusé l'appelle vers 22h pendant qu'il attend madame Dorval à l'extérieur de sa résidence pour l'amener à la fête. L'accusé lui dit : "Génald, tu es dans la rue, je pensais que tu serais chez toi à cette heure." Monsieur Saintilus ramène madame Dorval chez elle par la suite le 17 octobre vers 2h20. Il attend au bas des marches que Maria monte les escaliers et entre dans son appartement. Il quitte lorsqu'elle y pénètre, ouvre la lumière et lui dit : "O.K., c'est correct." Alors qu'il redémarre en direction de chez lui, Maria l'appelle et ils se parlent pendant une dizaine de minutes; la communication est soudainement interrompue. Il la rappelle une première fois sans réponse; il réessaie mais il n'y a plus de sonnerie et plus de son. Environ dix à quinze minutes plus tard, il reçoit deux brefs appels de l'accusé qui dit chaque fois : "J'aime Maria, j'aime Maria." Monsieur Saintilus reconnaît le numéro de téléphone de l'accusé sur son afficheur et reconnaît également sa voix. Il tente de rappeler l'accusé mais son téléphone est fermé.

[32] Selon les registres téléphoniques, l'accusé a appelé à plusieurs reprises Génald Saintilus le 16 octobre 2010 vers 20h30 et le 17 octobre après 2h45.

[33] Judith Lazare, la voisine de madame Dorval, appelle le 911 à 2h39 après avoir entendu les bruits.

[34] La police (Constable Éric de Champlain) arrive à 2h47 et trouve madame Dorval morte.

[35] Le pathologiste, le docteur Bourgault, identifie 13 plaies sur le corps de madame Dorval en indiquant que le nombre de coups aurait pu être inférieur; il identifie des plaies de défense sur la main gauche de la victime. Il témoigne qu'une photo d'une blessure de la main de l'accusé peut être compatible avec une plaie de défense.

[36] La biologiste judiciaire, madame Prévost, indique que le sang de madame Dorval a été prélevé sur la lame du couteau trouvé sur le plancher du corridor chez elle; l'ADN de l'accusé (mais pas le sang) a été prélevé sur le manche. Le sang de madame Dorval a été prélevé sur le manche et sur la lame du couteau trouvé dans le véhicule de l'accusé.

III

L'ANALYSE DES MOYENS D'APPEL

[13] Il importe de souligner que l'appelant ne remet aucunement en question les directives du juge, et ne prétend pas non plus que le verdict est déraisonnable à la lumière de la preuve administrée. À cet égard, la preuve de la culpabilité de l'appelant, que ce soit sous l'article 231(2) ou 231(6) C.cr., est accablante.

[14] Cependant, il prétend que le juge s'est trompé en ne permettant pas au jury de prendre en considération la défense de provocation. Ensuite, il affirme que le fait que le jury ait consulté un document portant sur le harcèlement criminel destiné aux policiers et aux procureurs de la Couronne justifie l'annulation du verdict. L'appelant demande l’acquittement ou subsidiairement, la tenue d'un nouveau procès.

[15] Avec égards, ces deux moyens sont mal fondés, et l'appel devrait être rejeté. Voici pourquoi.

(i) La défense de provocation

[16] L'appelant n'a aucun reproche à formuler à l'égard des critères que le juge a énoncés dans sa détermination de l'admissibilité de ses moyens de défense[3]. Ces mêmes critères ont permis au juge de soumettre au jury la défense de légitime défense.

[17] C'est uniquement leur application par le juge dans le cas de la défense de provocation dont l'appelant se plaint. Après avoir mentionné les critères de cette défense reconnus par la jurisprudence, voici comment le juge s'exprime :

[69] Pour que la défense de provocation soit vraisemblable dans la présente affaire, la preuve doit pouvoir soulever un doute raisonnable quant au fait qu'une personne ordinaire, placée dans la même situation que l'accusé Kenol, aurait été privée de son pouvoir de se maîtriser en entendant les insultes à son égard comme quoi il n'était pas le père de ses enfants, ou même, en étant confronté au geste de madame Dorval avec le couteau. (référence omise)

[70] Bien que les défenses de légitime défense et de provocation puissent coexister dans certains cas, nous ne sommes pas en présence d'une preuve qui pourrait appuyer une défense de provocation, que ce soit en raison des paroles de madame Dorval ou en raison du geste de cette dernière avec le couteau.

[71] Le Tribunal n'est pas en présence d'une preuve selon laquelle la provocation a déclenché les actions de l'accusé. Au contraire, selon son témoignage, sa vidéo-testament, et sa conversation avec Johnny Pierre, la légitime défense a déclenché ses actions; selon l'accusé, il a réagi en se protégeant suite au geste de madame Dorval avec le couteau. Il témoigne qu'il a essayé d'attraper le couteau et qu'iI a déchiré la peau dans sa main. C'est le fondement de sa défense de légitime défense. Il n'a pas réagi en raison des remarques imputées à la victime madame Dorval.

[72] En fait, suites aux paroles de madame Dorval, l'accusé témoigne qu'il lui parlait avant de réagir.

[73] Dans sa vidéo-testament, de même que dans sa conversation avec Johnny Pierre, l'accusé n'a pas mentionné qu'il a agi suite à une provocation basée sur les paroles de madame Dorval. Il a parlé plutôt de légitime défense.

[74] Le témoignage de l'accusé selon lequel la situation a dégénéré, qu'il a eu un blackout total, qu'il ne sait pas comment l'événement est arrivé, qu'il ne peut l'expliquer, qu'il ne veut pas se rappeler des choses, et que c'est ennuyant de ne pas se rappeler, démontre une absence de preuve de provocation.

[75] La preuve ne révèle pas que l'accusé a agi dans un accès de colère causé par une provocation soudaine; la preuve ne révèle pas que l'accusé a agi sous l'impulsion du moment et avant d'avoir eu le temps de reprendre son sang froid. Ce serait de la pure spéculation.

[76] De plus, les remarques (ou le geste) de madame Dorval ne sauraient légalement suffire à excuser une perte de maîtrise de soi - au point où l'accusé a poignardé la victime, chez elle, causant 13 plaies - ni constituer une excuse pour une personne ordinaire, quelle que soit sa situation personnelle ou ses antécédents.

[77] La défense plaide que la situation personnelle de l'accusé le rendait plus sensible à ce genre d'insultes reliées à l'infidélité. Bien que pertinent, cet argument ne fait pas de sa conduite un acte qu'une personne ordinaire aurait commis. Cela individualiserait l'élément objectif du test et contrecarrerait son objectif même.

[78] En l'espèce, ni l'élément subjectif ni l'élément objectif de la défense de provocation ne répondent au critère de vraisemblance. Le fondement probant de cette défense est insuffisant à l'égard de chacun des volets; la preuve n'est pas raisonnablement susceptible d'étayer les inférences nécessaires à son application (référence omise).

[18] L'analyse effectuée par le juge des faits du volet subjectif de la provocation l'ayant amené à rejeter le moyen de défense est sans faille.

[19] En effet, l’ensemble du témoignage de l'appelant visant à expliquer son agression envers Mme Dorval était axé sur son affirmation selon laquelle celle-ci a initié l'agression avec un couteau et qu'il s'est défendu en conséquence, avec le résultat qu'on connaît. Il était néanmoins incapable de donner plus amples détails dans son témoignage à cause de ce qu'il a qualifié comme un « blackout ».

[20] En aucun endroit dans son témoignage a-t-il fait un lien entre l'insulte de Mme Dorval qui aurait été de nature, pour reprendre les mots de l'article 232(2) C.cr., « à priver une personne ordinaire du pouvoir de se maîtriser / to deprive an ordinary person of the power of self-control », et une réaction violente de sa part qui s'est soldée par le décès de son épouse.

[21] La preuve ne permet pas non plus l'inférence d'une telle réaction, comme son avocat nous le propose. Au contraire, comme le juge l’a précisé[4], son témoignage était silencieux quant à l'existence potentielle des éléments permettant la soumission d'une défense de provocation. Après tout, dans sa vidéo-testament enregistrée après le meurtre, il parle de ses enfants comme les siens, et leur fait legs d’un montant significatif d’argent. Une telle déclaration est nettement incompatible avec un individu croyant qu’il n’est pas le père de ses enfants.

[22] À vrai dire, il s'agit d'un cas classique où les défenses de légitime défense et de provocation sont carrément incompatibles à la lumière de la trame factuelle mise en preuve. À titre d’exemple, dans l’arrêt R. c. Faid[5], la Cour suprême a décidé que le juge du procès n’avait pas commis d’erreur en refusant de soumettre au jury la défense de provocation comme moyen subsidiaire, en plus de la thèse principale, à savoir la légitime défense. En l’espèce, la défense de provocation ne satisfaisait tout simplement pas au critère de la vraisemblance, puisque la preuve de ses éléments constitutifs n’avait pas été établie. En réalité, dans ce cas précis, une preuve eu égard à la défense de provocation aurait été fatale à la légitime défense. Le juge Dickson s’exprimait ainsi à cet égard :

Il ne fait pas de doute qu’un jury raisonnable agissant judiciairement pouvait conclure qu’un coup à la tête ou une attaque au couteau constitue une action injuste ou une insulte de la nature et du caractère énoncés au par. 215(3). Il y a sans doute eu provocation en l’espèce, mais la réflexion ne s’arrête pas là. La question vitale à trancher ici est de savoir s’il existait une preuve indiquant que Faid a été provoqué. Existait-il des preuves d’un accès de colère ou de ce que Faid « a agi » sous l’impulsion du moment et avant d’avoir eu le temps de reprendre son sang-froid? Sur ce point nous n’avons que son témoignage et rien dans ce témoignage n’indique que les coups ou toute autre conduite de Wilson l’ont mis en rage ou l’ont rendu furieux ni qu’il a tué dans un accès de colère. Rien n’indique qu’il y a eu [TRADUCTION] « une perte temporaire et soudaine de sang-froid de sorte que l’accusé est à ce point dominé par sa colère qu’il n’est pour le moment plus maître de son esprit », ce qui constitue, comme l’a dit le juge Devlin dans l’arrêt R. v. Duffy, [1949] 1 All E.R. 932, l’essence de la provocation. On n’a invoqué dans toutes les cours qu’un seul moyen de défense, savoir la légitime défense. D’après la version de Faid, il a usé d’une force limitée pour résister à celle exercée contre lui.

There can be no doubt that a reasonable jury acting judicially could find a blow to the head or a knife attack to be a wrongful act or insult of the nature and effect set forth in s. 215 (3). Provocation no doubt existed here but that is not the end of the inquiry. The critical question to be answered in this case was whether there was any evidence that Faid was provoked. Was there any evidence of passion or that he “acted upon” the provocation on the sudden and before there was time for his passion to cool? We have only his evidence on the point and nowhere in that evidence does one find any suggestion that as a result of the blows or other conduct of Wilson he was enraged, or that his passions were inflamed, or that he killed in heat of blood. There was no evidence of “a sudden temporary loss of control rendering the accused so subject to passion as to make him or her for the moment not master of his mind” which is, as Devlin J. said in R. v. Duffy, [1949] 1 All E.R. 932, of the essence of provocation. The defence throughout, the only defence, was self-defence. Faid, on his version, was using measured force to resist the force being used against him.

L’absence d’une preuve de colère est probablement compréhensible. Il aurait été fatal pour la légitime défense de dire que, si ce plaidoyer n’était pas retenu, alors, subsidiairement, Faid a poignardé Wilson dans un accès de colère alors qu’il était privé du pouvoir de se maîtriser.[6]

The absence of evidence of passion is probably understandable. It would have been fatal to the defence of self-defence to say that, if the self-defence plea failed, then, in the alternative, Faid stabbed Wilson in the heat of passion while deprived of the power of self-control.

[Soulignage ajouté]
[Emphasis added]

[23] Je suis d’avis que le juge du procès a agi à bon droit en soustrayant à l’appréciation du jury ce moyen de défense dépourvu de vraisemblance, évitant de semer la confusion dans l’esprit des jurés en leur présentant un moyen de défense dénué de fondement probant[7]. À vrai dire, sans qu'il soit nécessaire d'en décider, on peut même se demander si la défense de provocation est potentiellement disponible dans le contexte d'une accusation de meurtre au premier degré sous l'article 231(6) C.cr. où un des éléments essentiels de l'infraction est le harcèlement criminel de la victime par l'accusé. Comment l'appelant aurait pu être provoqué au sens du Code criminel quand la preuve est accablante qu'il poursuivait son harcèlement criminel lorsqu'il a poignardé la victime?

(ii) Le document dans la salle des jurés

[24] Quelques observations préliminaires s'imposent.

[25] D'abord, l'article 647(1) C.cr. prévoit toujours ce qui suit :

647 (1) Le juge peut, à tout moment avant que le jury se retire pour délibérer, autoriser les membres du jury à se séparer.
647 (1) The judge may, at any time before the jury retires to consider its verdict, permit the members of the jury to separate.
En l'absence d'une telle autorisation, les membres d'un jury doivent être séquestrés. Dans le cas présent, comme c'est la coutume au Canada depuis longtemps, surtout dans les causes de longue durée, le juge a autorisé les jurés à retourner chez eux à la fin de chaque journée où leur présence était requise.

[26] Ensuite, le verdict étant prononcé et la peine imposée le 16 mai 2013, le juge était functus officio[8] et ne pouvait rien faire d'utile, sauf recueillir la preuve pertinente et conserver l'original du document retrouvé dans la salle des jurés lorsqu'il a tenu l'audition durant laquelle la constable Beaudet et la sergente Roy ont témoigné 13 jours plus tard, soit le 29 mai 2013. Il appartient donc à la Cour d'appel de trancher la question[9].

[27] Il importe également de souligner qu’à plusieurs reprises durant le procès, le juge a informé les jurés de leurs obligations en tant que telles, y compris celle de décider du sort du procès « […] en se fondant uniquement sur la preuve présentée au procès et sur les directives relatives au droit données par le juge du procès, c'est-à-dire par moi-même. »[10]. Cette directive a été rendue plus explicite plus tard la même journée lorsque le juge dit ceci aux jurés :

Je vous rappelle ce que j'ai dit ce matin concernant les (inaudible) des journaux, etc. Ne pas fouiller, chercher, ne pas jouer le rôle d'un enquêteur privé parce que la seule preuve qui doit être à la base de votre verdict c'est la preuve ici. Si vous lisez quelque chose, vous cherchez quelque chose, les avocats ne le savent pas, ils ne peuvent pas contre-interroger puis contester ce qu'ils ne savent pas, ce qui n'a pas été présenté devant la Cour. Alors, s'il-vous-plaît, ne faites pas ça. Je vous en ai fait part ce matin, Facebook, MySpace, Twitter, des blogs, etc., ou des journaux, cherchez pas ça. Et je vais vous demander de ne pas discuter de cette cause avec qui que ce soit. Vous avez déjà prêté serment.[11]

[28] Lors des directives préliminaires avant le début du procès, alors que les jurés avaient été choisis, les mêmes consignes ont été répétées :

Je vais répéter ce que je vous ai dit la semaine dernière, quand vous étiez tous ensemble dans la grande salle.

Il vous est interdit d'utiliser Internet ou tout autre dispositif électronique, dans le cadre de cette affaire, de quelque façon que ce soit, ce qui inclut les sites de clavardage, Facebook, MySpace, Twitter, (inaudible) les applications ou tout autre réseau social électronique, la radio et la télévision, évidemment en relation avec cette affaire.

Ne lisez rien, ni n'affichez rien au sujet de procès, n'utilisez pas Twitter et n'envoyez pas de messages textes au sujet de procès. Ne discutez pas du procès sur un blogue et ne lisez rien à ce sujet.

Ne discutez pas de cette affaire, par courriel, vous devez arriver à une décision dans cette affaire en vous fondant, comme j'ai dit, uniquement sur la preuve que vous entendez dans la salle d'audience.

[29] Et finalement, lors du début des directives finales en date du vendredi 10 mai 2013, le juge disait ceci :

Je vais répéter quelque chose que j'ai dit au début, c'est-à-dire la preuve que vous avez…qui vous a été présentée dans la salle d'audience est la seule information que vous pouvez examiner. Vous devez faire abstraction de toutes informations portant sur la présente affaire ou sur les personnes ou les endroits visés par celles-ci que vous avez entendues, vues ou lues à la radio, à la télévision, dans les journaux ou qui provenaient de sources d'Internet, de Twitter, de Facebook ou d'autres médias sociaux. L'information ne provenant pas de la salle d'audience ne fait pas partie de la preuve.

[30] À cette même date, le juge a avisé les jurés qu'il compléterait ses directives le lundi 13 mai, et qu'ils seraient séquestrés à ce moment, et ce, jusqu'à la fin de leurs délibérations.

[31] Malgré ces directives on ne peut plus limpides, plusieurs fois répétées, au moins un membre du jury n'a pas respecté les obligations qui lui incombaient. Il appert que le document qui est l'objet de ce moyen a été imprimé du web le samedi 11 mai, soit le lendemain de l'ajournement. Manifestement, le juré en question a apporté le document avec lui à la salle de délibération le lundi 13 mai.

[32] Il est intéressant de noter que, après que le juge eut terminé ses directives le 13 mai et juste avant le début des délibérations, le jury lui a posé la question suivante :

Dans le cadre d'une preuve prenant en compte le harcèlement criminel, pourriez-vous s'il vous plait nous préciser :

1- La victime doit-elle obligatoirement avoir le sentiment d'être harcelée?

2- L'accusé doit-il avoir obligatoirement le sentiment de harceler?

3- La victime doit-elle avoir signifié à l'accusé qu'elle se sent menacée et que l'accusé doit cesser son comportement?

[33] Voici la réponse du juge :

Alors, membres du jury, je pense que j'avais dit d'attendre jusqu'à ce qu'on revienne avant de commencer, mais c'est évident que vous voulez vraiment commencer à travailler tout de suite parce que j'ai eu votre question, alors qui est cotée J-13. Alors, je vais lire la question. J'en ai discuté avec les avocats et on va vous répondre tout de suite.

Dans le cas d'une preuve, prenant en compte le harcèlement criminel, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous préciser : 1- la victime doit-elle obligatoirement avoir le sentiment d'être harcelée? 2- l'accusé doit-il avoir obligatoirement le sentiment de harceler? 3- la victime doit-elle avoir signifié à l'accusé qu'elle se sent menacée et que l'accusé doit cesser son comportement?

Alors, pour la question numéro 1, la victime doit-elle obligatoirement avoir le sentiment d'être harcelée? Je vais répondre à cette question. Premièrement, dans le meurtre au premier degré, dans l'article 231(6), vous avez une copie. L'article réfère à 264, la définition de harcèlement criminel. Si vous lisez harcèlement criminel, et puis je l'ai fait avec vous, et puis j'ai indiqué tous les éléments de cette infraction. 264(1), il est interdit sauf autorisation légitime d'agir à l'égard d'une personne sachant qu'elle se sent harcelée ou sans se soucier de ce qu'elle se sent harcelée. Alors, le sentiment est là.

Alors, question numéro 1, la victime doit-elle obligatoirement avoir le sentiment d'être harcelée? La réponse est oui. Et de plus, j'avais indiqué avec des éléments, ce matin, il fallait que la couronne prouve que l'acte interdit, harceler madame Dorval. Alors, voilà pour la question numéro 1.

Question numéro 2, l'accusé doit-il avoir obligatoirement le sentiment de harceler? Le mot sentiment n'est pas dans notre loi. Par contre, harcèlement criminel, on parle d'une connaissance. Ce n'est pas le sentiment, mais une connaissance. N'oubliez pas que dans l'article 231(6) réfère à l'harcèlement criminel dans 264. Alors, il est interdit, sauf autorisation légitime d'agir à l'égard d'une personne sachant qu'elle se sente harcelée ou sans se soucier de ce qu'elle se sente harcelée. Alors, il faut que sachant que ou sans se soucier de ce quelle se sente. Il faut que l'accusé…il faut que ça soit prouvé qu'il a cette connaissance, pas sentiment, mais connaissance.

De plus, pour répondre à la question numéro 2, il y a intention additionnelle parce que 231(6) parle d'une intention, alors que l'accusé a eu l'intention de faire craindre à la personne assassinée pour sa sécurité ou celle d'une de ses connaissances. Alors, il faut commencer par l'infraction de harcèlement criminel et la connaissance de l'accusé de façon que je viens de vous le décrire, dans l'article 264 et, par la suite, pour que ça devient meurtre au premier degré, en plus des autres choses que j'a dites ce matin, ça prend une intention. La couronne doit prouver, hors de tout doute raisonnable, une intention de la part de l'accusé qu'il avait l'intention de faire craindre à la personne assassinée, madame Dorval, pour sa sécurité ou celle d'une de ses connaissances.

Alors, la réponse à numéro 2, la réponse est oui, mais ce n'est pas le sentiment, c'est la connaissance et c'est l'intention de la façon dont je viens de vous expliquer et de la façon que je vous ai expliqué ce matin. Et si vous décidez que vous aimeriez écouter, encore une fois, les directives sur le harcèlement criminel et le 231(6), meurtre au premier degré, dans le cas d'un harcèlement criminel, vous m'envoyez une note et je vais refaire ce que j'ai fait ce matin.

Question numéro 3, la victime doit-elle avoir signifié à l'accusé qu'elle se sent menacée et que l'accusé doit cesser son comportement? Cette obligation n'existe pas dans notre loi. La réponse est non. Est-ce que ça va? Ok. Alors, si vous décidez que ça soit cet après-midi ou demain, ou par la suite que vous voulez que je refasse les directives sur n'importe quelle question, harcèlement criminel, meurtre au premier degré, dans le cas d'un harcèlement criminel, vous me le dites et je vais refaire ces directives pour que ça soit plus clair.

Alors, les avocats me disent qu'il n'y a rien qu'il faut que je vous dise de plus. Ils sont satisfaits. Alors, vous allez commencer à délibérer maintenant.

[34] Plus tard, le juge précise sa réponse à cette question du jury :

Ça ne serait pas long. Mme la greffière, puis-je avoir la pièce J-13 s.v.p. Je voulais juste préciser concernant la 2e question, l’accusé doit-il avoir…l’obligation…doit-il avoir obligatoirement le sentiment de harceler. Il dit que c’est la connaissance ou l’intention, mais il faut que je précise un peu plus parce que dans la définition de harcèlement criminel, article 264, vous savez, on a expliqué ce matin, et c’est dans l’article que je vous ai donné au début, il est internet, sauf autorisation légitime d’agir à l’égard d’une personne sachant qu’elle se sent harcelée.

Alors, voilà la connaissance, mais ça va plus loin. Ou sans se soucier de ce qu’elle se sente harcelée. Alors, c’est un peu différent de la connaissance. En anglais, c’est marqué reckless et ça veut dire c’est comme si c’est exactement ce qui est indiqué en français, sans se soucier. Alors, sachant qu’elle se sente harcelée ou sans se soucier de ce qu’elle de sente harcelée. O.K.? Alors, ce n’est pas juste la connaissance. Il y a ou sans se soucier qu’elle se sente harcelée. Et il y a aussi ce que j’ai dit tout à l’heure, il y a l’intention, dans 231 (6).

Ce n’est pas un sentiment, mais c’est une intention additionnelle quand il y a meurtre au premier degré avec le harcèlement criminel. Il y a aussi l’intention que la couronne doit prouver de la part de l’accusé de faire craindre de la personne assassinée, ici, madame Dorval, pour sa sécurité ou celle d’une de ses connaissances. Alors, pour la question numéro 2, puis je voulais juste faire cette précision, voilà.

[35] En principe, la nature et l'étendue de l'utilisation du document par les jurés sont inconnues et n'étaient pas connaissables, sauf par une ingérence inadmissible dans le secret du délibéré. Cependant, il est évident que la séquence des événements démontre clairement que la véritable source de ces questions est le résultat d'une lecture du document.

[36] Voyons ce qu’il en est pour chacune d'elles en examinant le document retrouvé dans la salle de délibération du jury.

Question 1 : « La victime doit-elle obligatoirement avoir le sentiment d’être harcelée? »

[37] Tel que mentionné précédemment, le document retrouvé dans la salle de délibération des jurés fait état des principaux éléments constituant l’infraction de harcèlement criminel. Sous une section concernant le fait de déterminer si un accusé savait que la victime se sentait harcelée ou ne se souciait pas de ce qu’elle se sente harcelée, il est écrit que « […] le harcèlement suppose le fait d’être tourmenté, d’être troublé, d’être continuellement ou sans cesse inquiet, d’être tracassé, confus et importuné. ». Ces mots semblent avoir été surlignés sur le document, ce qui est de nature à laisser croire que cette question a particulièrement interpelé le ou les membres du jury en possession du document. Un passage quasiment identique (« [ê]tre harcelé suppose “le fait d’être tourmenté, d’être troublé, d’être continuellement ou sans cesse inquiet, d’être tracassé, confus et importuné” ») a également été surligné plus loin dans le document.

[38] Le document mentionne également que « [p]our qu’un acte constitue du “harcèlement”, il ne suffit pas que le plaignant ait été “contrarié, inquiété ou agacé” ». Il ajoute que « [l]e fait que le plaignant s’est senti harcelé est établi par l’effet de l’acte sur lui ».

[39] Tous ces éléments s’apparentent à la première question posée par le jury en ce qui a trait au harcèlement criminel.

Question 2 : « L’accusé doit-il avoir obligatoirement le sentiment de harceler? »

[40] Toujours à une section du document concernant le fait de déterminer si un accusé savait que la victime se sentait harcelée ou ne se souciait pas de ce qu’elle se sente harcelée, il est écrit que « [l]a Couronne doit prouver qu’en posant les actes interdits, l’accusé avait l’intention de harceler la victime ou qu’il ne se souciait pas de ce que ses actes harcelaient la victime. ». Ces mots sont surlignés dans le document consulté à l'encontre des directives du juge.

[41] Par la suite, on peut lire qu’« [i]l n’est pas nécessaire que la Couronne fasse la preuve que l’accusé savait que la victime craignait pour sa sécurité. ». Plus loin : « Il s’agit de déterminer s’il serait insouciant de la part d’une personne raisonnable, ou si cette personne raisonnable s’aveuglerait volontairement, en ne croyant pas que sa conduite harcèle la victime. ». Le document aborde également la question de la signification de l’insouciance et de l’ignorance volontaire.

[42] Ces éléments s’apparentent fortement à la deuxième question posée par le jury.

Question 3 : « La victime doit-elle avoir signifié à l’accusé qu’elle se sent menacée et que l’accusé doit cesser son comportement? »

[43] Enfin, on peut lire au document qu’« [i]l n’est pas nécessaire que la victime soit ferme en repoussant les attentions du défendeur ». Il fait également état d’une décision[12] où a été examinée la question de savoir si un accusé s’aveuglait volontairement eu égard au fait qu’il posait des actes interdits, et mentionne « qu’il n’est pas nécessaire de mettre en garde une personne contre le fait que ses actes sont de nature criminelle avant que ceux-ci ne deviennent des actes de nature criminelle. ».

[44] Plus loin, il est écrit que « [l]a preuve que l’accusé a été prié de mettre fin aux communications ou à la conduite démontre la connaissance [que le plaignant se sentait harcelé]. ». Il est également mentionné que « [s]i la conduite de l’accusé persiste après un avertissement de la police, on ne peut pas dire que l’accusé ne savait pas que la plaignante se sentait harcelée. ». Enfin, il est écrit que « [l]a façon dont le plaignant montre qu’il se sent harcelé peut varier selon ses caractéristiques personnelles ».

[45] Ces éléments s’apparentent fortement à la troisième question posée par le jury.

[46] Notons que des phrases ont également été surlignées au document dans la section portant sur le meurtre commis en cours de harcèlement.

[47] Bref, si l’étendue de la consultation du document par un ou plusieurs membres du jury est indéterminée, celui-ci semble à tout le moins avoir été à la source d’une question posée au juge du procès.

[48] Certes, il s'agit d'une situation malheureuse qui était totalement hors du contrôle du juge. En réalité, il est difficile de croire que celui-ci aurait pu faire davantage pour éviter un tel accroc.

[49] Cela dit, l'avocat de l'appelant plaide que l'introduction du document dans les délibérations du jury constitue l'usurpation de la fonction du juge de dire le droit. S'inspirant de l'arrêt Guimond c. R[13], affaire dans laquelle la Cour mentionne que le juge du procès « …a pratiquement imposé au jury un verdict de culpabilité en exprimant sa conclusion sur la culpabilité de l'appelant (l'accusé devant lui) »[14], l'appelant nous invite à conclure que la Cour devrait accueillir son pourvoi et ordonner un nouveau procès sur la base que, en l'espèce, le jury a plutôt envahi le domaine souverain du juge en s'instruisant lui-même sur le droit au lieu de s'en remettre aux directives du juge.

[50] Il prétend aussi, en reprenant les paroles du juge Cromwell, alors à la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse dans R. c. Wolkins, que le cas présent « … is concerned with the integrity of the administration of justice, (and that there is) the appearance of unfairness, which is so serious that it shakes public confidence in the adminstration of justice. »[15].

[51] Il importe ici de trancher si cette irrégularité était grave au point de rendre le procès inéquitable ou de créer une apparence d’iniquité et constituerait donc une erreur judiciaire au sens de l’article 686(1) a)(iii) C.cr. La situation justifie-t-elle l’annulation du verdict et la tenue d'un nouveau procès?

[52] La réponse à cette question est négative.

[53] Examinons d’abord le préjudice réel subi par l’appelant. Celui-ci a-t-il été privé de son droit à un procès équitable? En l’espèce, la gravité relative de l’irrégularité apparaît assez faible et n’est pas de nature à avoir causé un préjudice à l’appelant.

[54] En effet, il importe d’abord de souligner qu’aucun élément contenu au document retrouvé dans la salle de délibération du jury ne contredit les directives données par le juge au jury. Les directives du juge eu égard au harcèlement criminel sont par ailleurs impeccables. Il est vrai, comme l'avocat de l'appelant le souligne, que le document énonçait cinq critères de harcèlement, tandis que le juge en mentionne six. Le critère que le document a omis, que l'acte interdit de l'accusé harcelait madame Dorval, ne pouvait pas avoir un impact sur le verdict, à supposer que le jury ait fait une comparaison des critères expliqués par le juge et ceux contenus au document.

[55] Il convient également de préciser que l’interférence extérieure ici survenue est liée uniquement aux principes de droit applicables au dossier, et non aux faits de la cause. De fait, il n’y eût nullement d’influence externe en ce qui concerne la preuve ou le verdict à rendre, ce qui est de nature à mitiger le préjudice subi par l’appelant – si préjudice il y eût.

[56] Les allégations de l’appelant selon lesquelles ces documents lui furent préjudiciables, car présentant des exemples pour la plupart défavorables à la défense, ne sauraient pas convaincre. En effet, l’appelant échoue à démontrer explicitement les raisons pour lesquelles ces documents seraient préjudiciables pour la défense, en ce qu’ils seraient erronés, ne représenteraient pas l’état actuel du droit au Canada ou constitueraient une opinion sur les circonstances de la présente affaire, par exemple. Bref, rien n’indique ici que lesdits documents ont réellement nuit à la cause de l’appelant.

[57] L’incident concernait d’ailleurs une question qui posait peu de difficulté dans la présente affaire : la preuve concernant le harcèlement criminel était très accablante.

[58] Il va sans dire, même si ces documents étaient considérés comme étant pour une raison quelconque préjudiciables à l’appelant, ce dernier n’est pas en mesure de démontrer comment ceux-ci ont pu influencer le verdict rendu. La possibilité que l’effet préjudiciable redouté de l’irrégularité se soit effectivement produit est pour le moins hypothétique.

[59] Bref, la présence d’une telle irrégularité isolée, qui n’était pas susceptible d’entraîner des effets préjudiciables pour l’appelant, laisse croire que le procès était équitable. Une saine administration de la justice ne commande pas qu’un nouveau procès soit ordonné en raison d'une interférence extérieure qui ne serait qu’anodine.

[60] Une situation similaire s’est produite dans un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, dans lequel le jury avait également été exposé à des informations extrinsèques. En effet, dans ce cas[16], certains jurés avaient potentiellement été exposés à des informations concernant le procès, émanant d’individus ne faisant pas partie du jury (ami, policier à la retraite). Plusieurs des jurés avaient également admis avoir effectué diverses recherches sur Internet eu égard aux faits du procès. Malgré cela, la juge Pardu, au nom de la Cour, a conclu que les informations auxquelles certains membres du jury avaient été exposés n’avaient pas eu de conséquences sur le verdict rendu. Elle a également conclu qu’il n’y avait pas d’apparence d’iniquité, et l’appel fut rejeté. Si cette situation plus préoccupante que celle de l’espèce ne constitue pas une erreur judiciaire, il serait difficile de prétendre que l’annulation du verdict et la tenue d’un nouveau procès sont ici nécessaires.

[61] En ce qui concerne l’apparence d’iniquité, manifestement, le cas à l’étude ne s’apparente pas à l’un de ceux où l’intégrité même du système judiciaire est remise en question et où, inexorablement, le verdict doit être annulé ou un nouveau procès ordonné. Certes, le comportement du jury consiste ici en un accroc fort regrettable à la procédure, mais il ne correspond pas à une atteinte irrémédiable à la confiance du public dans le système de justice[17].

[62] À cet égard, je souscris à l'avis du juge Watt au nom de la Cour d'appel de l'Ontario dans R. c. Pannu[18], un cas où après le prononcé du verdict un document dactylographié a été retrouvé dans la salle des jurés faisant état aux États-Unis de l'acquittement d'une mère du meurtre de son jeune enfant en disant que la décision « … has shocked and baffled many people, but some experts say it's just the latest sign of juries' ignorance, failure to use common sense and inability – or disinclination – to properly weigh evidence », et incitant des jurés à se souvenir que la poursuite n'était pas obligée de prouver sa cause avec une certitude absolue. Voici ce que le juge Watt a écrit, après avoir mentionné que le juge d'instance « gave unimpeachable instructions », ce qui à mon avis s'applique intégralement aux circonstances de l'espèce :

[107] What occurred here falls short of establishing a miscarriage of justice through an appearance of unfairness. To decide otherwise would be tantamount to creating a per se rule that any extraneous information that enters the jury room impairs the apparent fairness of the trial and constitutes a miscarriage of justice that requires a new trial.

[63] Pour ces raisons, je suis d’avis que l’appelant n’a pas subi un préjudice qui serait de nature à entacher l’équité du procès ou à créer une apparence d’iniquité et qui constituerait une erreur judiciaire au sens de l’article 686(1)a)(iii) C.cr.




IV

LA CONCLUSION

[64] La preuve de la culpabilité de l’appelant est accablante et malgré la compétence de ses avocats, le jury n’était pas convaincu que les défenses légalement disponibles étaient applicables, comme le juge l’a souligné lors de l’imposition de la peine. Par conséquent, je propose le rejet du pourvoi.






ALLAN R. HILTON, J.C.A.


[1] Le jugement a été transcrit et signé le 25 juillet 2013. Voir 2013 QCCS 4600 (CanLII), [2013] J.Q. no 12495.
[2] Article 235(1) C.cr.
[3] Voir le jugement, supra, note 1, aux paragr. [42] à [48].
[4] Supra, note 1, aux paragr. [74] et [75].
[5] R. c. Faid, 1983 CanLII 136 (CSC), [1983] 1 R.C.S. 265.
[6] R. c. Faid, supra, note 5, aux pp. 278-279.
[7] R. c. Gauthier, [2013] 2 RCS 403, 2013 CSC 32 (CanLII), au paragr. 24. Voir aussi Tremblay c. R., 2007 QCCA 696 (CanLII), un dossier de meurtre au deuxième degré d'une conjointe dans le contexte d'une bousculade qui a mal tourné. La Cour a rejeté l'appel d'un verdict de culpabilité et a confirmé la décision du juge de soustraire la défense de provocation.
[8] Voir R. c. Murphy, 2009 NSSC 167 (CanLII), [2009] N.S.J. No 228, au paragr. 2.
[9] Voir, à titre d'illustration, R. c. Budai, 2001 BCCA 349 (CanLII), 154 C.C.C. (3d) 289, un cas dans lequel la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a cassé un verdict d’acquittement et a ordonné la tenue d’un nouveau procès sur la base d’une crainte raisonnable de partialité d’une jurée qui, durant le procès, a entretenu une relation intime avec un des accusés. En l’espèce, lors du procès, le juge avait été informé d’un comportement inapproprié entre un accusé et une jurée, mais cette dernière n’avait alors pas été libérée. Néanmoins, en appel, une nouvelle preuve fut introduite par le ministère public à l’effet que l’accusé et la jurée avait bel et bien entretenu une relation intime pendant le procès.
[10] Voir les directives préliminaires aux candidats jurés. Voir aussi l’extrait des directives dans lequel le juge informe les jurés qu’ils ne peuvent utiliser Internet ou tout autre dispositif électronique dans le cadre de cette affaire.
[11] Voir les discussions suivant la sélection du jury.
[12] R. v. Rehak, (1998) 125 Man R. (2d) 181 (Man. Q.B.).
[13] Guimond c. R., 2005 QCCA 790 (CanLII).
[14] Ibid., paragr. [27].
[15] R. c. Wolkins, 2005 NSCA 2 (CanLII), paragr. [89].
[16] R. v. Farinacci, 2015 ONCA 392 (CanLII), [2015] O.J. No. 2835.
[17] L’affaire R. c. Mercier et al., (1973), 12 C.C.C. (2d) 377 (C.A. Qué.), en est un exemple. Un substitut du procureur général s’était rendu dans la salle de délibération des jurés et avait effacé, en leur absence, des mots écrits sur un tableau. Cet incident fut considéré comme constituant une grave violation du système de jury et un nouveau procès fut ordonné.
[18] R. c. Pannu, 2015 ONCA 677 (CanLII).