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Lahaie c. Laperrière

no. de référence : 500-09-017518-077

ALAIN LAHAIE

et

LYNN LANTHIER

APPELANTS – défendeurs

c.



ALAIN LAPERRIÈRE

et

MARIE-CLAUDE LANGLOIS

INTIMÉS – demandeurs

et



LES EXPERTS EN BÂTIMENTS DU QUÉBEC INC.

et

HUGUES NÉRON

MIS EN CAUSE – défendeurs

et



OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE LA

CIRCONSCRIPTION FONCIÈRE DE VERCHÈRES

MIS EN CAUSE – mis en cause





ARRÊT





[1] LA COUR; -Statuant sur l'appel d'un jugement rendu le 5 février 2007 par la Cour supérieure, district de Longueuil (l'honorable Marie-France Courville), qui a condamné les appelants à payer aux intimés 81 480,82 $ en raison de vices cachés affectant l'immeuble;

[2] Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré;

[3] Pour les motifs de la juge Côté, auxquels souscrivent les juges Chamberland et Dutil :

[4] ACCUEILLE en partie l'appel avec dépens, sauf pour les cahiers de sources, lesquels ont été déposés hors délai;

[5] INFIRME le jugement de première instance;

[6] CONDAMNE les appelants Lahaie et Lanthier à payer aux intimés Laperrière et Langlois la somme de 44 955 $ avec l'intérêt légal et l'indemnité additionnelle à compter du 1er janvier 2008, avec dépens, incluant les frais d'expertise et de présence au tribunal des experts Varin et Gauvin.







JACQUES CHAMBERLAND, J.C.A.








JULIE DUTIL, J.C.A.








LISE CÔTÉ, J.C.A.



Me Bernard Giroux

LEGAULT, GIROUX

Pour les appelants



Me Catia Larose

BÉLANGER SAUVÉ

Pour les intimés



Me Bruno Marcoux

JOLI-CŒUR, LACASSE, GEOFFRION

JETTÉ, ST-PIERRE

Pour les mis en cause Les Experts en bâtiments

du Québec inc. et Hugues Néron



Date d’audience :
Le 7 octobre 2008









MOTIFS DE LA JUGE CÔTÉ






[7] Les appelants se pourvoient contre un jugement rendu le 5 février 2007 par l'honorable Marie-France Courville de la Cour supérieure, district de Longueuil, qui a accueilli l'action des intimés en réduction du prix de vente pour vices cachés et condamné les appelants Lahaie et Lanthier de même que les Experts en bâtiments du Québec inc. et Hugues Néron à payer aux intimés la somme de 162 961,64 $ avec l'indemnité additionnelle, leur part respective étant de 81 480,82 $.

[8] Les appelants, les Experts en bâtiments du Québec inc. et Hugues Néron, se pourvoient contre leur condamnation dans un dossier distinct (500-09-017526-070). Comme les faits et l'argumentation juridique proposée par les appelants sont à peu près identiques, la Cour a procédé à l'audition commune des pourvois. Les motifs vaudront pour les deux pourvois.

Le contexte

[9] L'appelant, M. Lahaie, a acquis un terrain dans la municipalité de Saint-Amable en 1998. Il y a construit une maison la même année. Il n'est pas un entrepreneur spécialisé, mais a construit en donnant certains travaux à des sous-traitants. Il a été aidé par son frère qui travaille dans le domaine de la construction domiciliaire depuis plusieurs années (29 ans). Ce dernier a érigé plusieurs maisons pour des amis et des gens de la famille. Il a d'ailleurs suivi un cours en technologie d'architecture en plus de posséder une formation en menuiserie.

[10] Lors de la construction, M. Lahaie a obtenu son permis de la municipalité et dans la semaine précédant le coulage de la fondation, il a reçu par la poste l'avis suivant :

RECOMMANDATION

La Municipalité de Saint-Amable recommande à chaque propriétaire, contracteur, constructeur de nouvelles constructions (résidence, commerce, industrie et institution) de s'assurer de la capacité portante du sol, en rapport au type de construction qu'ils se proposent d'y ériger, avant de débuter les travaux.

Service d'Urbanisme et Permis.

[11] À la suite de la réception de cet avis, M. Lahaie parle avec le promoteur-constructeur de qui il avait acheté le terrain et va rencontrer un voisin. Ces derniers l'ont informé que cette lettre était envoyée à tout le monde qui construisait une maison à Saint-Amable et que les sols nécessitaient d'installer une semelle de fondation plus large que celle réglementaire. Il a donc convenu avec son frère d'exiger du sous-traitant une semelle de 36 pouces au lieu de 30 pouces. La construction de la maison a commencé en septembre 1998 pour se terminer en décembre 1998 où il a emménagé avec sa femme et ses enfants.

[12] M. Lahaie met sa maison en vente en juillet 2001.

[13] À l'été 2002, des fissures apparaissent à la fondation, dont deux qui se trouvent au coin de deux fenêtres du sous-sol. Il en discute avec son frère qui le rassure en lui disant que le séchage du béton cause souvent des fissures. Selon M. Lahaie, les trois fissures constatées par l'intimé Laperrière au moment de sa visite en février 2003 sont dans l'état où elles étaient lorsque lui-même les a remarquées en 2002.

[14] En février 2003, les intimés visitent la maison dans la perspective de l'acheter. Lors de leur première visite, le 25 février 2003, ils déposent une offre d'achat dans laquelle ils inscrivent l'obligation du vendeur de réparer les fissures apparentes à la fondation de la maison, ce à quoi M. Lahaie s'engage. L'offre est également conditionnelle à une inspection professionnelle. Dès après, M. Lahaie communique avec l'entreprise Monsieur Fissure qui lui prépare une soumission décrivant les travaux à faire, soit l'injection sous pression d'époxy dans le béton et la fixation de plaques de métal sur une des fissures. M. Lahaie relate que, lors de cette visite, il a constaté la présence d'une quatrième fissure. La soumission établit le coût de ces réparations à 1 219,26 $.

[15] Le 1er mars 2003, après différentes négociations et contre-propositions, le prix de vente est établi à 191 000 $. M. Lahaie consent à remettre aux intimés la somme de 1 200 $ pour qu'ils procèdent à la réparation des fissures au bâtiment selon l'estimé produit par l'entreprise Monsieur Fissure et s'engage « Si à l'inspection en bâtiment d'autres fissures sont décelées et nécessitent une réparation, le vendeur devra assumé (sic) les coûts supplémentaires ».

[16] Le 7 mars 2003, l'inspection préachat est réalisée par l'intimé Hugues Néron, ingénieur de formation. Ce dernier procède à l'inspection de la maison en présence de l'intimé Laperrière et de l'appelant Lahaie.

[17] L'inspecteur note dans son rapport les fissures à la fondation et indique qu'elles doivent être réparées. La conclusion du rapport est toutefois favorable et précise qu'il s'agit d'une maison en bonne condition et bien entretenue.

[18] Le 8 mars 2003, les intimés se déclarent satisfaits de l'inspection. Ils passent l'acte de vente le 16 juin 2003 et la prise de possession a lieu à la date convenue, soit le 22 juin 2003.

[19] L'été passe sans que M. Laperrière s'occupe de faire effectuer les réparations des fissures. En septembre 2003, des employés d'Hydro-Québec lui demandent la permission de passer avec un engin motorisé sur son terrain pour creuser le sol en vue de remplacer des poteaux. C'est en discutant avec un des employés que M. Laperrière apprend que la nappe phréatique n'est pas profonde, ce qui, selon cet employé, peut causer des fissures à la fondation. C'est à ce moment qu'il va vérifier au sous-sol de sa maison et constate qu'une autre fissure est apparue sous la poutre principale.

[20] Alerté, il appelle M. Lepage qui a préparé la soumission pour Monsieur Fissure pour lui faire part de cette constatation pour ensuite communiquer avec l'ingénieur Néron.

[21] Insatisfait de leur réponse, il vérifie auprès d'autres experts spécialisés en matière de fondation. Finalement, le 21 octobre 2003, la société P.F. St-Laurent évalue ces dommages à la fondation et recommande le « pieutage » de la maison au motif que les sols sont argileux. L'ingénieur Bossus conclut dans son rapport du 10 décembre 2003 que l'immeuble a subi un affaissement qui en affecte la structure. Il évalue alors le coût des travaux de réparation à 79 885,87 $.

[22] M. Laperrière dénonce la situation à l'appelant et, le 12 février 2004, lui signifie une mise en demeure. Le 6 avril 2004, une demande en annulation de la vente de la maison est intentée contre les vendeurs et des dommages sont réclamés à l'entreprise ayant effectué l'inspection et à Néron.

[23] Par la suite, en juillet 2004, les intimés obtiennent une analyse des sols et font calculer la capacité portante admissible de ceux-ci. Selon l'expert Varin, le poids supporté par la fondation s'évalue de 3075 à 3220 livres par pied linéaire sur la façade avant de la maison qui a un parement en brique alors que la charge linéaire est de 2065 livres par pied pour le mur arrière dont le revêtement est en vinyle. Selon l'expert Gauvin de Technisol, la charge est trop lourde pour la capacité portante des sols qui sont argileux dans cette région. Cela provoque des contraintes et des tassements du sol qui, à long terme, provoqueront l'affaissement de la maison. Il faut donc installer des pieux sous la fondation pour la stabiliser.

[24] Pour l'ingénieur Bossus, soit celui qui a conseillé aux intimés d'obtenir une analyse géotechnique des sols, le processus d'affaissement est déjà amorcé. Il a effectué deux visites de la maison, la première en novembre 2003 et la deuxième en novembre 2006. Il a constaté l'élargissement des fissures à la fondation entre ces deux visites. Il connaît bien cette région du Québec où il a lui-même vendu par le biais de sa société « pour au-dessus de cinq, six cent mille dollars (600 000 $) de pieux ». Selon lui, les fissures constatées à la fondation en 2003 étaient des fissures structurales qui ont été causées par l'affaissement. Ces fissures sont généralement de deux à trois millimètres de largeur et présentent un décrochement latéral montrant un plan de fracturation.

[25] Finalement, le représentant de P.F St-Laurent, M. Desrosiers, évalue au procès le coût des réparations en fonction du nombre de pieux proposés par l'expert Gauvin, leur installation, l'imperméabilisation complète de la fondation, et la réparation de l'aménagement extérieur (pelouse et plantations) de même que le projet clé en main pour la réparation aux murs intérieurs et la peinture, à 127 688,88 $, plus les taxes avec une majoration de douze pour cent si les travaux sont exécutés en 2007.

[26] Dans leur requête introductive d'instance amendée en date du 27 novembre 2006, les intimés demandent une réduction du prix de vente de 162 961,65 $ représentant le coût des travaux à effectuer et 25 000 $ à titre de dommages-intérêts.

[27] La juge du procès conclut à la responsabilité du vendeur et de l'ingénieur ayant procédé à l'inspection de la maison de même qu'à celle de l'entreprise l'employant. Elle partage entre eux les coûts de travaux de « pieutage » à raison de 81 480,82 $ pour chacun. Elle rejette toutefois la demande en dommages-intérêts des intimés.

[28] Elle conclut que les appelants Lahaie et Lanthier ont manqué à leur obligation de divulguer que l'immeuble était affecté d'un vice. Elle écrit :

[83] Ayant lui-même construit le bâtiment, le défendeur Lahaie était au courant de certains éléments. Ainsi, dans son interrogatoire avant défense, il reconnaît avoir été avisé par la Ville d'effectuer un test de sol en raison du caractère argileux.

[84] Au lieu de se prêter à cette démarche, il effectue plutôt des vérifications auprès d'un voisin et du contracteur qui lui a vendu le terrain et décide alors de construire une semelle de 36 pouces de largeur avec armature sur tout le périmètre du bâtiment plutôt que 30 pouces en façade et 24 pouces sous les autres murs tel que prévu au plan déposé à la Ville.

[85] Trois ans après la construction, une dénivellation dans le plancher amène Lahaie à découvrir que la poutre centrale s'est ouverte. En même temps qu'il la replace, il solidifie un mur entre deux poutrelles parce que le mur de la salle de bain, situé juste au-dessus, ne repose pas sur l'une d'elles.

[86] Lahaie s'inquiète suffisamment lorsque les quatre fissures du sous-sol apparaissent, à la fin de l'année 2002, pour appeler son frère ainsi que l'entreprise qui a coulé les fondations. À cause de ces indices, Lahaie ne pouvait faire autrement que soupçonner la faible capacité portante du sol.

[87] Dans les circonstances, il avait l'obligation de divulguer les faits suivants aux demandeurs :

· Il a passé outre à la recommandation de la Ville d'effectuer un test de sol;

· Il a modifié les plans et construit une semelle de 36 pouces sur tout le périmètre à cause du sol argileux;

· Il y a du sable sous la fondation;

· La nappe phréatique est peu profonde;

· La poutre centrale s'est ouverte peu de temps après la construction.

[88] En retenant ces informations importantes de façon délibérée dans le but de vendre leur maison, les défendeurs ont manqué à leur obligation d'honnêteté envers les demandeurs. Ayant agi en toute connaissance de cause, ils engagent leur responsabilité.

[29] À l'égard de l'ingénieur Néron, elle conclut :

[76] Néron a tout simplement fait preuve de négligence et d'incompétence en s'abstenant d'effectuer les vérifications qu'il avait pour mission d'accomplir et en ne cherchant pas à connaître les causes réelles des fissures.

[77] Constatant ces défauts, Néron aurait dû informer les demandeurs que cette situation requérait un examen plus détaillé ou, à tout le moins, les aviser de la possibilité de se retrouver avec un problème majeur.

[…]

[79] Dans la présente affaire, l'inspection est déficiente et non conforme aux normes imposées par les règles de l'art parce que Néron n'a pas poussé ses recherches plus loin même s'il était en présence d'indices sérieux. Une étude appropriée lui aurait appris la faible capacité portante du sol.

[80] En se satisfaisant de l'estimation de colmatage de M. Fissure, Néron a induit les demandeurs en erreur sur les conditions de l'immeuble. Sa responsabilité et celle de son employeur, Les Experts en bâtiments du Québec, sont donc engagées.

Les moyens d'appel

[30] Au soutien de leur appel, les appelants font valoir que la juge de première instance a commis des erreurs manifestes et dominantes dans son appréciation de la preuve.

[31] Leurs moyens se résument essentiellement ainsi :

· La juge de première instance a erré en concluant à l'existence d'un vice caché;

· La juge de première instance a erré en imposant aux appelants Lahaie et Lanthier un fardeau plus lourd que la loi ne le prévoit;

· La juge de première instance a erré en octroyant des dommages à titre de réduction du prix qui s'apparente à la valeur de la maison;

· La juge de première instance a erré en concluant que la présence de fissures à la fondation constituait un signe apparent de la faible capacité des sols nécessitant une expertise plus approfondie de l'ingénieur Néron.

ANALYSE

Le vice caché
[32] Avant de procéder à l'analyse des moyens d'appel, il convient de rappeler les principes applicables en matière de garantie du vendeur et de bien distinguer le recours contre le vendeur et l'ingénieur ayant effectué l'inspection préachat. C'est l'article 1726 C.c.Q. qui prévoit l'obligation de garantie de qualité du vendeur en regard du bien vendu :

Art. 1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

[33] Dans l'arrêt ABB Inc. c. Domtar Inc., [2007] 3 R.C.S. 461 , la Cour suprême énumère les conditions essentielles de la mise en œuvre de cette garantie au paragraphe 50 :

Cependant, quelle que soit la qualification du vice, il doit présenter quatre caractères, tous essentiels à la garantie : il doit être caché, suffisamment grave, existant au moment de la vente et inconnu de l'acheteur.

[34] Ces conditions d'exercice du recours quant à l'existence d'un vice caché s'apprécient selon une norme objective en évaluant la conduite de l'acheteur en fonction de celle qu'aurait eue un acheteur prudent et diligent tout en tenant compte des circonstances de l'espèce.

[35] L'acheteur dispose du choix du recours; il peut demander l'annulation de la vente ou la réduction du prix de vente. Ce droit est prévu à l'article 1604 C.c.Q. :

Art. 1604. Le créancier, s'il ne se prévaut pas du droit de forcer, dans les cas qui le permettent, l'exécution en nature de l'obligation contractuelle de son débiteur, a droit à la résolution du contrat, ou à sa résiliation s'il s'agit d'un contrat à exécution successive.

Cependant, il n'y a pas droit, malgré toute stipulation contraire, lorsque le défaut du débiteur est de peu d'importance, à moins que, s'agissant d'une obligation à exécution successive, ce défaut n'ait un caractère répétitif; mais il a droit, alors, à la réduction proportionnelle de son obligation corrélative.

La réduction proportionnelle de l'obligation corrélative s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances appropriées; si elle ne peut avoir lieu, le créancier n'a droit qu'à des dommages-intérêts.

[36] L'acheteur peut demander l'annulation et modifier son choix par la suite pour opter pour la diminution de prix : Caisse Populaire Desjardins de Saint-Nicolas c. Rouette, [1988] R.J.Q. 2667 (C.A.). En l'espèce, les intimés demandaient l'annulation de la vente. Dans leur recours initial, ils allèguent au paragraphe 26 :

Les demandeurs ne se seraient jamais portés acquéreurs de l'immeuble s'ils avaient connu l'état réel de celui-ci et si les dénonciations et mises en garde adéquates leur avaient été faites par les défendeurs préalablement à l'achat.

[37] Dans leur action amendée, ils demandent :

[32] Vu la gravité des vices, les demandeurs sont bien fondés de demander à la Cour une réduction du prix de vente équivalant au coût des travaux.

[38] Dans leur ouvrage La vente, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 24, les auteurs Jobin et Cumyn distinguent les recours possibles de l'acheteur et les conditions d'exercice de ceux-ci :

Une même situation factuelle peut parfois donner ouverture soit à l'action en annulation ou en diminution de prix sur le fondement du dol, soit à l'action résolutoire ou en diminution de prix en raison d'un vice caché, ce qui n'est pas sans avoir causé une certaine confusion dans la jurisprudence (infra no 173). Il importe pourtant de bien distinguer ces deux recours, afin de déterminer si les conditions d'exercice de l'un ou de l'autre sont réunies. La violation, par le vendeur, de la garantie de qualité constitue une inexécution du contrat qui donne lieu à un recours de l'acheteur en résolution ou en diminution de prix, même si le vendeur ignorait l'existence du vice affectant la chose vendue; s'il connaissait le vice, le vendeur est de plus tenu au versement de dommages-intérêts (article 1728, infra no 164). C'est là une première différence très importante entre ce recours et le recours pour dol, puisque, dans ce dernier cas, il faut aussi démontrer que le vendeur avait l'intention de tromper l'acheteur. Une deuxième différence concerne le domaine du dol, qui est beaucoup plus étendu que celui des vices cachés : le dol peut porter sur autre chose que la qualité du bien vendu, comme on vient de le voir.

[39] Quant au recours contre l'ingénieur qui procède à une inspection préachat, ce dernier a un contrat avec l'acheteur et aucun lien de droit avec le vendeur. Il s'agit d'un contrat de service régi par l'article 2100 C.c.Q. :

Art. 2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

[40] Il faut également se référer au contrat, lequel reprend la norme de pratique de l'Association des inspecteurs en bâtiments du Québec que « les inspections effectuées conformément à la présente norme sont des inspections visuelles et ne sont pas techniquement exhaustives » (soulignement au texte original). Concernant les fissures, la mise en garde suivante est énoncée au rapport :

L'inspecteur ne peut prédire le comportement des fissures observées lors de l'inspection; si ces fissures sont de type progressives, elles pourront s'aggraver dans le temps auquel cas des travaux spécifiques de consolidation ou autres seront requis. L'inspecteur ne peut conclure en une seule visite de la gravité des fissures et de leur évolution à court ou long terme.

[41] Il est par ailleurs utile de rappeler la norme d'intervention des tribunaux d'appel en matière de vices cachés où le principe de retenue judiciaire s'applique à l'égard des déterminations de fait du juge de première instance : ABB Inc. c. Domtar Inc., précité, paragraphe 34. Toutefois, la distinction juridique entre un vice caché et un vice apparent est une question de droit : Placement Jacpar Inc. c. Benzakour, [1989] R.J.Q. 2309 , p. 2318 (C.A.).

[42] En l'espèce, il est clair que la maison vendue était affectée d'un vice caché. La preuve appuie largement cette conclusion.

[43] Le rapport des experts Varin et Gauvin établit clairement que les charges du bâtiment sur la fondation sont en deçà de la charge admissible en fonction de la capacité portante des sols. L'analyse géotechnique démontre que la capacité portante des sols s'évalue à 40 kPa (kilopascals) alors que le bâtiment en place exige une capacité de 73 kPa. Cette contrainte engendrera des tassements à la fondation et l'affaissement de la maison à long terme (25-30 ans, voire jusqu'à 50 ans). Selon l'expert, il ne s'agit pas d'un excédent banal, d'où sa recommandation de procéder à l'installation de pieux forés sous la fondation de façon à transmettre la charge du bâtiment à un socle rocheux sous-jacent.

[44] Il importe de préciser que les appelants n'ont pas fait entendre d'experts pour contredire l'existence d'une surcharge de la capacité du sol pas plus que sur le remède approprié ou l'existence d'autres correctifs existants.

[45] Il s'agit d'un vice dont le vendeur est responsable même s'il en ignorait l'existence. Les tribunaux ont eu à analyser des cas de vices reliés à la capacité portante des sols et ont conclu qu'il s'agissait d'un vice caché : Perreault c. Dion, [1998] R.D.I. 369 (C.A.). Dans l'arrêt Ruel c. Lavoie, [1993] R.L. 268 , à la page 269, notre Cour écrit à cet égard :

Le sol est ce qu'il est, c'est exact. Mais la bâtisse qu'on y place doit tenir compte de cette composition. Si le sol est argileux, comme c'est ici le cas, les fondations doivent être construites en conséquence, de manière en particulier, à empêcher que l'assèchement de l'argile et son tassement n'entraînent des fissures, des mouvements des murs et plafonds, et la ruine éventuelle du bâtiment. Si on ne l'a pas construit en tenant compte de l'état du sol, l'immeuble est affecté d'un vice.

[46] Ces propos sont transposables à l'espèce.

[47] Il s'agit d'un vice important qui, indépendamment de sa connaissance par M. Lahaie, engage sa responsabilité au titre de la garantie de qualité du vendeur en application de l'article 1726 C.c.Q. Il s'agit également d'un vice caché qui existait au moment de la vente.

[48] Selon les appelants, le vice était apparent et, partant, le vendeur n'était pas tenu de le garantir selon l'article 1726 C.c.Q.

[49] La norme édictée au Code civil est celle d'un acheteur prudent et diligent « sans avoir besoin de recourir à un expert » suivant l'article 1726 in fine C.c.Q. Comme le rappelle notre Cour dans St-Louis c. Morin, 2006 QCCA 1643 :

[28] […] il existe une seule norme applicable, celle qui examine la conduite de l'acheteur prudent et diligent. Le juge de première instance a écarté cette règle en appréciant la conduite de l'inspecteur et en imputant aux appelants les conséquences de ce qu'il a considéré être un manque de prudence et un manquement aux règles de l'art de la part de l'inspecteur;

[29] En ce qui concerne les appelants, l'appréciation de leur comportement à partir de leurs caractéristiques personnelles démontre qu'ils ont eu une conduite prudente et diligente en recourant aux services d'un expert. Ils n'avaient aucune connaissance particulière dans le domaine et donc, ils ne pouvaient pas savoir que ce genre de toiture comporte des risques d'infiltration d'eau.[1]

[50] Il est vrai que les intimés ont ici constaté la présence des fissures à la fondation lors de leur première visite de la maison. Ils ont par ailleurs requis les services d'un ingénieur pour effectuer une inspection préachat. Ce dernier n'a pas constaté de phénomène d'affaissement ni manifesté d'inquiétudes à l'égard de ces fissures. Comme il l'indique dans son témoignage, des fissures aux fondations sont constatées fréquemment. Celles-ci sont dues au phénomène du séchage du béton et peuvent également être causées par une poussée de gel suivie du dégel. Il n'était donc pas nécessaire à son avis de procéder à des analyses géotechniques coûteuses. De plus, la description des réparations à faire par l'entreprise Monsieur Fissure le confortait dans son opinion.

[51] La prudence et la diligence requises des acheteurs sont établies par leur conduite en exigeant la réparation par le vendeur des fissures apparentes et en requérant une inspection avant l'achat par un professionnel de la construction. Cette inspection a d'ailleurs révélé que la maison était en bon état et bien entretenue.

[52] En utilisant les services d'un inspecteur en bâtiment qui lui-même n'a pas décelé de problèmes reliés à la capacité portante des sols ni d'indices d'affaissement, l'on ne saurait conclure que les acheteurs n'ont pas agi prudemment ou de façon diligente et que le vice affectant la bâtisse était apparent.

Le fardeau imposé à l'appelant Lahaie
[53] Selon l'appelant Lahaie, la juge de première instance lui a imposé un fardeau de preuve supplémentaire à celui imposé par la loi. Il renvoie la Cour à la conclusion de la juge selon laquelle il devait fournir des informations additionnelles aux acheteurs qu'il a omis de divulguer, notamment le décollement de la poutre centrale peu de temps après la construction.

[54] Également, comme ce dernier connaissait la recommandation de la municipalité de s'assurer de la capacité portante des sols, la juge du procès retient qu'il avait l'obligation de divulguer ces faits. Il y a lieu de reprendre cette recommandation faite aux constructeurs :

RECOMMANDATION

La Municipalité de Saint-Amable recommande à chaque propriétaire, contracteur, constructeur de nouvelles constructions (résidence, commerce, industrie et institution) de s'assurer de la capacité portante du sol, en rapport au type de construction qu'ils se proposent d'y ériger, avant de débuter les travaux.

Service d'Urbanisme et Permis.

[55] M. Lahaie a effectivement reçu cette note par la poste. Il a obtenu le permis de construire et les travaux d'excavation ont été surveillés par un inspecteur de la municipalité. Il n'a pas effectué de test concernant la capacité portante du sol, mais il a choisi de faire une semelle de fondation plus large pensant ainsi ajouter à la solidité du bâtiment.

[56] En matière de vices cachés, la connaissance ou l'obligation de renseignement est pertinente dans la détermination des dommages-intérêts qui peuvent être accordés en outre de la restitution ou de la diminution du prix. L'article 1728 C.c.Q. prévoit spécifiquement ces dommages :

Art. 1728. Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l'ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts soufferts par l'acheteur.

[57] Il ne faut toutefois pas confondre la garantie contre les vices cachés et l'obligation de renseignement. Comme le mentionne la Cour suprême dans l'arrêt Domtar, précité, au paragraphe 108 :

Alors que la garantie contre les vices cachés est expressément prévue au C.c.B.C. et au C.c.Q., l’obligation de renseignement découle plutôt du principe général de bonne foi (Banque de Montréal c. Bail Ltée, [1992] 2 R.C.S. 554 , p. 586; art. 6, 7 et 1375 C.c.Q.) et du principe du consentement libre et éclairé. De plus, l’obligation générale de renseignement a un champ d’application beaucoup plus vaste que la simple dénonciation d’un vice caché. Elle englobe toute information déterminante pour une partie à un contrat, comme l’a souligné le juge Gonthier dans l’arrêt Bail (voir p. 586-587). Ainsi, l’on peut aisément concevoir une situation où le vendeur manquerait à son obligation de renseignement sans qu’il soit question de vice caché.

[…]

Dans la mesure où une partie invoque la garantie du vendeur contre les vices cachés, l’obligation de renseignement se trouve en quelque sorte subsumée dans la grille d’analyse de la responsabilité du vendeur pour vices cachés et le tribunal n’a pas à procéder à une analyse distincte de l’obligation de renseignement du vendeur. C’est pourquoi notre analyse et notre conclusion quant à la responsabilité de C.E. fondée sur la garantie contre les vices cachés suffisent pour statuer sur le présent dossier.

[58] Dans cet arrêt, la Cour suprême analyse le régime juridique de garantie relatif aux vices cachés en regard du régime en vigueur sous le Code civil du Bas-Canada, mais les critères relatifs à la garantie contre les vices cachés s'appliquent également en vertu du Code civil du Québec. On y rappelle que les quatre critères de la garantie contre les vices cachés demeurent : « il [le vice] doit être caché, suffisamment grave, existant au moment de la vente et inconnu de l'acheteur. » C'est donc dire que la connaissance effective du vice n'est pas un critère essentiel à l'existence de la garantie pour vices cachés.

[59] Ici, la juge du procès n'a pas accordé les dommages-intérêts de 25 000 $ réclamés par les intimés, on peut donc en déduire qu'elle n'a pas considéré que le vendeur était de mauvaise foi. Toutefois, elle reproche à l'appelant Lahaie de ne pas avoir divulgué aux intimés la recommandation reçue de la municipalité au moment de la construction, d'avoir omis de mentionner qu'il y avait du sable sous la fondation et que la nappe phréatique était peu profonde. Elle retient que le vendeur a omis de divulguer ces informations de façon délibérée, ce qui laisse croire qu'elle conclut à une responsabilité par omission dans l'intention de tromper les acheteurs.

[60] À mon avis, avec égards, il s'agit d'une détermination factuelle non fondée sur la preuve et d'une inférence non supportée par l'ensemble de cette preuve.

[61] Il est vrai que la municipalité recommandait de vérifier la capacité portante des sols, sans toutefois mentionner que le sol était argileux. Par ailleurs, il ne s'agissait pas d'une obligation.

[62] M. McDuff, celui qui a fait l'excavation du terrain avant le coulage du béton, relate qu'il doit recevoir l'autorisation de l'inspecteur de la municipalité avant de commencer l'excavation. C'est l'inspecteur qui se rend sur les lieux et lui donne la profondeur de l'excavation, car la nappe phréatique est peu profonde dans ce secteur. Elle se situe à environ trois pieds. Il faut donc ajouter de la pierre pour rehausser le terrain. Ce dernier qui a fait plus de 100 excavations dans le secteur de Saint-Amable précise la façon de faire :

R. On enlève juste le végétal, la terre végétale, les terrains boisés, on enlève les souches puis on enlève la couche de terre arable sur le dessus puis on amène ça juste sur le beau sable.

[…]

Q. Puis c'est comme ça dans la région?

R. Oui. À cette heure, il y a des nouvelles normes là, qui ont sorti, la ville puis on a un maximum de quarante-deux pouces en bas de la rue, où la profondeur du fossé. C'est un ou l'autre, c'est pas plus que quarante-deux pouces, on n'a pas le droit plus creux que le fossé.

[63] M. Poirier, qui érige des fondations depuis 34 ans dans la région de la Rive-Sud et à Saint-Amable, a coulé la fondation de la maison qui dépassait les normes requises par la municipalité. Il a coulé une semelle de fondation de 36 pouces au lieu du 30 pouces requis habituellement. Il a suivi les plans qui avaient été acceptés par la municipalité. Il connaît bien les sols mous de la région de Saint-Amable et affirme que la fondation repose sur le sable. Il y coule environ 50 fondations par année. Il confirme qu'en 1998 il n'y avait pas d'installation de pieux sous les fondations. Toutefois depuis deux ans, il y a eu l'installation de pieux sous quatre à cinq fondations.

[64] Ces témoignages ne font l'objet d'aucun commentaire par la juge du procès. Pourtant, si on les conjugue au témoignage des experts Gauvin et Bossus, la présence d'argile est normale dans ce secteur. M. Gauvin précise « Nous ne sommes pas en ce qui concerne l'argile en question, sur la propriété de monsieur Laperrière dans un cas où on retrouve une argile qui est… extraordinaire par rapport au contexte de St-Amable. On est tout à fait selon ce qu'on retrouve de façon normale dans le secteur de St-Amable ». De plus, selon l'expert Bossus, la présence de sols argileux est un phénomène sectoriel de la municipalité. Ce n'est pas tout le territoire de la municipalité de Saint-Amable qui comporte des sols argileux :

Or, effectivement c'est un problème sectoriel au même titre que le Plateau Mont-Royal, qu'un secteur de Montréal-Nord, qu'un petit secteur de Duverney, de Brossard dans les S puis les P. Il y a des secteurs qui sont malheureusement affectés par ce genre de problème-là comme celui de Saint-Amable. Ça suit pas les courbes de la ville. C'est des secteurs dans Saint-Amable.

[65] Il ressort de la preuve que la présence des sols argileux est mieux connue au moment où le procès se tient en novembre 2006. Toutefois, ce phénomène l'était moins au moment de la construction de la maison par les appelants. Lorsque M. Lahaie est allé voir son voisin M. Charbonneau, à la suite de la réception par la poste de la feuille de recommandation de la municipalité, ce dernier n'avait pas une maison installée sur des pieux. Selon M. Lahaie, sur sa rue, un seul voisin de biais à sa résidence, à une distance de trois ou quatre maisons, mais à un niveau plus bas, a effectué des réparations et l'installation de pieux en 2002 ou 2003, car il avait des problèmes d'infiltration d'eau, ce qui n'était pas son cas.

[66] Cet aspect du témoignage de M. Lahaie est confirmé par M. Desrosiers qui a préparé le devis concernant les travaux de réparation et le coût de ceux-ci. Il mentionne qu'en 2006 il a eu quatre autres demandes sur la même rue. C'est donc dire que plusieurs propriétaires de maisons sur cette rue viennent de découvrir le problème ou encore tentent de le prévenir. À ceci s'ajoute le fait que la municipalité a mis sur pied un programme de subvention pour la réparation des maisons lézardées en 2004.

[67] L'ensemble de cette preuve ne permet pas de conclure que M. Lahaie a commis une faute comme le retient la juge du procès. Il n'y a pas de preuve que M. Lahaie connaissait le vice caché ou encore qu'il ne pouvait l'ignorer. Même si la Cour suprême a réitéré à plusieurs reprises les limites d'intervention d'un tribunal d'appel à l'égard des déterminations factuelles, notamment dans l'arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235 , cela n'interdit pas « de relever les erreurs relatives à la détermination des faits qui, en raison de leur évidence, de leur importance et de leur caractère décisif, justifieraient une intervention et une réformation en appel » : Prud'homme c. Prud'homme, [2002] 4 R.C.S. 663 , paragraphe 65.

[68] Comme le rappelle l'auteur Jobin, précité, à la page 208, quant au devoir de divulgation du vendeur profane, il n'y a pas d'obligation de divulguer toute possibilité d'existence d'un vice :

La véritable difficulté, à notre avis, réside dans le silence pur et simple du vendeur: la question s'est posée de savoir si, en l'absence de tout mensonge, manœuvres ou réticence, le vendeur qui connaît effectivement (ou même est présumé connaître) un vice devrait le déclarer à l'acheteur lors de la vente, faute de quoi il serait tenu à la garantie peu importe que le vice soit caché ou apparent. On le voit, il s'agit de l'obligation de divulgation, fondée en droit commun sur le principe de la bonne foi et définie dans l'arrêt Bail. Selon les conditions de cette obligation posées par la Cour suprême dans cet arrêt, peut-on dire que le vendeur profane a un devoir de divulgation, au motif que lui seul possède la connaissance du vice, qu'il s'agit d'un élément très important pour l'acheteur, et que celui-ci, en raison du fait que le vendeur a une bonne connaissance de son bien (par exemple pour avoir habité sa maison pendant plusieurs années), peut légitimement avoir confiance que le vendeur lui révélera tout vice qu'il connaît?

Nous ne le pensons pas. D'abord, comme on l'a vu, le devoir de divulgation de l'article 1733 ne concerne que la clause exonératoire; il n'existe pas d'autre disposition du Code sur la garantie de qualité à laquelle on pourrait rattacher une telle obligation de divulgation. Au contraire, il est remarquable que le législateur ait prévu une telle obligation en matière de garantie du droit de propriété (articles 1723, 1724 et 1725) : s'il avait eu l'intention de l'imposer également en matière de garantie de qualité, ne l'aurait-il pas prévue expressément ailleurs qu'à l'article 1733? Par ailleurs, l'hypothèse que l'acheteur puisse légitimement s'attendre à ce que le vendeur profane lui décrive spontanément tous les vices qui dévaluent sa propriété est discutable, dans un contexte où deux parties ont des intérêts clairement opposés, le vendeur cherchant à obtenir un prix élevé et l'acheteur voulant payer le moins cher possible. Enfin, et surtout, tel que l'a énoncé expressément la Cour suprême dans Bail, l'obligation de divulgation s'arrête là où commence le devoir de toute personne de veiller à ses propres intérêts et de chercher à se renseigner elle-même; or, en matière de garantie de qualité, le Code définit spécifiquement le devoir de l'acheteur d'agir en personne prudente et diligente pour se renseigner sur les vices du bien, faute de quoi ces vices seront apparents et il n'y aura pas de garantie. Le devoir d'information du vendeur s'arrête donc à celui, prévu par le Code, de l'acheteur de se renseigner.

D'après nous, il est par conséquent contraire à la lettre et à l'esprit du Code d'imposer au vendeur profane un tel devoir de divulgation. La conséquence n'est pas négligeable, car, si un tel devoir existait, sa violation conduirait notamment à rendre caché un vice qui serait autrement apparent, ouvrant la porte à tous les recours. Logiquement, selon nous, le vendeur ne doit pas avoir une telle obligation et l'acheteur ne doit pas disposer de recours en se plaçant sur le terrain des vices de consentement, en particulier le dol; en effet, l'arrêt Bail établit des paramètres généraux pour l'obligation de divulgation, applicables aussi bien dans le domaine extracontractuel que dans le domaine contractuel.

[Références omises.]

[69] Cette conclusion du juge de première instance quant à la faute de M. Lahaie peut sembler sans importance vu que la juge ne l'a pas condamné à payer des dommages-intérêts en application de l'article 1728 C.c.Q. Toutefois, elle a sûrement eu une incidence sur l'évaluation de la réduction du prix qui correspond à une somme se rapprochant du prix d'achat total de la maison, aspect dont je traiterai plus loin en analysant la question des dommages.

La responsabilité de l'ingénieur Néron
[70] La juge du procès a retenu la responsabilité de l'ingénieur Néron au motif qu'il avait fait preuve de négligence et d'incompétence dans le cadre de son inspection.

[71] Selon M. Néron, il y avait bien quatre fissures dans la fondation, mais il n'y avait pas de signes apparents d'affaissement de la maison.

[72] Pour réussir dans son recours contre l'inspecteur, les intimés devaient établir par prépondérance de preuve la responsabilité professionnelle de l'ingénieur. De fait, la responsabilité de l'inspecteur Néron ne peut être retenue qu'en présence d'indices visibles qui permettaient de conclure à un vice de sol, pour établir une faute dans l'accomplissement de son contrat.

[73] Il importe tout d'abord de souligner que l'inspection faite au coût de 339,32 $ se veut une inspection visuelle sommaire tout comme le précise le contrat. L'inspecteur s'engage à vérifier les composantes structurales telles que la fondation, le plancher, les murs et le toit.

[74] Selon M. Néron, pour découvrir les indices d'affaissement visibles, sans effectuer une analyse ou un forage géotechnique du sol, il faut s'assurer que les joints du parement de brique ne sont pas fissurés puisque les murs reposent sur la fondation. Aussi, il faut porter une attention particulière aux fenêtres et voir s'il y a une distorsion. Comme il l'affirme :

Pour voir si les cadres, s'il y a affaissement le long d'un mur extérieur. Un des premiers symptômes qu'on voit c'est des cadres de fenêtres croches. On peut le voir par l'intérieur et on peut le voir par l'extérieur.

[75] M. Néron a fait ces vérifications et n'a rien constaté d'anormal. Il a également vérifié si les planchers étaient à niveau. Quant aux fissures, il les a constatées lors de l'examen de la fondation au sous-sol et les a notées au rapport. Il a indiqué au résumé de l'inspection que les quatre fissures devaient être réparées sous peu. À cet égard, il a pris connaissance de la soumission de M. Lepage et cela le confortait dans son idée qu'il s'agissait de fissures dont une était un peu plus ouverte, ce qui n'est pas inhabituel pour une fondation assez récente. Pour ce dernier, les fissures ne laissaient présager aucune défectuosité importante et n'étaient pas alarmantes.

[76] Peu avant le procès, le 24 novembre 2006, il est retourné faire une vérification des lieux pour voir si des signes d'affaissement s'étaient manifestés depuis sa visite en 2003. Il affirme que la façade de brique n'est pas lézardée, il n'y a pas de joints disloqués au parement extérieur et le cadre des fenêtres n'est pas croche, ce qui pourrait révéler un indice de mouvement. Il produit des photographies prises ce jour-là (D-14).

[77] La seule preuve relative aux indices d'affaissement visibles permettant de soupçonner un vice de sol présentée par les intimés est celle de l'expert Bossus. Ce dernier est ingénieur géologue et il est propriétaire d'une entreprise qui fait la réparation des fondations. Il affirme qu'il s'est rendu chez M. Laperrière en novembre 2003 et il a produit un rapport en décembre 2003. C'est lui qui a recommandé à M. Laperrière de faire effectuer une analyse géotechnique des sols. C'est au cours de son contre-interrogatoire qu'il précise la procédure à suivre lors d'une inspection avant l'achat. Il dira que l'inspecteur doit :

· Effectuer une visite extérieure complète;

· Procéder à une visite intérieure à chacun des étages;

· Vérifier le mur intérieur de la fondation et effectuer un recensement complet des fissures;

· Vérifier l'état des fenêtres et l'encadrement de celles-ci;

· Vérifier le revêtement extérieur pour détecter si des joints sont lézardés.

[78] M. Bossus reconnaît que les joints de la brique ne sont pas lézardés et que la brique n'est pas fissurée. Il dira cependant que la forme des fissures à la fondation et le relief de la cassure de ces fissures perceptible au toucher sont un indice de mouvement. Il ajoute que la cassure de mouvement de l'escalier extérieur de la maison qui était en béton est également un indice de vice des sols. Alors que M. Néron attribue cette cassure du joint de l'escalier au phénomène du gel et dégel du sol, M. Bossus y voit un indice d'affaissement.

[79] La preuve était donc contradictoire quant à l'interprétation des manifestations ou réactions de la maison. Étonnamment, la juge de première instance retient la faute de l'inspecteur alors qu'elle ne réfère aucunement à l'expertise de Bossus pour conclure que l'inspection était déficiente et non conforme aux règles de l'art. Elle écrit toutefois en terminant ses motifs :

[103] Bossus a fait preuve de subjectivité. Autant son rapport que son témoignage ne sont pas empreints du détachement nécessaire à la cause de ses clients.

[104] Dans les circonstances, les demandeurs n'ont pas droit au remboursement de ses frais.

[80] Lorsque confronté à une preuve contradictoire sur la faute, l'appréciation de cette preuve relève du domaine souverain du juge du procès. Ici, la juge a nié toute crédibilité au témoin Bossus qui, tout en effectuant des expertises, gère son entreprise de vente et d'installation de pieux laquelle a vendu de 1 à 3 millions de dollars de pieux depuis sa formation. Cela peut susciter un doute concernant la fiabilité de son expertise ou à tout le moins un certain intérêt. Les experts Varin et Gauvin ont témoigné des formules mathématiques applicables pour calculer la charge du bâtiment au pied linéaire et la capacité portante du sol dans cette partie de la municipalité. Leur témoignage ne réfère aucunement au contexte et à l'obligation de l'ingénieur lors de l'inspection avant l'achat, non plus qu'au contrat de service existant.

[81] Dans ces circonstances, la qualification du comportement de l'appelant Néron repose sur la seule appréciation subjective du juge du procès sans égard au contexte légal ou à ses obligations en vertu du contrat. En niant toute crédibilité à l'expert Bossus, il n'existe pas de preuve prépondérante d'éléments de la conduite qu'aurait eue un inspecteur agissant avec prudence et conformément aux règles de l'art. Il faut garder à l'esprit qu'un forage géotechnique a dû être effectué pour connaître la capacité ultime et portante admissible du sol pour établir que les fondations de la maison étaient insuffisantes.

[82] Or, M. Néron qui a une formation d'ingénieur n'est pas un expert en géotechnique. Comme le mentionnait le juge LeBel, alors de cette Cour, dans le cadre de l'obligation d'obtenir une expertise pour un acheteur, dans l'arrêt Placement Jacpar Inc. c. Benzakour, [1989] R.J.Q. 2309 , à la page 2316 :

Dans le cas d'un édifice comme celui de l'appelante, l'acheteur prudent ou son expert, s'il en engageait un, satisferait à l'obligation d'inspection en procédant à un examen visuel des principaux éléments constitutifs de l'extérieur et de l'intérieur, des principaux systèmes mécaniques accessibles de la toiture et en vérifiant l'état de quelques-uns des appartements. Il ne serait pas obligé de tout vérifier dans le détail et, encore moins, de commencer à ouvrir ou à souder [sic] les planchers, les murs, les plafonds ou les fondations. Même en appliquant la jurisprudence qui semblait exiger la présence de l'expert, il faut comprendre les limites du rôle de celui-ci avant l'achat, ainsi que celles des exigences de l'article 1522 C.C., pour que joue la garantie contre les vices cachés. Cet examen n'est pas un examen approfondi. S'il doit être attentif, il peut demeurer sommaire.

[Je souligne.]

[83] Dans cette affaire, les vendeurs reprochaient aux acheteurs de ne pas avoir fait effectuer de visite de l'immeuble par un expert, et qu'ainsi, ils n'avaient pas respecté leur obligation de prudence et de diligence. La Cour a conclu qu'il n'y avait pas d'obligation d'obtenir une expertise préalable à l'achat.

[84] Par ailleurs, la prétention des intimés que tant le vendeur que l'inspecteur qui n'ont pas décelé le vice caché sont responsables des dommages est quelque peu irréconciliable. Dans l'arrêt Préseault c. Inspec-Tech inc., B.E. 2004-442, où la juge de première instance avait retenu la responsabilité de l'inspecteur et rejeté l'action contre le vendeur, les appelants (acheteurs) contestaient en appel le rejet de l'action contre le vendeur. La Cour écrit ceci :

[7] L'intimé M. Gilbert Pépin n'a fait aucune fausse représentation aux acheteurs ni caché quelque information pertinente. Par ailleurs, les vices de construction de cette résidence étaient dévoilés par des manifestations extérieures apparentes que l'inspecteur retenu par les appelants a vu ou aurait dû voir et interpréter, ce qu'il n'a pas fait. Dans ces circonstances, les appelants ne pouvaient rechercher l'intimé M. Gilbert Pépin en réduction de prix pour vices cachés. Il y a donc lieu de rejeter le pourvoi contre l'intimé M. Gilbert Pépin.

[85] Si l'on retient la proposition que le problème aurait dû être décelé par l'inspecteur puisque les signes d'affaissement étaient évidents et apparents, le vice devient apparent pour les intimés qui, à tout le moins, ont l'obligation de procéder à un examen raisonnable du bien acheté.

[86] C'est à tort que la juge a conclu à la faute de l'inspecteur Néron. C'est pourquoi je propose que seul l'appelant Lahaie soit tenu au remboursement des dommages.

Les dommages accordés à titre de réduction du prix
[87] La juge du procès a conclu à l'existence d'un vice caché. Partant, la garantie de qualité du vendeur est applicable. Elle a toutefois partagé la valeur des coûts estimés pour effectuer le montage sur pieux des fondations entre les vendeurs et l'inspecteur qui a effectué l'inspection préachat.

[88] Les intimés avaient le choix du recours : soit l'annulation de la vente ou la réduction de prix. Ils ont finalement opté pour la réduction de prix. M. Laperrière explique ce qui a motivé son choix :

Q […] Pouvez-vous peut-être exposer les motivations qui ont justifié ce choix?

R Bien c'est facile à comprendre. La… l'évaluateur qui était venu faire l'évaluation de la maison pour la banque TD à l'hiver deux mille trois (2003), j'ai réussi à le recontacter. Puis lui il est revenu au printemps deux mille six (2006) faire une nouvelle estimation de la valeur de la maison. L'estimé donné en date de l'hiver deux mille trois (2003) avait été donné à cent quatre-vingt-quatorze mille (194 000 $). Nous on avait payé cent quatre-vingt-onze (191 000 $). Et lorsque l'évaluateur est revenu en… au printemps… au printemps deux mille six (2006), la valeur de la maison, lui a dit : "Regarde. Il dit, si la maison n'a pas de fissure, pas de problème de structure là, il dit, ta maison, elle vaut deux cent soixante-dix (270 000 $)." Ça fait que si on me remet comme j'étais au moment de l'achat, je perds quatre-vingt mille (80 000 $).

[89] En demandant la réduction de prix, l'acheteur choisit de conserver le bien vendu, mais demande que le prix soit réduit pour tenir compte du vice affectant le bâtiment. Par ailleurs, les auteurs s'entendent pour dire que la réduction de prix ne doit pas être disproportionnée par rapport à la valeur du bien ou encore du prix payé pour ce bien : Pierre-Gabriel Jobin et Michelle Cumyn, La vente, précité, p. 239-241.

[90] Selon les appelants, la réduction du prix est disproportionnée en regard du prix de vente. La maison a été vendue pour 191 000 $ et la juge du procès a accordé la somme demandée par les intimés à titre de réduction du prix, soit 162 961,64 $, même si elle a partagé la responsabilité également entre les appelants pour leur faire supporter le coût des réparations.

[91] Le principe veut que l'acheteur ne puisse s'enrichir aux dépens du vendeur en matière de réduction de prix. Comme le rappelle le juge Rochon dans l'arrêt Verville c. 9146-7308 Québec inc., [2008] R.J.Q. 2025 (C.A.) :

[56] En la matière, le choix du recours (rédhibitoire ou estimatoire) appartient au créancier de l'obligation. S'il estime que les vices rendent le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou en diminuent tellement l'utilité au point où il ne l'aurait pas acheté, le créancier demandera l'annulation de la vente. S'il est plutôt d'avis que malgré les vices, il aurait tout de même acheté mais à un prix inférieur, pour tenir compte du déficit d'usage, il exigera une réduction du prix de vente. Dans la mesure où l'acheteur opte pour ce dernier recours, il ne peut obtenir qu'une réduction du prix de vente et encore faut-il que celle-ci soit raisonnable eu égard aux circonstances appropriées (1604(3) C.c.Q.). Ainsi il ne saurait être question d'ordonner la restitution intégrale du prix payé tout en permettant à l'acheteur de conserver la propriété du bien vendu.

[…]

[59] Dans le cas de l'action estimatoire, le tribunal intervient dans un rapport contractuel pour modifier à la baisse le prix d'achat. Pour le guider, le législateur lui demande de tenir compte « de toutes les circonstances appropriées » (1604(3) C.c.Q.) afin de déterminer le prix que l'acheteur aurait donné s'il avait connu les vices cachés (1726 C.c.Q.).

[60] Cet exercice judiciaire fait appel au pouvoir souverain d'appréciation du juge de première instance. Cette discrétion judiciaire s'effectue à l'aide de certains paramètres.

[61] La réduction du prix de vente doit être possible et raisonnable. Dans la mesure où le créancier de l'obligation opte pour la réduction du prix de vente, il y a lieu de présumer que le bien vendu a certes un déficit d'usage, mais qu'il conserve une valeur autre que symbolique. Comme je l'ai mentionné plus haut, il ne saurait être question, dans le cadre d'une action en réduction, de restituer intégralement à l'acheteur le prix d'acquisition tout en lui permettant de conserver le bien vendu.

[62] Règle générale, les tribunaux font montre de souplesse dans l'appréciation du préjudice causé au créancier. Ils pondèrent la réduction de façon à ne pas enrichir indûment le créancier.

[Je souligne.]

[92] Selon les auteurs, la réduction du prix s'évalue en fonction du coût des réparations qui seront nécessaires pour remédier au vice. Il faut également tenir compte du prix qu'aurait accepté de payer l'acheteur s'il avait connu le vice affectant le bâtiment tout comme de celui pour lequel le vendeur aurait accepté de le vendre, s'il eut connu le vice. En l'occurrence, la juge de première instance n'a pas fait l'exercice de pondérer ou d'arbitrer le coût des travaux réclamés, alors que l'appréciation des dommages représente un élément important au dossier.

[93] À la date d'audition du procès, les intimés n'avaient pas encore entrepris de réparations et ils habitaient leur maison avec leurs enfants. Ils n'ont donc pas engagé de dépenses à l'égard du vice caché, outre les expertises effectuées dans le cadre des poursuites judiciaires. Il faut également tenir compte du fait que la propriété conserve une certaine valeur malgré le problème qui l'affecte.

[94] Par ailleurs, il n'est pas raisonnable de croire que M. Lahaie aurait vendu sa maison pour 28 039 $ (191 000 $ – 162 961 $) si l'on tient compte de sa valeur marchande. Il s'agit d'une maison neuve de deux étages, d'une superficie assez grande - 34 x 35 pieds -, ayant trois chambres à coucher à l'étage avec un garage adjacent à la propriété. La grandeur du terrain est de 17 105 pieds carrés.

[95] La réduction du prix doit s'évaluer en regard de toutes les circonstances et non uniquement en fonction des coûts projetés qui semblent excessifs en l'espèce. De fait, la condamnation octroyée équivaut presque à permettre à l'acheteur d'obtenir le remboursement du prix payé tout en conservant la maison. Comme le précise le juge Rochon dans l'arrêt Verville, précité, « Règle générale, les tribunaux font montre de souplesse dans l'appréciation du préjudice causé au créancier. Ils pondèrent la réduction de façon à ne pas enrichir indûment le créancier. » Il s'agit d'une mesure d'équité pour le vendeur.

[96] Il est acquis que l'installation de pieux ajoutera à la valeur de la maison, surtout qu'il semble que plusieurs maisons de ce secteur ont un problème comparable dû à la fragilité des sols. À cet égard, il y a lieu de distinguer les faits de l'espèce à ceux de l'arrêt Préseault c. Inspec-Tech inc., précité, où la Cour a conclu que les travaux d'installation de pieux pour solidifier un mur latéral n'ajoutaient aucune plus-value en ce qu'ils donnaient la solidité à laquelle les acheteurs étaient en droit de s'attendre en achetant leur maison.

[97] Ici, ce secteur de Saint-Amable comporte de l'argile affleurante recouverte d'une couche de sable qui nécessite des fondations spéciales selon le cahier du service de géotechnique du ministère des Richesses naturelles. Selon la preuve, plusieurs propriétés existantes n'ont pas à l'heure actuelle des fondations sur pieux. Nécessairement, cette réparation ajoutera à la plus-value de la propriété en lui conférant une stabilité, d'autant qu'il s'agit d'une maison neuve attrayante. D'ailleurs, l'affirmation de M. Laperrière que sa maison serait évaluée à 270 000 $ selon l'évaluateur de l'institution bancaire, et ce, en 2006, le confirme. Cette plus-value de 79 000 $ doit être prise en compte dans la détermination de la réduction du prix, surtout que les travaux nécessaires pour corriger le vice vont augmenter la valeur de la maison pour ce secteur de Saint-Amable affecté d'un problème de capacité portante des sols : Pierre-Gabriel Jobin et Michelle Cumyn, La vente, précité, p. 240.

[98] À ceci s'ajoute le fait que l'évaluation des coûts faite par M. Desrosiers prévoit deux projets, un pour la pose des pieux et le projet « clé en main » où la peinture et le terrassement sont entièrement refaits. Le fait d'octroyer le coût du projet clé en main est étonnant d'autant que M. Laperrière a affirmé qu'il avait attendu avant de repeindre la maison que sa cause soit réglée. C'est donc qu'il avait déjà l'intention au moment de son déménagement de repeindre les pièces.

[99] De plus, l'imperméabilisation complète de la fondation ne saurait être rattachée au vice invoqué puisqu'il n'y a pas eu d'infiltration d'eau. D'ailleurs, comme l'indique M. Desrosiers, ces travaux d'imperméabilisation au moyen d'une membrane ont été ajoutés dans sa soumission du 11 septembre 2006, qu'il évalue à 2 500 $.

[100] Il y a donc lieu de modifier le montant de la réduction de prix en tenant compte de facteurs tels que le prix payé pour la maison, qu'une somme de 1 200 $ avait déjà été créditée aux intimés pour effectuer la réparation des fissures, le vice n'a pas rendu la maison inhabitable puisque les intimés l'habitent avec leurs trois enfants depuis juin 2003, le coût des réparations nécessaires et non celles que l'on souhaiterait apporter et la plus-value acquise à la suite de ces réparations.

[101] Il vaut de souligner que la soumission quant aux réparations prévoit la pose de pieux à une distance de huit pieds. Or, selon l'expert Gauvin, l'installation des pieux à une distance de 10 pieds pourrait être envisagée. Il faut également tenir compte du contexte de l'expertise. Cet expert reconnaît qu'il a fait son évaluation en retenant le pire scénario :

Écoutez, encore une fois il faut faire attention. Quand on fait un calcul de la capacité portante, on doit prendre la pire des conditions pour protéger l'ouvrage et assurer la pérennité de l'ouvrage. C'est vrai que la nappe [phréatique] peut varier dans le temps.

Mais moi, en tant que concepteur et spécialiste en géotechnique, quand je fais mon calcul de capacité portante je vais considérer pas la condition la plus favorable qui va être valable peut-être vingt-cinq (25%), trente (30%), cinquante pour cent (50%) du temps ou soixante pour cent (60%) du temps, mais une condition qui est la pire des conditions qui est susceptible d'arriver pour éviter que la résidence et la fondation subissent un tort.

[102] Ces considérations augmentent la valeur des coûts, mais outre la solidité de la structure, les réparations ajoutent à plus d'un égard des aspects qui n'ont pas de lien avec le vice caché, notamment l'imperméabilisation complète de la fondation qui est prévue à la soumission alors qu'aucun problème d'infiltration d'eau n'a été décelé par les experts tel que relaté précédemment. Ces améliorations pourront être apportées par les intimés s'ils le désirent, mais à leur frais.

[103] Si l'on tient compte de la soumission de M. Desrosiers, mise à jour à la date du procès, il y a lieu de réduire de la somme réclamée pour l'installation des pieux, celle prévue pour l'imperméabilisation complète de la fondation et prendre en compte le fait que l'installation des pieux peut se faire à une distance de plus ou moins 10 pieds. Il y a lieu d'octroyer 95 000 $ au lieu des 106 000 $ réclamés à ce poste. Quant au projet clé en main qui prévoit 20 700 $ pour la peinture intérieure et l'aménagement paysager à refaire, il y a lieu d'accorder 4 000 $ au poste de l'aménagement extérieur puisque les arbustes et plantations ornant le terrain peuvent être conservés et replantés par la suite. À ceci s'ajoute le 12 % d'augmentation si les travaux sont effectués en 2007 et les taxes tant fédérale que provinciale, les coûts atteignant la somme de 125 155 $ (95 000 $ + 4 000 $ + 11 880 $ + 5 544 $ (TPS) + 8 731 $ (TVQ)).

[104] Si l'on déduit la plus-value de 79 000 $ et 1 200 $ crédité aux intimés lors de l'achat pour la réparation des fissures, la réduction du prix de vente totalise 44 955 $ que devront payer les appelants Lahaie et Lanthier.

[105] Je propose donc d'accueillir l'appel, avec dépens, de réduire la condamnation des appelants Lahaie et Lanthier à 44 955 $, avec l'intérêt légal et l'indemnité additionnelle à compter du 1er janvier 2008 étant donné que le coût des travaux a été indexé jusqu'en 2007, avec dépens, incluant les frais d'expertise et de présence au tribunal des experts Varin et Gauvin.

[106] Je propose également d'accueillir l'appel de Néron et Les Experts en bâtiments du Québec, avec dépens, et de rejeter l'action, avec dépens.






LISE CÔTÉ, J.C.A.






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[1] Voir également Marcoux c. Picard, 2008 QCCA 259 .